-U g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembte 1790.) de la discussion sur la contribution foncière (1). M. Aubry-du-Boehet (2). IVL ssieurs , par les dispositions du rapport de votre comité d’impositions, portant le titre : ordre du travail , l’établissement des contributions, leur encadastre-ment selon l’ordre de la nouvelle division de la France, et vos rapports avec les corps administratifs et municipaux, assurent d’avance aux peuples la justice que vous devez à tous. Heureux sans doute, Messieurs, de pouvoir terminer aussi glorieusement votre ouvrage! Encore un pas, l’ancien régime fiscal n’est plus. Nos inquiétudes cessent; la confiance renaît ; la Révolution est consommée ; et la France devenue libre, ne verra bientôt plus d’esclaves sur le globe. C’est à vous seuls, Messieurs, qu’il appartient de répartir la masse entière des contributions entre les différents départements : leur répartition particulière est l’ouvrage de vos directoires de départements et de districts ; et c’estaux administrateurs municipaux que vous avez réservé de répartir justement l’impôt, et vous voulez que chacun le supporte en proportion de sa richesse, sous quelque forme qu’elle se représente; enfin, qu’aucun ne puisse jamais troubler l’ordre public, en se soustrayant au tribut qu’il doit. L’échelle de votre administration est établie de manière que, de votre sein aux administrations de département, et de ces dernières à celles de district, tout est parfaitement lié; mais de ces administrations de district aux municipales, la distance est trop grande : il y a double échelon. Je ne fais point cette observation, Messieurs, dans la vue.de vous proposer de revenir sur aucuns de vos décrets. Il est cependant vrai de dire qu’au momeit où votre comité de Constitution vous a présenté son projet d’organisation des différentes administrations, s’il m’eût été possible de faire alors entendre ma faible voix, j’aurais demandé que les administrations primaires des municipalités fussent toutes concentrées dans les petites villes et bourgades, et qu’alors vous n’eussiez accordé aux différentes paroisses, qui toutes le désirent aujourd’hui et le demandent avec instance, d’autres administrateurs qu’un syndic, pour correspondre avec la municipalité du canton, et exercer la police territoriale, enfin, pour assembler les habitants, cultivateurs, et tous intéressés à la répartition des contributions, à l’effet de procéder entre eux à cette répartition. Mais, Messieurs, sans contrevenir à l’esprit de vos décrets, et dans la vue de perfectionner votre ouvrage, n’est-il pas des moyens ? et, s’il en existe, serait-ce une indiscrétion de vous les proposer, surtout, si dans les circonstances de la répartition des contributions foncières ou autres, il devient en quelque sorte impossible de parvenir à cette répartition, parce qu’il n’y a point d’intermédiaire entre les directoires de vos districts et vos administrateurs municipaux ? Ce que je vais dire, par conséquent, et qui n’est qu’un mot, n’est point hors de la question . Depuis six mois, Messieurs, comme membre des comités de Constitution et de finances, je travaille à la vérification des procès-verbaux des cartes des différents départements, à l’effet de (1) Voyez le rapport de M. de La Rochefoucauld, séance du 11 septembre 1790, Archives parlementaires, tome XVIII, pages 696 ot suiv. $S) Le Moniteur mentionne le discours de M. Aubry, mais ne le donne pas. les dresser dans une forme méthodique et parfaitement régulière. Ce travail est très avancé, et j’aurai l’honneur de vous en faire le rapport, quand vous voudrez, pourvu que j’en sois prévenu une semaine d’avance. Je désire que vous y rencontriez les vues d’utilité qui me l’ont fait entreprendre. C’est de ce travail, Messieurs, que j’ai tiré le discours que j’ai eu l’honneur de vous faire sur la liquidation de la dette publique. C’est à l’aide de ce travail que je pourrai vous présenter, sur la division de la France en départements, districts et cantons, le tableau des districts