SÉANCE DU 28 MESSIDOR AN II (16 JUILLET 1794) N° 58 217 La seconde disposition de ce décret a donné lieu dans plusieurs départements à des discussions de compétence entre les directeurs des domaines et les administrations de district. Par les lois précédentes, et notamment par celle du 12 septembre 1791, les baux des domaines nationaux doivent être faits, à la poursuite et diligence des préposés de la régie, devant le directoire du district de la situation des biens, par la voie de l’adjudication, et à la chaleur des enchères. Dans plusieurs districts les préposés de l’agence pensent, d’après le décret du 10 germinal, que les administrations ne doivent plus connaître de la location des biens appartenant à la république; dans d’autres, ce sont les administrations qui ont cette opinion, et les préposés ne croient pas que le nouveau décret ait abrogé les anciennes dispositions sur ce point. En réclamant l’exécution de ces incertitudes sur la démarcation des attributions des districts et des préposés de l’agence, il résulte qu’au lieu de faciliter la location des domaines nationaux, ainsi qu’on se l’était proposé, le décret dont il s’agit y a apporté quelques entraves. Votre comité pense que l’intervention des administrations de district dans la location des domaines de la république, la publicité des adjudications et la chaleur des enchères sont des sauvegardes qu’il importe de conserver pour mettre à couvert l’intérêt national, qui pourrait se trouver compromis si ces locations étaient confiées définitivement et sans surveillance aux préposés de l’agence des domaines. La Convention nationale sentira facilement le préjudice qui pourrait résulter pour la nation de l’abus du nouveau pouvoir confié par le décret du 10 germinal aux subalternes de l’administration des domaines dans les départements; que l’on ne doit pas se borner seulement à maintenir les anciennes dispositions, mais que l’on doit rendre encore les préposés de l’agence responsables de la non-location des domaines nationaux qu’ils auraient négligés. Le comité des finances rappelle à la Convention nationale, relativement à ladite disposition du décret du 10 germinal, que, par l’article V de la section V de la loi du 25 juillet 1793, les préposés de l’enregistrement sont exclusivement chargés du recouvrement des fruits, actions, créances, et du produit des ventes des biens tant mobiliers qu’immobiliers des émigrés, pour être ensuite versés par eux dans les caisses des receveurs de district. L’article 1er du décret du 26 frimaire a rendu cette disposition commune à tous les biens confisqués au profit de la république, pour quelque cause et de quelque manière que ce soit. Cet ordre de choses a été adopté afin de mettre la commission des revenus nationaux et l’agence des domaines à portée de former le compte particulier de chaque émigré et condamné, à l’aide duquel se feront la collocation et le payement de leurs créanciers. Ce but serait manqué, et la comptabilité qui a eu lieu jusqu’à ce jour en conséquence du décret du 25 juillet 1793 serait incomplète, si la Convention nationale ne prenait pas les moyens d’y faire comprendre les sommes dont il s’agit dans l’article III du décret du 10 germinal. Votre comité a pensé, d’après ces différentes observations, qu’il serait intéressant que la Convention nationale décrétât les dispositions suivantes. Le rapporteur lit un projet de décret qui est adopté en ces termes (l) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MALLARMÉ, au nom de] son comité des finances, interprétant son décret du 10 germinal, qui ordonne un compte décadaire des moyens employés par l’agence des domaines nationaux pour la recherche des biens ap-partenans à la République, décrète ce qui suit : « I. - L’agence de l’enregistrement et des domaines nationaux continue d’être chargée de l’exécution de l’article I du décret du 10 germinal. « IL - La location des domaines se fera d’après les règles et suivant