620 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j afin de s’assurer s’il n’y en a point dont l’exploi¬ tation soit négligée. Art. 10. « S’il se trouve dans une commune du ter¬ rain négligé qui donne l’espérance d’un assez grand produit pour mériter un atelier, l’agent du district le fera établir sous la surveillance de la municipalité, ainsi qu’il a été dit à l’article 3. Art. 11. « Dans le cas où une municipalité aurait be¬ soin de quelque avance de fonds pour subvenir aux premières dépenses de cet établissement, elle en fera la demande à l’administration de district, qui, sur le rapport de son agent, sera autorisée à l’accorder. Cette somme sera prise dans la caisse du receveur du district, et sera remplacée sur le produit du salpêtre récolté par cet ate¬ lier; et en cas d’insuffisance, par une addition d’imposition sur les habitants de la commune. Art. 12. « Les citoyens et les municipalités porteront ou feront porter leur salpêtre au chef-lieu de district, à des époques qui seront fixées par l’Administration. « Là, l’agent du district jugera si le salpêtre est d’une qualité suffisante, et en constatera la quantité en présence d’un commissaire nommé à cet effet par l’administration de district. Ce commissaire délivrera aux porteurs des recon¬ naissances de la valeur des salpêtres reçus, qui seront acquittées à l’instant par le receveur du district. « L’état de la recette des matières et des paye¬ ments sera envoyé par l’administration de dis¬ trict au ministre des contributions publiques, qui fera remplacer sans délai le montant de ces sommes dans la caisse du receveur. Art. 13. « Les salpêtres ainsi rassemblés dans les chefs - lieux de district seront à la disposition de la régie des poudres, qui les fera transporter dans ses établissements pour le raffinage. Art. 14. « Le ministre des contributions publiques, sur la demande de la régie des poudres, est autorisé à augmenter le nombre des agents de cette régie, en proportion de l’augmentation de ses travaux. « Il sera mis à la disposition de ce ministre une nouvelle somme de 4 millions pour subvenir à la dépense de la fabrication des salpêtres et poudres. Cette somme sera augmentée par la suite, s’il est nécessaire; 14 frimaire an II 4 décembre 1793 Art. 15. « Lorsque l’agent de district jugera que les terrains salpêtrés peuvent être exploités dans l’année par les salpêtriers ordinaires de l’arron¬ dissement, ou lorsque les ateliers de la régie suffiront pour exploiter les terres salpêtrées, les citoyens ne pourront point se livrer à l’extrac¬ tion du salpêtre de leur terrain. « Les administrations de district veilleront à ce que l’exécution de cet article n’introduise des abus qui tendraient à priver la République d’une partie de la récolte de salpêtre qu’elle a droit d’attendre d’une exploitation active, et dans ce cas elles en informeront promptement le comité de Salut public. Art. 16. *« Le ministre des contributions publiques est chargé de l’exécution du présent décret dans tout ce qui a rapport au service de la régie des poudres. Le comité de Salut public surveillera cette exécution dans toutes ses parties. La Con¬ vention nationale la recommande à la vigilance patriotique des Sociétés populaires. » Instruction pour tous les citoyens qui VOUDRONT EXPLOITER EUX-MÊMES DU SAL¬ PÊTRE. Envoyée dans toutes les municipalités par le co¬ mité de Salut public de la Convention nationale, conformément au décret du 14 frimaire de Van II de la République une et indivisible (1). La Convention nationale, par son décret du 14 de ce mois, a invité tous les citoyens à recueillir eux-mêmes le nitre ou salpêtre qui se forme dans la terre de leurs caves, écuries, granges, celliers, remises, et autres lieux bas des habitations, ainsi que celui qui se trouve dans les décombres de leurs bâtiments. Elle leur donne la faculté de le vendre à la régie des poudres 24 sols la livre, afin que chacun, en servant la République, tire un nouveau produit de sa propriété. Le nitre ou salpêtre est, comme l’on sait, la principale matière qui entre dans la composi¬ tion de la poudre de guerre. Quel est donc le