SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 23 561 ques pour la plus part peu instruits ignoroient et les projets de leurs maîtres, et les conséquences affreuses de ces projets. Ils n’ont pu les connoitre qu’alors qu’il étoit trop tard pour abandonner des traitres qui ne se sont montrés tels a leurs yeux que longtemps après. Ceci s’applique particulièrement aux femmes a qui leur sexe et la nature de leurs occupations rendoient plus étrangères encore toutes idées politiques. Or on n’est pas coupable sans intention surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’un délit matériel. L’intention ne peut pas plus se présumer du retour de ces domestiques après le délai fixé par la loi du 1er Avril. 1°) Cette loi ne portoit évidemment que sur leurs maitres dont la loi se bornoit à séquestrer les biens pour les appliquer aux frais de la guerre. 2°) Quand la loi eut porté sur eux, ils se-roient encore excusables de l’avoir ignoré. On présumera facilement que leurs maitres qui vouloient les conserver ne leur en auront pas laissé parvenir la connoissance. Ces domestiques dans un pays étrangers, ou ils n’avoient et ne pouvoient avoir aucune relation étoient entièrement livrés a des maitres interressés a perpétuer leur ignorance. 3°) Les moyens qu’ils n’avoient pas pour être instruits de la loi leur manquoient également pour l’executer dans le cas ou ils l’eussent connus. Créanciers de leurs maitres, ils n’avoient pas la plus legere somme. Le seul désir manifesté de retour suffisoit pour qu’on les privât de tout, même de leurs propres effets. 4°) il seroit cruel de ne pas compter pour quelquechose l’impossibilité ou étoient ces individus de se procurer sans le secours ou même contre la volonté de leurs maitres, les passe ports nécessaires pour assurer leur retour, et les garanties des risques qui accompagnoient nécessairement le voiage d’individus dénués de tout, et sans guides dans des pays étrangers. C’est cependant a travers ces risques au mépris de tous ces obstacles qu’aussitôt qu’ils connurent la loi ils rentrèrent dans leur patrie. Ce retour ecarteroit même tous les soupçons, quand il eut été possible d’en concevoir contr’- eux. Certes s’ils eussent jamais imaginé qu’on put les regarder comme coupables, ils ne seraient pas venus chercher la mort dans leur pays. Rentrés ils eussent pu recourir a ces précautions qui ont soustrait tant d’autres coupables au glaive de la loi. Leur bonne foi, leur conduite vont augmenté l’interret qu’excite leur position. C’est dans cette classe pour qui la révolution a tout fait, on ne peut les supposer assés ennemis d’eux mêmes pour avoir conçu le projet d’y porter obstacle, ou de conspirer contre une patrie bienfaisante a leur égard. La plus part sont des vieillards, dans ce nombre beaucoup de pere de famille et de femmes veuves dont les enfants versent leur sang pour la cause de la liberté, d’autres dont les maris offrent à la République le même sacrifice, et certes il est contre l’intention de la loi de ne pas faire aucune distinction entr’eux et leurs maîtres, de comprendre dans les mêmes dispositions et des conspirateurs et des êtres innocens, et des individus assez instruits pour scavoir qu’ils se rendoient coupables, et des infortunés que leur ignorance et leurs besoins livroient a la mercy de volontés étrangères. Ils gémissent cependant rangés avec des coupables, incertains si malgré leur innocence le même sort qui frappe ceux ci ne les attend pas. Ils gémissent et leur famille souvent dénuée de tout mais utile à la République ne peut subsister que du fruit de leur travail. Que les coupables périssent; mais que l’innocence soit sauvée. Voilà, citoyens, le cri de vos cœurs, il ne s’y fera pas entendre en vain, et vos soins bienfaisans écarteront de la loi une obscurité fatale qui peut être funeste a des individus agréables à la République dont ils seront les plus fermes soutiens, soit en la deffendant contre les ennemis extérieurs, soit en imprimant ses principes régénérateurs dans le cœur de leurs enfants ». Cne Aubert. Renvoyé au Comité de législation (1) . (1) Mention marginale datée du 24 prair. et signée Francastel. 