JJ52 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1T mai 1790.] Adresse du même genre, de la commune d’U-ehaud, au diocèse de Nîmes : elle supplie l’ Assemblée de lui procurer des armes, ou de lui permettre de s’imposer pour en payer le prix. Adresses des curés du canton deBonneval, district de Cbâteaudun, département d’Eure-et-Loir, qui, dans un moment où un grand nombre de corps ecclésiastiques, chapitres, et particulièrement celui de la capitale de leur diocèse, ne craignent point de manifester des sentiments antipatriotiques pardes protestations publiques contre les décrets de l’Assemblée, croient qu’il est de leur devoir de faire connaître hautement qu’ils ne prennent aucune part à toute espèce de protestation semblable; qu’ils n’ont qu’un cœur et qu’un même sentiment, qui est celui de l’adhésion la plus parfaite à tout ce qui a été arrêté et décrété par l’Assemblée. Adresses de la municipalité de Savigny-lès-Beauue, département de la Côte-d’Or, contenant sa soumission pour l’acquisition de 300,000 livresde biens ecclésiastiques ; de la communauté de Ville-Dieu, Bas-Vendomois, contenant une soumission semblable de la somme de 80,000 livres. Adresse des citoyens actifs du canton de Bois-Commun, et de celui du Châtelet en Brie, qui profitent du moment de leur réunion en assemblée Ïirimaire, pour exprimer à l’Assemblée nationale es sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle les a pénétrés. Adresse de la communauté de Saint-Voir, département de l’Ailier, qui offre à la patrie le montant de la contribution des ci-devant privilégiés, et en sus une somme de 120 livres. Adresse de la garde nationale de la ville de Joigny : on y lit ces paroles remarquables : « Nous déclarons ennemis de la patrie ceux qui, dans des assemblées défendues par la Constitution, oseraient protester contre vos décrets; et si jamais les destinées de l’Etat pouvaient être en danger, on nous verrait {et deux millions de troupes nationales suivraient sans doute notre exemple ); on nous verrait nous rallier sous les drapeaux du père du peuple, du restaurateur de la liberté française, et lui prêter, comme autrefois les soldats de Fabius, non pas le serment de vaincre ou mourir, mais celui de revenir vainqueurs. » Adresse de la municipalité d’Orléans qui offre d’acheter pour 15 millions de biens nationaux. Délibération de la municipalité de Souzy-l’Ar-gentière, qui adhère aux décrets de l’Assemblée, et fait don patriotique de l’imposition des ci-devant privilégiés. Adresse de la municipalité de Monpon, dans les mêmes termes, avec un don patriotique de 689 livres 15 sols. Il est aussi fait lecture d’une adresse des Carmes de la place Maubert, datée de ce jour, dans laquelle, ensuite d’une délibération unanime, ils déclarent faire l’hommage respectueux à l’Assemblée de leur adhésion libre et sincère à ses décrets, et particulièrement à ceux qui concernent les biens ecclésiastiques et les ordres religieux. L’Assemblée est instruite, par un avis venu de M. le garde des sceaux, que le roi a donné sa sanction ou son acceptation : 1° « Au décret de l’Assemblée nationale du 12 de ce mois, portant que la somme de trois cent treize mille livres, destinée à l’entretien de l’église d’Orléans, sera remise entre les mains de la municipalité de ladite ville; 2° * Au décret du 13, portant qu'il ne sera point donné suite au cautionnement à fournir par la municipalité de Paris, pour l’acquisition des domaines nationaux; 3° « Au décret du 14, qui prohibe l’entrée du sel étranger dans tout le royaume ; 4° « Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux delà ville d’Amiens, à faire un emprunt de 15,000 livres, au lieu de 60,000. 5° « Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Caudrot à imposer sur les habitants de cette ville la somme de 1,210 livres; 6° « Au décret du même jour, portant qu’il sera provisoirement et sans délai construit un pontde bateaux sur la rivière de la Sarre, dans la ville de Sarguemines ; 7° « Au décret du même jour, portant qu’aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra assister comme électeur dans les assemblées de district et de département; 8° « Au décret du même jour, pour la vente de 400 millions de domaines nationaux; 9° Au décret du 15, concernant le droitde triage, la propriété des bois, pâturages, marais vacants, terres vaines et vagues ; 10° « Enfin, au