[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[28 août 1789. [ 507 son gouvernement soit monarchique, que le Roi ne règne que par la loi, et ne puisse commander qu’au nom et en vertu de la loi. » M. Roussier. « La France est un Etat monarchique dans lequel la nation fait la loi, et le Roi la fait exécuter. C'est dans la division de ces pouvoirs que consiste la Constitution . » Voici un dernier projet (car nous avons choisi ces projets sur quarante-cinq au moins) que nous ne devons pas oublier. « Point d’autorité supérieure à la loi, le Roi ne peut exiger d’obéissance que quand il parle au nom de la loi. Le gouvernement français est une démocratie royale. » L’article 1er du comité de Constitution, et le projet présenté par M. Roussier pour le remplacer, excitent les débats les plus vifs. La majorité de la noblesse et du clergé, et presque la moitié des communes, croyaient voir dans le premier article du comité une adhésion préliminaire de la sanction royale. Le reste tient fortement pour le projet de M. Roussier, parce qu’il croit y voir le contraire. MM. Dumetz et Garat 'aîné sont d’avis d’adopter l’article proposé par le comité. M. Populus demande le retranchement de cette phrase, comme pouvant altérer l’obéissance due au roi. M. Desmontiers de Mérlnvillc, évêque de Dijon , propose de remplacer le premier article par trois articles de ses cahiers. M. Oiasset est d’avis que la dénomination de la monarchie soit suivie de la définition. Plus de vingt rédactions sont successivement proposées. M. Roussier propose sa rédaction en ces termes : a La France est un Etat monarchique dans lequel la nation fait la loi; le monarque la fait exécuter. La séparation des pouvoirs constitue essentiellement le gouvernement français. » La priorité pour cette motion est réclamée. Après quelques débats il est décidé, par assis et levé, que la rédaction du comité sera mise la première aux opinions. Amendements proposés: Par M. Malouet. « La volonté de la nation française est que son gouvernement soit monarchique. » ParM.de Lubersac, évêque de Chartres, que l’article soit ainsi terminé: « Ce n’est que par l’autorité de la loi qu’il exige l’obéissance. » D’autres amendements sont encore proposés. M. le comte de Croix demande qu’en conformité du règlement, une question aussi importante, et qui n’est pas urgente, soit renvoyée au lendemain pour la décision. (Opposition d’une partie de l’Assemblée, qui veut qu’on délibère. Vive agitation dans les opinions.) M. Mounier demande que la question soumise soit jugée provisoirement, sauf à être confirmée sans discussion pendant deux autres jours. Plusieurs demandent que le premier article ne soit décidé qu’avec le second relatif à la sanction royale. M. le Président récapitule les avis divers, et détermine l’Assemblée à remettre la décision à demain. La séance est levée, et remisé à demain matin pour cet objet, à neuf heures. Une assemblée a été indiquée pour 7 heures du soir, et le comité de subsistances et de finances convoqués pour cinq heures et demie. Séance du soir. La ville d’Amiens a, comme beaucoup d’autres villes du royaume, éprouvé des troubles. La formation d’un comité permanent et d’une milice bourgeoise les a arrêtés. Les membres de ce comité ont écrit à l’Assemblée pour lui faire part des mesures qu’ils avaient prises pour rétablir l’ordre. La lettre a été lue par M. le président, et l’Assemblée l’a chargé de répondre qu’elle voyait avec la plus grande satisfaction tout ce qui était fait pour assurer la tranquillité publique. M. le duc de Luxembourg ayant donné sa démission, son suppléant, M. Irland de Bazoges se présente; il est admis après la vérification de ses pouvoirs, qui sont trouvés valables. Un des secrétaires présente à l’Assemblée un ouvrage de M. Peyssonnel, consul de France à Smyrne ; il est intitulé: Tableau politique de lasi-tuation de la France, dédié à l’Assemblée nationale. M. le prince de Rroglic, membre du comité des rapports, rend compte à l’Assemblée d’une difficulté élevée dans la ville de Nevers, où, comme dans plusieurs autres villes du royaume, l’ancienne municipalité a été destiluée par la nomination d’une nouvelle municipalité nommée par la commune. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. de Latour-du-Pin, qui prie l’Assemblée de vouloir bien accepter sa démission et hâter la vérification des pouvoirs de M. le marquis de Brémond d’Ars, nommé son suppléant par la noblesse de Saintes. Un autre membre du même comité fait un rapport pareil pour la ville de Château-Chinon. Sur l’une et l’autre affaire, la question préalable est demandée; il est décidé pour tous deux qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. le duc du Châtelet demande la parole pour disculper M. le comte d’Esterhazy de l’abus d’autorité qui lui a été reproché dans l’affaire des quatre particuliers emprisonnés à Marien bourg ; il propose de communiquer à l’Assemblée des pièces qui prouvent que M. le comte d’Esterhazy ne s’est mêlé ni indirectement ni directement de cette affaire, et il fait ensuite une motion pour qu’à l’avenir le comité des rapports ne puisse rendre compte à l’Assemblée d’aucune inculpation, sans avoir auparavant connu les moyens de défense de l’inculpé. M. le baron de Marguerites fait un rapport pour engager l’Assemblée à charger son président de faire quelques démarches auprès de M. le garde des sceaux, pour obtenir la commutation de peine de quelques particuliers condamnés pour émeute, àraisou des grains, dans la ville deBagnols. 