[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { lÆvïmbre" 1 793 325 faisceau les deux branches de chêne qu’ils avaient portées, ils ont pressé sur leur cœur ce faisceau, symbole de l’union et de la frater¬ nité, l’ont élevé vers le ciel, et l’ont attaché à l’arbre avec des rubans tricolores. Soudain, se jetant dans les bras l’un de l’autre, ils se sont donné l’accolade fraternelle. Réunissant ensuite leurs forces, et levant leurs mains faibles et tremblantes, ils ont fait entendre, trois fois, ces paroles : « Nos enfants, soyez unis, et la République sera étemelle! » Tous les cœurs étaient émus, des pleurs cou¬ laient de tous les yeux. La chanson des sans-culottes a ranimé l’allé¬ gresse, et le cortège s’est remis en marche pour aller au champ de la Révolution. Il y est arrivé, après avoir parcouru lentement différents quar¬ tiers de la ville. Rien de plus majestueux et de plus gai tout à la fois, que cette marche de républicains, chan¬ tant tour à tour des hymnes à la liberté et des hymnes à l’amour. Au milieu du champ de la Révolution était un bûcher sur lequel on avait placé de vieux parchemins, des titres d’orgueil et de sottise, des portraits hideux de rois et tyrans : une flamme rapide et pétillante a dévoré ces restes impurs des cadavres du despotisme et de l’aris¬ tocratie. Des danses joyeuses ont terminé cette fête, et chacun s’est retiré en chantant : « Vive la République ! vive la Convention ! Rérissent tous les traîtres et les tyrans! » Fait et rédigé par nous président et secrétaires de la Société populaire, commissaires nommés à cet effet. Signé : Chabot, fils, président ; Favière, Regnard, Raby, Fourneau, Philippe et Cornât, secrétaires. Les membres du comité de surveillance du district de Montluçon annoncent que l’impulsion est donnée; que le fanatisme est mort, que les prêtres ne sont plus dans ce district; ils envoient l’acte d’abjuration du citoyen Dantigni (Dau-tigny), ci-devant curé de Nassigny, et disent qu’ils enverront de nouvelles preuves d’un républica¬ nisme éminent. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi (2). Les républicains membres du comité de surveil¬ lance révolutionnaire du district de Montluçon, département de V Allier, au républicain Prési¬ dent de la Convention nationale. « Montluçon, tridi, 3 frimaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Nous te faisons passer, citoyen Président, une adresse que nous te prions de présenter à la Convention nationale; elle est relative à quelques addi ions aux lois des 26 novembre 1792 et 4 mai 1793, concernant les secours à accorder aux indigents. Tu reconnaîtras dans cette adresse le désir qu’éprouvent de vrais répu¬ blicains de soulager les pères et mères des défen¬ seurs de la patrie. « Nous t’envoyons également l’acte d’abdi¬ cation du citoyen Dautigny, curé de Nassigny. Nous nous plaisons à t’annoncer que ce citoyen est le premier philosophe de notre district qui ait donné l’exemple d’une abjuration philan¬ thropique (sic). « L’impulsion est donnée, le fanatisme est mort, les prêtres ne sont plus, bientôt nous t’en¬ verrons de nouvelles preuves d’un républica¬ nisme éminent. « Salut et fraternité. « Vidal, président; Chabot, secrétaire; Thé-VEN Y ; LAU VERGNIAT. » Adresse (1). La Société populaire, le comité de surveüla/noe du district et les autorités constituées de la commune de Montluçon, chef-lieu de district, à la Convention nationale. « Montluçon, département de l’Ailier, pri-midi, 2e année de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Représentants du peuple, « Vous avez voulu verser des secours sur les familles indigentes des braves et généreux sans-culottes qui défendent la liberté contre la coa¬ lition des tyrans, mais vos deux lois des 26 no¬ vembre 1792 et 4 mai 1793, présentent des difficultés d’exécution qui pourraient les refidre vaines si vous ne preniez pas en considération ce que nous allons vous proposer. « Représentants, nous demandons : « 1° que les secours soient accordés aux pa¬ rents des militaires désignés dans l’article 2 de la loi du 4 mai, quel que soit leur âge, s’il est jugé par les sections ou municipalités qu’ils aient besoin de ces secours; « 2° que les parents ayant plusieurs enfa/nts à l’armée touchent, pour le second et ceux qui suivent, le tiers en sus du traitement que leur assurait le premier; « 3° que la gratification, pour cause de mort, déterminée par l’article 5 de la loi du 4 mai, ait lieu pour chacun des enfants, nonobstant les secours annuels pour ceux de ces enfants qui survivent; « 4° que les secours soient dus pour tous les militaires en activité de service, qu'ils servent ou non en remplacement. Il est de fait qu’en général ceux qui se sont enrôlés de cette manière sont les vrais sans-culottes qui ont pris ce moyen de soulager momentanément une nombreuse et malheureuse famille; « 5° que l 'enrôlement, la parenté, l'âge, la viduité, l'activité de service puissent être prouvés (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 213. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 830. (1) Archives nationales, carton G 285, dossier 830. 