décret du même jour, relatif aux réclamations élevées contre les opérations faites dans les assemblées primaires de la ville de Douai. Signé: Champion de GiCÉ, arch. de Bordeaux. Paris , le 17 mai 1790. M. Prieur, rapporteur du comité de vérification des pouvoirs, annonce que les pouvoirs de M. Du Mans de Bourg-l’Evêque, suppléant de M. le comte de Tessé, député du Maine, qui a donné sa démission, ont été vérifiés et trouvés en règle. M. Du Mans est déclaré admis, à la charge de prêter le serment civique. M. liecouteulx de Danteleu, député de Rouen, présente, pour être envoyée au comité des rapports, une pièce intitulée : Déclarationdu chapitre de V église métropolitaine de Rouen sur le décret de l'Assemblée nationale du 13 avril 1790, concernant la religion: suivie d’un jugement de la même municipalité. Le renvoi au comité des rapports est ordonné. La déclaration est ainsi conçue : Extrait des registres des délibérations du chapitre de l’église métropolitaine de Rouen , primatiale de Normandie. Du mercredi, 5 mai 1790. Le chapitre de l’église métropolitaine de Rouen, primatiale de Normandie, ayant eu connaissance d’une déclaration d’une partie de l’Assemblée nationale, sur le décret rendu le 13 avril 1790, concernant la religion, déclaration souscrite d’un grand nombre de signatures, rendue publique par la voie de l’impression : Après avoir pareillement pris lecture des conclusions du chapitre de Paris des 12 et 14 avril 1790 jointes à ladite déclaration, pour lesquelles le chapitre de Paris, tant en son nom qu’à celui de différentes églises cathédrales et collégiales du royaume, exprime les alarmes et la douleur profonde que lui cause ce même décret; [Assemblée nationale.] ARCHIYËS PARLEMENTAIRES. [17 mai 1790.] 583 Jugeant qu’il ne suffit plus au zèle qui l’anime pour la gloire de l’église de gémir en secret des atteintes qui lui sont portées, et que dans les conjonctures actuelles un plus long silence de sa part pourrait être regardé comme un abandon criminel des intérêts les plus sacrés pour lui, ceux de la religion qu’il doit non seulement professer, mais défendre ; pénétré d’ailleurs envers cette religion sainte d’un respect trop sincère pour penser qu’elle ne puisse devenir la matière d’une délibération tendant à lui assurer les hommages qui lui sont dus; À arrêté de manifester ses sentiments par la déclaration qui suit : 1° C’est une vérité notoire et un fait public, que la religion catholique, apostolique et romaine, est la seule religion de l’État, la seule qui ait ioui constamment delà prérogative du culte public et solennel : que depuis l’origine de l’empire français, le monarque et le peuple n’en ont point reconnu d’autre : que le royaume s’est toujours fait gloire d’être distingué par le titre de Royaume très-chrétien, qu’il ne mériterait plus s’il cessait d’adopter exclusivement le culte catholique; que le roi des Français n’a été qualifié fils aîné de l'église qu’en reconnaissance de son zèle à écarter de ses États tout culte réprouvé par elle: qu’il est dans les principes de la constitution française que nos rois, à leur avènement au trône, se lient, par le serment le plus solennel, au maintien de la seule religion catholique, apostolique et romaine : que suivant les ordonnances, tout Français ne devait être admis aux charges et emplois publics que sous le sceau d’un serment ui garantît son attachement inviolable à la foi e ses pères : qui si, durant le cours de treize siècles ; l’hérésie (et encore n’en peut-on citer qu’une) a obtenu la concurrence de son culte avec celui de la vraie croyance, ce n’a été que pendant de courts intervalles, moins par le vœu d’une loi permanente et réfléchie dans le calme de la paix, que par une tolérance passagère, dictée par l’intérêt du moment, souvent même extorquée les armes à la main ; que le temps de celte rivalité, fut un siècle de trouble et d’anarchie marqué dans nos annales en traits de sang et regardé comme un des plus désastreux de la monarchie : que la nation ne vit pas se multiplier ces lois favorables à une secte étrangère sans réclamer, puisque assemblée en 1516 aux premiers États de Blois, elle déclara « que le roi n’avait pu les faire sans l’exprès consentement des États, ne lui étant pas loisible et permis d’altérer Ja religion qui est la loi principale et fondamentale du royaume » : que, quelque inquiétude