sous leurs différents rapports, afin que vous puissiez juger des changements dont ils sont susceptibles, et que vous paraissez vouloir effectuer; et c’est enfin de ce travail, que je tirerai ce que je vais avoir l’honneur de vous dire sur la question qui nous occupe, et à laquelle je reviens. Votre comité, Messieurs, vous annonce de l’économie dans la recette, et l’acquit des dépenses sans frais ; en un mot, les plus grandes lumières au lieu des ténèbres épaisses dont l’ancienne fiscalité était entourée; il dit que vous reconnaîtrez la véritable ligne de démarcation qui doit exister nécessairement entre les fonctions augustes du roi et les vôtres, en matière de contribution, afin de fixer d’une manière invariable l’étendue des droits de l’homme et du citoyen, sans lesquels il n’est plus de liberté individuelle, de bonheur ni de tranquillité ; il nous fait enfin envisager que l’instant où nous devons être à jamais débarrassés de l’arbitraire résultant des anciennes lois fiscales, ces lois seront remplacées, pour me servir des mêmes termes que votre comité, par un code des contributions publiques. Votre comité, cependant, Messieurs, ne nous fait point encore espérer la réforme entière des abus, et nous renvoie aux prochaines législatures ; mais en cela, il me semble qu’il pouvait rester en arrière, si plus hardi, si plus confiant dans les immenses ressources qui sont à notre disposition, il n’eût pas craint d’examiner la question qu’il appelle l'unité de l’impôt, mais que j’appelle l’unité de richesse, puisque l’impôt n’en est qu’une partie quelconque. Je passe les faits historiques que votre comité rapporte sur les différentes impositions dont le pauvre peuple a été jusqu’à présent si surchargé, et je m’arrête avec plaisir à cette partie de son rapport, où il vous dit que nous devons tous fournir aux besoins de la’ patrie : 1° Gomme propriétaires, en proportion de la valeur de cette portion de richesse ; 2° Gomme citoyens, à raison de nos facultés déterminées par le prix du loyer de3 maisons ; 3° Et, pour le surplus, par quelques droits particuliers sur les consommations, ou perçus à l’aide des barrières ; mais ici je m’arrête un instant, et le mot de barrières m’épouvante : il n’est point de barrières sans commis, point de droits aux barrières sans fraude; et dès lors nous ne jouissons que très imparfaitement de notre liberté. D’ailleurs, en coûte-t-il moins au consommateur de payer aux barrières plutôt qu’à titre d’abonnement? Et l’abonnement, au contraire, ne nous débarrasse-t-il pas enfin, de toutes les entraves de toutes craintes? Le cadastre de la richesse industrielle présente-t-il plus de difficultés à dresser, que celui de nos propriétés ? Se persuade-t-on que parce que les marchandises payent, en entrant, un impôt, ce n’est pas le consommateur qui le paye ? mais c’est toujours lui ; 449 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. or, pourvu qu’il paye, à quoi bon des barrières? Vous verrez, Messieurs, dans un instant, si vous en avez besoin, et si la manière dont je vais avoir l’honneur de vous proposer de décréter les premières bases de l’impôt, n’est pas préférable à des lois prohibitives. Point de ces sortes de lois pour entourer des hommes jouissant de leurs droits ; et apprenons à toute la terre, qu’en se communiquant librement, toute nation, loin de se nuire, ajoute infiniment à ses facultés, puisqu’elle augmente sa force de tous les bras que les lois prohibitives paralysent. Ne craignons rien pour nos manufactures nationales : la liberté ne peut que les étendre ; et si quelque gros manufacturier s’y oppose, n’écoutons point sa réclamation. Nous avons supprimé tous les privilèges, et sa manufacture doit être comprise dans la suppression, si elle ne peut subsister qu’à l’aide d’un privilège. Votre comité vous dit que les barrières sont reportées aux frontières ; mais la société gagne-t-elle à ce marché? Non, elle y perd au contraire : il n’y aura ni plus ni moins de commis, ni plus ni moins de contrebandiers; et la seule