508 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 août 1789.] L’Assemblée prononce qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Enfin l’on vient à l’examen du projet d’arrêté proposé par le comité des subsistances, pour ordonner la libre circulation des grains de province à province, de ville à ville, de bourg à bourg, dans l’intérieur du royaume, et pour en défendre l’exportation à l’étranger, jusqu’à ce qu’autrement il en ait été ordonné. Ce projet d’arrêté, présenté depuis plusieurs jours et renvoyé dans les bureaux, y avait été examiné. M. le comte de Custine a lu un très-long mémoire, dans lequel il a développé tous les principes des économistes, pour rendre absolument libre le commerce des grains. On a demandé l’impression de son mémoire, qui n’a pas été parfaitement entendu, parce que le silence n’a pas été exactement observé. M. Cochard, député de la Franche-Comté , partant de principes différents, a soutenu qu’il était indispensable non-seulement de défendre l’exportation de grains à l’étranger, mais même qu’il ôtait essentiel de prendre des précautions pour qu’il ne put se faire sur les frontières aucun magasin qui facilitât le versement chez l’étranger. M. Cigongne propose un arrêté absolument différent de celui du comité des subsistances, pour assurer que les grains ne manquerontjamais dans le royaume. U veut des recensements dans toutes les villes, dans toutes les paroisses, qui, envoyés à l’administration, lui fassent connaître la quantité de grains existante, afin que, calculant la consommation, elle ait une règle sûre pour permettre ou défendre l’exportation chez l’étranger. M. le marquis de Sillery, en approuvant les deux parties de l’arrêté, veut qu’on s’occupe de la demande faite par les colonies françaises, d’abroger les lois prohibitives qui éloigne'at de leurs ports d’autres approvisionnements en farine que ceux qui leur sont portés par des négociants français. M. le duc du Châtelet, approuvant également l’arrêté dans ses deux parties, a parlé sur la nécessité urgente de le décréter. Enfin MM. les députés de Saint-Domingue, après avoir avancé que la défense d’expbrter à l’étranger, faisant partie de l’arrêté, allait nécessairement priver les colonies de leur approvisionnement, ont demandé qu’il leur fût permis de recevoir des farines de la Nouvelle-Angleterre et de toutes les autres nations qui en porteraient dans leurs ports. Quelques membres de l’Assemblée observent que cette défense d’exportation à l’étranger ne peut pas regarder Rs colonies françaises, qu’elles ont toujours été exceptées facilement, lorsque le gouvernement s’était décidé à rendre une loi pareille, et que, s’ils le désirent, on les exceptera nominativement de la loi. Des membres du comité de subsistances observent aux députés de Saint-Domingue que la demande qu’ils font à l’Assemblée est l’objet d’un mémoire qu’ils ont présenté aujourd’hui au comité des subsistances, mémoire qui, de leur consentement, doit être communiqué au commerce pour qu’il y réponde. Ils ajoutent qu’il n’est pas possible de décider cette grande question sans avoir entendu les négociants de l’Assemblée, qui ont demandé à l’éclairer par leur discussion. Ces raisons ont fait renvoyer les décisions de l’Assemblée sur le projet d’arrêté du projet du comité des subsistances à demain samedi, dans une séance fixée à sept heures du soir. L’Assemblée s’est séparée à onze heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE . Séance du samedi 29 août 1789. L’ordre du jour était la discussion de ce qui avait fait le sujet de la séance de la veille : mais M. le comte de Grillon ayant observé qu’il avait à faire part à l’Assemblée de choses fort importan-tantes, la parole lui est donnée. M. le comte de, Crillon. Personne ne respecte plus que moi le temps de l’Assemblée, et je me garderai bien d’en abuser; je me propose seulement d’avoir l’honneur de lui observer qu’elle n’a rien de plus instant que de rendre un décret confirmatif pour le payement des impôts, et pour la fixation du prix du sel à six sous la livre; elle pourrait renvoyer au comité de rédaction ces deux objets, ou'nommer un comité d’imposition, dont les fonctions seraient distinctes de celui des finances. Ce comité s'occuperait de la suppression des impôts les plus onéreux, et pourvoirait à leur remplacement, en se concertant, à cet égard, avec le ministre des finances. Le grand ouvrage de la Constitution marcherait en même temps, pendant que ce comité préparerait un travail sur les Etats provinciaux et les municipalités. L’Assemblée décide qu’elle s’occupera de ces différents objets, à une des séances du soir, atin de ne pas interrompre le travail déjà commencé de la Constitution. La discussion est reprise immédiatement sur l’article de la Constitution discuté hier. M. Bouche. La contrariété des opinions sur le premier article ne vient que parce que l’on a craint d’anticiper sur la sanction royale. Il faut donc prévenir toutes altercations, ne présenter que des articles qui ne préjugent rien. 11 y a quatre sortes de monarchies. L’une, qui est despotique, et est gouvernée par un seul. L’autre, qui est absolue, parce que le Roi y fait les lois. La troisième, qui est élective, parce que les peuples nomment les rois. La dernière enfin, qui est tempérée, c’est-à-dire où le peuple fait les lois, et où le Roi les exécute. La France, par son gouvernement, participe à ces quatre espèces de monarchie. Je propose l’article suivant : « La France est un Etat monarchique, c’est-à-dire un gouvernement dirigé par des lois fixes et établies. » M. le vicomte de Hoailles . Je propose un