les formes prescrites par les décrets des 23 octobre 1790 et 19 août 1791. « III. - Les préposés de ladite agence sont personnellement responsables de la négligence qu’ils auroient apportée à provoquer auprès des directoires des districts la location des domaines appartenans à la République. Ils rendront compte à l’agence, au commencement de chaque décade, des locations faites dans la décade précédente, et de celles qui resteront à faire. L’agence en formera un état général, qu’elle présentera chaque décade à la commission des revenus nationaux. « IV. - Il sera expédié par les receveurs de district, et par la trésorerie nationale, pour les sommes qui auroient pu être versées dans leurs caisses en conséquence de l’article III du décret du 10 germinal, des récépissés au profit des préposés de l’agence des domaines, entre les mains desquels elles auroient dû être versées, en conséquence de l’article V du décret du 25 juillet 1793. Ces préposés en feront emploi, en recette et en dépense, dans leurs comptes. « V. - Dans la décade qui suivra la promulgation du présent décret, les accusateurs publics, et les greffiers des tribunaux criminels et commissions militaires, feront verser, dans les caisses des préposés de l’agence nationale de leur situation, les sommes, tant en argent qu’en assignats, dont ils se trouvent dépositaires, et qui auront appartenu à des individus contre lesquels la confiscation aura été prononcée. Ces versemens se feront distinctement pour chaque condamné. « VI. - Ils feront, dans le même délai, dresser un inventaire particulier des effets qui ont appartenu à chaque individu désigné dans l’article précédent, et dont ils se trouveront dépositaires. Ces effets seront déposés, conformément à l’article XVII section II de la loi du 25 juillet 1793; et les directoires de district s’en chargeront au pied dudit inventaire, dont un double, certifié véritable par lesdits accusateurs publics ou secrétaires-greffiers, leur sera remis pour servir à la vente desdits effets. « VIL - Les deux articles ci-dessus recevront, à l’avenir, leur exécution dans les trois jours après que la confiscation aura été prononcée. (l) Mon., XXI, 241. SÉANCE DU 28 MESSIDOR AN II (16 JUILLET 1794) N° 58 217 La seconde disposition de ce décret a donné lieu dans plusieurs départements à des discussions de compétence entre les directeurs des domaines et les administrations de district. Par les lois précédentes, et notamment par celle du 12 septembre 1791, les baux des domaines nationaux doivent être faits, à la poursuite et diligence des préposés de la régie, devant le directoire du district de la situation des biens, par la voie de l’adjudication, et à la chaleur des enchères. Dans plusieurs districts les préposés de l’agence pensent, d’après le décret du 10 germinal, que les administrations ne doivent plus connaître de la location des biens appartenant à la république; dans d’autres, ce sont les administrations qui ont cette opinion, et les préposés ne croient pas que le nouveau décret ait abrogé les anciennes dispositions sur ce point. En réclamant l’exécution de ces incertitudes sur la démarcation des attributions des districts et des préposés de l’agence, il résulte qu’au lieu de faciliter la location des domaines nationaux, ainsi qu’on se l’était proposé, le décret dont il s’agit y a apporté quelques entraves. Votre comité pense que l’intervention des administrations de district dans la location des domaines de la république, la publicité des adjudications et la chaleur des enchères sont des sauvegardes qu’il importe de conserver pour mettre à couvert l’intérêt national, qui pourrait se trouver compromis si ces locations étaient confiées définitivement et sans surveillance aux préposés de l’agence des domaines. La Convention nationale sentira facilement le préjudice qui pourrait résulter pour la nation de l’abus du nouveau pouvoir confié par le décret du 10 germinal aux subalternes de