(378 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de la Basse-).] de Tisseuil, le comte de Montbas, le vicomte de Mallet, secrétaire. CAHIER Des remontrances , plaintes et doléances de l’ordre du tiers-état de la province et sénéchaussée de la basse Marche , rédigé en conformité de la lettre du Roi et du règlement du 24 janvier 1789 (1). Adoptant unanimement le vœu général des communes du royaume pour que les députés du tiers-état, dans la prochaine assemblée nationale, soient en nombre égal à ceux des deux ordres du clergé et de le noblesse réunis ; Adoptant également le vœu des mêmes communes pour que les voix, les suffrages soient pris et comptés par tête et non par ordre ; Ces réclamations étant fondées sur le droit naturel et sur les lois constitutionnelles de l’Etat, suivant lesquelles les affaires publiques doivent être réglées par le Roi et la nation ; Délibérant en seul corps, Ledit ordre a arrêté : Art. 1er. Que MM. les députés de ladite province se réuniront à ceux du tiers-état du royaume, pour demander préliminairement qu’il soit arrêté définitivement par un statut particulier constitutionnel, sanctionné par l’assemblée nationale, que le nombre des députés du tiers-état sera égal à celui des deux autres ordres réunis; que les voix seront recueillies et comptées par tête et non par ordre, et qu’au cas qu’il s’élève quelque opposition à cet égard, les députés se retireront avec les autres du tiers-état, pour aviser sur le parti qu’ils auront à prendre. Art. 2. La loi qui nous assure la propriété de nous-mêmes ou notre liberté, sera déclarée à jamais inviolable, et qu’à cet effet il ne pourra y être Ïiorté aucune atteinte par l’emprisonnement ou 'exil d’un citoyen, de quelque ordre qu’il soit ; en conséquence, MM. les députés demanderont la sup-{ cession des lettres de cachet ou lettres closes, et a révocation de l’édit de 1 705 qui les a autorisés, et pour l’exécution de cette loi conservatoire de la liberté, MM. les procureurs généraux et leurs substituts seront chargés de faire des informations de l’existence des personnes disparues ou enlevées et d’en donner connaissance à ceux qui y seront intéressés. Art. 3. Aucun citoyen ne pourra être jugé ni condamné que par ses juges naturels et non point par des juges de commission. Art. 4. Les comptes des finances seront représentés aux Etats généraux pour y être vérifiés, et en cas de fraude, ceux qui en auront eu l’administration seront poursuivis par-devant les juges ordinaires comme coupables du crime de péculat et punis suivant les rigueurs de la loi. Art. 5. Il ne sera accordé aucun impôt sans le consentement des Etats généraux, et tous ceux qui pourraient être établis sans leur consentement, quoique vérifiés dans les cours, ne pourront pas être perçus sur la nation ; il sera aussi arrêté et statué formellement que tout impôt sera réglé dans sa somme et défini dans sa durée. Art. 6. Le retour périodique des Etats généraux sera fixé aux époques dont il sera convenu aux Etats, et les lois qu’ils auront arrêtées ne pourront être détruites ni révoquées que par la nation elle-même, sauf à assembler extraordinairement les (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Etats généraux, lorsque les circonstances l’exigeront. Art. 7. La répartition et la perception des impôts exigeant des détails infinis qui ne peuvent être recherchés et déterminés que par les Etats généraux, MM. les députés demanderont qu’il soit établi, dans les pays d’élection, des assemblées provinciales ou Etats provinciaux, suivant le vœu d’adoption que pourra faire chaque paroisse ou commune, à raison de sa situation et de sa convenance. Art. 8 Les motifs sur lesquels étaient fondés les privilèges du clergé et de la noblesse ne subsistant plus, il est juste que tous les impôts distinctifs d’ordre, tels que les taxes de propriété d’exploitation, rapport de taille, taille tarifée ou non tarifée, capitations nobles ou roturières, im-ositions militaires, vingtièmes et accessoires, ixièmes abonnements, dons gratuits et généralement toutes autres impositions quelconques, soient entièrement supprimées et qu’elles soient remplacées par un impôt général qui sera réparti à l’avenir et à perpétuité, supporté par les trois ordres, à proportion de leurs revenus et facultés, sur