[Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR prenez le mode d’augmentation en raison de la population, le nombre de 249 ne peut pas être fixé. Je sais bien que vous pourriez reporter les 249, par une espèce de contribution au marc la livre, sur les départements ; mais songez qu’alors vous vous mettrez dans un très grand inconvénient, parce que vous tomberez dans des fractions qui vous embarrasseront. Mais, Messieurs, il est bien plus simple de dire : les départements doubleront le nombre des députés qu’ils doivent fournir en raison de la population. Alors, toute espèce de difficulté disparaît. Quant à la seconde proposition qui vient d’être faite par M. de La Rochefoucauld, je crois qu’elle doit être divisée pour en faire un article additionnel particulier, et voici effectivement la difficulté que j’y aperçois ; c’est que, si vous dites simplement que les membres qui seront ajoutés par addition de population se retireront lorsque la révision sera faite, et si vous ne prenez pas le parti que vous a proposé M. Frochot dans son projet , qui était de dire que la législature, chargée de la révision, commencerait toujours ses séances par la révision, il en résulterait que, lorsque l’on voudrait prolonger sa présence, dans la prochaine législature, on aurait grand soin d’allonger la révision et de mêler la législature avec la révision. Ainsi, je demande la division de ce deuxième objet pour qu’il en soit fait un article additionnel auquel il faudra nécessairement ajouter la proposition que la quatrième législature commencera toujours ses opérations par la révision, et que la révision ffuie, le doublement se retirera. (L’Assemblée, consultée, décrète, conformément a la motion de M. d’André, amendée par M. Tronchet, que la quatrième législature chargée de la révision sera augmentée de 249 membres, lesquels seront nommés dans chaque département par doublement du nombre ordinaire qu’il doit fournir pour sa population.) M. de La Rochefoucauld. Je crois que voici le mode à suivre pour procéder aux élections pour une législature revisante : Les électeurs commenceront par procéder, comme pour les législatures ordinaires, d’après les trois bases des élections, à la nomination des membres de la législature. Gela fait, ils procéderont à l’électiou des représentants additionnels d’après la base de la population. Ainsi il sera fait un double procès-verbal d’élection : le premier comprendra les élections faites pour les représentants ordinaires à la législature; le second, les élections des membres additionnels. (La proposition de M. de La Rochefoucauld est mise aux voix et adoptée.) M. Gaultier-Riauzat. Je demande qu’on ait égard aux suppléants qui doivent être donnés à ces 249 membres parlementaires. M. d’André. Cela va sans dire. M. Ciombert. Sera-ce au commencement, à la Hd ou au cours de la législature que l’on s’occupera des articles à reviser ? M. d’André. La proposition de M. Gombert doit être renvoyée au moment où nous examinerons celle de M. de La Rochefoucauld, tendant à ce que les membres ajoutés à la quatrième législature se retirent une fois la révision faite, EMENTAIRES. [l*r septembre 791.] 131 proposition qui, je l’avoue, est très sage, mais qui demande, comme l’a dit M. Tronchet, un examen préalable sur le point de savoir à quelle époque de la législature se fera la révision. Mais il y a d’anord d’autres articles à présenter à l’Assemblée; il faut avant tout examiner : 1° à quelle époque de leur session les législatures pourront s’occuper de l’examen de la Constitution et des réformes à proposer aux assemblées de révision ; 2° à quelle époque de sa session la quatrième législature qui sera chargée de reviser la Constitution pourra s’occuper de ce travail et quel temps elle devra y donner. Ce sont là des questions très importantes et si vous ne les tranchez pas, vous courez risque de voir les législatures perdre peut-être les trois quarts de leur session ; il en résulterait qu’au lieu de s’occuper des finances, de l’administration, de la répartition de l’impét, de la législation, elle ne s’occuperait que de discuter s’il n’y aurait pas de changements à faire à la Constitution. Il faut donc nécessairement que vous établissiez un mode pour cela, et pour la législature qui s’occupera de la révision , et pour celles qui demanderont des modifications : ce sont deux choses très différentes et pour lesquelles il faut un mode différent de délibération. Gomme la législature qui suivra les 3 qui auront provoqué le changement sera composée d’un plus grand nombre de