l’administration des domaines dans les départements; que l’on ne doit pas se borner seulement à maintenir les anciennes dispositions, mais que l’on doit rendre encore les préposés de l’agence responsables de la non-location des domaines nationaux qu’ils auraient négligés. Le comité des finances rappelle à la Convention nationale, relativement à ladite disposition du décret du 10 germinal, que, par l’article V de la section V de la loi du 25 juillet 1793, les préposés de l’enregistrement sont exclusivement chargés du recouvrement des fruits, actions, créances, et du produit des ventes des biens tant mobiliers qu’immobiliers des émigrés, pour être ensuite versés par eux dans les caisses des receveurs de district. L’article 1er du décret du 26 frimaire a rendu cette disposition commune à tous les biens confisqués au profit de la république, pour quelque cause et de quelque manière que ce soit. Cet ordre de choses a été adopté afin de mettre la commission des revenus nationaux et l’agence des domaines à portée de former le compte particulier de chaque émigré et condamné, à l’aide duquel se feront la collocation et le payement de leurs créanciers. Ce but serait manqué, et la comptabilité qui a eu lieu jusqu’à ce jour en conséquence du décret du 25 juillet 1793 serait incomplète, si la Convention nationale ne prenait pas les moyens d’y faire comprendre les sommes dont il s’agit dans l’article III du décret du 10 germinal. Votre comité a pensé, d’après ces différentes observations, qu’il serait intéressant que la Convention nationale décrétât les dispositions suivantes. Le rapporteur lit un projet de décret qui est adopté en ces termes (l) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MALLARMÉ, au nom de] son comité des finances, interprétant son décret du 10 germinal, qui ordonne un compte décadaire des moyens employés par l’agence des domaines nationaux pour la recherche des biens ap-partenans à la République, décrète ce qui suit : « I. - L’agence de l’enregistrement et des domaines nationaux continue d’être chargée de l’exécution de l’article I du décret du 10 germinal. « IL - La location des domaines se fera d’après les règles et suivant les formes prescrites par les décrets des 23 octobre 1790 et 19 août 1791. « III. - Les préposés de ladite agence sont personnellement responsables de la négligence qu’ils auroient apportée à provoquer auprès des directoires des districts la location des domaines appartenans à la République. Ils rendront compte à l’agence, au commencement de chaque décade, des locations faites dans la décade précédente, et de celles qui resteront à faire. L’agence en formera un état général, qu’elle présentera chaque décade à la commission des revenus nationaux. « IV. - Il sera expédié par les receveurs de district, et par la trésorerie nationale, pour les sommes qui auroient pu être versées dans leurs caisses en conséquence de l’article III du décret du 10 germinal, des récépissés au profit des préposés de l’agence des domaines, entre les mains desquels elles auroient dû être versées, en conséquence de l’article V du décret du 25 juillet 1793. Ces préposés en feront emploi, en recette et en dépense, dans leurs comptes. « V. - Dans la décade qui suivra la promulgation du présent décret, les accusateurs publics, et les greffiers des tribunaux criminels et commissions militaires, feront verser, dans les caisses des préposés de l’agence nationale de leur situation, les sommes, tant en argent qu’en assignats, dont ils se trouvent dépositaires, et qui auront appartenu à des individus contre lesquels la confiscation aura été prononcée. Ces versemens se feront distinctement pour chaque condamné. « VI. - Ils feront, dans le même délai, dresser un inventaire particulier des effets qui ont appartenu à chaque individu désigné dans l’article précédent, et dont ils se trouveront dépositaires. Ces effets seront déposés, conformément à l’article XVII section II de la loi du 25 juillet 1793; et les directoires de district s’en chargeront au pied dudit inventaire, dont un double, certifié véritable par lesdits accusateurs publics ou secrétaires-greffiers, leur sera remis pour servir à la vente desdits effets. « VIL - Les deux articles ci-dessus recevront, à l’avenir, leur exécution dans les trois jours après que la confiscation aura été prononcée. (l) Mon., XXI, 241. 