leurs propriétés foncières, sans privilèges ni exception aucune, sur une même base, un même rôle, et par les capitalistes, négociants, artisans, marchands, négoce et industrie, à l’exception des marchands et manouvriers dont les gains sont absolument nécessaires pour leur subsistance et celle de leur famille, ainsi que pour les choses de première nécessité, le tout suivant ce qui sera arrêté par les communes. Il est également juste que l’impôt pour le rachat de la corvée soit réparti de la même manière et sur les mêmes personnes énoncées ci-dessus ; que quatre cinquièmes de cet impôt soient appliqués à la confection et entretien des grandes routes, et que l’autre cinquième soit appliqué aux constructions et réparations des chemins vicinaux de chaque commune. Art. 9. Parmi les différentes réformes dont la nation doit s’occuper, MM. les députés proposeront de prendre en considération les droits onéreux et vexatoires que le fisc a créés et multipliés à l’infini depuis un siècle. La partie des domaines incorporels à laquelle sont soumis tous les contrats de la société, les biens, la fortune de tous les ordres pour les droits de contrôle, insinuation, centième denier et autres, soit principaux, soit accessoires, doit subir le premier et le plus rigoureux examen. En conséquence MM. les députés demanderont qu’il soit fait un nouveau tarif clair et précis de tous ces droits, pour éviter l’arbitraire qui en rend la perception toujours odieuse et souvent injuste, afin qu’ils soient restreints dans une circonscription déterminée et resserrée; de faire limiter le temps pour les demandes et spécialement de faire attribuer aux tribunaux ordinaires les questions qui pourront s’élever. Art. 10. Le franc-fief qui semble imprimer au tiers-état une tache humiliante «tu tant qu’elle est onéreuse, étant une espèce de contribution indéfinie dans laquelle il s*est glissé tant d’abus, MM. Les députés en demanderont la suppression, puisqu’il tient aux exemptions pécuniaires dont l'anéantissement fait l’objet des vœux les plus ardents de toutes les communes, Art. 11. Les gabelles qui fomentent, qui entretiennent journellement une guerre active et meurtrière entre les sujets d’un même Etat, qui établissent une bigarrure inconcevable entre les [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de la Basse-).] 679 provinces d’un même royaume, les unes connues sous une dénomination avilissante, les autres sous une dénomination ridicule, d’un côté un nombre considérable d’individus enlevés à l’agriculture, aux arts, à la défense de la patrie pour passer à la solde des traitants et pour être leurs agents subalternes et trop souvent meurtriers ; D’une autre part, des malheureux stimulés par l’appât d'un modique bénéfice, exposés à la mort ou civile ou forcée ; Ce tableau trop réel suffira pour faire opérer la suppression, la destruction d’un établissement aussi désastreux. Art. 12. Les traites intérieures, si nuisibles au commerce, réunissent d’ailleurs des inconvénients tellement sentis par le souverain et la nation, que leur réforme ou reculement jusqu’aux frontières du royaume a été médité, promis et assuré»! La concession de ce bienfait, reconnue, ne sera pas difficile à obtenir et néanmoins doit être demandée. Art. 13. Les aides, ce dédale impénétrable de droits vexatoires et indéfinis, cette vraie inquisition civile qui trouble la paix des familles, les expose à des procès dans lesquels le traitant a tous les avantages, doit être un des objets essentiels de suppression. Ainsi MM. les députés la demanderont. La ville de Dorât, une partie du ressort de son siège, ainsi que la ville de Bellac et tout le ressort de son siège, quoique rédimés des droits d’aid-es et gabelles, mais touchés des maux dont elles sont l’origine, soit pour une partie du siège de Dorât, soit pour leurs voisins, s’unissent pour en demander la suppression ; mais elle remontre qu’il est juste que les pays non rédimés supportent, dans la répartition de l’impôt qui aura lieu, une quotité proportionnée à cet affranchissement afin d’établir le niveau et l’égalité avec les pays rédimés. Art. 14. MM. les députés demanderont que les tabacs soient fournis aux débitants particuliers, en billes et carottes et non point en boucauts, et que tous les délits qui