420 [Assemblée nationale.] donné l’admission de la reconnaissance du sieur Le Couteulx de La Noraie pour la somme de 1,400,000 livres, dans l’emprunt de 1789, et ladite reconnaissance, seront remis à l’agent chargé de la poursuite des recouvrements du Trésor public, à l’effet pour lui de se pourvoir contre telles personnes qu’il appartiendra, ordonnateurs et autres, pour faire rétablir au Trésor public, soit les bordereaux délivrés audit sieur Le Couteulx, jusqu’à la concurrence de 700,000 livres, soit des effets de la nature de ceux qui devaient être admis dans l’emprunt de 1789, jusqu’à concurrence de la même somme de 700,000 livres, et les intérêts indûment payé-* audit sieur Le Couteulx ou à se sayants cause, à compter du 1er octobre 1789, qu’ils ont eu cours jusqu’au jour de la remise effective des capitaux qui sera faite au Trésor public : sans entendre, au surplus, par cette disposition, rien préjuger sur les prétentions formées par les sieurs Le Couteulx et Haller, dont il est fait mention dans la reconnaissance dudit sieur Le Guuteulx. « Art. 3. Les commissaires de la Trésorerie, en faisant procéder à l’inventaire des effets du Trésor public, feront dresser inventaire, dans un chapitre à part, des effets qui y sont rentrés par diverses voies, pour être annulés, et il sera procédé à la vérification et au brûlement desdits effets, par les commissaires de la caisse de l’extraordinaire, aux termes du décret du 24 décembre dernier. » M. de Folleville. L’homme véritablement responsable dans cette affaire a quitté la France; il serait donc injuste de faire porter actuellement la responsabilité sur les subalternes. Vous devez d’ailleurs croire que c’est dans un motif louable, pour remplir l’emprunt, pour soutenir le crédit public, qu’on a accordé de grandes facilités. Après avoir laissé partir le vrai responsable, vous ne devez plus poursuivre cette affaire. Je demande que vous fassiez ce léger 8acrilice. M. Gaultier-Biauzat. Je demande la priorité {our le projet de décret le plus doux. Les faci-ités qu’on a données pour remplir cet emprunt ont été données pour le bien de la nation ; elles n’ont pas pu tourner au profit de ceux qui les ont accordées, et qui d’ailleurs n’ont fait que suivre les usages anciens. Je crois donc qu’il serait injuste de vouloir répéter, contre l’ordonnateur du Trésor public, les intérêts du bordereau dont on vous a parlé, et je demande la priorité pour le projet de décret le moins sévère. M. Moreau appuie cette demande de priorité. (L’ Assemblée, consultée, décrète la priorité demandée par M. Gaultier-Biauzat.) M. Camus, rapporteur. Voici, en conséquence, le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport des commissaires de la caisse de l’extraordinaire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « La recette et la dépense du montant des effets admis dans l’emprunt national de 1789 sont fixées à la somme de 25,499,713 livres. Art. 2. « Les originaux des actes qui ont ordonné l’admission delà reconnaissance du sieur Le Cou-[29 avril 1791.] teulx de la Noraie, pour la somme de 1,400,000 livres dans l’emprunt de 1789, et ladite reconnaissance seront remis à l’agent chargé de la poursuite des recouvrements du Trésor public, à l’effet par lui de se pourvoir contre telles personnes qu’il appartiendra, ordonnateurs et auires, pour faire rétablir audit Trésor soit les bordereaux délivrés audit sieur Le Gouteulx, jusqu’à la concurrence de 700,000 livres, soit des effets de la nature de ceux qui devaient être admis dans l’emprunt de 1789, jusqu’à la concurrence de la même somme de 700,000 livres, et les intérêts indûment payés audit sieur Le Gouteulx ou ses ayants cause, à compter du leP octobre 1789 qu’ils ont eu cours, jusqu’au jour de la remise effective des capitaux, qui sera faite au Trésor public; sans entendre, au surplus, par cette disposition, rien préjuger sur les prétentions formées par les sieurs Le Gouteulx et Haller, dont est mention dans la reconnaissance dudit sieur Le Couteulx. Art. 3. « Les commissaires de la Trésorerie, en faisant procéder à l’inventaire des effets du Trésor public, feront dresser inventaire, dans un chapitre à part, des effets qui y sont rentrés par diverses voies, pour être annulés; et il sera procédé à la vérification et au brûlement desdits effets, par les commissaires de la caisse de l’extraordinaire, aux termes du