SÉANCE DU 25 MESSIDOR AN II (13 JUILLET 1794) - Nos 54-55 127 54 « La citoyenne Gandelet est admise à la barre, et sur sa pétition convertie en motion, la Convention décrète ce qui suit : « Sur la pétition de la citoyenne femme Gandelet, convertie en motion par un membre, la Convention nationale décrète qu’il sera payé à la pétitionnaire un mois du traitement et de la ration de fourrage dont jouissoit le citoyen Louis Gandelet, son mari, en qualité de sous lieutenant au ci-devant corps des dragons de la Manche, incorporé depuis dans le régiment des hussards de Gemmap; et cela, pour l’indemniser du temps qui s’est écoulé depuis le 16 septembre 1793 (vieux style), époque de la suppression du citoyen Gandelet, jusqu’au 18 octobre suivant, époque de son remplacement dans la gendarmerie nationale. « La Convention nationale renvoie la pétition à la commission de la guerre, pour faire exécuter sur-le-champ le présent décret. »(l). 55 La société populaire séante aux ci-devant Jacobins est admise [au milieu des plus vifs applaudissements] ; elle vient retracer le tableau du 14 juillet. Nous venons, dit l’orateur, préluder à la solemnité de ce beau jour : entourer de l’expression de notre confiance et de notre joie la Convention nationale est pour nous une fête civique. Résolus comme vous à maintenir la République ou à mourir pour elle, nous aimons à vous redire que l’affermissement éternel de la liberté sera le fruit impérissable de vos vertus et de celles du peuple souverain que vous êtes dignes de représenter : et toi, immortel Marat, c’est le 13 juillet que des scélérats ont cru te faire périr ! ils se sont trompés; ton ame s’est élevée vers l’Etre-Suprême, et ton cœur anime celui de tous les jacobins (2). L’Orateur : Représentai du peuple fran-çois, Depuis 5 années révolues, la France est debout contre la tyrannie. Le Peuple françois, lassé du despotisme, fatigué de l’orgueil et des vices de 2 castes oppressives, honteux de la bassesse et des crimes de la cour, indigné des dilapidations scandaleuses du produit des sueurs du pauvre, effrayé de la mauvaise foi du gouvernement, affamé par les spéculations populi-cides du tyran, menacé par la réunion imposante d’une troupe armée, se leva le 14 juillet, renversa d’une main toute puissante les murs tonnans de la bastille, suppléa par des actes de justice populaire à l’absence des loix et à la corruption de leurs agens, et porta au crime et à la mortel. royauté le premier coup [vifs applaudissements] Sois à jamais heureux sois à jamais sacré parmy les hommes, ô jour qui vins imprimer le premier mouvement de terreur dans l’ame des ennemis du Peuple, et offrir le premier rayon d’espérance aux amis de la Liberté et de la vertu ! Qu’à ton souvenir bientôt s’écroule la tour de Londres, s’éteignent les bûchers de l’Espagne et de Rome, que tous les trônes s’affaissent et entraînent dans le néant les oppresseurs du monde ! [Vive la République ! s’ecrie-t-on de toutes parts. Vifs applaudissements (l). L’histoire qui transmettra à nos derniers neveux le tableau de ce grand jour, ne taira pas l’hypocrite popularité des ambitieux, des intrigans, des calculateurs, qui des lors projetterent de substituer leurs passions à la chose publique, d’opposer des factions à des factions, de remplacer par une tyrannie neuve une tyrannie que le temps et les excès avoient usée. Au milieu de ces personnages factices dont l’égoïsme dictoit le rôle et dirigeoient les mouve-mens, on verra le peuple françois grand de sa propre majesté, fort de son unique puissance, sage par sa seule vertu, conduisant, à travers les manœuvres de la cour, des nobles et des prêtres, au milieu des trahisons de ses agens, de ses généraux et de ses mandataires infidèles, le char de la révolution vers l’azile de la Liberté, vers le gouvernement démocratique, vers la République une et indivisible. [On applaudit à plusieurs reprises]. Non ils n’étoient point les hommes du 14 juillet, ces factieux intrigans qui voulurent faire rétrograder la liberté du Peuple; fédéraliser les départe - mens ; corrompre la conscience publique ; calomnier, diviser, dissoudre ou égorger la Convention Nationale. Non ils n’étoient point les hommes du 14 juillet ceux qui ne furent pas jusques à ce moment même, ceux qui ne seront pas jusqu’à leur dernier soupir les vrais amis du Peuple, les amis de la liberté et de l’égalité; les soutiens de l’unité et de l’indivisibilité de la République L . [Applaudissements] Ils étoient les hommes du 14 juillet ces soldats fidèles a la Patrie, rebelles aux tyrans, et depuis égorgés par le monstre Bouillé. Ils étoient les hommes du 14 juillet ces vainqueurs de la bastille, vainqueurs encore du fanatisme de la Vendée et du Royalisme de Lyon. Ils étoient les hommes du 14 juillet ces patriotes assassinés au champ de Mars par l’ordre des traîtres, ces jacobins proscrits par tous les tyrans, ces Républicains morts ou triomphans dans la journée du 10 août; ces sauveurs de l’ouest, ces libérateurs du port de la Montagne, ces régénérateurs du midy, ces triomphateurs des pyrénées et des alpes, du Rhin, de la Sambre et de la Meuse, ces braves marins dignes d’avoir eu pour camarades les héros immortels du vengeur, ces citoyens de la France entière qui se réveilleront ensemble du sommeil de l’esclavage pour ne plus fermer les yeux à la Liberté. (l) P.V., XLI, 226. Minute de la main de Marée, Décret n° 9917. J. Univ., n° 1694. (2) P.V., XLI, 225-226. (l) Mon., XXI, 