peuvent être relatifs au tabac soient jugés par les juges des lieux; qu’ainsi les chambrés ardentes soient entièrement supprimées. Art. 15. Les domaines corporels de la commune étant exposés à de fréquentes usurpations par des échanges désavantageux et des concessions illusoires, que l’on peut difficilement refuser au crédit et à la protection ; les revenus diminués, presque anéantis par les frais de recouvrement auxquels sont attachés des privilèges particuliers, préjudiciables au bien général, les déprédations fréquentes, les charges multipliées, le produit à peu près nul, Toutes ces considérations portent à demander la suppression des engagements, la rentrée des objets qui les composent, la proscription et la résolution des échanges, en remboursant les sommes ou finances que les engagistes justifieront avoir payées et être entrées dans les coffres du Roi. Ces considérations portent encore à demander la vente et l’aliénation de toutes les terres et fonds domaniaux, sous la réserve d’un cens inaliénable. Art. 16. Les grâces nécessaires pour encourager les talents, exciter et récompenser le mérite, ne doivent cependant pas être onéreuses; elles le deviennent lorsqu’elles sont cumulées avec trop de facilité. En conséquence, MM. les députés demanderont que les fonds qui y seront destinés soient déterminés d’après un examen combiné, qu’une partie soit réservée pour les cas imprévus, que ces cas et ces taux de toutes pensions et gratifications soient déterminés par les Etats généraux ; que celles qui existent actuellement soient restreintes, diminuées ou supprimées, ainsi qu’il sera décidé par les Etats assemblés, et que toutes les concessions soient toujours rendues publiques dans tous ces rapports. Art. 17. MM. les députés insisteront sur la nécessité de faire déposer aux archives de cLaque capitale ou en tout autre dépôt public, les plans arrêtés de toutes les routes qui font partie de chaque administration, afin que les riverains soient instruits , qu’ils puissent s’opposer à des alignements versatiles qui bouleversent plusieurs fois leurs propriétés ; ils demanderont aussi que les comptes détaillés des travaux soient soumis à l’examen des communes sur le territoire desquelles ils auront été exécutés. Art. 18. Le but des ateliers de charité étant de donner à la pénurie locale des secours qui procurent en même temps quelque autre avantage public, il est important de prévenir que les fonds qui y sont destinés soient détournés et portés à des objets étrangers. De là MM. les députés demanderont que cette direction, ainsi que celle de tous autres travaux publics, ensemble l’apurement de tous les comptes, soient réunis aux assemblées provinciales ou Etats particuliers, mais toujours avec la sous-inspection des communes qui y seront intéressées. Art. 19. Les exclusions, toujours odieuses par elles-mêmes, enchaînent les talents, émoussent le sentiment de l’émulation, contraires au bien géné-I ral; elles doivent donc être proscrites. De là MM. les députés réclameront contre les ordonnances qui excluent les membres du tiers-état des emplois militaires et des charges de magistrature des cours supérieures, et ce qui est d’autant plus étrange, les enfants des anoblis, et ils insisteront pour obtenir que les membres du tiers-état soient admis concurremment avec les nobles, suivant leurs talents et leur mérite, à tous emplois et grades tant militaires sur terre et sur mer, qu’aux charges de magistrature des cours souveraines et aux bénéfices à nomination royale. Art. 20. Les réunions de divers établissements publics et particuliers ayant été opérées depuis quelque temps, l’extinction de plusieurs ordres religieux pouvant être prescrite par le manque de sujets, ces réunions des patrimoines, bien loin d’avoir tourné à l’utilité publique qui en était la destination naturelle et politique, ayant au con-r traire été employée pour accroître les richesses et* le luxe de certaines places déjà trop opulentes. MM. les députés demanderont et remontreront que les biens précédemment réunis soient détachés, et ceux provenant des réunions et ex-! tinctions qui s’opéreront à l’avenir, les unes et I les autres soient employées pour la libération et le i bien de l’Etat, et diaprés en fâveur des séminai-! res, collèges et hôpitaux