décret du 24 décembre dernier. » (Ce décret est adopié.) M. le Président. La parole est à M. Alexandre de Beauharnais, pour faire un rapport au nom des comités de Constitution , militaire , des rap-orts et des recherches , sur l'affaire de Wissem-ourg. M. Alexandre de Beauharnais, au nom des comités de Constitution , militaire , des recherches et des rapports. Les événements malheureux survenus dans la ville de Wissembourg ont donué lieu au ministre de la guerre et àM. Kellermann, officier général employé, de réclamer un décret de l’Assemblée nationale qui explique d’une manière précise ses intentions, sur la question de savoir si les soldats peuvent aller aux sociétés des amis de la Constitution. Les lettres qui s’accordent sur Futilité d’une décision, et sur la nécessité de lever promptement tous les doutes à cet égard, ont été renvoyées par vous à quatre de vos comités réunis. Les comités rassemblés par vos ordres ont, dans l’objet de leur réunion, distingué les malheurs arrivés à Wissembourg, dont la connaissance appartient au pouvoir exécutif et aux magistrats chargés du maintien des lois, et les doutes qui se sont élevés sur une disposition générale de votre décret interprétée différemment dans plusieurs corps militaires : doutes qu’il est important de détruire promptement, puisqu’ils entretiennent une division funeste entre les officiers et les soldats. Le décret qui interviendra à cet égard, réglant l’autorité des uns, et l’usage que les autres peuvent faire des moments de liberté que leur laisse leur service militaire, concourra au maintien de l’ordre par les mesures qui ont le plus d’effet : par l’accord indispensable à établir entre toutes les parties de la force publique. Vos comités ont donc cherché les principes qui devaient servir de base à cette décision ; et a cet effet ils ont considéré avec attentiou quelles étaient les fonc-ÀRCH1VES PARLEMENTAMES, (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 17914 404 tions des soldats de l’armée, quel eo était l’objet ; quelles devaient être enfin les conditions auxquelles l’exercice de ces fonctions devait être assujetti. L’armée est une partie de la force publique destinée à l'exécution des lois. Son emploi exige dans la hiérarchie des grades une subordination qui garantisse que les ordres émanés d’une autorité supérieure parviendront jusqu’aux soldats par tous les chaînons intermédiaires que la constitution militaire a établis. Mais dans un Etat libre les éléments dont se compose cette armée sont des citoyens; ils aliènent une partie de leur liberté pour l’avantage de cette subordination; mais ce sacrifice qu’ils ont fait volontairement n’empêche pas qu’ils aient eu, avant leur engagement, des droits comme citoyens, qu’ils n’en reprennent l’exercice à l’époque de leur congé, n’empêche pas enfin que, comme soldats, ils aient encore des droits à exercer. En effet, les décrets de l’Assemblée nationale ont tracé la limite de l’autorité des chefs, des lois nouvelles ont fixé la compétence des tribunaux militaires et réglé la discipline des troupes. Il est important que celte partie des travaux de l’Assemblée nationale soit connue des soldats ; ils ne doivent pas ignorer les mesures qui leur sont indiquées pour porter leurs plaintes, pour obtenir justice. Car c’est alors qu’on connaît tous ses devoirs, qu’on connaît les peines attachées aux délits, et que l’on est assuré de ne pas réclamer en vain contre une injustice; c’est alors que le caractère le plus fier se soumet à la règle, se plie à tous les ordres et donne le premier l’exemple de la plus entière soumission. Dans un Etat libre, où l’armée ne se compose pas d’automates, les soldats doivent donc connaître les lois militaires, et peuvent, sans danger, s’instruire de tout ce qui fait partie d’une Constitution dans laquelle ils occupent une place importante, puisque c’est la force publique qui peut, ou faire régner le calme et respecter les propriétés, ou anéantir par ses désordres la liberté publique. Vos comités ont trouvé que, bien loin de craindre que la présence des soldais aux sociétés des amis de la Constitution dût nuire à la subordination, elle ne pouvait que l’assurer davantage; ils ont cru qu’il était précieux d’éclairer tous les hommes sur les devoirs qu’ils ont à remplir. Le temps n’est plus où un gouvernementd’usur-pation ne pouvait pro»ongerson existence et obtenir