[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 novembre 1790.] 741 affreux d’une peste qui les ravageait ; et ce ressouvenir, Monsieur le Président, toujours si cher aux âmes bien nées, semblait ajouter de nouvelles douleurs à celle qu’éprouvait ce peuple «sensible, de la mort de son bienfaiteur. Ainsi l’église où reposait ses cendres fut dédiée en quelque sorte à la mémoire de ce grand homme ; et, par un usage qu’ont établi la reconnaissance et l'admiration, il est un jour de chaque année où les citoyens se rendent en foule sur le tombeau qui le renferme, pour lui payer le tribut d’amour, de regret, de vénération qu’avaient consacré leurs dignes aïeux. Mais la vente ordonnée des biens nationaux met cette église, presque détruite, dans le cas d’être aliénée, et le directoire du département a réservé les cendres du héros, ainsi que le marbre où l’on voit encore et son buste et son épitaphe. L’assemblée administrative, séante à Vienne, a délibéré que j’aurais l’honneur d’écrire au Corps législatif pour réclamer ce dépôt précieux et pour obtenir de la diète auguste, la permission de le placer dans telle église de Grenoble que le directoire voudra choisir. Daignez, Monsieur le Président, être l’organe des sentiments qui animent les corps administratifs et que partagent avec eux les descendants de ce bon peuple qui, dans un siècle de servitude, sut pourtant honorer Bayard. « Je suis avec respect, etc. « Le président du département de V Isère. » (Cette adresse est renvoyée aux comités réunis des finances et d’aliénation.) Adresse de l’assemblée générale des négociants de Toulouse qui dénonce à l’Assemblée nationale une fabrication extraordinaire et continuelle de monnaie de cuivre, faite par le directeur des monnaies de cette ville; ils exposent que l’abondance de cette monnaie est très avantageuse aux directeurs, et très funeste à l’Etat. Ils supplient l’Assemblée d’inviter au plus tôt le pouvoir exécutif à faire suspendre dans le royaume, et notamment à Toulouse, les fabrications des monnaies de cuivre et d’ordonner au plus tôt la fabrication du billon qu’elle a annoncé. « Après avoir vu les assignats, disent ces né-« godants, nous serions enchantés de voir une *< monnaie qui portât aussi l’empreinte de notre « régénération. Que ne pouvons-nous y voir en-« core les noms de nos régénérateurs ! Leurs « vertus et leurs bienfaits sont gravés dans nos « cœurs. » Adresse des marchands de bois de la ville de Paris, par laquelle ils expriment leurs craintes sur les difficultés qui s’opposent au flottage des bois pour l’approvisionnement de la capitale, et demandent que l’Assemblée nationale veuille bien leur procurer pour chaque mois, à commencer du 1er décembre prochain jusqu’au 1er septembre suivant, une somme de 40,000 livres en échange d’une pareille somme d’assignats, somme avec laquelle il n’est plus possible de faire travailler les ouvriers, auxquels il faut, à la fin de chaque semaine, remettre en numéraire le prix de leur travail. Adresse et projet de règlement présentés par l’assemblée générale de l’académie de chirurgie, conformément au décret de l’Assemblée nationale du 20 août 1790. Une députation de l'assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue est admise à la barre. Cette députation est composée de six députés savoir : MM. Auvray, de La Rivière, Destandeau, Trémondrie, Brard et Lafond de Ladébat. Les pouvoirs de ces députés sont consignés dans la lettre suivante : Lettre des membres de l'assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue, à l'Assemblée nationale (1). c Messieurs, nous avons eu l’honneur de vous annoncer par nos précédentes, et notamment par notre dernière du 15 du mois dernier, les motifs de division qui existait entre l’Assemblée, ci-devant séante à Saint-Marc, et nous. D’après le compte que nous vous en avons rendu, il vous aura été facile d’apprécier notre fidélité et notre attachement pour la nation, dont nous nous glorifions de faire partie. « Satisfaits d’avoir garanti, par notre arrêté du 7 mai dernier, la partie du nord de l’influence dangereuse des décisions de cette Assemblée, nous attendions en paix que le jugement de la nation vînt faire échouer ses projets ambitieux; mais sa marche rapide vers le but qu’elle se proposait, nous a mis dans la nécessité de requérir la force publique pour la dissoudre, et conserver à la France la plus belle de ses possessions