ou autres établissements ! publics dans les endroits de leur situation. Art. 21. Les bénéfices ayant été fondés pour des services ou secours spirituels à acquitter dans le lieu d’où les revenus proviennent, ces bénéfices se i trouvent accumulés sur la tête d’un seul individu, j qui ne peut remplir les conditions essentielles I de la donation, ce qui est injuste et illusoire, 680 fËlats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de la Basse-).] MM. les députés réclameront contre la multiplicité des bénéfices; ils demanderont que l’application des revenus des bénéfices simples, inutiles à la société, soit faite en augmentation des pensions de MM. les curés et vicaires, afin de leur donner des moyens pour soulager dans leurs paroisses la classe trop nombreuse des pauvres et des malheureux qui, dans leursbesoins et leur indigence, ne peuvent s’adresser qu’à leurs pasteurs. Ils demanderont ensuite la suppression de tous les droits casuels forcés de l’Eglise, et que le sort des curés et vicaires, amélioré par des augmentations prises d’abord sur les bénéfices simples et subsidiairement sur les gros bénéfices, les laïcs propriétaires de dîmes inféodées soient affranchis du payement en tout ou partie des portions congrues. Art. 22. Les circonstances pourraient encore faire proposer des réformes dans les établissements, les édifices publics dont la plupart sont inutiles, les maisons royales dont plusieurs ne sont pas habitées, enfin sur différents autre objets de pure ostentation qui occasionnent des dépenses ordinaires et extraordinaires très-considérables; mais l’éclat du trône est trop précieux à chaque citoyen, la nation a un confiance trop assurée dans l’économie du Roi pour ne pas se remettre à ses soins sur tous ces objets. . Art. 23. Les vices de la procédure criminelle, les inconvénients du Code civil, l’éloignement des tribunaux supérieurs, la multiplicité des tribun aux inférieurs, ainsi que des arrondissements, ont déjà fixé l’attention du gouvernement, qui s’occupe depuis longtemps de ces réformes. MM. les députés les solliciteront de nouveau; ils réclameront aussi contre la longueur des procédures, l’énormité des frais, contre tous les autres abus commis dans cette partie, et qu’en conséquence il soit procédé à la réformation des lois civiles, criminelles et forestières, à l’effet de quoi il sera établi une commission qui aura des correspondances et prendra des renseignements ou instructions dans toutes les sénéchaussées et bailliages du royaume. Arf. 24. Les Etats généraux prendront en considération la vénalité des offices, ils aviseront, ils délibéreront à ce sujet, ainsi que sur les moyens de rendre la justice gratuitement et sur les procurations et nominations aux offices, les gages des officiers et autres objets relatifs. Ils demanderont particulièrement qu’il soit arrêté que les juges royaux ne pourront exercer aucune commission à l’instar de celles de subdélégué et autres de cette nature. 11 serait également important de porter la réforme dans le choix des notaires, des médecins et chirurgiens, et pour cet effet, de solliciter un règlement sévère pour les études : logique et physique, droit civil , droit canon, médecine et chirurgie. Art. 25. La liberté de la presse étant un moyen généralement reconnu pour donner l’essor au génie, pour encourager les talents et les rendre utiles à la société, MM. les députés demanderont la liberté de la presse en tout ce qui ne sera pas contraire à la religion et aux mœurs. Art. 26. Les propriétaires et leurs fermiers sont souvent négligents à exiger le payement de leurs rentes nobles et secondes foncières, ainsi que beaucoup de redevables à les payer : et comme ces arrérages ne se prescrivent que par trente ans, ainsi accumulés, ils causent souvent la ruine des tenanciers. MM. les députés demanderont que l’on ne puisse demander que les arrérages de neuf années et de la courante; qu’après ce laps de temps ils soient prescrits, s’il n’y a demandes judiciaires pour les conserver, et qu’il en soit de même à l’égard du prix solidaire envers le garant, s’il ne les appelle dans l’année de l’action en solidarité exercée contre lui. Art. 27. La loi qui défend l’intérêt d’une somme d’argent, mais non aliénée, nuit à la circulation des espèces et en fait