218 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « VIII. - Il est dérogé aux dispositions du décret du 10 germinal qui seroient contraires au présent et à la loi du 25 juillet 1793. » (l). 59 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Marie Dou-ville, dentellière, domiciliée à Mondeville, département du Calvados, laquelle, après 2 mois et 10 jours de détention, a été acquittée et mise en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 24 messidor présent mois; Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera à la citoyenne Douville la somme de 250 liv., à titre de secours et indemnité, et pour l’aider à retourner dans son domicile. « Le présent décret ne sera pas imprimé. » (2). 60 COLOMBEL (sic), au nom du comité des secours : C’est toujours une nouvelle jouissance pour des républicains d’entendre le récit des belles actions dont leurs frères s’honorent tous les jours. La Société populaire de Montalon, ci-devant Saint-André de Cubzac, n’a point laissé ignorer à la Convention nationale plusieurs traits de courage, d’héroïsme et de générosité qui illustrent leur auteur; elle lui a fait une Adresse pour solliciter une récompense nationale en faveur du recommandable Bezi-neau. Le devoir de votre comité des secours publics est de vous mettre sous les yeux les motifs sur lesquels elle s’appuie, et de vous rendre compte de cette affaire. Le citoyen Bezineau, marin au port de Cubzac, s’étant fait une réputation par son patriotisme, par ses malheurs et par une foule de belles actions, le 22 floréal dernier, la Société populaire l’invita à se rendre dans son sein; là elle lui décerna la récompense dont le républicain est le plus jaloux, c’est-à-dire elle lui donna la preuve qu’il jouissait de l’estime, de la confiance et de l’attachement de ses concitoyens. La Société nomma alors 4 commissaires pour recueillir les traits qui marquent le plus dans la conduite de Bezineau; les voici tels qu’elle vous les a transmis. D’abord François Bezineau, marin, âgé de 42 ans, a fait 3 campagnes. Lors de la prise de Toulon par les Anglais, il fut au nombre des prisonniers, et fut fortement sollicité (l) P.V., XLI, 291. Minute de la main de Mallarmé. Décret n° 9959. Débats, n° 664 ; J. Paris, n° 564 ; C. Eg., n° 697 ; Rép., n°210; J. Perlet, n° 663 ; -J. Sablier, n° 1440 ; Ann. patr., n° DLXII ; Mess, soir, n° 696 ; F.S.P., n° 378 ; -J. Lois, n° 657 ; J. Mont., n° 81 ; C. Unie., n° 928 ; ■J.S. Culottes, n°518; J. Fr., n° 660 ; Ann. R. F., n° 228. (2) P.V., XLI, 293. Minute de la main de Briez. Décret n° 9960. Reproduit dans B"', 30 mess. (2e suppl1). d’arborer le signe de la rébellion, c’est-à-dire la cocarde blanche ; mais il ne céda ni aux instances, ni aux menaces; le courage qu’il a montré, qui lui aurait mérité l’estime et l’admiration de tous autres que des Anglais, lui a valu vingt-deux coups de plat de sabre de la part de ces scélérats; il n’a même évité la mort que par une fuite précipitée, en s’élançant dans un esquif avec lequel il aborda le navire le Patriote, dans lequel il se tint caché. Revenant de la même ville, il fut de nouveau pris par les Anglais et jeté sur un des quatre navires que ces monstres envoyaient comme parlementaires à Rochefort. Arrivé dans ce port, il s’échappa, et fut un de ceux qui vinrent dénoncer aux représentants du peuple qui se trouvaient dans cette ville ceux des officiers traîtres à la patrie, et qui avaient voulu les débarquer sur les côtes d’Espagne. Ces officiers ont payé de leurs têtes leurs crimes et leur scélératesse. Bezineau a été