républicain qui ne s’efforcera pas d’en fournir à sa patrie? Le travail en est facile; chacun dans son ménage pourra l’exécuter en suivant les procédés que l’on va exposer. (1) Cette instruction, qui comprend 7 pages in-8°, îait suite au rapport de Prieur (de la Côte-d'Or ), sur le salpêtre. On la trouve encore, dans le format in-folio, à la suite du Bulletin de la Convention du 14 frimaire, et dans le format in-quarto, à la Biblio¬ thèque nationale (4 pages in-4°, L“6, n° 3559). Le Moniteur universel la reproduit également à la suite du rapport de Prieur (de la Côte-d'Or), mais avec un certain nombre de variantes intéressantes pour le lecteur. Aussi avons-nous cru utile de donner la version du Moniteur en annexe. (Voy.ci-après, p.645.) [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “-03 621 Ces procédés se réduisent à trois opérations principales : 1° Reconnaître et choisir les terres salpêtrées; 2° Lessiver ces terres; 3° Evaporer ou réduire la lessive pour en obtenir le salpêtre. Première opération. Du choix et de la fouille des terres. Toutes les terres ne sont pas également propres à la fabrication du salpêtre. Une terre mêlée de beaucoup de sable, ou fort graveleuse, en contient rarement; il en est de même de celle où la glaise domine; mais les terres végé¬ tales, marneuses, coquillières, et les craies, sont très favorables à la production de ce sel. Il ne se forme point dans les lieux trop secs, et une trop grande humidité lui est également con¬ traire; enfin dans les lieux même où il se forme le plus abondamment, il est des places qui en contiennent beaucoup, et d’autres fort peu. La partie, par exemple, d’une écurie ou d’une ber¬ gerie qui est le plus habituellement imprégnée de l’urine des animaux, en contient peu; on en trouve davantage à mesure qu’on se rapproche de la mangeoire : il est plus uniformément ré¬ pandu dans les caves. La première connaissance nécessaire pour l’extraction du salpêtre, est celle des signes aux¬ quels on distingue une terre qui en contient, de celle qui en est dépourvue; il y a plusieurs moyens pour parvenir à ce but ; le plus simple, celui qui peut suppléer à tous les autres, consiste à goûter la terre qu’on soupçonne salpêtrée. On creuse dans cette terre, d’abord à 2 ou 3 pouces de profondeur; on en prend une petite portion, sur laquelle on applique la langue pendant un instant. Si la terre est salpêtrée, on la trouve fraîche, amère, légèrement piquante et un peu salée; si elle ne l’est point, elle est insipide comme la terre des champs ; on continue ensuite à creuser et à faire l’essai de la terre, jusqu’à ce qu’on n’y trouve aucune saveur ; on fait cette épreuve dans 5 ou 6 endroits du local dont on se propose d’extraire la terre salpêtrée, et l’on est en état de reconnaître ainsi toute la quantité de terre qu’on peut exploiter avec succès. Deuxième opération. Du lessivage des terres salpêtrées. Le salpêtre se dissout dans l’eau, comme le sucre ou comme le sel de cuisine. Si donc on délaie une terre salpêtrée dans une quantité suf¬ fisante d’eau, le salpêtre se fond ou se dissout, mais la terre ne se fond pas : c’est ce qui donne le moyen de séparer le salpêtre de la terre par le lessivage. Pour cela, on rassemble des cuviers ou des tonneaux; on divise par la scie chaque tonneau en deux parties, qui deviennent par là deux cuviers, au moyen d’une bonde ou d’un trou que l’on fait au bas, comme pour les lessives des linges. L’atelier le plus simple est composé de trois de ces cuviers. Pour un travail plus considé¬ rable, on peut augmenter le nombre de ces cuviers, tfois par trois, autant qu'il est néces¬ saire; cela ne change rien au procédé que l’on va décrire, en supposant qu’ü n’y ait réelle¬ ment que trois cuviers. Chacun de ces cuviers ayant à son fond une bonde qui doit servir à l’issue de l’eau, on couvre cette bonde d’une poignée de paille qu’on assu¬ jettit avec une tuile ou un morceau de bois. On fait au fond du cuvier un ht de deux pouces d’épaisseur, de menu bois ou de sarment, qui sert à arrêter la terre, et à laisser filtrer l’eau. On remplit de terre les trois cuviers; ensuite on