212. SÉANCE DU 25 MESSIDOR AN II (13 JUILLET 1794) - Nos 54-55 127 54 « La citoyenne Gandelet est admise à la barre, et sur sa pétition convertie en motion, la Convention décrète ce qui suit : « Sur la pétition de la citoyenne femme Gandelet, convertie en motion par un membre, la Convention nationale décrète qu’il sera payé à la pétitionnaire un mois du traitement et de la ration de fourrage dont jouissoit le citoyen Louis Gandelet, son mari, en qualité de sous lieutenant au ci-devant corps des dragons de la Manche, incorporé depuis dans le régiment des hussards de Gemmap; et cela, pour l’indemniser du temps qui s’est écoulé depuis le 16 septembre 1793 (vieux style), époque de la suppression du citoyen Gandelet, jusqu’au 18 octobre suivant, époque de son remplacement dans la gendarmerie nationale. « La Convention nationale renvoie la pétition à la commission de la guerre, pour faire exécuter sur-le-champ le présent décret. »(l). 55 La société populaire séante aux ci-devant Jacobins est admise [au milieu des plus vifs applaudissements] ; elle vient retracer le tableau du 14 juillet. Nous venons, dit l’orateur, préluder à la solemnité de ce beau jour : entourer de l’expression de notre confiance et de notre joie la Convention nationale est pour nous une fête civique. Résolus comme vous à maintenir la République ou à mourir pour elle, nous aimons à vous redire que l’affermissement éternel de la liberté sera le fruit impérissable de vos vertus et de celles du peuple souverain que vous êtes dignes de représenter : et toi, immortel Marat, c’est le 13 juillet que des scélérats ont cru te faire périr ! ils se sont trompés; ton ame s’est élevée vers l’Etre-Suprême, et ton cœur anime celui de tous les jacobins (2). L’Orateur : Représentai du peuple fran-çois, Depuis 5 années révolues, la France est debout contre la tyrannie. Le Peuple françois, lassé du despotisme, fatigué de l’orgueil et des vices de 2 castes oppressives, honteux de la bassesse et des crimes de la cour, indigné des dilapidations scandaleuses du produit des sueurs du pauvre, effrayé de la mauvaise foi du gouvernement, affamé par les spéculations populi-cides du tyran, menacé par la réunion imposante d’une troupe armée, se leva le 14 juillet, renversa d’une main toute puissante les murs tonnans de la bastille, suppléa par des actes de justice populaire à l’absence des loix et à la corruption de leurs agens, et porta au crime et à la mortel. royauté le premier coup [vifs applaudissements] Sois à jamais heureux sois à jamais sacré parmy les hommes, ô jour qui vins imprimer le premier mouvement de terreur dans l’ame des ennemis du Peuple, et offrir le premier rayon d’espérance aux amis de la Liberté et de la vertu ! Qu’à ton souvenir bientôt s’écroule la tour de Londres, s’éteignent les bûchers de l’Espagne et de Rome, que tous les trônes s’affaissent et entraînent dans le néant les oppresseurs du monde ! [Vive la République ! s’ecrie-t-on de toutes parts. Vifs applaudissements (l). L’histoire qui transmettra à nos derniers neveux le tableau de ce grand jour, ne taira pas l’hypocrite popularité des ambitieux, des intrigans, des calculateurs, qui des lors projetterent de substituer leurs passions à la chose publique, d’opposer des factions à des factions, de remplacer par une tyrannie neuve une tyrannie que le temps et les excès avoient usée. Au milieu de ces personnages factices dont l’égoïsme dictoit le rôle et dirigeoient les mouve-mens, on verra le peuple françois grand de sa propre majesté, fort de son unique puissance, sage par sa seule vertu, conduisant, à travers les manœuvres de la cour, des nobles et des prêtres, au milieu des trahisons de ses agens, de ses généraux et de ses mandataires infidèles, le char de la révolution vers l’azile de la Liberté, vers le gouvernement démocratique, vers la République une et indivisible. [On applaudit à plusieurs reprises]. Non ils n’étoient point les hommes du 14 juillet, ces factieux intrigans qui voulurent faire rétrograder la liberté du Peuple; fédéraliser les départe - mens ; corrompre la conscience publique ; calomnier, diviser, dissoudre ou égorger la Convention Nationale. Non ils n’étoient point les hommes du 14 juillet ceux qui ne furent pas jusques à ce moment même, ceux qui ne seront pas jusqu’à leur dernier soupir les vrais amis du Peuple, les amis de la liberté et de l’égalité; les soutiens de l’unité et de l’indivisibilité de la République L . [Applaudissements] Ils étoient les hommes du 14 juillet ces soldats fidèles a la Patrie, rebelles aux tyrans, et depuis égorgés par le monstre Bouillé. Ils étoient les hommes du 14 juillet ces vainqueurs de la bastille, vainqueurs encore du fanatisme de la Vendée et du Royalisme de Lyon. Ils étoient les hommes du 14 juillet ces patriotes assassinés au champ de Mars par l’ordre des traîtres, ces jacobins proscrits par tous les tyrans, ces Républicains morts ou triomphans dans la journée du 10 août; ces sauveurs de l’ouest, ces libérateurs du port de la Montagne, ces régénérateurs du midy, ces triomphateurs des pyrénées et des alpes, du Rhin, de la Sambre et de la Meuse, ces braves marins dignes d’avoir eu pour camarades les héros immortels du vengeur, ces citoyens de la France entière qui se réveilleront ensemble du sommeil de l’esclavage pour ne plus fermer les yeux à la Liberté. (l) P.V., XLI, 226. Minute de la main de Marée, Décret n° 9917. J. Univ., n° 1694. (2) P.V., XLI, 225-226. (l) Mon., XXI, 212.