constamment patron sur les bateaux de passage du port de Cubzac; il a rendu de grands service à ses concitoyens, et voici ce que la Société populaire écrit à ce sujet : « Martin, matelot, tombe dans la Dordogne, il y a environ 10 ans; Bezineau s’élance de suite dans l’eau, et ce n’est qu’à la troisième fois qu’il a plongé qu’il arracha Martin des bras de la mort. « L’année suivante, dans un coup de vent, le bateau de passage où il est chavire : une nourrice est submergée avec l’enfant qu’elle tient dans ses bras; c’est encore Bezineau qui les arrache l’un et l’autre à la mort. « Depuis son retour de Rochefort, Pibereau, matelot, de la commune de Cubzac, tombe dans la rivière; il est encore sauvé par les soins de Bezineau. « Enfin, le 18 floréal, le fils du citoyen Apert, âgé de 10 ans, tombe dans la Dordogne à l’instant où les courants étaient dans leur plus grande force. Bezineau, qui venait pourtant d’éprouver une maladie qui lui occasionnait une faiblesse considérable, qui n’avait pas mangé depuis 24 heures, ne consulte que son zèle qui le rend toujours prêt à voler au secours des malheureux ; il se jette tout habillé dans la rivière; il plonge, saisit l’enfant, le ramène sur l’eau; l’enfant lui échappe, il replonge de nouveau, ramène l’enfant qui lui échappe, il replonge de nouveau, ramène l’enfant qui lui échappe encore une fois; enfin ce brave homme fait un nouvel effort, il replonge pour la troisième fois, il ressaisit l’enfant, qui, depuis longtemps luttant avec la mort, malheureusement ne pouvait s’aider et seconder les efforts de son bienfaiteur. Enfin, Bezineau, épuisé de fatigues, aurait péri lui-même s’il n’eût reçu des secours ; il était trop éloigné du rivage ; il fut forcé d’abandonner ce malheureux enfant. » Voilà, citoyens, les traits principaux qui caractérisent et qui honorent l’homme que la Société populaire de Montalon recommande à la bienfaisance nationale; votre comité, toujours pénétré des principes de justice qui dirigent les représentants du peuple, m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant [adopté] (l) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [COLLOMBEL, au nom de] (1) Mon., XXI, 241. 218 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « VIII. - Il est dérogé aux dispositions du décret du 10 germinal qui seroient contraires au présent et à la loi du 25 juillet 1793. » (l). 59 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Marie Dou-ville, dentellière, domiciliée à Mondeville, département du Calvados, laquelle, après 2 mois et 10 jours de détention, a été acquittée et mise en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 24 messidor présent mois; Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera à la citoyenne Douville la somme de 250 liv., à titre de secours et indemnité, et pour l’aider à retourner dans son domicile. « Le présent décret ne sera pas imprimé. » (2). 60 COLOMBEL (sic), au nom du comité des secours : C’est toujours une nouvelle jouissance pour des républicains d’entendre le récit des belles actions dont leurs frères s’honorent tous les jours. La Société populaire de Montalon, ci-devant Saint-André de Cubzac, n’a point laissé ignorer à la Convention nationale plusieurs traits de courage, d’héroïsme et de générosité qui illustrent leur auteur; elle lui a fait une Adresse pour solliciter une récompense nationale en faveur du recommandable Bezi-neau. Le devoir de votre comité des secours publics est de vous mettre sous les yeux les motifs sur lesquels elle s’appuie, et de vous rendre compte de cette affaire. Le citoyen Bezineau, marin au port de Cubzac, s’étant fait une réputation par son patriotisme, par ses malheurs et par une foule de belles actions, le 22 floréal dernier, la Société populaire l’invita à se rendre dans son sein; là elle lui décerna la récompense dont le républicain est le plus jaloux, c’est-à-dire elle lui donna la preuve qu’il jouissait de l’estime, de la confiance et de