dans le nouveau monde. « Nous ne vous dissimulerons pas, Messieurs, que les principes d’indépendance, manifestés par l’assemblée coloniale, ont eu un grand nombre de partisans, et que nous nous sommes imposé une tâche pénible en cherchant à arrêter les progrès de la fermentation occasionnée par sa fuite. Si quelque chose peut soutenir notre courage dans une position aussi critique, c’est que la cause que nous défendons est la vôtre, Messieurs; puisque c’est pour rester fidèles à vos décrets que nous nous sommes exposés à tous les dangers dout nous menaçait l’Assemblée, qui n’avait d’autre but que de s’y soustraire. « Ges six députés sont : MM. Auvray, de La Rivière, Destandeau, Trémondrie, Brard et Lafond de Ladébat auxquels vous devez donner créance pour l’importante mission dont ils sont chargés; nous espérons que vous aurez la bonté de vouloir bien suspendre tout jugement jusqu’à ce qu’ils aient été entendus ; ils se joindront à ceux de la partie de l’ouest, qui sont animés du même esprit et des mêmes principes, pour vous porter " nos réclamations. « Craignant tout des rapports faux et mensongers que pourraient vous faire des hommes qu’aucun frein n’a pu retenir, qui n’ont pu, qui n’ont voulu apprécier vos décrets, nous avons cru devoir députer vers vous, Messieurs, pour mettre sous vos yeux et la suite des faits, et l’exposé fidèle de notre conduite. « Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les membres de l'Assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue. Signé: PONCIGNON, président; COUGNACQMION, vice-président ; Lévesque, secrétaire ; Blanchard, sécrétaire-adjoint. « Au Gap, le 31 août 1790. » M. Auvray, orateur de la députation, prononce le discours suivant : (1) Cette lettre n’a pas été insérée au Moniteur. (2) Le discours de M. Auvray est incomplet' au Mo% niteur. ' - ° - - fis [Assemblée nà&onaie . j ARckMs PÂlüJMiNtÀlflES. [25 novembre i"bO.| « Mescieuis, rassemblée provinciale de lu partie dü nord de Saint-Domingue nous a fait l’honneur de nous députer àùprès de vous pour déposer dans votre sein les sentiments qui l’animent, et ont dirigé, jusqu’à ce jour, sa conduite patriotique. Nbüs vbtis priorts tlbbé d'être bien persuadés ijhe, dans dès cbeurs vfaithent français, des cœurs étrangers à l’artifice comme à la crainte, nous portons l’attachement le plus inviolable, pour Une nation à laquelle nous nous faisons gloire d’appartenir, la soumission la plus entière aux lois que la sagesse de ses représentants et celle de sdn auguste chef jugeront nécessaires à la prospérité de la colonie ; l’amour le plus vrai pour un monarque qui ne cesse de se montrer le père de ses peuples et dont nous ne dessons aussi d’admirer les vertus. « Une violente explosion de ces sentiments a été provoquée par des événements dont nous étions chargés de vous entretenir, et qui mettaient là coloüie dans un danger d’autant plus imminent, que la force publique ne s’y trouvait plus Suffisante pour l’en garantir; c’était iine raison pour nous déterminer dans ce péril extrême, à n’écouter que notre zèle, le succès l’a couroriné et noüs nous en applaudissons d’autant plus qu’il paraît tjue vous en avez jugé par ce qu’il en a coûte à nos cœurs. « Mais, Messieurs, à notre arrivée en France, nous avohs appris que la députation de la partie de l’ouest qui nous â précédé, et à laquelle nous nous réunissons, vous avait parfaitement instruits dfe ces événements, qu’ils vous étaient tellement connus, que, par un décret du 12 octobre dernier, vous aviez rendu, de la manière la plus distinguée, à l’assemblée provinciale du nord; ainéi qu'à ses généreux coopérateurs, une justice que noüs veuioüs vous demander pour elle et pour eüi. « Les termes flàttëürs, pour cette assemblée, dans lesquels votre décret est conçu, les grandes vues due vous y montrez poiir la prospérité de Saint-Domingue et le bonheur.de ses habitants, ne nous laissent plus, Messieurs, qu’üne vive reconnaissance à vous témoigner; nous nous empreSsoÜS de vous payer ce tribut légitime et nous ne craignons point d’être démentis, en vous l’offrant au nom de toute la colonie. « Oui, Messieurs, d’après votre décret du 12 octobre dernier, ces sentiments Seront gravés dans tous nos cœurs en traits ineffaçables, par l’hon-nèur, le devoir et l’intérêt. « Us le seront par l'honneur* parce que nous l’attacherons à nous soustraire à l’anarchie dans laquellè, sans ce décret