(78 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [14 février 1791.] vêque fit un trait de faiblesse en voulant s’esquiver par la porte de son jardin ; il se sauva dans le grenier d’une baraque: et il fallut aux municipaux envoyer un détachement des Irlandais pour le ramener dans sa maison. « Le sieur Gervais fut aussi insulté, ainsi que d’autres particuliers qui étaient sans cocarde. » M. l’abbé Guillou. On ne dit pas que M. l’évêque était poursuivi, le sabre nu. Plusieurs membres à gauche : Voilà un correspondant de M. l’évêque. M. Vieillard, rapporteur. Il a été fait lecture ce matin dans vos comités, par quelques membres de la députation de Bretagne, de différentes lettres qui confirment la vérité de celle-ci, et qui annoncent qu’il y a encore quelques assemblées de paysans, à la “tête desquelles sont les nobles et les prêtres. Je vous observerai, Messieurs, qu’il y a entre autres trois personnages dans l’ancienne province de Bretagne qui excitent la plus grande inquiétude; ce sont MM. les évêques de Léon, de Tréguier et de Vannes. J’ai eu l’honneur de vous rendre compte de l’adresse dans laquelle on annonce qu’avant de partir de Vannes, M. l’évêque avait fait une coalition avec tous les curés et vicaires de son diocèse pour les empêcher de prêter serment. Je vous observerai aussi, Messieurs, qu’il en est de même de l’évêque de Tréguier, qui, par une instruction pastorale, à raison de laquelle il est dénoncé dans les tribunaux, s’est aussi coalisé avec les prêtres de son diocèse. Il y déclare qu’il sera toujours évêque de Tréguier; qu’indépendamment des décrets de l’Assemblée nationale, il administrera les secours spirituels à ses diocésains. 11 a adressé cette lettre à tous les curés et vicaires qui y ont donné leur adhésion, imprimée à la suite de la lettre pastorale. La même chose s’opère de la part de l’évêque de Léon. On estime que c’est à la présence de ces trois personnes qu’est due l’espèce de mouvement qui a eu lieu dans l’ancienne province de Bretagne. Vous avez pu voir que ce n’est pas de simples dires que je rapporte : voici une lettre du procureur général syndic du département du Finistère : « La résidence de M. de la Marche (c’est M. l’évêque) dans le pays de Léon y entretient les troubles les plus funestes à la tranquillité que nous désirerions voir régner dans le département. Il n’y a pas de poste que je ne sois instruit de nouvelles démarches de sa part. Les ecclésiastiques, qu’il soutient et encourage, prêchent ouvertement contre la Révolution, contre l’exécution des décrets et contre les membres de l’Assemblée nationale. Le séminaire est supprimé, mais va néanmoins son train; et il y a même un quartier dans ce moment. « L’évêque, délogé enfin du palais épiscopal, mais résidant dans le diocèse et à peu de distance de Saint-Pol, continue d’exercer ses fonctions comme au passé, quoique les lois qui le lui défendent impérieusement, lui aient été notifiées. Plusieurs ecclésiastiques, intimidés par sa présence, n’osent prêter le serment ; d’autres sont pratiqués pour prêcher que la religion est dans le plus grand danger, qu’il n’y a plus de sûreté pour les ecclésiastiques qui veulent l’observer et la faire observer. J’ai dénoncé ce ci-devant évêque au tribunal de Morlaix, depuis le 14 janvier; mais ce tribunal conduit cette affaire avec une lenteur vraiment alarmante. Il en résulte que le mal se propage avec plus de hardiesse et plus d’audace. On vent un incendie général dans cette partie du département, ce qui ne tardera pas à se vérifier par l’insouciance des juges de Morlaix, leur mollesse ou leur complaisance. « Je fis hier au directoire du département un réquisitoire tendant à s’adresser au pouvoir exécutif pour qu’il donnât au tribunal de Morlaix les ordres les plus pressants de suivre cette affaire. Il est certain que si l’évêque cessait de résider dans le pays, le calme s’y rétablirait facilement. Les juges de Morlaix devraient en être convaincus par les preuves qui leur ont été déjà servies. Gomment donc pourraient-ils ne pas se croire assez autorisés à