différence que je trouve entre un cordon aux frontières et un cordon à plusieurs lieues des frontières, c’est que l’armée de contrebandiers qui est toujours en activité en deçà et au delà de la ligne, avant le reculement des barrières aux frontières, n’était que des Français que nous avions encore quelque intérêt de voir subsister, puisque ces contrebandiers payaient des impôts ; au lieu que la ligne se trouvant à l’extrémité de la France, l’armée en activité au delà de la ligne n’est plus composée que d’étrangers qui ne nous payent rien. Cependant, direz-vous, il nous faut des barrières, et j’en conviens ; mais il ne nous en faut que pour empêcher la sortie de nos subsistances dans les années de disette, ou pour empêcher l’entrée des marchandises nuisibles à notre commerce, et à nos manufactures nationales ; autrement, liberté entière. Des barrières sont contraires à notre déclaration des droits. Notre comité vous dit encore, et je répète ses propres paroles : « La culture du tabac, sa fabrication et son débit seront libres. L’importation de cette denrée, restant entre les mains d’une compagnie, produira encore un revenu considérable, quoique le prix soit baissé à un taux qui ne puisse plus attirer la contrebande » . Je réponds : encore des compagnies! Quoi ! toujours des compagnies! C’est comme pour nos besoins, toujours des emprunts. Eh ! Messieurs, laissez aux cultivateurs la liberté de vendre leurs tabacs; et si voulez absolument que cette production contribue davantage que les autres, chargez alors les administrations de districts et de municipalités de surveiller cette branche d’impôt, d’en compter de clerc à maître; et, pour qu’ils aient le plus grand intérêt à imposer les cultivateurs du tabac, abandonnez le quart ou le cinquième du produit de cet impôt, pour être versé dans la caisse des pauvres de ces municipalités. Vous devez d’autant plus être assurés de sa perception exacte, que si les municipalités ne surveillaient pas, les pauvres, au profit desquels tourne une partie de l’impôt, surveilleraient pour elles. Notre comité, Messieurs, termine son rapport par vous dire « qu’il aurait désiré de vous présenter d’abord les articles constitutionnels, mais que les circonstances pressées où vous vous trouvez, de mettre en activité les corps administratifs pour l’assiette des contributions, le déter-(“23 septembre 1790.] minent à vous proposer d’entendre son rapport sur la contribution foncière, et à vous proposer successivement ensuite et sans interruption toutes les parties de son travail. » Je ne puis, sans doute, qu’applaudir aux vues d’ordre que ce travail présente; cependant j’aurais désiré qu’avant de vous déterminer à rien prononcer sur une partie, vous les ayez toutes entendues, parce que ce n’est que par l’ensemble d’un travail qu’on peut l’apprécier ; et c’est par cette même raison qu’en répondant, comme je vais le faire, au second rapport de votre comité sur la contribution foncière, je ne puis vous présenter quelques données satisfaisantes, qu’en vous faisant jeter un coup d’œil sur les articles constitutionnels qui doivent servir de base à la répartition des impôts. Nous ne reconnaîtrez pas, Messieurs, dans mon système les parties de détails que M. de Mont-cal m vous propose. Autant son plan vous présente d’impôts différents, autant le mien en présente peu. J’applaudis, sans doute, aux vues de justice et d’humanité qui l’ont animé : il veut que le cultivateur soit dédommagé de ses sueurs ; le luxe est pour lui le seul objet qu’il faut imposer; mais a-t-il songé que les temps ne sont plus les mêmes, et qu’aujourd’hui les impôts sur les objets de luxe ne feraient qu’ajouter à la misère de ceux qui gémissent de ce qu’il en est à présent si peu? Avant la Révolution, son plan eût été admirable; aujourd’hui, il serait vraiment destructeur, et ce serait un grand malheur s’il était adopté. Je reviens à mon plan. Nous regardez sans doute, Messieurs, la fixation des impôts et la manière d’y procéder, comme la science la plus problématique; elle