nous serions honteusement restés. « Ils le serbttt par le devoir, parce que ne formant avec notre mère patrie qumn feeui et même corps politique; nous noüs trouvons nécessairement comme toutes tes autres parties de ce corps; dans l’obligation de soumettre nos volontés particulières aux volontés communes, dont les lois ne sont et ne doivent être que les expressions� « Ils le seront enfin par l’intérêt, parce que, destinés à n’exister que par le commerce de nos productions, à ne pouvoir nous en assurer par nous-mêmes les avantages; à ne l’attendre que de notre agrégation à une puissance européenne, il nous importe essentiellement que cette nation ne puisse jamais s’attribuer le commerce exclusif des ifiëfê., � , ... , « Oui, Messieurs, quand üotre pâlribtismë ne npus unirait pas à la France, quand nos dê-voirs les plus anciens et les plus sacrés né nous attacheraient pas inviolàblement à elle, üos cœurs repousseraient avec énergie ürië autre protection; car nous redouterions les tempêtes qu’exciteraient la jouissance de la plus riche colonie du monde, et le calme du despotisme qui succéderait à ces tempétt s; ce calme qu’étendrait sur l’univers, une puissance à laquelle il manque la possession de Saint-Domingue, pour être souveraine des mers, pour deveriif arbitrairement oppressive pour ses colonies. « Dans l’ordre politique, la sûreté des faibles ne peut résulter que d’un équilibre de puissance entre les forts; de notre part, travailler à le détruire entre les puissances maritimes, ce serait travailler à nous donner des fers. « Telles sont, Messieurs, les grandes vérités dont en général les colons de Saint-Domingue sont intimement pénétrés; et peut-être que ceux de nos concitoyens qui, dans leurs égarements inouïs, s’en sont si prodigieusement écartés, y seront bientôt ramenés par votre jugement, ou pourrait dire par celui de toute là France. . « Déjà même, on nous l’assure, ils ont sollicité l’honneür d’être admis à là barre de votre Assemblée pour y prêter le serment civique. « Puisse cette démarche être le premier pas qu’ils doivent faire pour suivre la route tracée par vos sages décrets! puisse cette espérance, qui ëeülë adoucit nos malheurs, se réaliser enfin 1 puisse la réunion entière des opinions et des hommes rétablir, dans cette colonie infortunée, la tranquillité que nous venons vous demander, et dont toutes les parties sentent également la nécessité! Alors nous serons au comble de nos vœux, et vous ne verrez d’autre rivalité parmi nous, que celle de notre amoür pour la patrie, de notre reconnaissance pour ses représentants, de notre fidélité envers la nation, la loi et le roi. « Aussi, Messieurs, nos cœurs se sentirent douloureusement pressés , cruellement déchirés , quand, abusant de la faculté d’interpréter vos décrets, ori se permit de répandre des alarmes sur nos propriétés, d’assurer que la France nous retirait ainsi sa protection, noüs fepoussàit de son sein, pour nous abandonner aüx suites affreuses d’une Révolution qu’elle provoquait elle-même, quoique, par les lois communes entré elle et nous, elle fût engagée à nous en garantir. « Ces craintes, nous ne pouvons le dissimuler, Messieurs, ces craintes ont été la première càüsë des troubles et des malheurs de notre colonie. « Mais, Messieurs, vos décrets du 12 octobre ne laissent plus d’incertitude sur vos intentions. En vain vos ennemis s’efforceraient encore de trouver dans vos décrets des 8 et 28 mars, le projet caché de détruire entièrement les colonies; la seule lecture de celui du 12 octdbre suffirait pour faire tomber leurs calomnies. « Vous y déclarez expressément, comme article constitutionnel de leur organisation , qu’aucune loi nouvelle sur l'état des personnes ne sera décrétée en France par les représentants de la nation que sur les demandes formelles et précises qui en auront été faites par nos assemblées coloniales. « Il ne reste donc plus aucun prétexte aux interprétations dangereuses que des hommes perfides avaient données à vos décrets des 8 et 28 mars dernier, à ces décrets mémorables qui ont été kçus dans la colonie entière avec les transports de la plus vive reconnaissance et qui seuls ont donné aux citoyens fidèles les, moyens de lutter avec avantage contre les intrigüës de ceux qui | Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 üovembfeitdO.j 74o travaillaient à vous aliéner les cœtirs. Ainsi, les habitants de