220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La colonne infernale commandée par le général Delaborde, a soutenu un combat vif et violent, et a défait entièrement un corps de quatre mille Espagnols, après avoir fait une marche de quarante-trois heures sur quarante-huit. Nous vous renvoyons au rapport de ce général et à celui des autres généraux de l’armée. Le plan a été parfaitement conçu, et le développement a été aussi bien exécuté que pouvait le permettre une suite d’obstacles inséparables des localités et des longs préparatifs de l’ennemi. Toutes les troupes ont un droit égal à la reconnaissance nationale puisque toutes ont également bien rempli leur devoir. Les fatigues ont accru leur courage et promettent de nouveaux succès à la République. Salut et fraternité. Garrau, Baudot. Le général commandant l’armée des Pyrénées-Occidentales aux membres composant le comité de Salut public de la Convention nationale. De la fonderie d’Eguy, le 29 vendémiaire, l’an 3e de la République française, une et indivisible. L’Espagnol fuit de toutes parts, citoyens représentants ; sa déroute est complète, ses lignes sont forcées, ses redoutes évacuées ou emportées, son artillerie dans nos mains, deux mille morts et à peu près un pareil nombre de prisonniers, cinquante pièces d’artillerie avec leurs caissons, et plusieurs attelages, des effets de campement en assez grand nombre et des fusils. La Navarre espagnole, conquise presque sous les murs de Pampelune, les fonderies d’Orbeycette et d’Eguy estimées 25 à 30 millions, la fameuse mâture royale d’Irati, sont les trophées utiles et brillants de la victoire de l’armée des Pyrénées-Occidentales. Je ne vous remettrai pas ici sous les yeux la marche de nos colonnes, je vous ai rendu compte,, dans nos dernières dépêches, du plan d’attaque que j’avais proposé au conseil de guerre, qui l’avait approuvé, et qui avait été adopté par les représentants du peuple ; j’y ai joint un croquis de notre mouvement; il a été exécuté tel qu’il est tracé sur cette carte. Nous avons atteint le but que nous nous étions proposé, celui de forcer l’ennemi à quitter ses lignes, et nous emparer de ses redoutes et de son artillerie, de détruire les fonderies d’Orbeycette et d’Eguy, de semer le désordre dans son armée, de lui couper enfin la communication directe avec Pampelune. Nous avons réuni ces différents avantages dans les journées des 26 et 27 vendémiaire. Des colonnes se mouvant à des distances de près de cinquante lieues sont venues former autour de lui un cercle, d’où il n’aurait pas dû échapper un seul homme, si dans un pays de montagne, à des distances si considérables, en pays ennemi, on pouvait calculer avec précision les marches et prévoir les obstacles sans cesse renaissants que l’aveugle hasard se plait à faire naître. L’ennemi instruit de notre mouvement, de la marche des colonnes, a profité de la nuit du 26 au 27, et d’un brouillard épais, accompagné d’une pluie abondante, pour faire sa retraite par Sangonesa; il a passé entre les colonnes venant de Tardets et la colonne infernale venant par Lans. Cette dernière colonne, égarée dans les bois par le peu de connaissance des guides, n’est arrivée à Burguet que le 27 au matin ; elle devait y arriver le 26 : les Espagnols ont saisi avec précision notre mouvement et pris le seul chemin de retraite que ce retard leur laissait encore. Je n’en doute point si la colonne infernale, que j’avais ainsi appelée parce que seule elle eût pu écraser l’armée espagnole réunie, n’avait été retardée, je n’en doute point, je vous le répète, toute l’armée espagnole eût été forcée de mettre bas les armes. Mes présomptions se tournent en certitude par le succès qu’a obtenu son avant-garde, réunie à trois bataillons venant d’Almendos. Ces forces réunies ont eu un combat des plus vifs et des plus opiniâtres à soutenir avec l’armée espagnole, composée d’environ sept mille hommes : ils sont presque tous demeurés sur le champ de bataille, ou faits prisonniers. Les colonnes venues d’Oyaca et Tolosa sur Lecumberry ont aussi exécuté leur mouvement avec tout le succès possible ; l’ennemi, au nombre de six mille hommes de troupes de ligne, de huit mille paysans, de huit cents chevaux et des pièces d’artillerie, a, pendant longtemps, disputé le passage à nos troupes; mais notre feu, la charge et la baïonnette ont mis fin à cette lutte entre les hommes de la liberté et les hommes de la tyrannie. Les représentants du peuple Garrau et Baudot ont suivi notre mouvement à la tête de nos colonnes : sans doute ils rendront un témoignage satisfaisant de la conduite vraiment héroïque de l’armée des Pyrénées-Occidentales. Occupé à donner des ordres pour disposer l’armée dans le meilleur ordre possible, je ne peux vous donner de plus grands détails ; vous les trouverez dans les rapports ci-joints des officiers-généraux qui commandaient : ceux des généraux Frège ville, Dumas, et celui du général Digonnet qui a pris la fonderie d’Eguy, et poursuivi avec vigueur l’ennemi jusqu’à Viscarret, ne me sont pas encore parvenus ; dès que je les aurai, je m’empresserai de vous les faire passer. Je ne vous ferai point l’éloge du courage des républicains que j’ai l’honneur de commander ; les succès éclatants qui viennent de couronner leurs efforts parlent assez éloquemment pour eux; mais je dois un hommage public à leur constance, à leur impassibilité, à leur discipline, à leur sobriété. Le croiriez-vous, représentants ? la colonne infernale a marché quarante-trois heures sur quarante-huit pour arriver à temps à sa destination, qu’elle aurait atteinte sans la maladresse des guides et le mauvais temps. La colonne partit de Tardet, après quatre jours de marche dans des montagnes presque inacessibles, n’ayant eu pour toute subsistance que trois biscuits, ne s’est pas plainte, et s’est contentée de crier vive la République! lors- SÉANCE DU 9 BRUMAIRE AN III (30 OCTOBRE 1794) - NOB 48-50 221 qu’arrivée à Orbey cette je n’ai pu lui faire donner du pain qu’elle était venue me demander. L’ennemi avait brûlé ses fours; on ne pouvait faire de pain; on lui a distribué la farine pour en faire de la bouillie. Elle a oublié dans ce repas frugal ses peines et ses fatigues, et n’a plus songé qu’au triomphe de la République. Notre perte se porte au plus à cinquante hommes hors de combat. Salut et fraternité. Moncey. THURIOT propose et l’Assemblée adopte le projet de décret suivant : La Convention nationale décrète que l’armée des Pyrénées-Occidentales ne cesse de bien mériter de la patrie (111). La séance est levée (112). Signé, PRIEUR (de la Marne), président, GUIMBERTEAU, ESCHASSERIAUX jeune, ROISSY [d’ANGLAS], Pierre GUYOMAR, GOUJON, secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, GUILLEMARDET, J.-J. SERRES, BALMAIN, C.A.A. BLAD, secrétaires (113). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 48 [Le citoyen Cordier Montreuil au président de la Convention nationale, Paris le 9 brumaire an HH (114) Citoyen President Mon âge de 80 ans, ne me permettant pas de me trainer jusques au lieu des séances de la Convention nationale, j’ai fait déposer, sous votre couvert et sur le bureau, à votre séance de ce matin, une pétition en main levée provisoire des scéllés et séquestre mis sur mes propriétés, en date du 5 de ce mois, à laquelle etoient jointes les pièces justificatives à l’appui. N’ayant pu savoir quel a été le sort de cette pétition; souffrés, Citoyen Président, que je (111) P.-V., XLVIII, 121. Rapporteur Thuriot selon C’ II 21, p. 19. Moniteur, XXII, 384; Débats, n° 767, 571; cette dernière gazette indique que la lecture de ces lettres a souvent été interrompue par des applaudissements. Bull., 9 brum. (112) P.-V., XLVIII, 121. Moniteur, XXII, 389, indique cinq heures et demie; J. Fr., n° 765, donne trois heures et demie et J. Perlet, n° 767, quatre heures. (113) P.-V., XLVIII, 121. (114) C 325, pl. 1406, p. 21. vous le demande pour que je puisse la suivre auprès du comité qui en sera demeuré chargé. Salut et fraternité. Cordier Montreuil. Section des Piques, rüe de la Magdelaine, n° 1069. 49 [L’agent national de la commune de Fontainebleau [Seine-et-Marne] aux représentants du peuple composant le comité des Finances de la Convention nationale, le 26 vendémiaire an 7/7] (115) Citoyens représentans, J’ai communique au conseil général de la commune, la lettre que je vous ai adressée hier, relativement à ses doutes sur la propriété de son presbitere que lui assure pour ses établis-semens votre arretté du 3 de ce mois, applicable sans aucune exception ni restriction a toutes les communes de la République. Le conseil a approuvé l’exposé que je vous ai fait de ses incertitudes a cet egard; et pour les faire cesser definitivement a accepté l’offre d’un de ses membres qui s’est proposé d’aller vous consulter sur le point de difficulté que je vous ai exposé et solliciter soit vôtre décision a ce sujet, soit la réponse a la lettre que j’ai cru de mon devoir de vous adresser. Si cette lettre, Citoyens Représentans, ne vous était pas parvenüe, ou si elle ne vous était pas présente, l’officier municipal chargé de celle-cy, doit vous en remettre la copie dont il est porteur a cet effet. Salut et fraternité. Renard. 50 Un citoyen envoyé de Mons par le commissaire civil dans la Belgique, Lamotze, annonce à l’Assemblée l’arrivée à la Monnoie des saints d’or et d’argent [de l’église de Sainte-Gertrude](116) dont les noms suivent : saint Hubert, saint Fiacre, sainte Barbe, saint Pol, saint Michel, grand et petit saint Eloi, saint Hilaire, saint Adrien avec son chapeau, un grand et un petit saint Christophe, saint Evremont avec son mouton, saint Crépin et Crépinien, saint Sébastien, saint Paul. Tous ces saints, dit le conducteur, vont enfin opérer leur premier miracle, être utile en passant par le creuset national (117). [Applaudissemens, mention honorable.] (118) (115) C 323, pl. 1386, p. 37. (116) M. U., XLV, 155. (117) Débats, n° 767, 572. M. U., XLV, 155-156, précise que ces saints viennent de l’église Sainte-Gertrude de Mons et que le total est estimé à 1 million; J. Univ., n° 1799; F. de la Républ., n° 41 ; Gazette Fr., n° 1033. (118) M. U., XLV, 156.