6U [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 18 avril 1791.} d’exercer les fonctions de juré d’accusation puisqu’il n’a pas besoin d’entendre de témoins pour renvoyer absous. L’avis du comité est fondé sur les principes les plus purs. Je demande qu’il soit adopté. ( Applaudissements .) M. Gaultier-Riauzat. Je pense comme le préopinant. M. Démeunier, rapporteur. Je vous prie de reniarqutT que vous n’avez pas permis d’actionner lu moindre municipalité de campagne sans une autorisation du directoire de département; cela n’est pas définitif, il est vrai, mais cela est. Je demande si on ne doit pas traiter également les ministres, eux qui sont les premiers agents du pouvoir exécutif, eux sur qui roule toute la machine. (L’Assemblée ferme la discussion.) Un membre propose de substituer aux mots : « du fait qui aura donné Lieu », qui se trouvent à la lin de l’article, ceux-ci : « des faits qui auront donné lieu ». (Get amendement est adopté.) M. Démeunier, rapporteur. L’article serait, en conséquence, ainsi conçu : Art. 7 (ancien art. 34 du projet de décret). « Aucun ministre en place, ou hors de place, ne pourra, pour faits de son administration, être traduit eu justice, en matière criminelle, qu’a-près un décret du Corps législatif, prononçant qu’il y a lieu à accusation. « Tout ministre contre lequel il sera intervenu un décret du Corps législatif, déclarant qu’il y a lieu à accusation, pourra être poursuivi eu dommages et intérêts par les citoyens qui éprouveront une lésion résultante des faits qui auront donné lieu au décret du Corps législatif. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Nous passons maintenant à l’article 35 du projet de décret; il est ainsi conçu : «■ L’actiou en matière criminelle, ainsi que l’action accessoire en dommages et intérêts, pour faits d’administration ou d’un ministre hors de place, sera prescrite au bout de 3 ans, à l’égard du ministre de la marine et de celui des colonies; el, au bout de 2 ans, à l’égard des autres. » Un membre demande l’ajournement de cet article jusqu’au moment où l’Assemblée s’occupera de la prescription des délits et des crimes. Plusieurs membres demandent la question préalable sur cette motion d’ajournement. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition d’ajournement.) M. Robespierre. Je cherche vainement une raison pourquoi les crimes des ministres seraient plus privilégiés que ceux des autres citoyens; pourquoi, tandis que les crimes des citoyens ne sont prescrits que par 20 années, ceux des ministres le seraient par 2 et 3 ans. Mais, je ne suis point embarrassé à trouver des raisons pour prouver que ce n’est point en faveur des délits ministériels qu’il faut adoucir la sévérité des lois, mais qu’il faudrait encore l’augmenter, d’abord parce que les délits des ministres sont plus dangereux, ont des conséquences infiniment plus funestes, en ce qu’il est plus difficile aux lois d’atteindre un ministre coupable, que d’atteindre un citoyen isolé et sans appui; ensuite, parce que, d’après l’article précédent, vous avez environné le ministre d’une très forte barrière contre l’action du citoyen, en exigeant qu’il obtienne un décret du Corps législatif. Il faudrait augmenter cette sévérité, si l’on pouvait établir l’inégalité des peines entre les citoyens. Je demande donc la question préalable sur le temps de la prescription. M. Garat aîné. L’article du comité est fondé sur des principes d’humanité et de jusiice qui doivent rallier tous les esprits. Un ministre ne peut pas être comparé, pour les faits de son administration, aux citoyens ordinaires. Lorsqu’il sort de place, il n’est plus le maître de garder les actes qui peuvent attester la pureté de sa gestion ; il est obligé de les laisser dans le dépôt du ministère; et le surveillant de ce dépôt peut n’être pas attentif, peut laisser disparaître les pièces et tes preuves qui auraient établi son innocence. Mais, dit-on, les délits d’un ministre dans son administration