membres, et que, d’ailleurs, un des principaux objets pour lesquels elle sera appelée à délibérer sur la révision, puisque l’objet principal de l’Etat est la Constitution, il faudra qu’elle s’en occupe dès le commencement de sa session. Mais, au contraire, pour les législatures ordinaires, c’est-à-dire pour celles qui ne doiveut s’occuper que de législation et qui n’auront qu’aceessoirement à demander des modifications, c’est tout différent. Si vous ordonniez qu’elles s’en occuperont dans le mois, il en résulterait que les personnes, qui, par ambition, voudraient se faire un parti dans l’Assemblée, qui voudraient se faire valoir et se douuer une autorité personnelle, se mettre à la tête de quelque opinion, entraîneraient l'Assemblée pendant la session entière dans la discussion des principes delà Constitution, afin de parler sur des matières qui donnent toute facilité à l’orateur et le moyen de se créer un parti. Il faut, au contraire, écarter ee danger; il faut que les législatures sachent bien que leur devoir essentiel est de ne pas loucher à la Constitution, mais d’établir une bonne législation dans le royaume, y établir une administration économique et une répartition générale des impôts. Par conséquent, il faut qu’elles aient d’abord l’expérience et la manipulation des affaires; il faut que d’abord elles aient connu par elles-mêmes l’effet des lois et la manière dont elles peuvent s’exécuter. D’après cela, je pense qu’il doit être dit que ce ne sera que dans les deux derniers mois de leur session que les législatures pourront s’occuper d’examiner les articles de la Constitution, pour décider s’il y a lieu ou non à révision. Prenez garde qu’il sera peut-être nécessaire, je ne dis pas à présent, je ne dis pas aussi dans 10 ans, dans 20, mais plus tôt, il sera nécessaire pour le bien même des législatures, pour le ressort de leurs mouvements, qu’elles prennent des vacances. Si vous ordonnez qu’elles seront 3 mois à s’occuper de la Constitution, vous réduirez, par conséquent, à un terme plus court le temps de leur existence législative. 132 [Assemblée nationale.] Je conclus donc : l°Acequ aucune législature ne puisse s’occuper de l’examen des articles dont elle croira devoir indiquer la révision que dans les deux derniers mois de sa dernière session. (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) M. d’André. Je demande : 2° Que l’Assemblée de révision soit tenue de s’occuper, dèsqu’eJle sera transformée, desobjeis qui lui auront été indiqués parles 3 législatures précédentes. M, Dupont. Je demande que la législature assemblée pour la révision, pour laquelle on demande de décréter qu’elle commencera par les objets à reviser, ne soit pas dispensée pour cela de s’occuper, an commencement de sa session, de ce qui concernera l’impôt...., Plusieurs membres : Ce n’est pas celai Vous n’entendez pasl M. Dupont... attendu que le premier devoir d’une législature est de pourvoir à la sûreté commune de l’Etat. M. de Tracy. Il a été proposé que l’Assemblée révisante commencera ses opérations par la révision ; je demande que cela soit décrété. M. Goupilleau. La question préalable! (L Assemblée, consultée, décrète la deuxième proposition de M. d’André.) M. Tronchet. Il est indispensable de fixer un délai dans lequel l’Assemblée de révision sera tenue de terminer ses travaux de révision, car il sera toujours dangereux d’avoir une Assemblée qui, sans être constituante, aura à réformer des articles de Constitution. Je demande que ce délai soit fixé à 3 mois, au delà desquels, si le travail de révision n’est pas terminé, la législature suivante le continuera. M. de Tracy. Les affaires aussi importantes qu'une révision ne peuveut pus toujours se décider avec tant de précipitation ; le remède proposé serait d’ailleurs beaucoup plus dangereux que le mal, puisqu’une législature nouvelle se trouverait investie d’un pouvoir qui ne lui appartient pas et qu’elle pourrait elle-même proroger d’une manière illimiti e. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Tronchet.) M. d’André. Ici vient la proposition de M. de La Rochefoucauld portant que, aussitôt le travail de la révision achevé, les 249 membres nommés en augmentation seront tenus de se retirer sans pouvoir prendre part aux actes de législation. (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) M. d’André. Je crois, Messieurs, que, d’après ce que vous veDez de décréter, il ne reste plus qu’une seule chose à faire pour la révision : c�est d’établir un mode certain pour que chacune des Assemblées législatives fasse connaître bien précisément les articles sur lesquels elle entend faire porter la révision et pour que sa décision soit uotiliée à la législature suivante, afin qu’à la quatrième législature, on présente bleu les [l*r septembre 1791.] mêmes articles qu’on aura cru devoir être révisés. Pour cela, je crois qu’il faut que le décret de chaque législature soit mis en dépôt entre fi s mains du représentant héréditaire de la nation; mais je crois en même temps qu’il est très important que le roi ait le droit, en présentant ce décret à la législature suivante, d’y joindre ses observations, de donner son avis, sans toutefois avoir celui d’y rien changer ou de l’empêcher. Voici, � C' t égard, la dernière disposition que je viens dè rédiger et qui me semble réunir tous ces avautages : « Lorsqu’une législation aura décrété qu’il y a quelque changement à faire à des articles constitutionnels, ce décret sera porté au roi. . . » Dès lors, le sceau de l’immutabilité y est donné, puisqu’il est déposé entre les mains du roi. ... >■ Le roi fera présenter ce décret à la législature suivante, sans qu’il puisse y faire aucune espèce de changement; mais le roi aura le droit de faire ses observations en représentant le décret. » Il est indispensable que le roi, chargé d’un pouvoir constitué, ait le droit de faire ses observations en présentant le décret, pour pouvoir exposer quels sont les inconvénients qu’il peut y avoir... Un membre : C’est l’initiative! M. d’André. On me dit que c’est là l’initiative : ce n’est point du tout l’initiative, puisqu’elle aura été exercée par la précédente législature en disant qu’elle pensait qu’il devrait y avoir tel ou tel changement dans la Constitution. Je maintiens que, si vous ne donnez pas au pouvoir exécutif le droit de faire ses observations sur le décret, vous exposez le pouvoir législatif à empiéter absolument et sans aucune espèce de frein sur le pouvoir exécutif. Il faut cependant maintenir l’équilibre que vous avez jugé convenable pour la Constitution, que le pouvoir exécutif ait un moyen de défense. 11 ne peut pas avoir le moyen du veto , le moyen de l’empêchement, puisqu’il n’y a point d’exécution; mais il doit avoir le moyen de représentation, le moyen d’observation-, et je ne pense pas qu’à moins de vouloir détruire l’équilibre des pouvoirs, vous puissiez ne pas admettre le mode. Quant à moi, cela me paraît bon, nécessaire; bien plus, cela me paraît indispensable; ce n’est pas à un corps constituant que le roi présente ses observations, c’est à la seconde législature qui doit délibérer encore sur ces articles-là. Jusqu’alors le vœu de la nation n’est point connu; jusqu’alors le vœu de la troisième législature n’est pas présumé, il n’est pas censé exister, puisque vous avez établi qu’il fallait 3 législatures. Ce n’est point à l’Assemblée de révision que je dis que le roi présentera ses observations, mais c’est à la seconde et à la troisième législature ; et remarquez encore que le pouvoir législatif a un concours efficace, tandis que le pouvoir exécutif n’a qu’un concours de conseil. Je m’explique : trois législatures subséquentes ayant émis leur vœu sur des modifications à faire, ces modifications seront examinées. Donc, ces trois législatures ont fait un vœu efficace et effectif pour faire présenter les articles à la révision. D’un autre côté, le roi n’a pas de veto, te roi ne peut pas empêcher que trois législatures-subséqueutes ayant décrété que l’on ferait des modifications, cës modifications ne soient faites. Mais il est bien évident qu’tl faut que vous don-ARCH1VES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [I*1- septembre 1791.] 433 niez un moyen de conseil, un moyen d’observation, afin que le roi puisse faire connaître à cette seconde législature, qui délibérera sur le vœu de la première, qu’il y a telle ou telle difficulté dans le vœu que la première a émis-, sinon vous n’aurez constamment que le vœu des législatures, sans aucune espèce d’ohservation. Il y a plus, c'est que vous livreriez évidemment à trois législatures subséquentes, sans aucun moyen de s’éclaircir, toute la puissance que vous avez voulu mettre entre les mains du pouvoir exécutif; parce qu’en effet, trois législatures sans intervention du pouvoir exécutif, pourront décréter que tel ou tel article, qui constitue essentiellement le pouvoir exécutif, doit être soumis à révision. Il faut donc nécessairement que le pouvoir exécutif ait le moyen de défendre les droits que vous lui avez donnés pour le bonheur même de la nation et pour l’efficacité du