[14 février 1791.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 177 [Assemblée nationale.] per le roi et tous les décrets qui seront rendus à l’avenir. Il est du devoir d’un prêtre de maintenir la doctrine de J.-C., d’employer tous ses soins pour que les fidèles de l’Eglise ne s’écartent jamais des principes catholiques dans leur croyance, et des leçons évangéliques dans leur conduite. Or, il est de foi que le pape étant successeur de saint Pierre, vicaire de J.-C., il a une véritable juridiction sur chaque évêque, chaque prêtre, chaque personne et chaque fidèle; qu’à lui seul convient le droit de paître les brebis et les agneaux du troupeau. (Rires.) « Il est de foi que l’absolution d’un prêtre est nulle, comme sa mission, s’il n’est envoyé par l’Eglise. Il est de foi que l’évêque est supérieur au prêtre. Il est de foi que la profession religieuse est une profession de sainteté et de perfection ; cependant les décrets de l’Assemblée nationale contiennent des principes contraires à ces lois, évidemment contraires à ces vérités. Les décrets sont donc contraires à la foi dans la religion ; c’est donc détruire la foi, que de vouloir les soutenir. « Prêter le serment, c’est jurer de maintenir, de tout son pouvoir, ce qui sera décrété et sanctionné par la suite ; de sorte que si l’Assemblée décrète le mariage des prêtres, le divorce, le mariage devant le maire; si elle décrète des articles contraires au bien public, à la foi catholique; si une assemblée d’hommes sans principes défend de reconnaître la divinité de Jésus-Christ, ou de rendre à Dieu le culte qui lui est dû, on s’obligerait par serment à maintenir de tout son pouvoir ce qui serait injuste et impie! on prendrait Dieu à témoin 1 Un pareil serment ne serait-il pas un blasphème ? Quel est le prêtre, le laïque même qui prêterait un serment qui, non seulement renverse les principes de la religion, mais encore qui révolte la conscience, qui révolte même la droiture, la raison et le bon sens ? « Non, Messieurs, quand toutes les puissances de l’enfer se réuniraient contre nous, nous ne prêterions jamais la main aux décrets qui l’exigent. Si les places du sanctuaire et de la législation civile ne peuvent être occupées que par des hommes obligés de faire ce serment, la France est le plus malheureux de tous les Etats. Nulle puissance ne peut bannir de ce royaume une religion que l’on y professe depuis 1,400 ans, et qui jouit du culte public, et à laquelle sont attachés, de corps et d’esprit, tous les bons Français qui sont encore la majorité des habitants, malgré les efforts redoublés de l’irréligion et des passions. « Nous sommes Français, Messieurs; nous ne savons pas gémir sous la tyrannie d’un despotisme irréligieux. Nous sommes libres; une Constitution qui contrarierait ces grandes vérités anéantirait notre liberté et notre bonheur, serait enfin un abus terrible. » Cette lettre est signée des officiers municipaux de Sarzeau. Voilà la seule pièce authentique; elle paraît être d’un style bien relevé pour avoir été composée par des paysans de la basse Bretagne, qui n’entendent pas le français. Nous avons plusieurs autres adresses du même genre, mais comme il n’était question que de l’intérêt du clergé et de quelques seigneurs, on a pris le parti très politique de demander la suppression des domaines congéables. Voici quel est le langage des pétitionnaires : Ils disent qu’indépendamment des décrets de l’Assemblée nationale, ils jurent de maintenir la 1” Série. T. XXIII. religion, que le serment exigé de leur vénérable prélat porte atteinte à la foi et à la puissance spirituelle; qu’ils ne savent pas si la puissance temporelle est bien ou mal constituée, que les biens donnés au clergé par le peuple lui ont été enlevés sans que le peuple y consentît, que l’Assemblée nationale doit se rétracter, que les députés de Bretagne n’y sont pas libres, que l’expulsion des chanoines, la suppression de certains évêchés ne peut avoir lieu, qu’il faudrait un bref du pape ou un concile général de l’Eglise de France. Les termes des pétitionnaires sont toujours ceux-ci : nous voulons et exigeons. Nous voulons et exigeons, disent-ils, qu’on ne demande à nos prêtres et à nos prélats aucun serment; nous voulons et exigeons qu’on n’en déplace aucun, nous aimons notre évêque et nos recteurs, nous voulons qu’ils soient entretenus décemment, et en conséquence nous donnons à nos recteurs la dîme à la trente-troisième gerbe. Nous voulons qu’ils soient en nombre suffisant, qu’on ne fasse aucun changement à la circonscription des paroisses, aux dispositions des collèges, que notre bon pasteur reste dans son palais et nos recteurs dans leurs maisons; nous déclarons que ceux qu’on voudrait mettre à leurs places seront regardés par nous comme intrus et illégitimes; nous voulons la paix, nous désirons qu’on ne la trouble pas et qu’on ne nous force pas à la résistance. Nous voyons avec peine la suppression des vœux monastiques; nous voyons avec indignation et horreur la vente des biens du clergé et leurs acquéreurs. (Rires.) M. de Cazalès. J’observe à l’Assemblée qu’elle doit plutôt prendre les mesures nécessaires pour faire cesser des troubles, que de rire, parce qu’il n’y a rien de moins plaisant que la résistance, même aveugle. Plusieurs membres : A l’ordre ! M. de Cazalès. Les rires sont fort indécenls. M. Vieillard, rapporteur. Les pétitionnaires s’occupent ensuite de leurs intérêts, ils demandent la liberté du domaine congéable, le payement des frais des municipalités par le Trésor public, etc., etc. Ces pétitions sont annoncées comme formées par vingt paroisses; elles portent également que le collège et séminaire de Vannes y adhèrent. Dans une de ces pétitions, on donne au directoire deux jours pour répondre, et l’on dit que, si dans ce délai il ne fait pas connaître sa réponse, on ira la chercher. Voici une lettre du procureur général syndic du département, adressée à un député du pays ; elle est datée du 10, et contient ce qui s’est passé depuis le procès-verbal du département ..... « Nos administrateurs, voyant les attroupements s’accroître, envoyèrent à Lorient chercher quatre pièces d’artillerie. Le bruit y courait que nous étions tous égorgés ; en conséquence, au lieu de 50 hommes, nous vîmes arriver hier 1,300 à 1,400 hommes, tant à pied qu’à cheval, et en belle ordonnance. L’habitant murmurait d’un logement aussi grévant, il venait d’avoir pendant dix jours deux bataillons de troupes de ligne. Enfin les officiers municipaux parvinrent à les placer. « On me rapporta peu après que quelques étourdis étaient allés chez l’évêque pour lui faire prêter son serment. Au lieu de se montrer, l’é-12