qu’ait pu causer à beaucoup de fidèles l’édit du mois de novembre 1787 concernant les non-catholiques, ils avaient eu cependant la consolation d’y voir le législateur assurer que « la religion catholique qu’il a le bonheur de professer jouira seule dans son royaume des droits et des honneurs du culte public » : qu’enfin la persévérance de la nation entière dans son ancien attachement à la religion de ses pères ne pouvait se manifester d’une manière plus formelle, que par les, instructions des bailliages à leurs députés, parmi lesquels il n’en est presqu’aucun qui ne fut dépositaire, ou d’un vœu précis, ou d’une intention bien connue en faveur de la religion catholique, apostolique et romaine. 2° C’est encore une vérité certaine et un principe incontestable, que la religion catholique, apostolique et romaine est la seule religion vraie; et que l’erreur ne doit point partager les droits de la vérité, ni marcher son égale : que c’est la seule religion dans laquelle le salut soit possible, la seule par conséquent dont un souverain, non moins jaloux des intérêts éternels que de l’avantage temporel de son peuple, doive autoriser le culte : qu’il n’est point de religion qui recommande avec plus de force et d’autorité toutes les vertus utiles à la prospérité d’un empire, telles que la paix, la bienveillance universelle, la soumission à l’autorité légitime, et qui, dès lors, mérite, à plus juste titre, Ja faveur et la prédilection des lois: que, suivant l’auteur de l'Esprit des lois( 1), qui ne parle ici qu’en politique : « un prince qui « entreprend dans son État de détruire ou de « changer la religion dominante, s’expose beau-« coup... que la religion ancienne est liée avec « la constitution de l’État, et la religion nouvel-«• le n’y tient pas... Qu’enlin l’innovation en ma-« tière de religion tend à dégoûter les citoyens « de leurs lois, à introduire le mépris pour le « gouvernement, à substituer des soupçons con-« tre les deux religions à une ferme croyance « pour une ; en un mot, à donner à l’État, au « moins pour quelque temps, et de mauvais ci-« toyens et de mauvais fidèles. » 3° Une troisième vérité qui suit les deux premières, est le sentiment profond de surprise et de consternation dont ne peut se défendre tout Français sincèrement catholique, en réfléchissant sur ce refus constant de reconnaître la religion de ses pères pour la seule religion de l’État. Tout parlait pour elle : et une possession immémoriale, et la préférence due à la vérité sur l’erreur, et son active influence sur le bonheur public et particulier, et le vœu général annoncé de toutes lesparties du royaume. Mais c’est en vain qu’elle réclame l’hommage d’une préférence et d’une adoption légale, qui, en autorisant exclusivement la publicité de son culte, en fasse la religion propre et dominante de l’État, c’est en vain qu’elle redouble ses instances; son droit est pesé, discuté, mais n’est pas consacré; on repousse sa demande; c’est à dessein que la loi s’abstient de lui décerner le triomphe qui lui est dû ; c’est à dessein que la loi se tait. Que penser, ou plutôt, que ne pas craindre de ce silence? L’antique religion des Français ne serait-elle plus de nos jours qu’une religion indifférente? Rabaissée presque au niveau des sectes étrangères, serait-elle réduite à n’exister que par une tolérance commune à tous les cultes? Elle obtient sur eux l’avantage d’avoir des ministres salariés par l’État, mais est-ce donc là le seul, le plus important des privilèges qu’elle avait droit de revendiquer ? et celui-là même, croit-on qu’elle n’ait pas amèrement à s’en plaindre? Ainsi peut-être verrait-on un jour des religions et des sectes de toute espèce abuser du silence d’une loi qui ne les réprime pas pour s’introduire au sein de ce royaume très-chrétien, ériger leurs temples à côté de nos églises, pratiquer publiquement des cérémonies sacrilèges, et y appeler même le catholique imprudent avec le sectaire abusé. Dieu veuille détourner ce sinistre présage! Mais nous, dépositaires de ce culte catholique, membres d’une église qui, depuis quinze siècles, le conserve dans toute la splendeur et l’intégrité de ses droits, à la vue d’un avenir aussi affligeant, pourrions-nous ne pas faire entendre les gémissements de notre douleur, ne pas manifester les inquié-(1) Livra XXV. Chap. XI. 554 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [17 