gouvernement. Je vais plus loin : vous avez décrété que le roi, sans avoir l’initiative, aurait le droit de proposer un objet à la délibératiou du Corps législatif, et de lui envoyer telles observations qu’il jugerait convenables. Or, si vous avez cru que ce droit était nécessaire dans les matières de législation et d’administration, à plus forte raison faut-il que ce droit soit consacré dans les matières qui concerne U la Constitution ; car enfin, vous ne voulez pas faire une Constitution que l’on puisse renverser d’un souffle, une Constitution qui puisse être changée continuellement. Vous voulez une Constitution stable, une Constitution permanente, une Constitution qui assure le repos de l’Empire français. H faut donc pour cela que vous preniez toutes les précautions possibles, pour que toutes les lumières se réunissent lorsqu’il s’agira d’un changement dans la Constitution. M. Rœderer. La question préalable ! M. d’André. On demande la question préalable. Je suis persuadé que les personnes qui la demandent auront assez d’esprit et de lumières pour motiver leur question préalable. Quoi qu’il en soit, je maintiens que, si vous ne donnez pas au roi le moyen de faire des observations sur les articles que vous voulez reviser, vous vous exposez alors au plus grand danger, car, il sera toujours obligé de le faire par d’autres mains. Si, par exemple, la deuxième législature ou la première législature voulait faire décréter de changer les articles qui auraient rapporta l’organisation des corps administratifs ou à tel autre pouvoir que le pouvoir exécutif croirait bon, s’il n’a pas le moyen de faire parvenir ses observations à la législature, alors vous le forcez d’user de moyens illégaux pour empêcher cette révision. Il faut, si vous voulez que votre Constitution soit étalilie solidement, que vous admettiez des moyens légaux pour les faire examiner; car, sans cela, vous serez réduits à des intrigues ou peut-être même à des malheurs encore plus grands, et je crains que, si on n’admet pas les dispositions que je p:opose, ce qui est très possible, l'expérience ne vous apprenne que vous aurez mal fait de vous écarter de votre Constitution. Je demande donc que ces dispositions soient adoptées. M. Rœderer. On parle toujours des intrigues populaires 1 1 l’on ne parle pas des intrigui s de cour qui sont plus profitables. Je demande la question préalable. M. Gaiiltier-Riauasat. La question qu'élève le préopinant, touche à celle de savoir comment on devra présenter la Constitution au roi ; et comme je pense, moi, que la présentation de la Constitution au roi ne doit pas être prise dans le sens qu’on a annoncé, c’est-à-dire, comme je pense, qu’on doit faire au roi une simple notification pour qu’il accepte ou qu’il rejette purement et simplement, je m’oppose à ce que la question soit indirectement préjugée. Je demande, au contraire, que nous établissions formellement le principe, que le roi n’ayant rien à revoir dans la Constitution, ne peut faire aucune observât on sur tout ce qui regarde la Constitution; car, si on lui donnait le droit d’influencer un changement quelconque, bientôt on en conclurait qu’il a le droit de revoir la Constitution elle-même et de s’emparer du pouvoir constituant. M. Prieur. Toujours il a été reconnu dans cette Assemblée que la Constitution devait, être faite par une Assemblée constituante ah hoc; qu’en vertu de ce principe, le roi ne devait se mêler en aucune manière de ce qui est relatif à la Constitution, sinon pour l’accepter purement et simplement sans aucune espèce d’observation. ( Une partie de l'Assemblée et les tribunes applaudissent.) C’est ainsi que vous l’avez décidé à Versailles lorsque vous avez unanimement décidé que le mémoire de M. Necker ne serait pas; lu. Je demande que, d’après le principe constant que le roi doit accepter purement et simplement la Constitution sans l’influencer par aucune observation antérieure ou postérieure, je demande, dis-je, que, d’après ce principe, la motion de M. d’André soit rejetée par la, question préalable. M. de Tracy. Indépendamment des raisons qui viennent d’ène alléguées, j’en , ai une à ajouter qui me fait sentir l’inconvénient de faire des lois de cette importance motion à motion et sans plan déterminé. M. d’André a oubliédout net que vous avez établi que, dans cette matière, le vœu du peuple serait connu par les élections; lorsque 3 législatures successives auront ;émis le vœu, il sera donc bien constant que ce voeu sera le vœu du peuple. Je ne vois pas pourquoi l’on voudrait traverser cette marche, et