la paix q_n’au prix de l’ignorance des gouvernés ; aujourd’hui chacun doit connaître ses droits pour être plus attaché à ses devoirs; et les sociétés patriotiques qui, sur les uns et sur les autres, éclairent les citoyens, concourent à former utilement cet esprit public, sans lequel, même après que la Constitution serait achevée, il ne serait pas encore permis de compter sur sa durée et sur ses succès. A présent qu’il n’existe plus de distinctions que celles que la loi a établies entre les divers fonctionnaires publics pour l’utilité commune ; à présent que tout, jusqu’à ces distinctions mêmes, prend sa source dans l’égalité des droits, les soldats peuvent s’éclairer sans danger; et quand on sait l’emploi que le plus grand nombre fait de ses moments de loisir, comment pourrait-on s’empêcher de leur faciliter des mesures qui, en leur rendant le service de les détourner des lieux de corruption, leur procurent le double avantage d’éclairer leur esprit, et de nourrir leur patriotisme. ( Applaudissements .) Le bien du service attache aux fonctions de soldat des conditions assujettissantes. Elles doivent être toutes remplies avec la plus scrupuleuse exactitude; elles sont commandées .par l’intérêt général qui lie d’une manière inséparable la discipline et le service militaire. Mais quand un soldat a rempli toutes ses fonctions, quand il a été exact aux appels, aux exercices; quand il a montré une obéissance entière à tous le3 ordres donnés par ses chefs, eo vertu de l’autorité qui leur est déléguée par la loi, ne doit-il pas pouvoir disposer comme il lui plaît et, par conséquent, pouvoir consacrer à son instruction les moments dont ses fonctions le laissent maître, dés que, pendant remploi de ce temps, il ne trouble pas l’ordre public maintenu par les lois de police? Vos comités ont trouvé, dans les considérations qu’ils vous ont présentées, la réponse à cette question; ils ont donc reconnu cette liberté qu’ils vous invitent de consacrer dans un décret. Ils ont pensé, avec M. Kellermann, que le décret du 19 septembre, qui défend aux corporations d’entretenir des correspondances avec les régiments, n’était pas applicable à la question sur laquelle vous avez à décider. < Le décret, dit ce général dans une de ses lettres, ne paraît pas devoir s’appliquer aux lectures publiques qui n’ont pas ce caractère de secret qui constitue lacorrespondance. » II ajoute : « Les soldats sont avides de tout ce qui est relatif à la Constitution. Dans 20 villes du royaume, et surtout à Strasbourg, on leur litles décrets sans que la discipline en souffre. » Vos comités ont cru, Messieurs, que deux précautions devaient utilement modifier la liberté accordée aux soldats d’aller aux sociétés des amis de la Constitution. L’une, que cette facilité ne serait jamais nuisible au service, ne leur ferait jamais manquer les heures des appels, des exercices et ne les en lèverait à aucune de leurs fonctions militaires; l’autre que, dans les lieux où ils sont en garnison, ils pourront bien assister aux lectures publiques et séances des sociétés des amis de la Constitution, mais ne pourront en être membres actifs. Soumis à ces règlements particuliers, vos comités ont trouvé juste encore que les principes qu’ils vous proposaient et les modifications qu’ils mettaient à leur exécution fussent communes à tous les grades de l’armée. L’usage de cette liberté et les restrictions apportées à son exercice seront donc pour les officiers comme pour les soldats et auront lieu pour toutes les armes. Ces mesures qui ne sauraient nuire au maintien de l’autorité établiront, au contraire, entre les officiers et les soldats, cette fraternité qui doit unir des concitoyens et que l’expérience, dans plusieurs parties du royaume, a prouvé n’être pas incompatible avec la hiérarchie des grades et la subordination indispensable au service militaire. En conséquence de ces principes, voici le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre : « L’Assemblée nationale, considérant que les devoirs de tous les individus qui font partie de la force publique ne sauraient être incompatibles avec les droits qu’ils ont comme citoyens, quand l’exercice de ces droits ne trouble point l’ordre indispensable au maintien de la discipline et ne porte aucune atteinte à la subordination; « Déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes peuvent être resus dans