[Assemblée nationale.] livres. Au moyen de la réduction du sel à 6 sous la livre, le produit devenait moins considérable pour le Trésor public ; il devenait même nul par la grande quantité de sel introduit depuis la destruction des barrières et la dispersion des employés, puisqu’il est reconnu que chaque particulier a fait sa provision pour plusieurs années ; il faut aussi considérer que les frais de construction de nouvelles barrières consommeraient le peu de produit de la gabelle, et cela inutilement, puisque la législature actuelle se propose de l’anéantir. La province d’Anjou, à la réserve des petites villes de Saumur et de la Flèche, et de cent huit paroisses, offre de se rédimer de cet impôt odieux, en payant un remplacement, non à raison de 6 sous, mais sur le pied de 12 sous la livre, et elle fixe ce remplacement à 800,000 livres, payables par six mois, en argent, sans exiger pour ce aucune délivrance de sel. Le comité a accueilli ces offres, et a présenté le projet d’un décret en huit articles, à l’effet de déterminer ce remplacement, la manière de l’imposer sur les contribuables, etc. Le comité n’a pas dissimulé que la province du Maine, limitrophe de celle d’Anjou, n’avait porté ses offres de remplacement que sur le pied de 30 livres le minot, prix fixé par le décret du 26 septembre ; cette inégalité d’offres présentait des embarras, et l’inconvénient surtout de rapprocher les barrières et de changer toute la localité de cette administration. Voici les articles du décret : 1° Le pouvoir exécutif sera autorisé à accepter les propositions faites par la plupart des communautés d’Anjou, de donner un remplacement de 160,000 livres pour la gabelle, à raison de 60 livres le minot, sans délivrance de sel. 2° Cette prestation ou représentation de l’impôt de la gabelle ne pourra être au-dessous de 160,000 livres. 3° Ladite prestation sera répartie par l’administration, sans distinction de paroisses, à raison des facultés. 4° Cette contribution sera payée par mois. Les autres articles sont relatifs à l’imposition et au recouvrement de l’impôt. M. de ilontlosier. Je suis surpris que la province d’Anjou vienne ici nous proposer des lois au lieu d’attendre avec soumission les lois de l’Assemblée nationale. 11 resterait, en tout cas, à examiner si la somme offerte compense le versement que doit faire la province pour l’impôt du sel. M. la Poule appuie le projet proposé et insiste sur l’extrême désir des peuples d’être délibérer d’un impôt injuste, immoral, vexatoire, comme celui de la gabelle. M.le marquis d’Estourmel. Je doute que la province d’Anjou ait le droit d’offrir un remplacement à raison de 60 livres le minot, lorsqu’un décret a fixé le prix de cette denrée à 6 sols. Je crois que dans les circonstances actuelles il serait plus avantageux d’autoriser le premier ministre des finances à traiter avec les provinces d’un abonnement qui n’irait qu’au 1er juillet prochain, parce qu’à cette époque l’Assemblée aura fixé un nouveau mode de perception. M. Gaultier de Diauzat. L’Assemblée ne peut adopter le projet de décret sans compromettre l’intérêt général ; il faut opérer une conversion totale de l’impôt, parce que vicieux de sa nature [26 novembre 1789.] 263 il ne peut être modifié ; il faut, en outre, trouver dans le produit de cet impôt de quoi continuer les modiques pensions des agents subalternes de la ferme, puisqu’ils ont consacré une partie de leur vie à ce métier. Vous ne voulez pas les lais-ser mourir de faim. M. de Housmard. La province d’Anjou deviendrait un véritable entrepôt de contrebande qui fournirait du sel aux autres provinces non ré-dimées et ce calcul pourrait bien être le motif de la générosité de ses offres. M. Milscent. L’Anjou ne deviendrait pas plus l’entrepôt de la contrebande pour les autres provinces, que la Bretagne ne l’est actuellement pour l’Anjou. M. de Lavnetli insiste sur la suppression générale de la gabelle et son remplacement par uq impôt accessoire à la capitation. On demande la clôture de la discussion, elle est prononcée. L’Assemblée décrète l’ajournement de cette affaire, et le renvoi au comité des finances qui devra s’occuper incessamment de la suppression totale de la gabelle et des moyens de remplacer cet impôt. M. de Curt, député de la Guadeloupe, au nom des colonies réunies, fait une motion pour l'établissement d'un comité destiné à régler la constitution des colonies. Il s’exprime en ces termes : Messieurs, les ministres du Roi vous ont demandé, le 27 octobre dernier, des éclaircissements sur ce qui concerne les colonies, en vous exposant qu’elles diffèrent en tout de la métropole ; c[ue ces différences tiennent à la nature même et à l’essence des choses : ils vous ont rappelé la nécessité de donner à vos îles à sucre un régime particulier, et des lois qui s’accordent parfaitement avec leur position physique. Ils ont enfin interrogé votre vœu sur les décrets que vous avez déjà rendus, et qu’ils regardent comme impraticables dans vos possessions éloignées. Vous avez pris en considération ce mémoire d’autant plus intéressant, qu’il n’est fondé que sur des principes reconnus et respectés par toutes les nations de l’Europe qui ont des colonies dans l’archipel américain. Le comité de commerce a été chargé par vous de l’examiner pour vous en faire le rapport. C’est dans cet état de choses, Messieurs, que les députés des colonies se sont concertés pour approfondir des vérités que les ministres du Roi vous ont indiquées. Elles forment un des plus grands intérêts que vous ayez à régler pour la prospérité de la nation. Jusqu’à ce moment, Messieurs, respectant les grands travaux dont vous vous êtes successivement occupés, les députés des colonies ont cru devoir garder le silence le plus absolu, etattendre que l’Assemblée nationale fixât son attention sur les possessions éloignées. Aujourd’hui leur silence deviendrait aussi dangereux qu’impolitique. Les ministres ont parlé : ils attendent votre réponse; mais rien de ce qui intéresse les colonies n’a encore été légalement discuté. Les grandes questions qu’elles présentent n’ont été soumises à aucun examen préparatoire , et s’il vous fallait prononcer, vous n’auriez en général que des bases très-incertaines pour fixer votre jugement. Cependant, Messieurs, les grandes ressources de la nation sont tellement dépendantes du sort ARCHIVES PARLEMENTAIRES.