sera bien simplifiée si vous décrétez : 1° Que la richesse est la base de l’impôt; ou, ce qui est la même chose, que l’impôt est une portion quelconque de la richesse; 2° Que la richesse, productive ou non, doit supporter toute la charge de l’impôt; 3° Que la richesse se représente sous trois parties principales, qu’on distingue par : Richesse territoriale, Richesse mobilière, Richesse industrielle; Et que ce sera d’après ces bases que vous ferez procéder au cadastre dont je vais parler, en appliquant aux quatre-vingt-trois départements de la France la masse de leurs contributions, quamt vous aurez une fois fixé les rapports qu’il y a entre ces trois parties de la richesse. 4° Et enfin, que le premier cadastre dont je vais avoir l’honneur de vous présenter les données, sera alors la seule et unique base des différents cadastres qui doivent se succéder, et arriver, par cette échelle que vous avez établie, du département au district, de celui-ci au canton, et de ce dernier aux municipalités, à la masse de contribution que vous chargerez chacune de ces municipalités de répartir dans le plus grand détail. Le cadastre dont il s’agit, et auquel je ne donne que le titre de cadastre provisoire, peut être fini avant la fin de l’année. Nous pouvez le faire exécuter en même temps dans les quatre-vingt-trois départements, par les directoires des 547 districts, à l’aide d’une simple lettre circulaire portant une série de demandes, auxquelles il ne faudra pas beaucoup plus de quinze jours pour répondre. J 50 .[Assemblée h&ticiiiale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 septembre 1790.1 C’est une opération infiniment simple en elle-même, et vous ne devez point voüs épouvanter du mot cadastre, parce que celüi que je vous propose, dans son véritable sens, n’est autre chose qu’une simple rédaction de rôle de contribution, dressé par les personnes intéressées à ce qu’il soit bien rédigé. Pour vous rendre compte de son exécution, c’est le travail d’un comité qui vous manque, et auquel je propose de donner le titre de comité de cadastre. Vousnetarderezsûrement pas à l’établir, Messieurs, ce comité, puisque vous né pouvez parvenir à fixer, saris lui, vos impôts pour 1791, et surtout, que sans la fixation des bases de l’impôt, les amateurs de vos biens ne se détermineront jamais à acquérir. Il est inutile que je m’étende beaucoup sur la contribution foncière que votre comité traite dans son second rapport. Je ne puis, dans mon système, la considérer que comme un objet isolé, surtout, puisque le plan dont je vais avoir l’honneur de vous présenter l’ensemble, embrasse toutes les parties de l’impôt. Je n'entrerai, Messieurs, dans aucun détail sur l’origine des impôts et leur augmentation graduelle, ni sur le mode de les percevoir, ni enfin, sur la question de savoir si l’impôt en argent n’est pas préférable à l’impôt en nature. Cesquestions ontété tant rebattues, que ce serait abuser de votre temps que de vous en entretenir; d’ailleurs, ce n’est point par de simples raisonnements qüe je prétends convaincre, c’est par des calculs faciles à Vérifier. Votre comité, Messieurs, propose de fixer la contribution foncière à 240 millions, parce que le denier étant la 240e partie de la livre, chaque denier vaut uh million. J’adopte bien volontiers cette mesure; elle sera la base de toute mon opération. Suivant le compte rendu au roi au mois de mars 1788, la masse des impôts s’élevait à 472,415,549 livres. En suivant l’auteur du livre de l’administration des finances de la France, le peuple payait réellement 584,400,000 livres; ainsi le peuple payait près de 112 millions au delà de la somme entrant au Trésor public. Il n’est pas nécessaire d’en dire la cause, nous la connaissons tous : c’était les frais de régie, etc., etc. Les besoins actuels, si l’on comprend le traitement fait au clergé, s’élèveront, sans doute, au moins à cette somme de 584,400,000 livres. Je la prends pour base des impôts à répartir pour l’année 1791, sauf toutefois à augmenter ou diminuer de quelques sols