mai 1790.1 tude9 de notre zèle, et ne pas donner, au moins f»our notre consolation mutuelle, et celle de tous es bons Français, un témoignage authentique de notre attachement à la religion de nos ancêtres. C’est pourquoi nous, membres du chapitre de l’église métropolitaine de Rouen, primatiale de Normandie, déclarons adhérer d’esprit et de cœur à la religion catholique, apostolique et romaine, non seulement comme la seule vraie et méritoire du salut éternel, mais encore comme la seule nationale, digne de jouir exclusivement de la solennité du culte public, ainsi qu’elle en a toujours joui ; la seule capable, par sa doctrine et sa morale, de procurer le plus grand bien du royaume de France, et sommés résolus de la regarder et professer comme telle jusqu’à notre dernier soupir. N’entendons toutefois que la présente déclaration, relative seulement au décret du 13 avril, puisse être regardée comme acquiescement à tous autres décrets qui pourraient être préjudiciables au bien de la religion et aux intérêts de l’Eglise. Le présent extrait collationné, certifié véritable et conforme à la minute, de ladite déclaration, par moi soussigné, prêtre secrétaire dudit chapitre de l’église de Rouen ; les jour et an que dessus. Signé : Robin. Municipalité de Rouen. Jugement du tribunal de police qui supprime, comme mensongers et séditieux , deux libelles ayant pour titre, l'un : Déclaration d’une partie de l’Assemblée nationale, sur le décret rendu le 13 avril 1790, concernant la religion; l'autre: Déclaration du chapitre de l’église métropolitaine de Rouen, sur le même décret; t'ait défenses à toutes personnes de les vendre et distribuer, sous peine de punition exemplaire ; déclarer illégale la lecture qui en a été faite au prône de la messe paroissiale de quelques églises de cette ville; fait défenses à tous curés, vicaires et autres ecclésiastiques, de lire, au prône et dans leurs églises, lesdits libelles et tous autres écrits, sous quelque titre que ce soit, s'ils n’en ont reçu le mandement , à peine d'être poursuivis comme perturbateurs de l’ordre public, etc., etc. [Du 12 mai 1790. L’an de grâce mil sept cent quatre-vingt-dix, le douze mai, en la Chambre du conseil du tribunal de police de la municipalité de Rouen, devant nous Charles-Jérôme de Martinville d’Estouteville, chevalier, maire, et les officiers municipaux de ladite ville, le procureur de la commune a dit : Messieurs. Le tribunal étant chargé spécialement de veiller à la tranquillité publique ne peut voir avec indif-férenceque, depuis quelques jours, il se répand ici, par des voies indirectes, une multitude de libelles, qui n’ont évidemment pour but que d’émouvoir et de soulever le peuple. Le 13 avril dernier, ['Assemblé nationale a rendu le décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant qu’elle n’a et ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les consciences et sur les opinions religieuses; que la majesté de la religion et le respect profond qui lui est dû ne permettent point qu’elle devienne un sujet de délibération -, considérant que l’attachement de l’Assemblee nationale au culte de la religion catholique, apostolique et romaine ne saurait être mis en doute, au moment où ce culte seul va être mis par elle à la première classe des dépenses publiques, et où, par un mouvement unanime de respect, elle a exprimé ses sentiments de la seule manière qui puisse convenir à la dignité de la religion et au caractère de l’Assemblée nationale. « Décrète qu’elle ne peut ni ne doit délibérer sur la motion proposée. » L’Assemblée nationale ne pouvait exprimer avec plus de noblesse et avec plus d’énergie son respect profond et son amour inaltérable pour la religion de nos pères et de l’Etat; néanmoins des écrits incendiaires présentent ce décret comme un attentat à la religion catholique, apostolique et romaine. L’un de ces décrits est la protestation séditieuse de quelques personnes, à ce qu’elles disent, partie de l’Assemblée nationale, sur le décret dont nous venons de rappeler les termes; l’autre est celui qui porte pour titre ; Déclaration du chapitre de l'église métropolitaine de Rouen, sur le même décret. Ces deux écrits ne sont pas sans doute l’ouvrage de ceux à qui on les attribue; car l’intérêt terrestre et vil qui les a dictés, bien moins caché que trahi par le prétexte même dont il est couvert, ne