333 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [49 avril 1790. J curame il y a tout lieu de le craindre, que leur résultat peut être de plongerlongtempsle royaume dans l’anarchie du pouvoir judiciaire. Il vient de m’échapper, Messieurs, une vérité bien affligeante. Mais je n’ai pas pu, je n’ai pas du vous dissimuler les alarmes dont je suis vivement affecté. C’est en citoyen, c’est au nom de la patrie, au nom du peuple que vous aimez, c'est à ces titres sacrés pour vous que je vous conjure d’apporter les plus mûres réflexions au parti que vous allez prendre. Une erreur dans l’organisation du pouvoir judiciaire peut traîner après elle les suites les plus funestes. Si les juges que nous allons établir n’acquièrent point à l’instant même le respect et la confiance publique, sans lesquels tout pouvoir judiciaire est impuissant, l’anarchie est une suite nécessaire de cette erreur, et la nation aura des reproches éternels à nous faire. Je peux me tromper. Je ne prétends point prendre ici le ton présomptueux qui croit pouvoir exiger la soumission à ses opinions. Je dépose dans votre sein mes doutes et mes alarmes: vous les pèserez dans votre sagesse, et dans tous les cas, vous approuverez la pureté de mes intentions, si vous ne croyez pas devoir souscrire à mon opinion. M. Girard, curé, doyen de Lorris, député de Montargis, demande la permission de s’absenter pendant un mois pour affaires très pressantes. M. de Barville, député d’Orléans, demande la même permission, pendant le même temps, pour raison de santé. Ces deux congés sont accordés. M. le Président annonce que la séance de ce soir aura lieu à l’heure accoutumée. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES. Séance du jeudi 29 avril 1790, au soir (1). Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse d’adhésion et dévouement de la chambre du commerce de Dunkerque ; elle a prêté le serment civique entre les mains des officiers municipaux. Adresse des citoyens de la ville de Bourbon, où ils annoncent à l’Assemblée que si l’esprit public et le patriotisme venaient à s’affaiblir en France, ces sentiments se retrouveraient avec toute leur pureté et leur énergie dans leurs murs. Lettre du maire de Briançon, où il annonce le zèle de cette ville à maintenir la Constitution, si l’on tentait de réaliser la contre révolution dont on menace les citoyens, et demande un renfort de troupes pour la sûreté du pays. Adresse des nouvelles municipalités de la communauté de Colombier, de Gourtemont proche Sainte-Menehould, de Mauriac, de Rimond, d’Ari-fat, du Temple-d’Ayen, de Dulon-Dulac en Franche-Comté, de Gioux, département de la (i) Cette séance est incomplète au Moniteur. Creuse, de Creuziet-le-Neuf, deBoissy-le-Sec, des villes de Craponne en Vêlai, et de Brive en Limousin ; De la ville d’Esperaza, département de l’Aude, district de Quilian ; elle fait l’hommage patriotique de toutes sommes quelconques remboursables à la commune pour offices anciennement acquis ; De la communauté de Saint-Papool ; elle supplie l’Assemblée de faire biffer la transcription faite sur ses registres, d’un ordre arbitraire qui destituait le sieur Tavernier, leur curé, de la place de maire qu’il occupait alors, et à laquelle il a été maintenant élevé à la presque unanimité des suffrages; De la communauté de Narcy, près Saint-Dizier en Champagne: sa contribution patriotique s’élève à 619 livres ; De la communauté d’Acheux en Vimen, Picardie, département de la Somme. « Nous nous honorons, dit-elle, d’être de la province qui s'est laissé le moins entraîner au désordre des insurrections, et où les habitants se sont le plus gouvernés par l’empire de la raison, et le respect dûaux propriétés et aux personnes. » De la communauté d’Eganay sur l’Oise, et le Vivier; elle sollicite un chef-lieu de canton ; Des communautés de Brinay et Pouilly en Nivernais, de Marlhes, de la Paye et de "Faurge, district de Saint-Étienne en Forez; elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la municipalité de Montiviliers et Caux, qui adhère à tous les décrets de l’Assemblée, exprime les sentiments de dévouement, de respect et de reconnaissance dont elle est