672 châtiment de P. Manuel l’a plongé, son hon¬ neur et sa sûreté, tout l’enhardit à cette dé¬ marche. « Depuis la détention de mon frère, je fus atteint d’une injuste suspicion; ma probité, mon civisme constant, enfin ma scrupuleuse obéissance aux lois émanées des organes du souverain légitime, m’ont soutenu dans ma car¬ rière républicaine et m’ont inspiré l’énergie propre à repousser les traits de la calomnie. Les yeux fixés sur la Montagne, j’ai vu avec dou¬ leur mon frère, pour qui mon amitié trompée avait encore une âme, plongé dans ce marais dont les exhalaisons pestilentielles n’ont pu s’élever jusqu’à la cime altière où la République a pris naissance. « Vertueux Montagnards, je viens me mettre sous votre sauvegarde; prêtez une oreille favo¬ rable à l’exposé sincère de ma conduite et de mes malheurs. J’occupais, le mois dernier, une place de commis à la comptabilité de l’administration des assignats, et j’avais débuté dans la partie du timbrage, par la place de sous -chef d’atelier, depuis à peu près l’époque de son établissement dans le local des Capucines. Trois mois de dé¬ marches auprès du comité révolutionnaire de la section Le Peletier, ci-devant 1792, à l’effet d’obtenir un renouvellement de certificat de civisme, me donnaient l’espoir d’être maintenu dans mes droits. Toujours à visage découvert, une main pure sur mon cœur, je me présentai à l’époque où mon frère tomba sous la hache vengeresse, à ce même comité, dans l’intime persuasion que l’auteur de la perplexité cruelle où j’étais n’existant plus, j’obtiendrais la justice que mon innocence méritait. L’on m’a accueilli avec un intérêt assez fraternel, mais l’on ne m’a pas tenu la promesse écrite que le 30 bru¬ maire l’on procéderait à la délivrance de mon certificat de civisme en assemblée générale. Cette insouciance à me rendre justice m’a fait perdre ma place; je suis sans ressource et je n’ai d’autre consolation que mon amour inné pour la liberté. Rendez-moi à mon emploi, assurez-moi les moyens d’existence que ma qualité d’employé supprimé n’avait seule procurés, et mettez-moi dans le cas d’être utile au poste de commis à la comptabilité des assignats; jusqu’au moment où la patrie me dira d’aller verser mon sang pour elle. » Législateurs, vous avez sauvé la République, faites que celui qui ne connaît qu’elle, soit à l’abri d’un préjugé qui n’existe plus, mais qui, trompant l’œil du bon sans-culotte, s’efforce de se reproduire sous des formes non moins cruelles. « Représentants courageux, prenez -moi sous votre sauvegarde, en ordonnant que justice me soit faite dans le plus court délai. Autorisez-moi à rester provisoirement à mon poste, où mon vœu le plus ardent sera touiours d’être utile à la chose publique. « M. Manuel. « P. -S. Je remets à la Convention cinq actions en coupons d’intérêt sur les citoyens Delessert banquiers, payables au porteur, c’était la pro¬ priété de P. Manuel; j’en étais dépositaire, et je la rends à la nation. » ( 3 frimaire an II ( 23 novembre 1793 Sur la proposition d’un membre [Ruhl (1)] : « La Convention nationale décrète que le co¬ mité de Salut public fera un rapport sur les ques¬ tions suivantes : 1° Le conseil exécutif doit-il être autorisé à nommer un agent qui sera chargé d’effectuer l’échange des otages du pays du Rhin, contre ceux qui sont détenus dans les forteresses de l’Allemagne? 2° Echangera-t-on un prince de Linange contre le représentant du peuple Drouet (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Riihl. Je viens faire à la Convention une proposition qui intéresse autant son humanité que l’honneur national. Je demande que l’on échange les prisonniers français de Mayence et du Rhin contre les prisonniers étrangers qui sont entre nos mains. On ne parle point des représentants du peuple qui gémissent dans les prisons autrichiennes, par l’effet de la trahison de Dumouriez, ou de l’infâme violation du droit des gens. Nous avons à Paris, à l’Abbaye, plu¬ sieurs étages contre lesquels on pourrait les échanger. J’en fais formellement la proposition. Merlin (de Thionville). J’appuie la motion de mon collègue. C’est moi qui ai fait prison¬ niers de guerre les 3 princes de Linanges; ils ne sont étages de personne; ils sont bien réelle¬ ment prisonniei's de guerre. Je demande que le conseil exécutif soit chargé de nommer un agent qui échange ces princes contre les dé¬ putés Drouet ou autres qui gémissent dans les fers des despotes. Je saisis cette occasion pour apprendre à la Convention que je viens de recevoir de Sarre-Libre une lettre qui m’an¬ nonce que 15,000 Français ont repoussé l’en¬ nemi au-delà des lignes de Lauterbourg. Levasseur. Je ne partage pas l’opinion qu’on puisse échanger les princes contre les représen¬ tants du peuple, pris par une infâme trahison. Tous les rois de l’Europe coaüsés contre nous ne valent pas un représentant du peuple: Si j’eusse été fait prisonnier lors de ma mission à l’armée du Nord, je n’aurais pas voulu devoir ma liberté à l’échange d’un prince, et, si ce mal¬ heur m’arrivait, je vous prie, mes collègues, de ne jamais parler d’échange en ma faveur. Après quelques débats toutes les propositions sont renvoyées au comité de Salut public. s2Sur la proposition d’un autre membre, La Convention nationale décrète que tous les objets qui étaient de la compétence de la Com¬ mission créée, le 20 juillet dernier, contre l’agio¬ tage et l’accaparement, sont renvoyés au comité de commerce et d’agriculture (4). » (1) D’après les divers' journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 53. (3) Moniteur universel [n° 65 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 262, col. 2], Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 1, p. 713, le compte rendu de la même discussion d’après divers jour¬ naux. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 54. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES: