664 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [23 août 1791.] d’une opinion particulière eût jamais l’apparence de lutter, mais aujourd’hui, il est de mon devoir d’éclairer l’opinion publique et d’éclairer la vôtre; et je déclare que je le ferai courageusement. Mais si le bien vous est cher, Messieurs, ne cherchons point à établir sur cet objet de vaines discussions entre nous. Il n’existe plus pour tous qu’un intérêt commun: c’est l’intérêt de la patrie; c’est l’intérêt réel, très grave, très-important dans l’affaire dont il s’agit. Réunissons nosefforts pour la conduire à bien, s’il est possible et pour rétablir les maux déjà faits, que chacun s’y prête : qu’on éloigne toute espèce de partis et d’opinions antérieurs ; qu’on examine si l’on veut de nouveau des objets sur lesquels je promets de rendre mes opinions claires et indubitables. Je suis de cet avis ; mais qu’on ne trompe pas l’opinion publique, parce que c'est là le véritable moyen d’exciter une sécurité qui produirait tôt ou tard de très grands désastres pour la patrie. Je conclus seulement à ce qu’on veuille bien se pénétrer de l’importance de la chose, à ce que les esprits se réunissent pour y porter remède; et quant au surplus des mesures à adopter, je porterai mon opinion, déjà faite sur ce point, dans la réunion des comités décrétée par l’Assemblée. M. Louis Monneron. Je dois présumer que les réflexions de M. Barnave me regardent, parce que je suis le premier qui ai dit, dans latribuDe, que l’arrivée du décret du 15 mai avait causé quelque fermentation à Saint-Domingue, mais qu’on n’en augurait rien de fâcheux. Je n’ai dit que cela, et je m’engage de le prouver par des lettres originales. Quant aux travaux des comités et surtout du comité colonial, nous devons nous plaindre avec raison de sa négligence ; j’en donnerai pour preuve, lorsqu’il a été question de rédiger l’instruction qui devait accompagner l’envoi du décret du 15 mai, M. Dupont, qui l’a rédigée, vous dira qu’il n’a jamais pu rassembler plus de 2 membres dans les comités qui sont de 48. (Murmures.) Plusieurs membres : Cela n’est pas. M. de La Rochefoucauld. Je demande à faire une motion d’ordre. Je ne crois pas que ce soit le moment de discuter le fond de la question, de discuter les mesures que vous aurez à prendre. Sans doute il en faut de sérieuses pour l’exécution de votre décret du 15 mai ; mais l’Assemblée ne doit pas perdre un temps précieux en discussions qui n'aboutiraient à rien; elle a ordonné hier, au comité colonial, de lui rendre le compte le plus prompt des évènements arrivés à Saint-Domingue et de la situation de cette île; elle a décrété qu’il serait adjoint au comité colonial 6 membres. Je demande que la nomination de ces 6 membres soit faite aujourd’hui, et que le comité ainsi formé, travaille sans relâche à remplir la mission dont vous l’avez chargé. (L’Assemblée, consultée, adopte la motion de M. de La Rochefoucauld.) M. le Président invite, en conséquence, les membres de l’Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination des 6 membres à adjoindre au comité des colonies. La séance est levée à quatre heures. PREMIÈRE ANNEXE À LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 23 AOUT 1791. LETTRE de M. de Gouy d’Arsy, député de Saint-Domingue à V Assemblée nationale. Paris, ce 23 août 1791. Monsieur le Président, J’ai appris hier, qu’avant mon arrivée à la séance, il y avait été fait lecture d’une lettre du gouverneur général de Saint-Domingue, propre à donner de justes alarmes sur la nature des événements qui ont suivi la réception du décret du 15 mai dernier. J’ai su aussi qu’au même instant un des membres de cette Assemblée qui ont sollicité le plus ce décret contre l’avis unanime des députés des colonies, m’avait imputé tous les malheurs qu’il entraînait, et les avait attribués tous à une lettre écrite à mes commettants, dont il a déposé un exemplaire sur le bureau (1). Je n’examinerai pas par quel crime ma correspondance particulière a été, pour la troisième fois, violée par les ennemis des colons. Je n’examinerai pas si le remords d’avoir soutenu une opinion erronée, pouvait excuser dans nos adversaires l’inconséquence de présenter à l’Assemblée nationale, à titre d’accusation contre un de ses membres, un imprimé sur lequel on a frauduleusement placé mon nom; une lettre signée par la main d’un faussaire maladroit, qui n’a même pas cherché à imiter ma signature. Mais je répondrai à tous, Messieurs les dénonciateurs passés, présents et à venir, que rien ne déjoue leurs manœuvres et ne démasque la petitesse de leurs moyens, comme ces dénonciations aussitôt abandonnées que produites; ils devraient pour leur honneur, en conduire une à bien, la mienne, par exemple ; et pour me servir de leurs propres termes, avoir la douceur de trouver une victime. Je les supplie de se rappeler que j’ai été dénoncé, il y a un an, pour avoir été le moteur d’un décret rendu à Saint-Domingue, le 28 mai, d’après une lettre de moi, qui n’y arriva que le 16 juin. Cette vieille dénonciation a été rajeunie, il y a 6 mois ; et depuis cette époque tous mes efforts, toutes mes instances n’ont pas pu obtenir un quart d’heure d’examen des 4 comités qui furent nommés pour en connaître. Je désirerais vivement qu’on voulût bien solder cet ancien compte, parce que, si je dois, comme le disent ces Messieurs, être pendu, pour avoir écrit une lettre privée à un de mes amis, on n’aura pas besoin d’examiner aujourd’hui si je dois l’être pour avoir expédié une missive officielle à mes commettants. Oui, assurément, je leur en ai adressé une très détaillée au sujet du décret du 15 mai. Je ne sais pas si celle qu’on vous a présentée est la mienne, attendu que ceux qui sont capables de corrompre mes bureaux, peuvent bien cartonner mes ouvrages. Mais je déclare ici, comme je le fis l'année dernière en pareille circonstance, que je me glorifie de celle que j’ai écrite dans cette dernière occasion; que j’écrirai toujours dans le même (1) Voy. ci-dessus, séance du 22 août 1791, page 628.