éloigner l’évêque de son ci-devant diocèse, et à défendre à tout ecclésiastique de communiquer avec lui pour les pouvoirs spirituels, sous peine d’être déclaré réfractaire à la loi et puni comme tel ? « Vous sentez, Monsieur, de quelle importance il est pour ce département de presser les juges de Morlaix de juger. Je suis, etc. » Voici copie d’une lettre des administrateurs du département du Finistère, adressée à M. de la Marche, ci-devant évêque de Léon ; « Les écrits inconstitutionnels et séditieux que vous répandez, Monsieur, au mépris du caractère dont vous êtes revêtu, les insurrections que vous provoquez publiquement, les sermons et les prônes que vous autorisez pour exciter une contre-révolution, toute votre conduite nous oblige à vous regarder comme un perturbateur du repos public. « On nous annonce qu’une fermentation inouie agite en ce moment les villes et les campagnes de Saint-Pol-de-Léon, et que vous comptez beaucoup sur l’explosion prochainedont les résultats flattent votre amour-propre et nourrissent votre ambition. Vos funestes efforts, soyez-en sûr, Monsieur, auront un effet tout contraire à celui que vous en attendez; mais s’il se verse une seule goutte de sang, nous ne vous le dissimulons pas, vous en répondez sur votre tête. « Pour éviter la catastrophe que vous préparez, nous jugeons qu’il est de notre devoir de vous engager à quitter à l’instant le pays où vous avez allumé les torches du fanatisme et de la rébellion ; et c’est au nom de la loi que nous vous sommons de le faire. Si vous vous y refusez, Monsieur, nous donnerons contre vous des ordres qui seront à la fin exécutés. « Mais nous aimons à croire que, vous dépouil ; lant enfin de toute passion et revenant à cet esprit de paix, de charité et de concorde que l’Evangile vous commande, vous ne balancerez pas à rappeler l’ordre et la tranquillité dans les lieux que vous habitez. « Nous sommes, etc ...... Les administrateurs du département du Finistère. » ( Applaudissements .) D’après l’examen fait par vos comités des différentes pièces, ils ont cru qu’il était indispensable d’envoyer d’abord dans le département du Morbihan des commissaires chargés de rétablir la paix et la tranquillité par tous les moyens nécessaires, et de prendre les informations sur ce qui s’est passé; ils ont cru qu’il fallait y envoyer des troupes. Il est certain, Messieurs, que les trois évêques de Vannes, Léon et Tréguier, répandent le trouble dans leurs départements. M. l’abbé Guillou. Je vous demande, Mon- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [14 février 1791. I 179 sieur le rapporteur, si vous avez quelque preuve que M. lVvêque deVannesait mis le désordre dans son diocèse, car c’est l’homme le plus pacifique du monde. M. Vieillard, rapporteur. Je n’ai d’autre preuve, Monsieur, que ce qui a été adressé à l’Assemblée nationale par la municipalité de Lorient et par le directoire du département. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par ses comités ecclésiastique, des recherches et des rapports réunis, des différentes pétitions des administrateurs du département du Morbihan, décrète ce qui suit : « 1° Le roi sera prié, dans le jour, d’envoyer sans délai trois commissaires dans le déparlement du Morbihan, lesquels se rendront directement à Vannes, et incessamment dans tous les endroits où leur présence pourrait être utile, à l’effet d’employer tous les moyens nécessaires pour procurer l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi; éclairer le peuple, le prémunir contre les erreurs dans lesquelles les ennemis de la loi et de l’ordre cherchent à l’entraîner, et rétablir la tranquillité publique. « 2° Sa Majesté sera également priée de faire passer dans ledit département une force suffisante pour arrêter le cours des désordres qui y ont été excités. « 3° Les commissaires envoyés prendront tous les renseignements et éclaircissements qu’ils pourront se procurer, tant sur les mouvements qui ont eu lieu à Vannes et paroisses voisines, les 5, 7 et autres jours du présent mois, que sur les causes qui ont pu les déterminer. Ils sont autorisés à requérir le secours des gardes nationales et des troupes de ligne, tant dans le département du Morbihan que dans les départements voisins ; ils pourront faire toutes proclamations, et employer tous les moyens qu’ils croiront utiles au rétablissement de la paix et au maintien du bon ordre. « 4° Il sera incessamment informé devant les tribunaux, contre les auteurs et instigateurs des troubles qui ont eu lieu dans le département du Morbihan, et particulièrement à Vannes, ainsi que contre les officiers municipaux de Sarzeau qui ont souscrit, le 5 de ce mois, la lettre par eux adressée aux administrateurs du directoire du département, à l’effet de quoi ladite lettre et autres pièces déposées au comité des rapports seront incessamment envoyées à la personne chargée de l’accusation publique près du tribunal du district de Vannes. « 5° Le ministre de la justice sera tenu de rendre compte de jour à autre, à l’Assemblée nationale, du résultat desdites informations. « 6° Les officiers municipaux de Sarzeau, qui ont souscrit ladite lettre, demeureront suspendus de leurs fonctions. « Les commissaires nommés pourvoiront à leur remplacement par tel nombre de personnes qu’ils jugeront à propos de désigner à cet effet. « L’Assemblée nationale décrète que les ci-devant évêques de Tréguier, Saint-Pol-de-Léon et Vannes seront tenus de se rendre, à l’instant de la notification du présent décret, à la suite de l’Assemblée nationale. « Sera le présent décret porté à la sanction dans le jour. » M. de Cazalès. Messieurs, ce n’est pas pour m’opposer aux dispositions du projet du comité, tendant à rétablir la paix dans le département du Morbihan, paix qui n’aurait jamais dû y être troublée, que j’ai demandé la parole, quoique peut-être il soit extraordinaire de donner aux commissaires le pouvoir de remplacer des officiers municipaux, pouvoir que le peuple a gardé. Je m’oppose simplement à la partie du décret qui mande à la suite de l’Assemblée les trois évêques, parce que je ne pense pas que cette disposition doive rétablir le calme; parce que je crois qu’il est absolument illégal de mander des citoyens contre lesquels on n’a prouvé aucun délit, de les mander sur une simple lettre d’une municipalité qui ne contient que des soupçons vagues; parce que cette marche ressemble entièrement à celle de l’autorité despotique que vous avez détruite, de cette autorité ministérielle qui, sur une délation, mandait, d’une extrémité de l’Empire à la suite de la cour ou du conseil, les hommes qui lui étaient dénoncés. Je crois donc que si l’Assemblée nationale veut exercer une autorité plus conforme aux principes de liberté et de justice qu’elle a décrétés, elle doit se contenter d’ordonner les informations les plus promptes et les plus actives contre ces trois évêques. S’ils sont convaincus d’avoir fomenté par leurs intrigues les troubles qui existent dans ces départements, alors on pourra les mander à la suite de l’Assemblée. Je me borne donc à demander la question préalable sur cette partie du décret; j’adopte tout le reste. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement.) (Le projet de décret du comité est adopté.) M. le Président invite les membres de l’Assemblée à se rendre dans leurs bureaux respectifs pour y procéder à la nomination du président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RIQUETTI DE MIRABEAU L’AINE. Séance du lundi 14 février 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de ce matin, qui est adopté. M. Prieur. Je demande à l’Assemblée la permission de lui lire une adresse du district d’Epernay, relative aux prestations de serment des fonctionnaires ecclésiastiques. M. le Président. J’ai ordonné que toutes les adresses contenant l’annonce de prestations de serment fussent mentionnées dans le procès-verbal, sans être lues, même par extrait dans la séance, attendu qu’il y en a une telle affluence, qu’elles feraient consumer tous les moments de l’Assemblée. M. Prieur. En ce cas, je me contente d’an-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.