l’attachement de ses concitoyens. La Société nomma alors 4 commissaires pour recueillir les traits qui marquent le plus dans la conduite de Bezineau; les voici tels qu’elle vous les a transmis. D’abord François Bezineau, marin, âgé de 42 ans, a fait 3 campagnes. Lors de la prise de Toulon par les Anglais, il fut au nombre des prisonniers, et fut fortement sollicité (l) P.V., XLI, 291. Minute de la main de Mallarmé. Décret n° 9959. Débats, n° 664 ; J. Paris, n° 564 ; C. Eg., n° 697 ; Rép., n°210; J. Perlet, n° 663 ; -J. Sablier, n° 1440 ; Ann. patr., n° DLXII ; Mess, soir, n° 696 ; F.S.P., n° 378 ; -J. Lois, n° 657 ; J. Mont., n° 81 ; C. Unie., n° 928 ; ■J.S. Culottes, n°518; J. Fr., n° 660 ; Ann. R. F., n° 228. (2) P.V., XLI, 293. Minute de la main de Briez. Décret n° 9960. Reproduit dans B"', 30 mess. (2e suppl1). d’arborer le signe de la rébellion, c’est-à-dire la cocarde blanche ; mais il ne céda ni aux instances, ni aux menaces; le courage qu’il a montré, qui lui aurait mérité l’estime et l’admiration de tous autres que des Anglais, lui a valu vingt-deux coups de plat de sabre de la part de ces scélérats; il n’a même évité la mort que par une fuite précipitée, en s’élançant dans un esquif avec lequel il aborda le navire le Patriote, dans lequel il se tint caché. Revenant de la même ville, il fut de nouveau pris par les Anglais et jeté sur un des quatre navires que ces monstres envoyaient comme parlementaires à Rochefort. Arrivé dans ce port, il s’échappa, et fut un de ceux qui vinrent dénoncer aux représentants du peuple qui se trouvaient dans cette ville ceux des officiers traîtres à la patrie, et qui avaient voulu les débarquer sur les côtes d’Espagne. Ces officiers ont payé de leurs têtes leurs crimes et leur scélératesse. Bezineau a été constamment patron sur les bateaux de passage du port de Cubzac; il a rendu de grands service à ses concitoyens, et voici ce que la Société populaire écrit à ce sujet : « Martin, matelot, tombe dans la Dordogne, il y a environ 10 ans; Bezineau s’élance de suite dans l’eau, et ce n’est qu’à la troisième fois qu’il a plongé qu’il arracha Martin des bras de la mort. « L’année suivante, dans un coup de vent, le bateau de passage où il est chavire : une nourrice est submergée avec l’enfant qu’elle tient dans ses bras; c’est encore Bezineau qui les arrache l’un et l’autre à la mort. « Depuis son retour de Rochefort, Pibereau, matelot, de la commune de Cubzac, tombe dans la rivière; il est encore sauvé par les soins de Bezineau. « Enfin, le 18 floréal, le fils du citoyen Apert, âgé de 10 ans, tombe dans la Dordogne à l’instant où les courants étaient dans leur plus grande force. Bezineau, qui venait pourtant d’éprouver une maladie qui lui occasionnait une faiblesse considérable, qui n’avait pas mangé depuis 24 heures, ne consulte que son zèle qui le rend toujours prêt à voler au secours des malheureux ; il se jette tout habillé dans la rivière; il plonge, saisit l’enfant, le ramène sur l’eau; l’enfant lui échappe, il replonge de nouveau, ramène l’enfant qui lui échappe, il replonge de nouveau, ramène l’enfant qui lui échappe encore une fois; enfin ce brave homme fait un nouvel effort, il replonge pour la troisième fois, il ressaisit l’enfant, qui, depuis longtemps luttant avec la mort, malheureusement ne pouvait s’aider et seconder les efforts de son bienfaiteur. Enfin, Bezineau, épuisé de fatigues, aurait péri lui-même s’il n’eût reçu des secours ; il était trop éloigné du rivage ; il fut forcé d’abandonner ce malheureux enfant. » Voilà, citoyens, les traits principaux qui caractérisent et qui honorent l’homme que la Société populaire de Montalon recommande à la bienfaisance nationale; votre comité, toujours pénétré des principes de justice qui dirigent les représentants du peuple, m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant [adopté] (l) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [COLLOMBEL, au nom de] (1) Mon., XXI, 241.