sont infiniment plus dangereux. Eh bien! c’est précisément parce qu’ils sont plus dangereux que vous devez être persuadés, qu’on ne sera pas lent aies poursuivre, qu’on se hâtera d’en demander vengeance; et cette considération se tourne contre vous. Je demande qu’on aille aux voix sur l’article. M. Pison du Galand. Je propose d’ajouter à l’article que l’Assemblée n’entend rien préjuger à l’égard des mimsties soriis de place avant la publication du présent décret. M. Démeunier, rapporteur. Le fond de la motion est extrêmement juste; mais il me paraît inutile de l'exprimer dans le decret, parce que, pour appliquer la loi aux ministres ci-devant sortis de place, il faudrait lui donner un effet rétroactif, ce qui n’est pas dans l’esprit de l’Assemblée. ( Marques d' assentiment.) Un membre : Je demande, attendu que l’Assemblée n'a pas encore décidé s’il y aura ou non un ministre particulier pour les colonies, que ce qui concerne ce ministre soit retiré de l’article. M. Démeunier, rapporteur. J’adople l’amendement, et je retranche les mots ; « et de celui des colonies ». Un membre propose de fixer une époque à laquelle commenceront à compter les deux ou trois années de prescription. (L’Assemblée décrète que les années de prescription compteront du jour des faits donnant lieu à l’action criminelle ou à l’action accessoire en dommages et intérêts.) M. Duport. Je propose un amendement. Il est un cas sur lequel il me semble qu’il ne peut pas y avoir de prescription, parce qu’il doit inspirer le respect le plus profond aux agents du pouvoir exécutif. 11 faut montrer aussi aux citoyens que cet objet est regardé par la nation et par la législature comme la partie la plus importante à la société, je veux dire les atteintes à la liberté individuelle. Je demande donc qu’on excepte formellement de l’article les atteintes qui pourraient être portées à la liberté individuelle, les ordres donnés [8 avril 1791.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. pour les emprisonnements arbitraires; c’est là où je demande qu’il n’y ait point de prescription. (Cette motion est décrétée.) M. Démeunier, rapporteur. L’article serait, en conséquence, rédigé comme suit : Art. 8 (ancien art. 35 du projet de décret), « L'action en matière criminelle, ainsi que l’action accessoire en dommages et intérêts, pour faits d’administration d’un ministre hors de place, sera prescrite au bout de 3 ans à l’égard du ministre de la marine, et au bout de 2 ans à l’égard des autres. Les 2 ou 3 années de prescription compteront du jour des faits donnant lieu à l’action criminelle, ou à l’action accessoire en dommages et intérêts. « Néanmoins, l’action pour ordre arbitraire contre la liberté individuelle ne sera pas sujette à prescription. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l’article 36 du projet de décret, qui est ainsi conçu : « L’acte d’accusation porté par le Corps législatif contre un ministre suspendra celui-ci de ses fonctions. » M. Buzot. Il y a un décret rendu sur la haute cour nationale, qui dit : que le décret portant qu’il y a lieu à accusation emporte nécessairement le décret de prise de corps ; or, il y a ici interversion d’idées. D’abord entre l’acte d’accusation et le décret, il y a un espace de temps qui peut être de 5 ou 6 mois. Pondant ce temps-là comment se pourrait-il faire que le ministre qui a un décret de prise de corps, qui peut être mis en prison, fût néanmoins ministre tout à la fois. Ainsi je pense que si l’on veut laisser subsister l’article, il ne faut pas dire comme le comité : « l’acte d’accusation porté par le Corps législatif... », mais : « le décret du Corps législatif déclarant qu’il y a lieu à accusation... » Ici je me permets de faire une autre observation. Ou nous a dit, en faisant adopter l’article 7, qu’il serait possible de renvoyer pour cause purement civile où il ne s’agirait que de dommages et intérêts, devant les tribunaux ordinaires. Je crois que, sans contrarier les décrets rendus, on