intercepter l’émission de ce vœu par l’influence du pouvoir exécutif. M. d’André. Si l’Assemblée ne veut pas dema� motion, je la retire. > , . \ M. Martineau. Vous n’êtes pas maître, Monsieur, de retirer votre motiopjelleappartient'à l’Assemblée, et je l’appuie. La maxime est certain�, et je me plais à y rendre hommage, que la/Constitu-tion étant présentée au roi, il doit l’accepter sans aucune observation ni restriction ; nqiaAs comment peut-on en conclure que le roi n’aitjias le droit ou le devoir de faire des représentations sur l’acte par lequel une législature demande la convocation d’une: Convention nationale?. Le roi est k premier protecteur de la Constitution; il est chargé parla Constitution même de la maintenir, corn mè’il l’est de l’exécution de toutes les autres lois. Une première législature croit devoir provoquer la révision d’un article de la Constitution ; elle remet son décret au roi. Cornaient voulez-vous que le roi, qui a accepté la Constitution, qui en est le premier conservateur, qui a le plus grand intérêt à la maintenir, ne puisse faire apercevoir à la législature suivante, eq lui présentant le décret, les dangers des changements proposés ? Je demande si c’est, de sa part, empiéter sur le pouvoir 134 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l<,r septembre 1791. J constituant ; si c’est empiéter sur la Constitution, que de faire des observations contre des innovations dont Futilité ne serait pas démontrée; c’est au contraire maintenir le serment qu’il a prêté. Je dis même qu’il y aura la plus grande utilité. Le pouvoir exécutif, qui tient dans ses mains l’exécution de toutes les lois, qui tient le fil des opérations, est le plus à portée de connaître les défauts ou la bonté des rouages de cette grande machine, et d’apprendre aux membres de la législature ce que, en arrivant de leurs départements, ils ne pourront pas savoir. Si vous ne voulez pas qu’il fasse des observations, interdisez�lui donc la liberté de la presse ; si vous ne voulez pas lui donner des formes légales et constitutionnelles, vos sophismes et vos paralogismes ne m’en imposeront pas sur le danger de recourir à d’autres moyens. Si, au contraire, vous ne voulez pas que le roi soit absolument indifférent à la Constitution, adoptez la motion de M. d’André. Plusieurs membres insistent sur la question préalable demandée par M. Rœderer. M. Brlois-Beaumetz. Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je désire que l’Assemblée passe à l’ordre du jour sur la motion qui est faite, et voici, en deux mots, les motifs de mon opinion. La proposition de M. d’André, si l’Assemblée l’adoptait, tendrait, contre l’intention du membre qui la présente, à faire agir le roi dans la Constitution comme conseil et non comme pouvoir. Or, il est indécent, j’ose le dire, que le roi, un des pouvoirs constitués, puisse agir sous forme de conseil ; la Constitution doit l’exclure de toutes les fonctions où il n’agirait pas comme pouvoir. Le roi a, de par la Constitution, ses ministres dans l’Assemblée, qui ont le droit d’y prendre la parole; le roi a, de par la Constitution, le droit d’inviter le Corps légistatif, qui ne peut alors s’ÿ refuser, à prendre un objet en considération. Cela lui suffit: mais Jui donner le droit, comme on propose de le faire, dè publier des observations sur les actes dü Corps législatif, ne tendrait, comme l’a expliqué trop naïvement M. Martineau, qu’à accorder au roi le droit d’être pamphlétaire comme un autre, Sôîi veto est ici suppléé par le consentement de 3 législatures consécutives; car son veto ne pourrait jamais tendre qu’à appeler ce consentement de 3 législatures. Ainsi, il faut que le décret portant convocation d’une Assemblée de révision, preùne le caractère de loi par là seule confirmation de l’opinion publique, exprimée par l’organe dè 3 législatures, sans aucune influence étrangère. .Je demande donc que l’on passe à l’ordre du jour sur la motion de M. d’André. M. Robespierre. La question préalable! M. d* André. Je retire ma proposition; ainsi il n’y a plus à délibérer là-dessus. M. Prieur. Je demande, moi, que cette motion soit formellement rejetée par la question préalable, afin que les droits de la nation à cet égard soieut bien constatés. M. Bouche. On se réserverait, sans cela, de la reproduire une autré fois. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. d’André,) M. d’André. Si Monsieur le Président avait jeté les yeux sur l’Assemblée, il aurait vu qu’une grande partie des membres ne s’était pas levée par une raison très simple : c’est qu’une partie de l’Assemblée et peut-être la majorité voulait l’ordre du jour. Voix diverses : Oui ! oüi — Non! ùon ! M. d’André. Vous voyez bien qu’au moment où je fais cette observation, une partie de l’Assemblée dit oui, l’autre dit non. Il est donc bien certain qu’il y a plusieurs personnes qui voulaient l’ordre du jour ; il fallait donc commencer par l’ordre naturel des choses, c’est-à-dire par mettre aux voix la motion de passer à l’ordre du jour. (Murmures.) M. Briois-Beanmetz. J’aime autant la question préalable que l’ordre du jour, attendu que les pouvoirs du roi sont dans la Constitution ; je me rallie donc à la question préalable par les motifs que j’ai déjà allégués. (L’Assemblée, consultée à nouveau, décrète qu’il n’v a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. d’André.) M. Prieur. M. La Fayette a fait hier une proposition qui est parfaitement dans l’intention de l’Assemblée; il a demandé que la délibération d’une Assemblée législative sur la demande de révision d’un article de la Constitution fût prise par appel nominal et que l’on constatât par l’impression de la liste des votants l’opinion des membres qui auront voté pour ou contre la révision, afin que le peuple pût procéder avec plus de connaissance à leur élection ou à leur exclusion de la législature suivante, selon que son vœu serait ou non pour la révision demandée. Cette motion, je la reproduis pour qu’elle soit misé en discussion. M. Camus. Je combats les deux propositions de M. La Fayette comme contraires à vos décrets, et comme dangereuses. Vous avez décrété qùe les membres du Corps législatif ne pourraient être réélus à Une troisième législature qu’après un intervalle de 2 ans. OU vous propose de révoquer ce décret en faveur de la législature qui aura fait la proposition de convoquer une assemblée de révision. . . Plusieurs membres : Ce n’est pas cela. M. Bœderer. C’est ce que M. Lafayette avait proposé d’abord ; mais il s'est rétracté un instant après. M. Camus. Je dis que non seulement les membres de ces législatures ne doivent pas demeurer plus longtemps éligibles que ceux des autres législatures, mais qu’on ne doit pas procéder à l’appel nominal, au moins qu’on ne doit pas l’imprimer. Cette proposition est dangereuse, dans le moment actuel surtout. Prenez garde que la Constitution n’est pas achevée. Or, je craindrais que, si l’on commençait par vous faire établir en principe qu’en matière de Constitution, il faut un appel nominal, on ne finît par vous demander que votre Constitution décrétée fût de nouveau mise en délibération pour être soumise à un appel nominal. Or, je soutiens que cela ne doit pas être. La [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l0r septembre 1791.] {Qg Constitution, c’est l'ouvrage de la majorité, c’est l’ouvrage de nous tous : nous y avons tous concouru; et plus l’ouvrage est “considérable, plus il est nécessaire qu'on ne fasse aucune distinction entre ceux qui y ont concouru (Applaudissements), plus il est nécessaire que cet ouvrage soit regardé comme le résultat de la volonté générale, plutôt que de motions particulières. M. La Fayette demande que le peuple puisse faire connaître son vœu par la réélection de ceux qui auront proposé ou appuyé l’avis le plus conforme à l’opinion publique. Il veut qu’à cet effet la liste des opinants soit imprimée. C’est alors qu’un ambitieux en demandant des changements spécieux parviendrait à se faire un parti, par l’espérance qu’il donnerait à ses auxiliaires de les faire réélire. Défiez-vous des personnes qui veulent ainsi s’annoncer au public. Il faut voter pour la majorité, ou bien oublier qu’on a été de la minorité. Rien n’est plus dangereux que d’entretenir des divisions en rappelant aux souvenirs des hommes les opinions individuelles; rien n’est plus dangereux que ces listes de réputation ou de proscription... Je demande, en conséquence, la question préa-ble contre la proposition de M. La Fayette. (Applaudissements.) M. Prieur. Je retire ma motion et je consens à la question préalable. (L’Assemblée, consultée, décrète qri’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Prieur.) M. Barnave. Je crois qu’il importe à l’intérêt public et àlapaixdu royaume, que ce rie soit pas au sein de la Révolution même et avant que la Constitution ait été connue, que les changements puissent être proposés. Cë ri’est pas de la chaleur des esprits que vous devez attendre la perfection successive, c’est de l’expériende seule. Je crois donc que l’Assemblée doit statuer un temps avant lequel les législatures ne