Saint-Domingue, parfaitement rassurés sur les principales bases de notre constitution coloniale, nous devons espérer que la formation d’une nouvelle assemblée n’éprouvera plus de difficultés; que le calme rétabli dans les passions se rétablira pareillement dans les délibérations de cette assemblée; qu’en exprimant nos vœux sur notre législation, sur notre régime intérieur, et nos relations avec la mère patrie, elle ne consultera que les convenances locales combinées avec l’accord qui doit régner constamment entre nos intérêts et ceux des autres provinces du royaume. Pour peu qu'on veuille faire attention à la chaîne des contre-coups qu’éprouvent ces intérêts, on verra clairement que si l’accroissement des richesses assurées à la France par les nouvelles lois qui la régénèrent doit ajouter à la prospérité de ses colonies* de même l’accroissement des richesses coloniales doit influer sur la puissance nalionale; que ce serait, par conséquent, tomber dans une contradiction manifeste que de proposer à la métropole de s’enrichir au détriment de sa colonie, ou à la colonie, de s’enrichir au détriment de la métropole; que l’erreur serait encore plus funeste si l’on autorisait quelques particuliers à s’enrichir au détriment de l’une ou de l’autre, si, par un abus étrange de mots, on confondait le commerce et le commerçant, l’intérêt du commerce qui est l’intérêt de la nation et de la colonie, avec l’intérêt personnel de quelques individus. « Nous osons vous promettre, Messieurs, que les vues de notre assemblée coloniale n’auront aucun de ces inconvénients : nous sommes encore persuadés qu’elles montreront la même sagesse relativement à notre régime intérieur, que leurs projets tendront à bannir de l’administration, l’arbitraire et ses abus inévitables; à proscrire tout ce qui ralentirait le cours réglé de la justice; à faire régner souverainement les lois, en les tenant sur les lieux mêmes, toujours armées de la force publique; à étendre leur protection bienfaisante sur toutes les classes, sans distinction ; à conserver au milieu de nous une autorité assez puissante pour maintenir l’ordre public dans toutes ses parties ; à l’organiser de manière que, pour être toujours l’appui des lois, elle soit elle-même tellement soumise aux lois, qu’elle ne puisse, dans aucun cas, s’élever au-dessus des lois. Toutes ces vues, en un mot, se réuniront pour adapter, autant qu’il sera possible, à Saint-Domingue, comme aux autres provinces de France, le système général qui embrasse tout le royaume, et dans lequel on trouve toutes les institutions dont il a besoin pour assurer constamment l’observation des lois qui doivent seules gouverner le corps social. « Sans doute, Messieurs, vous avez connaissance du pacte fédératif formé entre 13 paroisses de la partie du sud. Cet acte; contraire même à la capitulation qui l’avait précédé, cet acte par lequel une association de citoyens arrête de lever et tenir à ses ordres un corps de troupes soldées, est sans doute bien criminel; s’il était possible de lui trouver quelque excuse, ce ne serait que dans l’elfervescence occasionnée par la proclamation de l’assemblée générale du 31 juillet dernier. C’est cette proclamation incendiaire qui, en trompant nombre de colons, leur a mis les armes à la main ; elle aurait allumé le même incendie dans la partie du nord, sans les sages arrêtés de son assemblée provinciale, principalement celiii du 8 septembre dernier. « Quelles que puissent être dans la colonie lé§ heureuses influences de votre décret du 12 octobre, il se pourrait cependant qu’elles ne fussent pas aussi générales que nous le désirons. Malheureusement il existe dans son sein un grand nombre de citoyens dont les intérêts sont étrangers à la colonie, dont lés titres sont nuis pour voter dans les assemblées primaires, ét qui joignent l’ignorance de ce qui est utile à un pays qü’ils n’habitent qu’un moment, à la facilité d’être abusés et dirigés par des hommes intéressés aü désordre. « Cette classe de citoyens, emportés loin de la soumission due aux lois, dans nos premiers élans vers la liberté, a été entretenue dans cette déplorable anarchie, par les funestes travaux de l’assemblée de Saint-Marc, et surtout par la nécessité coupable où elle s’est trouvée de chercher des appuis, des conservateurs de son existence. « Les précautions que l’assemblée générale elle-même avait prise dans ses erreurs, pour éviter les suites