pour livre, s’il en est nécessaire. J’ai l’honneur même de prévenir l’Assemblée que pour faciliter les calculs, je supposerai que les besoins doivent s’élever à 600 millions; et comme votre comité s’arrête à une somme de 240 millions pour la contribution foncière ou territoriale, il s’ensuit qu’il reste une somme de 360 millions à répartir sur la richesse mobilière et industrielle. Si ces dèux dernières richesses étaient égales entre elles, l’opération se réduirait à diviser la somme en deux parties égalés; mais comme la richesse mobilière me paraît être moindre que là richesse industrielle, d’un tiers environ, il résulte alors que la richesse mobilière ne s’élève qu’â moitié de la richesse foncière, ou a une somme de 120 millions de contribution, ët que la richesse industrielle est égale à la richesse fonéière, bu à une somme de 240 millions de contribution. Si cette première répartition repose sût* des bases véritables, le problème dë l’impôt ëst résolu. J’ai posé pour principe quë la fidhesse doit seule l’impôt. Or, si nous supposons que l’impôt doit être de trois vingtièmes du revenu, fixé sur le pied de 5 0/0 du capital, ii s’ensuit qiie d’après cette hypothèse et celle d’une impositioh de 600 millions, .la richesse s’élèverait à 80 milliards; mais au lieu de milliards, ne parlons que dë parties, et disons, la richesse s’élève à une sommé quelconque, qui se divise en quatre-vingts parties. Savoir ; 32 pour la richesse foncière ou territoriale ; 16 pour la richesse mobilière, mais que je distingue ici par celle que le comité impose sous le titre de contribution des facultés des citoyens, d’après le prix de bail des maisons et que j’appellerai contribution facultative; Et 32 pour la richesse industrielle. Richesse foncière. Fixer la richesse foncière aux trente-deux quatre-vingtièmes, ou aux deux cinquièmes de la richesse totale, c’est supposer, à cinq pour cent, si le quatre-vingtième était un milliard, un revenu de seize cents millions; mais comme nous savons tous que les biens-fondss’achètent communément au denier trente, cela réduit le revenu des biens-fonds à un milliard et un tiers de million, et cela s’accorde parfaitement avec l’opinion de ceux qui casent au plus bas; car nos meilleurs calculateurs élèvent les revenus de nos immeubles à plus de treize cents millions. De là il résulte que la contribution foncière peut se répartir de deux manières; la première, en évaluant ce que le champ vaut d’écus, et en l’imposant alors sur pied de trois vingtièmes de son revenu, fixé à raison de cinq pour cent du capital; ou en l’imposant sur le pied de quatre vingtièmes et demi du revenu net, ce qui est la même chose. Observez ici, Messieurs, qu’ayant casé au plus bas, si la richesse foncière vaut quinze cents millions de revenu, la contribution foncière ne sera qüe de trois vingtièmes du revenu net; cé qui serait bien avantageux pour l’agriculture. Riehesse facultative ou mobilière. La fixation de l’impôt sur la richesse mobilière doit se faire de la même manière ; mais comme le comité semble distinguer cet impôt sous celui du citoyen, â raison de ses facultés déterminées par le prix du loyer des maisons, je vais tâcher de déterminer à quoi pourrait s’élever le prix des loyers de tous les édifices en France, si toué étaient donnés à bail. On conçoit que le prix doit être l’intérêt résultant de la valeur intrinsèque des mêmes édifices, et de ce que chacun produirait d'écus, s’il était mis en vente. Or , cette évaluation est facile à faire si l’on détermine dans quelle proportion un propriétaire se loge. Un propriétaire se loge, je pense, dans la proportion du dixième de son revenu ; c’est-à-dire que l’homme qui jouit de six à sept mille livres ae rente, occupe communément des édifices qui pourraient se louer sii à septcqnts livres. Or, la France présente une richesse ae quatre milliards de revenu, soit terri- [Assemblée hationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [23 septembre 1790.] 