326 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j lo�eÏTbreim tant par les extraits des regis+res publios que par lettres ou écrits privés; même par le témoi¬ gnage de deux bons citoyens connus, et cons¬ taté par les officiers municipaux des chefs-lieux de canton, et que ces derniers soient auto¬ risés à statuer définitivement sur les cas im¬ prévus ; « 6° que l’état des distributions arrêtées par les sections ou municipalités suffise pour que le ministre de l’intérieur fasse passer aux rece¬ veurs des districts les fonds affectés aux payements. « Représentants, agréez nos hommages et nos saluts républicains. » (Suivent 19 signatures.) Démission du citoyen Jean Dautigny, curé de la commune de Nassigny, district de Montluçon, département de V Allier, du 1er frimaire, 3e mois de Van II de la République française une et indivisible (1), à la Convention natio¬ nale. « Je ne sais quelle folle envie m’engagea dans le sacerdoce, il faut l’avouer à ma confusion : il en est dont la raison se développe bien tard. Mon obligation fut à peine contractée, que les regrets la suivirent : je fus pris. Rien ne me permit alors de rompre le lien qui me tenait attaché, il m’a fallu gémir, depuis dix-neuf ans, sous le poids de ma chaîne. J’eusse pu, il est vrai, m’en dégager depuis quatre ans. Trop timide encore, je cédai au respect humain, ou pour parler plus vrai, mon existence dépendait de ce maudit état qui a tant de fois démérité de la patrie. Aujourd’hui, mes besoins sont les mêmes, mais je veux être libre, quoiqu’il puisse m’en coûter; il n’y a plus à hésiter, à cette heure même je franchis le pas. \ « O liberté ! sois mille et mille fois chérie ! Tu sais que j’ai fait des sacrifices pour ton établissement, je te dois de plus celui de mon état. Je ne serais qu’un faux patriote si je ne t’en faisais l’hommage, et peut-être me gêne¬ rait-il pour te servir. Une fois devenu libre, nulle crainte ne m’empêchera d’être ton héraut. Je publierai hautement les douceurs que tu me fais goûter et je ferai sentir à mes concitoyens les avantages que tu leur prépares, « Je me démets donc de mon état de prêtre, mes lettres de prêtrise, mon visa et ma prise de ossession ont trouvé leur fin, avec les titres e féodalité, dans un même feu de joie. Que ne puis-je effacer la honte d’avoir appartenu à une classe d’hommes qui, sous prétexte de religion, ont employé toutes espèces de moyens proscrits par leur religion même, pour séduire et soulever presque tout un peuple? Il me res¬ tera du moins la gloire de ne l’avoir pas imité et de n’avoir pas craint de m’en séparer. « C’est en vain que l’indigence semble me¬ nacer le reste de mes jours, je repose sans inquié¬ tudes à C et égard, je sais que j’appartiens à une nation généreuse dont l’œil juste et vigilant ne aisse aucun citoyen en souffrance. C’est ma consolation. Ou elle m’accordera une indem¬ nité que j’emploierai en biens d’émigrés, ou elle m’offrira du travail î non recuso laborem. Je lui consacre le peu de talents qui me restent heureux si je puis lui être de quelque utilité, à quelque place qu’elle me juge propre. Je fais le serment d’en remplir les devoirs avec la fidé-délité la plus pure. « Dautigny, officier public . » Le conseil général de la commune de l’Aigle (Xaigle), département de l’Orne, s’empresse de faire part à la Convention du premier triomphe remporté dans ce district par la vérité sur l’er¬ reur; il lui dit que sous le règne de la liberté, le fanatisme devait bientôt succomber, que le vœu de cette commune a été secondé par la dé¬ mission de son ci-devant curé, lequel, en renon¬ çant à son traitement, a remis ses titres de prê¬ trise qui ont été brûlés aux pieds de l’arbre de la fraternité; la même commune offre en don patriotique toute sa bijouterie sacerdotale, dont la note est jointe à l’adresse. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du conseil général de la commune de Laigle (2). Le conseil général de la commune de Laigle, dis¬ trict de Laigle, département de VOrne, à la Convention nationale, « Laigle, le 26 brumaire de l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyens législateurs, ' « C’est avec une véritable satisfaction, que le conseil général de la commune de Laigle s’em¬ presse de vous annoncer le premier triomphe remporté dans ce district par la-vérité sur l’erreur. Sous le règne de la liberté, le fanatisme devait bientôt succomber, mais vous avez voulu attendre le vœu du peuple dont vous avez respecté la volonté jusque dans ses pré¬ jugés. Les rayons de lumière que vous avez fait jaillir jusqu’à nous, ont promptement dessillé tous les yeux, notre vœu a été bientôt secondé par le respectable citoyen Codey qui faisait les fonctions de ci-devant curé. « Il nous a donné sa démission et nous a remis tous ses titres de prêtrise, qui seront solennelle¬ ment brûlés au pied de l’arbre de la fraternité que nous allons planter. C’est par cet autodafé que commencera la fête que nous célébrerons à cette ocoasion, et ce spectacle vaudra bien ces feux d’artifices que les despotes donnaient à leurs esclaves pour les étourdir. « Nous vous envoyons, citoyens législateurs, une caisse contenant les vases soi-disant sacrés, et toute l’argenterie de l’église avec les vrais (sic) galons des ornements, suivant la note y jointe. « Ces richesses arrachées par le mensonge à la crédulité des peuples serviront bien plus (I) Archives nationales , carton C 285, dossier 830. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 213. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 820.