pénétrée pour la Constitution donnée à la France, et fait le don patriotique de 49 marcs 4 onces 5 grains d’argent, et 4 gros et demi 15 grains en or, en exprimant ses regrets de ce que la faculté de ses habitants ne leur a pas permis de faire un don proportionné à leur patriotisme. Toutes ces municipalités, après avoir prêté, de concert avec les habitants, le serment civique, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse de la ville d’Uzès, portant une entière et respectueuse adhésion aux décrets de l’Assemblée; elle demande la conservation de ses différents établissementsecclésiastiques. La lecture de l’adresse des gardes nationales d’Alais est interrompue par de fréquents applaudissements ; l’Assemblée nationale ordonne l’impression de cette adresse et son insertion au procès-verbal. « Nosseigneurs, « Les gardes nationales du district d’Alais, département du Gard, rassemblées pour prêter de nouveau et avec pius de solennité le serment civique, et se réunir par des liens plus forts contre les ennemis de la patrie, regardent comme leur premier devoir d’offrir aux augustes représentants de la nation les justes tributs de reconnaissance et d’admiration qu’on doit au génie et à la vertu. « Que de travaux entrepris et terminés dans moins d’une année ! Que de germes de prospérité ou semés ou développés ! Les droits de l’homme reconnus et publiés; la féodalité détruite; l’agriculture soulagée; le commerce débarrassé de ses entraves; la dette publique consolidée ; tous les abus découverts et poursuivis ; l’arbitraire, ce fléau destructeur, entièrement 384 [Assemblée nationale.] chassé du corps politique; un nouvel ordre administratif uniformément établi dans l’empire ; tous les pouvoirs définis et séparés ; la soumission éclairée mise à la place de l’obéissance aveugle ; tous ces biens, tant d’autres près d’éclore, voilà ce que vous doit la France� voilà ce qu’elle n’oubliera jamais! Et cependant avec quelle rage, avec quel acharnement les ennemis du bien public n’attaquent-ils pas cet édifice de bonheur et de gloire! Quels efforts n’emploient-ils pas pour le renverser ! Dès longtemps accoutumés aux manèges de l’intrigue et à l’audace de la puissance, ils ne cessent de diriger [ces armes dangereuses contre la Constitution naissante. « C’est surtout à tromper le peuple qu’ils se montrent le plus ardents ; en abusant de sa crédulité, ils espèrent se servir de lui contre lui-même; ils veulent lui faire forger la chaîne dont ils cherchent à l’accabler. Flatteries, menaces, calomnies secrètes, déclamations publiques , écrits incendiaires, insinuations perfides, moyens odieux, prétextes respectables ; rien n’est négligé, rien n’est oublié. « Ils disent que la Révolution est Je fruit d’une effervescence aussi funeste que vive et passagère, excitée par des esprits turbulents et séditieux. « Ils disent que tous les liens du corps politique sont rompus, sans qu’on ait rien mis à leur place, et iis ne voient pas, ou ne veulent pas voir, que ce même corps politique était près de tomber en dissolution par l’action funeste des abus qui en avaient attaqué tous les membres ; que ces abus tenaient à un principe commun ; qu’il fallait ou les attaquer tous, ou les respecter tous; que la courte anarchie à laquelle nous avons été exposés, était un mal inévitable ; qu’une grande Révolution devenue nécessaire, et préparée depuis un siècle, ne pouvait s’opérer sans un mouvement rapide, sans une violente impulsion; enfin, qu’ils ont eux-mêmes augmenté cette violence, accéléré cette rapidité par ia résistance qu’ils ont opposée, dans le principe, aux demandes les plus justes, par la digue qu’ils se sont efforcés d’élever contre le torrent de l’opinion publique qui entraînait toute la nation. « Ils disent que le déficit dans les finances s’accroît tous les jours dans une progression effrayante; que toutes les ressources sont épuisées. Ils disent que la banqueroute est inévitable, pour nous familiariser avec l’idée qu'elle est possible, et ils ne veulent pas voir qu’en éclairant les routes par où s’échappait l’or de la France, en ordonnant de sages économies, en changeant la nature des impôts qui frappaient