retenir de très-considérables dans les coffres de plusieurs. Ces sommes, répandues dans le commerce, lui donneraient de l’activité et contribueraient au bien général de la société. MM. les députés demanderont que la stipulation d’intérêt soit permise au denier vingt pour les prêts d’argent sur billets, obligations et lettres de change, sans jugement ni même assignation. Art. 28. Rien n’est plus pernicieux ni plus nuisible au commerce qu’une banqueroute faite frauduleusement; presque toutes les banqueroutes participent de ce vice, et presque toujours aussi l’on voit ceux qui les font échapper, avec le secours des lettres qu’ils obtiennent du prince, à la poursuite de leurs créanciers et à la rigueur de la loi; comme if est juste que llnnocent profite du bénéfice de cession, il l’est aussi que le coupable, le banqueroutier frauduleux soit puni sévèrement. En conséquence, MM. les députés demanderont que celui qui voudra jouir des bénéfices des cessions soit tenu de se constituer prisonnier, avant de présenter ses lettres de cession, et qu’il soit obligé de tenir prison jusqu’à ce qu’il soit prouvé par lui-même que sa banqueroute n’est pas frauduleuse. Et dans les mêmes vues, ils insisteront contre les sauvegardes pour la suppression des lettres de sauPconduit, répit, atermoiement et surséance. Art. 29. L’utilité comme la nécessité de la suppression des1 tribunaux extraordinaires sont manifestes. En conséquence, MM. les députés demanderont que ces suppressions soient définitivement arrêtées, moyennant le remboursement des finances de leurs offices, lequel fera partie de la dette nationale, et que la connaissance des matières attribuées à ces tribunaux soit donnée aux juges qui doivent en connaître. Et pour éviter les distractions de ressort , MM. les députés demanderont aussi la suppression des privilèges et committimus, et de tous les sceaux attributifs de juridiction. Art. 30. La levée des soldats provinciaux introduit plusieurs abus : Ces soldats sont indisciplinés, ils n’acquièrent aucune aptitude pour porter les armes, ils ne rendent aucun service à l’Etat, et ils lui coûtent; d’un autre côté, plusieurs classes de citoyens qui méritent des distinctions et d’en être exemptées, sont assujetties à la rigueur du sort et confondues avec les dernières, tandis que le plus petit privilégié ecclésiastique, noble ou anobli, y soustrait son domestique, et ces levées occasionnent des dépenses extraordD aires et assez et trop souvent des querelles dans les communes. De là MM. les députés demanderont que la levée des soldats provinciaux soit supprimée, ou qu’il soit pourvu à une nouvelle ordonnance moins onéreuse et moins sévère pour plusieurs classes de citoyens , et qui remédie aux abus commis dans cette partie. Art. 31. L’établissement des jurés-priseurs gêne la confiance et la liberté. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de la Passe-).] «81 MM. les députés en demanderont la suppression, afin de laisser aux parties le choix libre de leurs experts et appréciateurs, à la charge néanmoins par la nation de rembourser la finance de ces offices. Art. 32. L’humanité réclame de la nation assemblée et de son souverain une attention particulière pour assurer dans chaque communauté la subsistance des pauvres malades et invalides. Il convient également de multiplier les brigades de maréchaussées pour arrêter les brigandages. Art. 33. Il est de l’intérêt public qu’il soit établi dans le chef-lieu de chaque justice un dépôt public pour la conservation des minutes des greffes et des actes des notaires. Art. 34. A tous les moyens déjà proposés pour simplifier la perception des impôts, on doit ajouter celui très-important qui résulterait de la suppresion de tous les receveurs généraux et particuliers des finances. Un seul receveur établi dans chaque province où les assemblées provinciales, par l’mtermission de leurs commissions intermédiaires, recevraient toutes les contributions et les verseraient directement au trésor royal, dont les administrateurs auraient l’attention, par un plan sagement combiné, d’ordonner sur les caisses particulières tous les payements que doit faire l’Etat, afin d’éviter le reflux dispendieux d’argent du Trésor dans les provinces et des provinces au Trésor. Art. 35. MM. les députés