verse sur le premier de l’eau, jusqu’à ce qu’il en reste deux travers de doigt, qui surnage la terre. Après avoir laissé en repos le cuvier pen¬ dant environ trois heures, on remue la terre avec une pelle ou une spatule de bois. On laisse en¬ core reposer trois heures ; on ouvre la bonde, et on laisse écouler l’eau, que l’on reçoit dans un vaisseau placé au-dessous. L’eau qui sort du premier cuvier est repassée de la même manière sur le second, qui contient de la terre neuve; après cela, elle est assez char¬ gée de salpêtre, et on la réserve pour l’évapora¬ tion. On repasse de l’eau nouvelle d’abord sur le premier cuvier; ensuite on la reporte sur le second, et enfin sur le troisième; et cette eau qui a passé en dernier lieu sur la terre neuve, est encore assez chargée, et doit être réservée pour l’évaporation. Cela fait, on remplit de terre neuve le premier cuvier, qui devient alors le troisième; on passe de l’eau nouvelle sur la terre qui a été lavée deux fois; on la reporte sur celle qui ne l’a été qu’une fois, et enfin sur la terre neuve, et on réserve encore cette eau pour l’évaporation. On continue ainsi de suite à renouveler la terre qui a été lavée trois fois, et à repasser de l’eau nouvelle sur les trois cuviers; de manière qu’on ne porte à l’évaporation que l’eau qui a passé sur trois cuviers, le dernier étant chargé de terre neuve, et que l’on ne renouvelle la terre d’un cuvier, que lorsqu’elle a été lessivée trois fois, et en dernier lieu par de l’eau pure. Les terres lessivées peuvent être reportées sans inconvénients dans les lieux d’où on les avait extraites. Elles s’y rechargent d’ elles - mêmes de salpêtre, et plus promptement encore qu’elles ne l’avaient fait la première fois. Si l’on ajoutait des cendres du feu aux terres à lessiver, on obtiendrait du salpêtre en plus grande quantité et plus pur : c’est la méthode des salpêtriers. Pour l’employer avec la plus grande économie possible, et sans se priver de l’usage que l’on a coutume de faire des cendres, il suffirait d’ajouter à l’eau que Ton verse sur les cuviers, les eaux qui ont servi à la lessive du linge, au Heu de les jeter. Ce moyen donne¬ rait une valeur très utile à une matière qu’on a mal à propos l’habitude de perdre, parce que jusqu’à présent la manière d’èn tirer parti n’avait pas été indiquée. Il faut néanmoins se garder d’employer les eaux de lessive qui contiennent de la soude; ainsi celles des blanchisseuses, à Paris, ne con¬ viennent point à cet objet. Troisième opération. De V évaporation. L’évaporation consiste à faire bouillir à petits bouillons, dans unô chaudière ou dans un chau- §âÛ (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �mbre�S dron, l’eau qui a passé sur les terres salpêtrées, jusqu’à ce qu’elle soit assez réduite pour don? ner son salpêtre par le refroidissement. A mesure que l’eau diminue, on remplit avec de l’eau salpêtrée nouvelle, tant qu’on en a; et pour éprouver si la liqueur est au degré convenable, on en prend une cuillerée qu’on fait refroidir, et dans laquelle on doit alors apercevoir de petites pointes brillantes en forme d’aiguilles. C’est la marque certaine que la liqueur est à son point, et alors on la retire de dessus le feu, ou on la verse dans des terrines de terre, de cuivre ou de fer, suivant qu’on les a à sa disposition. On laisse reposer cette liqueur pendant trois ou quatre jours ; il se forme au fond et tout autour du vase des cristaux brillants : c’est le salpêtre dans l’état où on doit le livrer. Il ne s’agit plus, pour l’obtenir, que de verser la liqueur qui le surnage et de la laisser égou¬ tter pendant quelques jours, en inclinant le vase. On a grand soin de recueillir cette eau et de ia réunir à celles de plusieurs opérations sem¬ blables, pour la faire évaporer de nouveau comme la première fois, parce qu’elle con¬ tient encorê une quantité considérable de sal¬ pêtre. Pendant cette seconde évaporation, il se forme des cristaux d’un sel différent du salpêtre : c’est du sel marin, du sel de cuisine. A mesure qu’il se forme, il faut le recueillir avec une écumoire, et le mettre dans un panier d’osier que l’on sus¬ pend au-dessus de la chaudière, pour ne rien perdre de ce qui peut en dégoutter. Quand à peu près la moitié de la liqueur est évaporée, on retire la chaudière, et on fait cris¬ talliser comme la première fois. Le sel marin dont on vient de parler peut ser¬ vir à plusieurs usages. Il peut être donné au bétail comme le sel ordinaire, après avoir été lavé dans une petite quantité d’eau pure. Il peut servir aux salaisons, et il a même l’avantagede leur donner une couleur rougeâtre; ce qui est dû. à une petite partie de salpêtre qu’il retient; et c’est pour obtenir cet effet que les charcutiers mêlent souvent un peu de salpêtre dans le sel dont ils font usage. L’eau qui surnageait la dernière cristallisa¬ tion et que l’on en a séparée, peut encore fournir du salpêtre; mais il faut une connaissance plus particulière de l’art du salpêtrier pour en obte¬ nir le produit, et il faut avoir à sa disposition une quantité suffisante de potasse ou de cendres : nous conseillons donc de réunir ces eaux, con¬ nues sous le nom à' Eaux Mères, et de les en voyer à l’ établissement de la régie des poudres le plus voisin, à moins que l’agent du district, celui de la commune, ou quelque homme expé¬ rimenté ne se charge de les traiter. Si chaque citoyen s’imposait le devoir de fournir au moins une livre de salpêtre, il en résul¬ terait presque en un instant un approvisionne¬ ment de 25 millions, qui serait plus que suffisant pour terrasser tous les esclaves des tyrans. > Le comité de Salut public, ayant approuvé l’instruction ci-dessus, arrête qu’en conformité du décret du 14 de ce mois, elle sera lue sous l’arbre de la liberté, dans toutes les communes de la République, trois décadis consécutifs, à compter du premier qui suivra la réception de cette instruction ; qu’elle sera affichée à demeure, et conservée à la municipalité pour être consultée au besoin par tous ceux qui voudront en faire usage. Paris, le 14 frimaire, l’an II de la République une et indivisible. Signé à V original : Les membres du comité de Salut public : Robespierre, Couthon, Carnot, Barère, Billaud-Varenne, Lindet, C.-A. Prieur. Sur la proposition d’un membre [Merlin {de Thionville ) (1)], « La Convention nationale, vu que le citoyen Targe, commandant de brigade de la légion des Francs, blessé à Saint-Symphorien et à Chollet. où il a reçu une baile qui lui traversa le bras et entra dans sa poitrine, est hors d’état de ser-vir de longtemps la République, décrète : « Le ministre de la guerre est autorisé à expé¬ dier un congé au citoyen Targe, commandant dé brigade de la légion des Francs. « Le ministre rendra compte dans trois jours des raisons qui se sont opppsées à çe qu’il ap¬ portât à la Convention nationale les noms des braves chasseurs qui ont traversé la rivière à la nage avec Targe à la journée du port Saint-Père (2). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité d’agriculture, dé¬ crète ce qui suit : Art. 4 (3). « Sont exceptés du dessèchement les étangs qui sont nécessaires pour alimenter les fossés de dé¬ fense des villes de guerre, les usines métallur¬ giques, les canaux de la navigation intérieure, le flottage, les papeteries, les filatures, les mou¬ lins à foulon, a scies et à poudre, pourvu que toutes ces usines aient été construites avant la présente loi. Art. 5. « Ne sont pas considérés comme étangs ni sujets au dessèchement ordonné par la présente loi, les réservoirs d’eau qui ont été destinés jus¬ qu’à présent à l’irrigation des prairies ou à abreu¬ ver les bestiaux, pourvu qu’ils ne contiennent pas plus d’un arpent; et s’ils ont une plus grande étendue; ils seront réduits à celle d’un arpent. (1) D’après la minute du décret qui se trouvé aux Archives nationales, carton G 282, dossier 790. 2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 355. 3) Les trois premiers articles sont au procès-ver¬ bal du 11. (Note du procès-verbal.) Les articles 4, 5 et 6 sont de Bourdon (de l'Oise ) et l’article 7 est de Gharlier. Ces articles qui ont été adoptés daris la séance du 13 frimaire (voy. Gi-dessus,p.575) figurent seulement au procès-verbal de la séance du 14.