430 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ] 5 nîveïK TH®1' core parmi ces scélérats des lâches qui se met¬ traient à genoux au milieu de la boue pour demander grâce. « Voilà, citoyens représentants," les motifs assez puissants de ma répugnance à servir sous les ordres d’un tel homme qui me perdrait tôt ou tard si je restais plus longtemps sous sa dé¬ pendance. Accordez-moi donc, je vous le de¬ mande en grâce, mon débarquement. Faites-moi passer sur un autre bâtiment, quel qu’il soit, pourvu que le capitaine soit un franc républi-cain. Car il ne faut pas se le dissimuler, citoyens représentants, la rehgion des chefs influe beau¬ coup sur l’esprit des autres. « Je compte donc sur votre justice et me re¬ pose sur vous pour le soin d’éclaircir vivement cette affaire. Selon moi, j’ai rempb mon devoir : beaucoup de personnes pourront m’en blâmer; mais tranquille par habitude au milieu de l’orage, je ferai voir aux mécontents jusqu’où peut aller la fermeté d’un républicain. « Brest, le 3e jour de l’an II de la Répu¬ blique française. » N. B. La signature est supprimée, mais elle existe à l’original déposé entre nos mains. Signé : Bréard; Jean -Bon-Saint-André. Extrait d'un mémoire remis par le contre-amiral Landais aux représentants du peuple près les ports de Brest et de Lorient et signé par lui. Le major de la marine, Delmotte, nomma pour la Côte-d'Or un enseigne nommé Besson qui avait déjà été débarqué pour causes, successivement de plusieurs bâtiments. Venu à bord, il fut en¬ voyé à l’instant que nous devions appareiller, il avait, m’a-t-on dit, servi sous le major Del¬ motte, il fut appuyé par le capitaine Duplessis-Grénédan qui me le recommanda pour mettre dans la majorité et même en chef. J’eus la bon¬ homie de l’y admettre en second; il était déjà initié dans les comités entre le capitaine Duples-sis-Grénédan, le lieutenant Guignace, le sous-chef d’administration Deverneuil, qui se tenaient quelquefois dans la chambre du lieutenant Gui¬ gnace, mais plus fréquemment dans celle du capitaine, où le chef de timonerie était aussi admis quelquefois, lorsque je reçus la lettre sui¬ vante : « Citoyen général, « L’attachement que j’ai pour tous les répu¬ blicains et pour vous particulièrement : je vous demande qu’un enseigne de vaisseau qui vous a été donné ces jours derniers, qui a été chassé de la Proserpine, du Sans-Pareil, le soit de votre bord comme un insigne royaliste; craignez plus que jamais une insurrection ; cet homme ne prêche que l’anéantissement de la République, et vous pouvez compter qu’il vous fera échouer. Je dis plus, général, c’est un piège qu’on vous tend. Croyez-moi pour la vie avec la fidélité d’un franc répubcain ». J’omets la signature et le lieu d’où me vint cette lettre, mais je la ferai voir, s’il est néces¬ saire, aux commissaires représentants du peu¬ ple français. Et par P. -S. « J’ignore le nom de l’officier; mais c’est un petit homme, les cheveux en rond et noirs, Parisien. « Le 8 août 1793, l’an II de la République. » Je fis venir l’enseigne Besson dans la chambre de conseil, en particulier; je lui fis des ques¬ tions auxquelles il ne s’attendait pas, et malgré son effronterie, il me déclara par plusieurs re¬ prises que le général Flotte lui avait bien dit qu’il serait dénoncé; il me dit aussi qu’il avait été débarqué de la frégate la Proserpine parce qu’il était de garde lorsque l’équipage s’était ameuté et ligué pour exiger ses parts de prises. J’ai aussi un certificat des officiers du Sans-Pareil contre lui. Le major Delmotte nomma pour la Côte-d'Or et me recommanda pour les signaux l’enseigne Varroc, lequel je n’ai pas jugé à propos d’ad¬ mettre à l’officier chargé de cette partie; mais il s’est introduit de façon ou d’autre dans les comités du capitaine, du lieutenant en pied et du sous-chef d’administration. Lorsque je fis mes visites, deux jours après mon arrivée à Quiberon, aux officiers généraux et capitaines de vaisseau, je fus surpris, la fai¬ sant au capitaine Joyeuse, quand il me dit que le capitaine Coatnampren était descendu à l’île de Quiberon, et là, à haute voix, devant beau¬ coup de monde, avait divulgué le plan de l’ex¬ pédition et même le