151 toriaux, soit mercantiles et industriels; par conséquent le prix du loyer de tous les édifices pourrait donc s’élever à une somme de quatre cents millions : nous en avons cent vingt à répartir pour la fixation de l’impôt sur la richesse mobilière des maisons; ainsi il faut imposer les édifices sur le pied de deux cinquièmes dü prix des loyers oü des revenus, fixés à cinq pour cent de là valeur intrinsèque des mêmes édifices. Cette richesse mobilière ou facultative étant le résultat de la richesse foncière et de la richesse industrielle, elle devient, dans mon système d’imposition, le générateur de l’impôt, et c’est pour cela que je lui donne le titre de contribution facultative. Richesse industrielle. La fixation de l’impôt sur la richesse industrielle, en prenant pour hase le prix du loyer de la maison de l’artiste, marchand, ouvrier ou autres, est, dans inon système, une opération dont le résultat est absolument le même que celui de la contribution foncière* avec cette seule différence, que dans la contribution foncière c’est le revenu du propriétaire qui fait le prix de son loyer* et que dans la contribution industrielle c’est le prix du loyer qui fixe la hauteur de la contribution industrielle. La richesse industrielle s’élève, comme je l’ai dit plus haut, aux deux cinquièmes de la richesse totale, ou à l’égal de la richesse foncière. Pour m’en assurer, j’ai fait une opération bien simple. En voici le résultat : Dans un lieu où l’industrie tient un juste milieu* où le commerce se balance comparativement au reste du royaume, et où il se trouve une population d’environ 2,000 âmes, en un mot dans un lieu que je regarde comme la douze mille cinq centième partie de la France, soit en richesse* soit en population, j’ai reconnu que, dans 500 chefs de famille, 12 vivent comme bourgeois jouissant de 2 à 4,000 livres de revenu* 49 comme marchands, gagnant depuis l,000jusqu’à 2,000 livres ; 125 comme ouvriers, gagnant 4 à 600 livres ; 200 comme manouvriers, gagnant environ 300 livres; 50 comme veuves ou filles célibataires, gagnant 150 livres, et 64 pauvres ne gagnant rien. Ainsi, 436 chefs de famille jouissent donc de 240,000 livres de revenu ou bénéfice aiinuel. En supposant, comme de raison, une pareille industrie dans le reste de la France et 25 millions d’âmes, le revenu industriel s’élève donc à en-viron trois milliards, qui doivent acquitter 240 millions de contributions, soit à titre d’aboU-liemeht, soit paf des impôts indirects, eu un mot, de la manière que i’ Assemblée le jugera le plus convenable. Mais comme les trois dernières classes, dans le cas d’un abonnement, üé peuvent supporter aucun impôt, et que la première ne fait aucun commerce, il reste environ 1,600 millions sur lesquels il faut répartir les 240 millions d’impôt de richesse industrielle, ce qui revient à trois vihg-tièmeS* èt toujours au calcul que j’ai mis eh avdnt* et qüi n’est püiut forcé. Il résulte, Messieurs, dë tout ce qui précède, que, dans mon système, dès quon connaît le nombre d’habitants d’un département* d’un district* d’Un canton, et souvent d’une municipalité; qu’on a opéré en détail de la même manière que je viénë de le faire, toutes lès richesses se trouvent, par ce procédé, exactement encadastrées, et Ce sont ces opérations simples, successives et de la plus facile exécution, que j’appelle 'cadastres, soit généraux, soit particuliers. Pour abréger toute définition à cë sujet, j’ai l’hodheur de vous en présenter un d’autant plus intéressant dans l’état actuel des choses, qu’il résout véritablement le problème de l’impôt. Ce premier cadastre, Messieurs, est le fruit de ce travail qui m’occupe depuis six mois au comité de Constitution, et dont je désire voüs faire le rapport, comme j’ai eu l’hohneurde vous le dire plus haut. Les masses de la contribution ont été puisées dans le livre de l’administration des finances dë la France, par M. Necker, et je les crois très justes. Il est cependant possible qu’il se soit glissé quelques erreurs ; mais les erreurs ne peuvent së communiquer; d’ailleurs, elles pourront se rectifier