36 SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 23 561 ques pour la plus part peu instruits ignoroient et les projets de leurs maîtres, et les conséquences affreuses de ces projets. Ils n’ont pu les connoitre qu’alors qu’il étoit trop tard pour abandonner des traitres qui ne se sont montrés tels a leurs yeux que longtemps après. Ceci s’applique particulièrement aux femmes a qui leur sexe et la nature de leurs occupations rendoient plus étrangères encore toutes idées politiques. Or on n’est pas coupable sans intention surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’un délit matériel. L’intention ne peut pas plus se présumer du retour de ces domestiques après le délai fixé par la loi du 1er Avril. 1°) Cette loi ne portoit évidemment que sur leurs maitres dont la loi se bornoit à séquestrer les biens pour les appliquer aux frais de la guerre. 2°) Quand la loi eut porté sur eux, ils se-roient encore excusables de l’avoir ignoré. On présumera facilement que leurs maitres qui vouloient les conserver ne leur en auront pas laissé parvenir la connoissance. Ces domestiques dans un pays étrangers, ou ils n’avoient et ne pouvoient avoir aucune relation étoient entièrement livrés a des maitres interressés a perpétuer leur ignorance. 3°) Les moyens qu’ils n’avoient pas pour être instruits de la loi leur manquoient également pour l’executer dans le cas ou ils l’eussent connus. Créanciers de leurs maitres, ils n’avoient pas la plus legere somme. Le seul désir manifesté de retour suffisoit pour qu’on les privât de tout, même de leurs propres effets. 4°) il seroit cruel de ne pas compter pour quelquechose l’impossibilité ou étoient ces individus de se procurer sans le secours ou même contre la volonté de leurs maitres, les passe ports nécessaires pour assurer leur retour, et les garanties des risques qui accompagnoient nécessairement le voiage d’individus dénués de tout, et sans guides dans des pays étrangers. C’est cependant a travers ces risques au mépris de tous ces obstacles qu’aussitôt qu’ils connurent la loi ils rentrèrent dans leur patrie. Ce retour ecarteroit même tous les soupçons, quand il eut été possible d’en concevoir contr’- eux. Certes s’ils eussent jamais imaginé qu’on put les regarder comme coupables, ils ne seraient pas venus chercher la mort dans leur pays. Rentrés ils eussent pu recourir a ces précautions qui ont soustrait tant d’autres coupables au glaive de la loi. Leur bonne foi, leur conduite vont augmenté l’interret qu’excite leur position. C’est dans cette classe pour qui la révolution a tout fait, on ne peut les supposer assés ennemis d’eux mêmes pour avoir conçu le projet d’y porter obstacle, ou de conspirer contre une patrie bienfaisante a leur égard. La plus part sont des vieillards, dans ce nombre beaucoup de pere de famille et de femmes veuves dont les enfants versent leur sang pour la cause de la liberté, d’autres dont les maris offrent à la République le même sacrifice, et certes il est contre l’intention de la loi de ne pas faire aucune distinction entr’eux et leurs maîtres, de comprendre dans les mêmes dispositions et des conspirateurs et des êtres innocens, et des individus assez instruits pour scavoir qu’ils se rendoient coupables, et des infortunés que leur ignorance et leurs besoins livroient a la mercy de volontés étrangères. Ils gémissent cependant rangés avec des coupables, incertains si malgré leur innocence le même sort qui frappe ceux ci ne les attend pas. Ils gémissent et leur famille souvent dénuée de tout mais utile à la République ne peut subsister que du fruit de leur travail. Que les coupables périssent; mais que l’innocence soit sauvée. Voilà, citoyens, le cri de vos cœurs, il ne s’y fera pas entendre en vain, et vos soins bienfaisans écarteront de la loi une obscurité fatale qui peut être funeste a des individus agréables à la République dont ils seront les plus fermes soutiens, soit en la deffendant contre les ennemis extérieurs, soit en imprimant ses principes régénérateurs dans le cœur de leurs enfants ». Cne Aubert. Renvoyé au Comité de législation (1) . (1) Mention marginale datée du 24 prair. et signée Francastel. 36