directement l’indigence, pour les répartir sur l’aisance et la richesse, vous avez assuré le retour prochain de l’ordre et l’inviolabilité des engagements , et ils ne voient pas, quand ils répandent des terreurs ; exagérées, quand ils provoquent de funestes j alarmes, qu’en s’efforçant d’ébranler la colonne j de confiance, sur laquelle repose la fortune pu-I blique, ils seraient les premiers ensevelis sous j ses ruines. j « Ils disent encore, ils ne craignent pas de dire j que la majesté du trône est abaissée, que le mo-I narque est avili, et ils ne veulent pas voir la j distance immense qui se trouve entre un roi et , un despote, entre le stupide orgueil de comman-j der à des esclaves, et l’honorable prérogative de j gouverner une nation libre. Ils n’entendent donc [ pas cette acclamation universelle de reconnais-! sance, ce concert de bénédictions qui, de toutes I ‘les parties de la France, s’élèvent vers son roi? [29 avril 1790.] Quoi ! il nous rend nos droits, et nous voudrions lui ravir les siens? Il nous donne la liberté, et l’on oserait ..... Non, non, Français! C’est à vous que nous en appelons ; ce sont vos cœurs qui doivent nous répondre 1 Quel monarque fut jamais plus chéri, plus respecté que Louis XVI? « Enfin ( et des moyens qu’ils mettent en œuvre, c’est sans doute ici le plus dangereux comme le plus coupable) ils ont tenté d’appuyer de l’intérêt du ciel leur intérêt particulier, en confondant avec la religion sainte les abus qui en ternissent l’auguste pureté. Ils ont cherché à persuader aux âmes simples et pieuses que leur croyance était menacée, que l’Assemblée nationale voulait en saper les fondements; ils ont entrepris de rassembler dans cette tranquille contrée les débris épars du fanatisme, et de ressusciter les scènes désolantes dont elle a jadis été le théâtre. Ah ! loin de nous de pareilles horreurs ! Ne pensons pas que ces levains empoi-soonés puissent fermenter dans le cœur de nos concitoyens ; ils n’oublieront pas qu’ils sont tous frères, qu’ils ont le même Dieu comme la même patrie; que la tolérance et la douceur sont l’essence du. christianisme ; que loin d’attaquer la foi, c’est la soutenir, au contraire, que de la séparer des abus qui lui sont étrangers. Ils se souviendront de ces vérités communes, mais nécessaires à rappeler ; et la sagesse éclairée des ministres qui, parmi nous, servent d’interprètes à la religion, nous est un garant certain de la durée de la concorde et de la paix. « Affligés, mais non pas effrayés de tant de coupables manœuvres, les citoyens-soldats du district d’Alais ne négligeront rien pour les déconcerter; ils y emploieront toutes leurs forces; ils y sacrifieront leur vie, car lorsqu’une fois on a tiré le glaive pour le maintien de son indépendance, il faut périr ou mourir libre. « Ils promettent d’être plus que jamais fidèles à la nation, à la loi, et au roi, et de soutenir de toute leur puissance les décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sauctionnés par le monarque. « Ils promettent de regarder comme ennemi de la patrie celui qui voudrait s’autoriser de la différence des opinions religieuses, pour allumer la discorde parmi ses concitoyens. « Ils promettent enfin de ne jamais perdre de vue ces deux grands objets : ia Constitution et ia paix civile; elles ne peuvent exister indépendamment l’une de l’autre : c’est à la paix que nous devrons le développement et l’achèvement de la Constitution; c’est à la Constitution qne nous devrons une paix durable et ferme; elles se protègent, elles s’alimentent réciproquement, et c'est à leur ombre sacrée que la monarchie trouvera la gloire et la félicité. « Nous sommes avec le plus profond respect, « Nosseigneurs, « Vos très humbles et obéissants serviteurs, « De l’armée nationale du district d’Àlais, département du Gard. « Des Ours de Mandajors, général de l’armée du district d’Alais, et colonel de la légion de ladite ville. « A Alciis, le 21 avril 1790. » Les officiers municipaux de la ville de Saint-Omer adressent à l’Assemblée nationale un extrait des registres des délibérations du conseil général de cette commune. 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