très facilement en priant MM. les députés des anciennes généralités, de se rassembler à cet effet devant MM. d’un comité de cadastre, quë je crois nécessaire de composer de deux membres du comité des finances, de deux membres du comité d’imposition, et de deux membres pris dans le sein de l’Assemblée nationale. Si vous voulez, Messieurs, entendre la lecture de ce premier cadastre, voüs connaîtrez ce que chaque département contient de lieues carrées, combien il y a de citoyens, et combien il doit supporter de contribution. Pour faciliter les travaux de cadastre, j’ai divisé la France ert neuf parties ou régions, composées toutes de neuf départements, sauf la région de Paris oü du Nord qui en contient onze. En divisant ensuite vos masses de contribution de chaque département* par cinq, vous aurez aussitôt les données des trois contributions : Savoir, deux cinquièmes pour la contribution foncière ; un cinquième pour ia contribution facultative des citoyens, et deux cinquièmes pour la contribution industrielle; et alors, combien ne sera-t-il pas facile, Messieurs, à chaque département, de faire sa répartition, quand vous aurez déterminé ces trois bases de la contribution. J’ai l’honneur de vous supplier, Messieurs, de les arrêter, ces bases ; et, à cet effet, je vous propose de décréter ce qui suit. Je commence le projet de décret par les deux articles constitutionnels que j'ai eu i’honneur de vous soumettre pour la liquidation de la dette publique. Cadastré général de la France par ordre de régions et départements . Nota. J’ai Phonneur d’observer que, quelles qüé soient les masses de contribution attribuées à chaque département, les sommes ne représentent toujours que les trois vingtièmes du revenu de la richesse foncière, fixée au denier vingt. Les Üéüx cihqüièmes dü prix des loyers de maisons, pour la contribution des facultés des citoyens : le prix des loyers fixé au dixième des revenus, Et lés trois vingtièmes du revenu de la richesse industrielle, tiXéé par dix fois le prix dü loyer: Et que si la richesse d’un département, soit ioh-cièrè* Soit mobilière ou facultative, soit industrielle, ne peut atteindre le prix porté au cadastre, ce serait une moins-value à déduire et a répartir Sur les autres départements de là géné- [j* s'frr lih'e nnf'onn’e.J 152 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 septembre 1790.) ralité ; le maximum des contributions des citoyens ne devant jamais excéder les taux ci-dessus fixés. J’observe aussi que celte manière d’imposer pour l’année 1791, comprenant tous les impôts, les salaires et pensions du clergé, ainsi que les sommes nécessaires aux besoins des pauvres, entretien et confection des chemins, même frais de régie des contributions, les impôts qui seront conservés seront déduits sur les trois contributions, en proportion de leur importance, et que, par cette déduction, la contribution industrielle ne s’élèvera guère au-dessus de 200 millions. J’observe enfin qu’en proposant ce mode de contribution, j’ai toujours néanmoins entendu qu’il ne serait adopté dans les différents départements, qu’autant que cette mesure leur serait plus avantageuse que toutes celles qui pourraient être proposées; autrement, libre, pour 1791, aux départements d’asseoir l’impôt de la manière qu’ils croiront la plus avantageuse. Je n’ai point donné la manière de procéder à l’exécution de ce cadastre, ainsi qu’à celle des différents cadastres qui devront se succéder: je le ferai quand on traitera le mode de répartition. J’ai l’honneur de prévenir seulement que ces moyens d’exécution peuvent s’appliquer au plan que M. Rey propose. Nos deux plans tendent au môme but, et peuvent se concilier facilement. CADASTRE GÉNÉRAL. Région du Nord. Région du Rhône. Lieues carrées. 30 Haute-Loire .... 254 31 Ardèche ........ 260 32 Drôme ......... 339 33 Hautes-Alpes. . . 283 34 Basses-Alpes . . . 388 35 Var ............ 344 36 Bclies-du-Rhône. 326 37 Corse .......... 540 38 Gard ........... 279 Total ...... 3,013 1,866,500 36,001,000 Région du Midi.