pourront pas s’occuper de révision, et qu’il né doit pas être permis aux deux premières législatures qui nous suivront de commencer à s’occuper de cette revision-là, attendu qu’alors la Révolution ne sera pas encore terminée, et l’expérience n’aura pas prononcé. M. fLe Chapelier. Ce que l’on a déjà fait éloigne assez toute espèce de Convehtion et même de révision pour s’opposer à ce que l’on y mette de nouvelles entraves. Je deniaride la question préalable sur la proposition de M. Barnave. M. d’André. Les raisons alléguées par le préopinant sont très puissantes; quant à moi, je pense qu’à moins de décréter qu’au mois d’octobre la révision commencera, vous ne pouvez mettre la question préalable aux voix, car, dans le moment d’agitation où nous sommes, il est évident que, si vous ne décrétez un terme avant lequel les législateurs ne pourront pas parler de révision, la première opération des gens qui voudront paraître dans la première législature, la première manœuvre qu’ils trouveront pour se faire un nom et une réputation, sera de flatter les passions de quelques personnes et de proposer des changements dans la Constitution. Or, c’est un inconvénient très sensible que celui de nous exposer, lé mois prochain, à avoir une nouvelle Révolution; j’appuie donc la proposition de M. Barnave. M. Tronchet. Je suis si éloigné dépenser que ce qu’on vous propose soit contraire au décret que je vous ai présenté, que je vais vous proposer de le lier avec le décret que vous ayez déjà rendu. Vous avez reconnu solennellement le droit de la nation, et vous deviez le faire; mais vous lui avez dit : « Nous vous déclarons dans nos âmes et consciences, que nous regardons qu’il est de votre intérêt que vous suspendiez l’exercice de ce droit incontestable. » Eh bien, c’est par une conséquence même de cette déclaration faite à la nation, que vous devez adopter la proposition qui vous est faite, en la liant à l’article qui vous est présenté. Voici comme je propose de rédiger la proposition de M. Barnave : « En conséquence et par les mêmes vues d’intérêt général, et de la nécessité d’attendre, des secours de l’expérience, l’Assemblée nationale décrète qu’il ne pourra être fait aucune motion pour la révision de la Constitution, avant la troisième législature. » (La discussion est fermée.) Après quelques observations, la rédaction suivante est mise aux voix : « La première et la seconde législature ne pourront proposer la réforme d’aucun article constitutionnel. » (Cette proposition est adoptée.) Plusieurs membres demandent que les comités présentent le projet de décret relatif au mode de présentation au roi de Pacte constitutionnel. M. Briois-Beaumetz, au nom des comités de Constitution et de révision. Messieurs, votre serment est accompli, vos travaux sont achevés. Ces travaux* poursuivis pendant 28 mois avec une ardeur dont il n’y a jamais eu d’exemple, ont terminé la Constitution qui va régler les destinées de la France. Dès vos premiers pas, des obstacles se sont présentés ; vous les avez dissipés, d'un seul inot, comme des chimères, parce que cé mot renfermait une profonde vérité. Vaincus, par la raison, vos ennemis recourent à la force; et ce fut au moment où leurs armes menaçaient votre courage, que vous jurâtes de t’achever: La nation, dont les yeux étaient fixés sur vous, indignée de vos dangers et satisfaite de votre conduite, s’est réveillée en /souveraine; elle a étendu son bras et vos ennemis ont disparu. (Applaudissements) Une grande révolution s’est opérée. Au même instant; de l’ûne à l’antre extrémité de l’Empire, des millions de citoyens se sont armés pour la cause de la liberté. Quinze jours à peine s’étaient écoulés dans cette fermentation salutaire, lorsqu’un élan du patriotisme français consomma, dans une seule nuit, plus de sacrifices qu’on aurait pu en espérer, dans 10 siècles, de la marche progressive des lumières et de la perfectibilité tardive de la raison. ’ Depuis cette mémorable époque, tout s’est aplani sous vos pas. Les grandes vérités reconnues, les droits de l’homme consacrés vous orit perinis de ne mettre à vos combinaisons politiques d’autres bornes que celles indiquées par le désir de la perfection. Vous avez encore éprouvé des résistances ; mais, si elles ont pu ralentir votre marche, ou quelquefois trop vivement excité le développemebt de votre énergie, elles n’ont jamais rendu vos succès douteux. * , « ' L’bistoire conservera avec scrupule les ôîbiridres détails de cette crise intéressantei Elle décrira le jeu des passions de toutgenre qui ont exercé leur