peut que démasquer l’insigne supposition des auteurs et des noms. On lit avec surprise, dans celui qui porte le nom du chapitre de Rouen, que les conjectures présentes l’obligent à venir au secours d’une religion qu’il est de son devoir (il ne dit pas de pratiquer, ce qui serait édifiant), mais de professer, mais de défendre : comme si cette religion si révérée, si sainte, avait besoin d’un tel appui ; comme si celui quil’a fondée avait malheureusement oublié ses éternelles promesses; comme si quelque pouvoir humain était capable de lui ravir cette plénitude de jours et de gloire qui lui est destinée ; comme si enfin une religion qui nous apprit que nous sommes tous égaux et frères, quinze siècles avant que la nouvelle Constitution de l’Etat vint nous le rappeler, pouvait jamais cesser d’être la sublime et touchante religion de l’Etat, Après s’être faussement et gratuitement étendu sur les périls imaginaires auxquels l’auteur de la prétendue déclaration du chapitre assure que le décret du 13 avril ex pose la religion catholique, apostolique et romaine, voici de quelle manière cet auteur termine cette déclaration : « N’entendons toutefois, nous membres du chapitre, etc., que la présente déclaration relative seulement au décret du 13 avril, puisse être regardée comme acquiescement à tous autres décrets qui pourraient être préjudiciables au bien de la religion et aux intérêts de l’Eglise. » Il est évident que le décret du 13 avril n'est point préjudiciable au bien de la religion : il n’est pas non plus préjudiciable aux vrais intérêts de l’Eglise. L’auteur du libelle confond les vrais intérêts de l’Eglise avec les intérêts personnels de quelques ecclésiastiques : c’est contre les décrets qui rappellent tous les ministres de la religion à leur institution primitive et qui rendent à la nation lesbiens destinés pour le soulagement du pauvre, mais depuis trop longtemps dévorés par le luxe, que le libelle s’élève. Voilà le véritable mobile de loutes les agitations. La religion est le prétexte apparent ; la cupidité est le prétexte réel. Le but du libelle est d’inspirer au peuple de fausses alarmes sur le maintien de la religion ; d’annoncer une opposition, aussi hardie que criminelle, aux décrets de l'Assemblée nationale;. de préparer un germe de révolte ; d'exciter à la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1790.) $55 sédition, et d’en donner l’exemple. Le tribunal doit donc voir avec indignation les efforts multipliés d’une ligue impuissante, mais dangereuse; il doit manifester l’horreur qu’elle lui inspire, et que tous les bons citoyens partagent. Ce qu’il y a de plus étonnant encore, c’est que des curés de cette ville se soient permis de lire au prône et ce même libelle et la protestation séditieuse à l’occasion de laquelle il a été fait ; qu’ils aient osé substituer ces odieuses déclamations au livre saint qui les réprouve, qu’ils se soient oubliés au point de les louer, de les paraphraser, dans une chaire où l’on ne doit prêcher que la vérité, la concorde et la soumission aux lois. Il importe, sans doute, au repos public, à la tranquillité générale, d’arrêter cette licence, de s’opposer a ses progrès et à ses suites; d’empêcher que l’on ne manque de respect et de confiance pour l’auguste Assemblée de la nation; qu’on ne calomnie ses intentions et ses décrets ; qu’on ne porte atteinte à la Constitution qu’elle nous a donnée, à cette Constitution qui fera la gloire de la France et le bonheur de ses habitants. Nous requérons, etc. Lecture faite desdits deux libelles, intitulés, l’un : Déclaration d'une partie de V Assemblée nationale, sur le décret rendu le 13 avril 1790, concernant la religion ; l’autre : Déclaration du chapitre de l’église métropolitaine de Rouen , sur le décret de l' Assemblée nationale du 13 avril 1790, concernant la religion. Le Tribunal , ouï et ce requérant le procureur de la commune, a supprimé, comme mensongers et séditieux lesdits deux libelles ; fait défenses à toutes personnes de les vendre et distribuer, sous peine de punition exemplaire; déclare illégale la lecture qui en a été faite au prône de la messe paroissiale de quelques églises de cette ville; fait défenses à tous curés, vicaires et autres ecclésiastiques de lire au prône et dans leurs églises, lesdits libelles et tous autres écrits, sous quelque titre que ce soit, s’ils n’en ont reçu le mandement, à peine d’être poursuivis comme per-tubateurs de l’ordre public ; enjoint à toutes personnes ayant des exemplaires desdits libelles de les rapporter et déposer au greffe de la municipalité : réservé le procureur de la commune à poursuivre, par telle voie qu’il appartiendra, les auteurs, imprimeurs et distributeurs desdits libelles : ordonné que le présent jugement, sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera. Fait et jugé au tribunal de police, en l’Hôtel-de-Ville, le 12 mai 1790. Signé : d’Estoute VILLE, maire, ViMAR, procureur de la commune, ci Demarest, greffier, avec paraphes. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, des dépêches qui viennent de lui parvenir et qui se rapportent à des troubles survenus à Valence en Dauphiné . Ces pièces sont les suivantes : Lettre des officiers municipaux de Valence au président de V Assemblée nationale. « Monsieur le président, « C’est avec douleur que la municipalité de Valence en Dauphiné, adresse à l’Assemblée natio-riale le procès-verbal qu’elle a tenu hier sur un événement auquel elle n’avait pas lieu de s’attendre, après avoir employé tous les moyens possibles pour l’éviter et s’être assurée de la disposition des esprits. «Elle entourait M. le vicomte de Voisins, commandant de cette place et de l’école d’artillerie, qui y est établie, et l’accompagnait tantôt de près, tantôt de loin, suivant que Paffluence du monde le permettait, dans les prisons de la commission pour sa sûreté et la satisfaction du public, sauf après, sur les ordres de l’Assemblée nationale, à examiner s’il était coupable ou non, lorsqu’il fut assailli, dans le trajet, d’un coup de feu et fut laissé mort ou mourant, car il donne encore quelques signes de vie, dans la rue, à moins de cinquante pas des prisons où la municipalité le fit porter pour éviter qu’il ne fût mutilé. On ne sait pas qui est l’auteur de ce malheur. Aussi notre procès-verbal n’en dit rien ; il retrace seulement les faits, et nous désirons que l’Assemblée nationale y trouve la preuve que la municipalité n’arien épargné pour sauver la vie à ce mal heureux commandant et faire renaître la paix. Nous sommes avec respect, Monsieur le président, vos très humbles, etc. Les officiers municipaux. Signé : Pinet-Lavie, Deleaux, Hortas, Rouge ron. A cette lettre estjoint un long procès-verbal d'où il résulte : Que le lundi 10 mai, ayant été rapporté au conseil municipal, précipitamment assemblé, que des tambours du régiment d’artillerie, en garnison en cette ville, battaient la générale, la municipalité ayant fait demander le motif d’une démarche aussi inattendue, les gardes nationales et des soldats d’artillerie se sont présentés et ont dit que M. de Voisins, directeur de l’école d’artillerie, commandant de la ville et citadelle, étant connu par le peuple pour un ennemi de la Constitution, avait pris des précautions qui pouvaient devenir dangereuses pour la ville ; qu’il avait fait placer deux pièces de canon chargées à mitraille, avait fait entrer cinquante soldats dans la citadelle et qu’il avait distribué des cartouches, avec ordre, si le peuple se présentait de faire feu sur lui ; que quelques-uns d’eux qui étaient du nombre de ces cinquante hommes, répondirent qu’on leur avait fait lecture des décrets et ayant fait serment de les exécuter, ils ne feraient point feu sur leurs concitoyens; qu’un de ceux qui avaient fait cette réponse avait été mis le matin dans les cachots par son ordre, ce qui a excité une rumeur dans tout le régiment et parmi le peuple. L’église de Saint-Jean s’est remplie de citoyens, de gardes nationales et de soldats d’artillerie, réclamant la liberté du soldat citoyen emprisonné et que M. de Voisins fût cassé et puni. Vers les deux heures, les esprits étant très échauffés, on ne parlait que de forcer la citadelle pour massacrer le commandant. En vain la municipalité a invité les citoyens à la paix. Dans le temps qu’elle délibérait sur le moyen de prévenir les événements désastreux, M. de Ravel, commandant des gardes nationales, invité de concourir, avec le conseil, au calme et au bon ordre, a répondu qu’il n’en avait pas les moyens, les gardes nationales étant près de la citadelle ; le major d’artillerie a cru aussi la position embarrassante, mais que les officiers municipaux devaient se rendre à la citadelle pour conférer avec M. de Voisins. .