680 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Il n’y a plus en France de distinction d’ordres : en conséquence, lorsque, dans un des bailliages qui n’ont point nommé de suppléants, il s’agira d’en élire à cause de la mort ou de la démission des députés à l’Assemblée nationale actuelle, tous les citoyens qui, aux termes du réglement du 24 janvier, et autres subséquents, ont le droit de voter aux assemblées élémentaires, seront rassemblés, de quelque état et condition qu’ils soient, pour faire ensemble la nomination médiate ou immédiate de leurs représentants, soit en qualité de députés, soit en qualité de suppléants. Les électeurs auront la liberté d’élire leur président et autres officiers. Le présent décret sera porté sur-le-champ par M. le Président à l’acceptation royale. » L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division du royavme en départements. M. Aubry du Bochet : J’ai présenté, il y a quelque temps, le plan d’une division du royaume en 203 parties. J’adopte celle qu’a proposée M. le comte de Mirabeau, et je l’ai exécutée sur la carte (lj. Je demande : 1° que l’Assemblée nomme un comité de cinq personnes pour vérifier tous les plans de cette espèce ; 2° Qu’il y soit adjoint des gens éclairés, et que ce comité soit appelé comité de cadastre -, 3° Que la discussion soit ajournée après cette vérification. M. Bengy de Puyvallée, Messieurs, votre comité de constitution vous a présenté les bases d’une division nationale, d’une représentation personnelle, et le plan d’une administration patriotique. Un système, aussi ingénieux que profond, vous a tracé la marche que vous devez suivre pour faire participer tous les habitants de ce vaste empire à la formation des lois auxquelles ils veulent obéir, et pour fixer, par des réglements uniformes, la division du royaume, et l’organisation des corps politiques, dépositaires de la confiance publique, et chargés de faire valoir les intérêts des peuples. En rendant au travail de votre comité le juste tribut d’éloges et de reconnaissance qui lui est dû, qu’il me soit permis de contredire ses principes par des faits, et d’opposer la pratique à la théorie. J’entreprends de vous prouver que le plan de division, de représentation et d’organisation qu’on vous a proposé, ne repose pas sur des bases solides et constitutionnelles. Pour procéder avec méthode, j’établis d’abord des principes qui me paraissent incontestables. Une représentation est imparfaite, lorsque tous les citoyens actifs ne peuvent pas être représentés. Premier principe. Une représentation est inadmissible, lorsqu’elle ne protège et ne défend pas également les droits de tous les citoyens. Second principe. Une combinaison politique est impraticable, lorsqu’elle forme des divisions égales qui donnent des résultats inégaux, lorsqu’elle établit des corps politiques uniformes, qui ne présentent aucune uniformité dans la nature de leurs fonc-(1) Voyez te travail de M. Aubry du Bochet annexé à la séance de ce jour. [a novembre 1789.] tions et l’importance de leur utilité. Troisième principe. Enfin, l'organisation d’un corps politique est vicieuse, lorsque, sous quelque point de vue qu’on l’envisage, elle ne peut garantir la sûreté ni la tranquillité publique. Quatrième principe. En faisant l’application de ces quatre principes au plan de votre comité de constitution, j’espère pouvoir vous démontrer que le génie a quelquefois besoin des lumières de l’expérience. Je dis d’abord que le projet de représentation de votre comité est imparfait, parce que tous les citoyens actifs ne peuvent pas, d’après ce plan, être représentés. Votre comité vous propose de partager la France en 81 départements, chaque département en 9 communes, chaque commune en 9 cantons, et chaque cantons en assemblées primaires. Je pourrais d’abord observer que les ressorts de cette combinaison politique sont tellement compliqués, qu’il serait bien difficile d’en diriger le mouvement: mais j’abandonne tous les raisonnements, pour m’appuyer uniquement sur les faits. L’article 6 du plan proposé par le comité porte que, dans chaque canton, il y aura au moins une assemblée primaire. L’article 8 dit que chaque assemblée primaire sera au moins de 450 votants. Enfin, l’article il dit que chaque assemblée primaire députera un membre sur 200 votants. Les membres du comité de constitution ne connaissent sûrement pas les provinces de l’intérieur du royaume ; ils ne savent pas que, dans plusieurs cantons des provinces du Berry, de l’Orléanais, du Poitou, etc., dans un espace de 2 lieues sur 2 lieues, non-seulement on ne trouverait pas 420 votants pour composer une assemblée primaire, mais qu’on ne pourrait pas même réunir 200 votants. D’après cela, si la population d’un canton ne s’élève pas à 200 votants qu’exige la loi de la représentation, alors un canton tout entier ne pourra pas envoyer un représentant à l’assemblée communale. Alors, si le nombre des citoyens actifs d’un canton n’est que de 180 votants, il y aura 180 citoyens actifs qui ne seront pas représentés. Mais je vais encore plus loin. Dans les provinces que je viens de citer, il y a très-peu d’habitants des campagnes qui soient propriétaires ; ils sont presque tous ou métayers ou locataires. Je viens de vous prouver que, d’après le plan qui vous est proposé, les colons d’un canton pauvre et désert, dont la population ne s’élèverait pas à 200 votants, ne seraient pas représentés. Je vais vous prouver que les propriétaires ne le seraient pas davantage. L’article 4 du projet de votre comité porte que pour être citoyen actif, il faut être domicilié dans le canton, et qu’il faut en outre payer une contribution directe de la valeur de trois journées. La majeure partie des propriétaires habite les villes, et tire tout son revenu des campagnes. Ces propriétaires ne pourront pas exercer le droit de citoyen actif dans les campagnes, parce qu’ils n’y sont pas domiciliés ; ils ne pourront l’exercer dans les villes, parce qu’ils n’y payeront aucune imposition directe, puisque la capitation est actuellement cumulée avec la taille : ainsi, d’après le plan proposé, ni les colons, ni les propriétaires de différents cantons des campagnes ne seront point représentés, et ne pourront jouir du droit précieux de citoyen actif. J’ai donc eu raison de dire que le projet de représentation de votre comité est imparfait, parce