pourrait mettre à celui-ci une disposition telle qu’elle exprimât que, dans tous les cas où il s’agira de haute trahison, l'accusé sera renvoyé devant la haute cour nationale, et que le Corps législatif pourra, quand il le jugera à propos, renvoyer les actes et les faits particuliers à l’administration d’un ministre devant un tribunal ordinaire. M. lléineuuier, rapporteur. L’opinion du préopinant est très juste; mais le preopmant, qui rapproche les décrets, a oublié que le décret de prise de corps est postérieur à i’acte d’accusa-sation, et qu’il est très important de marquer qu’au moment où le Corps législatif a déclaré qu’il y a lieu à accusation, un ministre est suspendu de ses fonctions. Ainsi voilà le fond de l’article justifié. J’avone avec le préopinant que j’aurais désiré que, dans le décret relatif à la haute cour nationale, il fût stipulé que ce serait elle qui connaîtrait de toutes ces matières. Je suis intimement persuadé que, lors de la révision des décrets, l’observation du préopinant trouvera sa place, mais ce n’est pas ici. Ce serait vous faire préjuger qu’on doit renvoyer un ministre devant un tribunal ordinaire, composé de 5 juges; ce qui n’est pas sans inconvénient; car quoique les ministres soient resserrés, comme ils le sont par vos décret'!, ils auront toujours une certaine prépondérance; il serait, je crois, plus nuisible qu’avantageux au particulier de les citer devant un tel tribunal. Il faut un tribunal qui en impose; ainsi la haute cour nationale est, suivant moi, le tribunal le plus propre, j’adopte le premier amendement, et demande qu’on mette aux voix l’article ainsi amendé. M. Delavigne. Je demande que i’on consigne dans le procès-verbal ce que vient de dire le rapporteur, en convenant qu’il sera très utile, lors de la révision du décret, de changer l'attribution qui paraît être donnée exclusivement à la haute cour nationale de juger tout ce qui intéresse les ministres. M. Démeunier, rapporteur. Ce n’est point du tout là ce que j’ai dit; j’ai dit le contraire ; pardon si je vous interromps, j’ai dit qu’on ne pouvait renvoyer aux tribunaux ordinaires les délits des ministres. Plusieurs membres : Aux voix l’article et le renvoi au comité ! M. Se Président. Je mets aux voix l’amendement de M. Buzot tendant à substituer aux mois : « l’acte d’accusation portée par le Corps législatif », ceux-ci : « le décret du Corps législatif déclarant qu’il y a lieu à accusation. » (Cet amendement est adopté.) M. Démeunier, rapporteur. L’article serait, en conséquence, rédigé comme suit : Art. 9 (ancien article 36 du projet de décret). « Le décret du Corps législatif déclarant qu’il y a lieu à accusation contre un ministre suspendra celui-ci de ses fonctions. » (L’Assemblée décrète cet article et charge en outre le comité de Constitution de lui présenter le plus tôt possible ses vues sur les moyens de soumettre les ministres aux réparations civiles envers les particuliers.) M. Bouche. Nous avons vu pendant longtemps, avant la convocation des Etats généraux, une foule de ministres qui voltigeaient comme des ombres et qui disparaissaient à l’instant; ces hommes révoqués et destitués de leurs places emportaient chez l’étranger leurs vices, leurs passions, leur incapacité et notre or. ( Piires à gauche.) Appelés au ministère, ils étaient aussitôt déplacés pour être remplacés par d’autres qui ne restaient pas longtemps en place. Pour remédier à cet inconvénient, je vais vous proposer un article additionnel. Je lis dans toutes vos lois que les ministres qui ont géré doivent rendre compte de leur administration, et j’ai lieu d’en conclure qu’ils ne pourront pas sortir du royaume qu’ils n’aient rendu compte de leur administration; les divers articles que vous avez décrétés passent sous silence cet objet. Je crois que ce serait rendre imparfaite cette partie de votre législation, si vous ne décrétiez ce que je vais vous proposer : la loi de prime abord vous paraîtra dure, mais elle est juste; eu