point de croisière prémédité être à 50 lieues dans le nord-ouest de Finistère, et par conséquent que ce prétendu secret était public. Le capitaine Joyeuse ajouta que le vice-amiral lui avait fait part de ce projet, mais qu’il n’en avait parlé à personne. Le sous-chef Duverneuil m’a dit après l’évé¬ nement de ce matin arrivé, qu’on lui avait dit qu’il était venu à deux heures après minuit un bateau du vaisseau l'Auguste à bord, et qu’il en était aussi venu du vaisseau le Northumber-land, puisque trois de ses gens étaient à bord ce matin; de plus, il m’a dit que l’on avait entendu dans la nuit, dans l’entre-pont, se parler et s’en¬ tretenir les gens de l’équipage, qu’ils allaient s’en retourner à Brest ; il a aussi ajouté que les canonniers s’entretenaient des mêmes discours. Jè lui ai demandé comment il s’était trouvé levé aussi matin; il m’a répondu qu’il avait passé la nuit à écrire dans sa chambre. Il m’a paru très étonnant que le sous-chef ait eu con¬ naissance pendant la nuit de ce projet de l’équipage et des canonniers, et qu’il ne soit venu m’en faire part qu’après que l’équipage s’était révolté pour le faire. J’avoue que cette conduite m’a paru suspecte dès lors. Vers la fin de la séance, le contre-amiral Lelarge a fait la motion que, quand même le député Conor trouverait à Lorient les deux commissaires de la Convention auxquels il re¬ mettrait la pétition, il irait jusqu’à Brest pour donner des nouvelles aux familles de ceux qui sont de l’escadre, et sa motion a passé, quoi¬ qu’elle m’ait paru insidieuse, parce qu’on pou¬ vait mettre les lettres à Lorient à la poste, à moins d’avoir des dépêches suspectes, ce que je ne supposais pas. Je remarquai que l’enseigne Yarroc était constamment dans les comités du capitaine, lieutenant en pied et sôus-chef d’administration, et de plus, que c’était lui qui était presque tou¬ jours l’officier envoyé à bord du Terrible; et je soupçonnai qu’il y avait une correspondance secrète, soit entre le capitaine Duplessis -Gréné-dan, avec le major Dogier, ou le capitaine Bon-nefous, ou bien entre le sous-chef de la Côte-d'Or et le commissaire de l’armée, et que l’en¬ seigne Varroc en était porteur; je dis au capi- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { ‘ 431 tairie Duplessis -Grénédan, que tous les enseignes devaient aller, chacun à leur tour, à bord du commandant. Je dirai aussi que j’ai vu une partie des si¬ gnaux que l’on a marqués dans les registres qui ont été faits à bord du commandant, auxquels nous n’avons pu rien comprendre, ce qui m’a fait penser qu’ü y avait des signaux particuliers entre quelqu’un d’à bord du commandant, et d’autres à bord des autres vaisseaux. Ceci est relevé du registre des signaux faits à bord du commandant. Le 22 septembre, à 6 heures du matin, deux flammes rouges au grand mât. Le 23, à 9 heures et demie du matin, une flamme rouge. Le 25, à 9 heures, pavillon damier, sans avoir vu aucuns bâtiments de l’armée faire des signaux. Le 27, à 3 heures et demie, pavillon œil de perdrix seul. Idem, le pavillon yack au mât de misaine. Idem, pavillon bleu au mât de misaine (ce pavillon n’est pas dans la série). Le 28, à 8 heures et demie, flamme rouge. J’observerai de plus que si, à bord d’un com¬ mandant, on voulait empêcher que les trois co¬ lonnes se formassent telles qu’elles doivent être, il serait facile de le faire, et il n’y aurait que la colonne du commandant qui pourrait immédia¬ tement le suivre, et ceux qui pourraient être avertis par des signaux particuliers; ce qui est facile à démontrer. Au bas du mémoire original : Signé : Landais, contre-amiral. .ANNEXE N° ♦» A la séance de la Convention nationale du 15 brumaire an II. (Mardi, 5 novembre 1593.) Compte rendu du rapport de Barère sur la Wendée (1) d’après le Journal des Débats et des Décrets (2) . Barère, au nom du comité de Salut public, fait un rapport dont nous allons offrir l’extrait. Je viens vous rendre compte de ce qui s’est passé dans la Vendée depuis le 1er du second mois. Après les succès de Mortagne et de Cho-let, vous apprîtes la fuite des rebelles. Le comité ne vous en parlait plus que comme des révoltés de Lyon. Nous avions sur eux les avantages de la