funestes du désordre qu’elle avait ainsi provoqué, l’ont encore augmenté, bien loin de le suspendre En effet, ces monstrueuses municipalités organisées sur des plans contraires à vos décrets, sont sans autorité et sans force dans les paroisses, qui les ont adoptés ; leurs officiers sont méprisés et leur caractère est méconnu. « Ainsi, les vœux des deux partis sont également trompés; les moyens par lesquels ils voulaient rétablir l’ordre, ont été infructueux; la tranquillité qu’ils désirent également et sans laquelle ils ne peuvent exister est détruite. Nous sommes donc les organes de la colonie entière, quand nous venons vous la demander, Messieurs, cette tranquillité précieuse, et nous exprimons un vœu unanime, quand nous vous supplions de l’assurer par des moyens efficaces; quand nous vous conjurons de faire respecter les lois qui nous régissent, jusqu’à ce que celles qui vous seront proposées par la colonie, et que vous daignerez décréter, les remplacent avec plus de succès. « Nous craindrions de paraître douter de votre zèle pour le bien public, si, pour vous engager, Messieurs, à prendre de telles mesures, nous mettions sous vos yeux les grands intérêts qui attachent la France à la conservation d’une colonie si importante ; la grande prépondérance que nos denrées coloniales donnent à l’Empire, dans la balance de son commerce avec les étrangers ; la multitude des canaux par lesquels les valeurs de ces productions se répandent dans toutes les provinces pour y animer l'industrie des villes et fertiliser les campagnes. Ces considérations vous sont familières, elles vous ont été présentées dans tous les rapports qui vous ont été faits, relatifs aux colonies, d’une manière qui ne laisse rien à désirer. « Mais, Messieurs, ce que nous nous permettrons d’ajouter, ce qu’il n’y a que nous qui puissions vous dire : c’est que la colonie, regardera comme le bienfait le plus signalé, l’empressement avec lequel l’Assemblée nationale voudra bien se por ter à éloigner de Saint-Domingue, tout ce qui pourrait tendre à relâcher les liens de notre union avec une métropole qui ne cessera de nous être chère. Ah! Messieurs, pour vouloir vivre et mourir Français, il suffit d’être né Français. Lorsque le calme nous aura été rèndu, que ne devez-vous pas attendre de ce caractère national ? et quelle en sera l’énergie quand il aura été renforcé par toute celle d’üne véritable liberté ? Alors, Messieurs, voüs jouirez du spectacle de notre bonheur, comme vous jouirez de celui que vous pré* 744 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 novembre 1790.] arez à la France, et après vous avoir fatigués e nos plaintes nous n’aurons plus à vous faire entendre que les accents de notre reconnaissance et de notre félicité. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale a déjà témoigné sa satisfaction aux habitants de la province du nord de Saint-Domingue et à leur assemblée provinciale. Vous n’avez pas eu besoin d’être entendus pour être jugés, car vous vous étiez fait précéder par des preuves éclatantes de patriotisme. « L’Assemblée nationale est invariable dans ses intentions pour la prospérité de la colonie, comme pour le maintien des droits de la nation qu’elle représente. Résolue à serrer leurs liens par de nouveaux rapports d’affection et d’utilité réciproque, l’expression de sa volonté vous garantit qu’elle prendra tous les moyens d’en assurer l’exécution, et que vous recueillerez, pour prix de vos généreux services, la récompense qui seule est digne de vous : la paix et le bonheur de votre patrie. « L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. » M. Gérard, député de la province du sud de Saint-Domingue. J’avoue que je n’ai pas entendu sans étonnement les membres se disant députés de la province du nord de Saint-Domingue vous dire qu’ils vous exprimaient les vœux et les sentiments delà colonie, et vous faire des promesses en son nom. J’ai des procès-verbaux de onze paroisses qui ont révoqué leurs pouvoirs; j’ai des pièces authentiques qui prouvent que dix-neuf paroisses ont désavoué la prétendue assemblée du nord. Ainsi, non seulement ils ne vous présentent point le vœu de la colonie, mais ils ne vous expriment pas même le vœu de leur province. M. le Président. Je déclare qu’avant d’admettre MM. les députés de la province du nord de Saint-Domingue, j’ai vérifié leurs pouvoirs. M. Barnave. Ce n’est pas sans surprise que