terreur que nous leur avions inspirée. Nous leur avions tué des chefs, et nous les avions jetés dans un pays dévasté, où ils ne pouvaient plus subsister. C’eût été un moment parfaitement heureux, si les postes que nous avions sur la Loire eussent agi comme ils le devaient et comme ils le pouvaient. Depuis le 1er brumaire, le comité ne devait s’attendre à vous communiquer que des nou¬ velles satisfaisantes. Le défaut d’intelligence et d’ensemble entre les chefs, le mauvais esprit de quelques admi¬ nistrations et le fanatisme du pays, ont, pour quelques moments, transformé la Mayenne en une nouvelle Vendée; mais enfin, il approche le jour où nous découvrirons les menées inextri-(l)Voy. ci-dessus, même séance, p. 400, le compte rendu du rapport de Barère d’après le Moniteur , (2) Journal des Débats él des Décrets (brumaire an II, n° 413, p. 213). cables qui ont créé la guerre de la Vendée et où nous pourrons vous dévoiler tous les faits, par la connaissance que nous en aurons acquise : victoires colorées, succès exagérés, récits faux; tout aura sa place et la nation sera vengée. ?iêj Aujourd’hui, nous venons vous dire ce que sont devenus les brigands de la Vendée, ce que leurs débris doivent inspirer , de craintes à la République, et l’espérance qu’elle doit conce¬ voir de ses moyens. Nous pensons qu’il résul¬ tera pour vous de ce rapport, comme nous nous en sommes convaincus, une vérité démontrée : c’est que les brigands sont affaiblis par leur dé¬ faite; qu’ils le sont encore par leur fuite, qu’ils cherchent un refuge et non pas un établissement. Voici les faits : | La prise de Châtillon, Mortagne et Cholet avait déplacé les brigands; les républicains les harcelaient fortement sur les rives de la Loire. Les rebelles traversent la rivière à Valade; plu¬ sieurs se noient; d’autres périssent par le feu de nos troupes. Une horde s’enfuit : le nombre de ceux qui la composent varie d’abord et est enfin fixé à 25 ou 30,000, en y comprenant les nou¬ velles recrues et tous ceux que la crainte atta¬ chait au sort des fuyards. Cette troupe va d’abord à Condé; mais, effrayée, elle se rend à Laval; notre armée accourt, et prend des dis¬ positions à sa poursuite. Le 4, les troupes de la République se sont bien battues contre les brigands. Le 5, les rebelles manquant de munitions par¬ tent de Château-Go ntier et attaquent notre avant-garde. L’armée n’avait pas eu le temps de se développer sur le grand chemin où elle était; l’avant-garde est forcée de se replier, et l’effroi se communique à l’armée. Ici, vous re¬ marquerez que toutes les fois que les rebelles ont manqué de munitions, il y a eu une déroute de la part des nôtres. Barère ht un grand nombre de lettres dont nous ne pouvons rapporter qu’un extrait très abrégé, pour ne point commettre d’erreurs. Le 6 et le 8, on donnait des nouvelles rassu¬ rantes; depuis, on a écrit que Laval était pris et que la trahison ne resterait pas longtemps im¬ punie. On annonçait que bientôt encore, la famine détacherait les brigands du territoire qu’ils occupaient, et l’on présumait qu’ils iraient chercher des secours dans la ci-devant Bretagne. Une lettre plus détaillée porte que pendant que l’on prend des mesures pour cerner et atta¬ quer les brigands, Craon et Château-Gontier sont évacués, qu’une colonne de rebelles est partie de Laval pour Mayenne, que les brigands sont partagés : que les uns voulaient marcher sur Rennes et que les autres prenant la route de Paris ont l’intention de marcher sur Alençon ; que peut-être ce n’est qu’une ruse; qu’il est pro¬ bable, au moment où l’on écrit, que les rebelles sont à Mayenne, que, dans ce cas, on ne voit pas les moyens de les empêcher de se répandre sur les côtes, jusque vis-à-vis Jersey; que la guerre de la Vendée a changé de nature; et qu’elle deviendra moins dangereuse, quand elle se confondra avec la guerre étrangère, et quand les brigands seront sous le commandement des Anglais. Thirion écrit le 12 que Laval est évacué; que les brigands se sont portés sur Mayenne; que pendant quelques moments on avait craint leur retour; qu’ils ne paraissent pas et que l’on forme une armée de 30,000 hommes. Le 15, Lètourneur écrit que le département