j’entends le préopinant, qui s’est toujours distingué par son patriotisme, vous répéter les allégations des partisans de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, séante à Saint-Marc, allégationsque cette assemblée elle-même répand ; c'est sans doute parce qu’il est mal instruit qu’il parle de la sorte de l’assemblée provinciale du nord. Les députés que vous venez d’entendre ont parlé au nom de l’assemblée représentative de cette partie importante de la colonie; ils tiennent d’elle leurs pouvoirs, ils ont le suffrage de la plus grande partie de cette paroisse. Quelques paroisses ont, à la vérité, embrassé le système et la défense de l’assemblée générale; mais le plus grand nombre des paroisses, les plus riches, les plus peuplées, sont constamment restées attachées à vos principes, et même parmi les premières il en est plusieurs qui, depuis le départ de Rassemblée de Saint-Marc, nous ont fait parvenir leur rétractation : car l’influence seule de cette assemblée, qui cherchait à établir un système d’indépendance dans la colonie, avait égaré leur patriotisme. Ne nous arrêtons pas à des allégations vagues; que l’Assemblée n’abandonne pas des principes qu’elle a adoptés. Je demande que le discours des députés de Saint-Domingue et la réponse du président soient imprimés, qu’il leur soit remis une lettre de satisfaction, et que M. de Reynaud, véritable député de la province du nord, soit entendu. (On applaudit .) M. Gérard. C’est Rassemblée provinciale du nord qui a été l’origine de tous les désordres dans la colonie. M. Barnave. Je suis fâché que le préopinant me force de prolonger cette discussion, et qu’un zèle, que je ne suspecte point, prenne la place de ce que j’appellerais mauvaise foi dans un autre. Oui, Rassemblée provinciale du nord a été égarée dans les commencements par quelques intrigants qui, depuis, se sont fait nommer à Rassemblée générale; mais, à compter du moment de leur séparation de Rassemblée provinciale, celle-ci a suivi une conduite toujours sage et ferme, et s’est constamment opposée aux efforts faits par Rassemblée générale pour exciter les troubles et provoquer l’indépendance des colonies. Egarée au commencement par quelques hommes, elle a grandement réparé ses erreurs. Il est temps de récompenser de votre estime et de votre bienveillance, d’encourager par vos suffrages ceux qui ne se sont jamais écartés delà loi, et qui ont ramené à la soumission ceux ;qui s’étaient montrés rebelles. ( L'Assemblée renouvelle ses applaudissements.) M.Beynaud, député de la partie du nord de Saint-Domingue. Pour vous faire connaître les sentiments de Rassemblée provinciale du nord, ses principes et les règles de sa conduite, il suffit de vous lire une lettre tirée de la correspondance de cette assemblée à la députation de Saint-Domingue; elle est datée du 10 octobre... « Nous vous prions de vous concerter avec les commissaires que nous envoyons en France, et de recueillir tous les renseignements nécessaires pour déjouer efficacement les manœuvres de Rassemblée de Saint-Marc, de préparer le travail de la nouvelle constitution de Saint-Domingue, de ne pas vous départir des demandes contenues dans notre dernière adresse à Rassemblée nationale. Nous vous interdisons toute réunion avec Rassemblée générale, etc ..... » M. Barnave. En disant que la province du sud est la seule qui soit restée attachée à Rassemblée de Saint-Marc, on a pu croire que je l’inculpais. Je dois, pour rendre un témoignage à la vérité et pour sa justification, ajouter que cette province a déclaré qu’elle se soumettrait à la décision de l’Assemblée nationale quand elle serait rendue. — J’insiste sur la motion de l’impression du discours et de la réponse, et sur la lettre de satisfaction qui doit être écrite à Rassemblée provinciale du nord. (Ces trois propositions sont adoptées.) M. de France, député du département de l'Ardèche, expose à l’Assemblée que l’inondation du 11 de ce mois a causé les plus grands ravages dans les départements et détruit un pont sur la rivière de l’Ardèche, absolument nécessaire à la communication publique; il sollicite les secours de la nation, tant pour le rétablissement de ce pont, que pour Je soulagement des malheureuses victimes de cet événement. (L’Assemblée renvoie cette pétition au comité des finances, pour, sur son rapport, être statué ce qu’il appartiendra.) Un de MM. les secrétaires annonce à l’Assemblée