demanderont que, pour un prix qui sera convenu avec les seigneurs féodaux ou sinon fixé par arbitres, il soit permis à tous les habitants des villes et campagnes de s’affranchir des droits de banalité, corvées seigneuriale, mortaillable, banalité de four et moulin, péage, manade, vigerie, traverse, pontonage et généralement de tous les droits établis sur les blés, les vins et autres denrées, ainsi que de toutes servitudes seigneuriales, reste odieux du régime féodal, sauf, comme dit est, à indemniser les seigneurs qui se trouveront fondés en titres légitimes. Art. 36. Les appels sont des moyens de grossir la masse des frais et d’embarrasser le droit des parties, ils favorisent l’esprit de chicane et il en résulte des longueurs fatigantes. Pour y remédier, MM. les députés demanderont qu’il soit accordé aux bailliages et sénéchaussées le droit et pouvoir de juger en dernier ressort, en ce qu’ils seront au nombre de sept, jusqu’à la concurrence delà somme de 1,000 livres, et d’admettre la preuve testimoniale en toute matière concernant les conventions qui n’excéderont pas 200 livres. Art. 37. MM. les députés demanderont qu’il soit accordé des distinctions particulières aux magistrats qui se seront distingués dans les cours et dans les bailliages et sénéchaussées, lorsqu’ils auront exercé leurs fonctions pendant-vingt-cinq ans. Art. 38. MM. les députés aux Etats généraux aviseront aux moyens pour éviter que les Français soient obligés de s’adresser à la cour de Rome pour les dispenses de mariage, résignations, permutations de bénéfices et pour toutes autres causes. Art. 39. Il importe au tiers-état que les offices qui confèrent la noblesse ne soient pas trop multipliés ; en conséquence, MM. les députés feront des remontrances à ce sujet. Art. 40. L’administration des justices seigneuriales sera prise en considération par les Etats généraux, afin de remédier aux abus. Art. 41. Il serait juste de rendre aux villes le droit d’élire leurs officiers municipaux ; MM. les députés le réclameront. Art. 42. MM. les députés demanderont le partage des landes et communaux, pour favoriser l’agriculture, et que les Etats généraux avisent aux moyens les plus simples et les moins dispendieux pour y parvenir. Art. 43. Le retrait lignager étendu à l’infini, comme dans la coutume de Poitou , occasionne des abus hérissés de formalités minutieuses, il est très-embarassant et ne produit souvent qu’une illusion pour celui qui l’exerce. MM. les députés demanderont que le droit de retrait lignager soit restreint aux enfants et descendants ou ascendants jusqu’au troisième degré inclusivement, et jusqu’au même degré en collatérale, qu’il soit dégagé de toutes les formalités dont il est embarrassé et qu’il soit seulement soumis aux formalités des actions ordinaires. A l’égard des retraits féodaux et censuels, le tiers-état du siège de Dorât demande qu’il en soit usé à l’avenir comme par le passé, mais qu’il soit défendu aux gens de mainmorte de céder leur faculté d’exercer l’un et l’autre de ces retraits. Mais le tiers-état du siège de Bellac, régi par le droit écriL insiste sur la suppression de ces deux retraits, et dans tous les cas que les seigneurs n’en puissent pas céder l’exercice; il insiste aussi pour la conservation de la maxime que nul ne peut se dire seigneur particulier sans titre ; qu’en conséquence tous héritages soient réputés allodiaux et tenus en franc-alleu, lorsque les seigneurs ne seront munis de titres suffisants, et qu’il y a lieu même contre le Roi. Art. 44. MM. les députés remontreront que feu M. Turgot ayant démontré, dans un Mémoire fourni au conseil, que les impositions établies sur la généralité de Limoges étaient, proportion gardée, plus fortes d’un tiers que celles des provinces voisines, et que cette surcharge provenait de ce que, pour soulager la province des ravages que la peste lui avait causés, en 1722, les impositions de cette généralité avaient tiercé ; que depuis elle n’en a pas été déchargée ; qu’au contraire, elle a supporté les augmentations successives d’impôts qui ont eu lieu depuis ; il est juste de diminuer d’un tiers la masse de ces impositions, pour la remettre au niveau des autres provinces. Art. 45. MM. les députés présenteront ces objets importants et tous autres que leur prudence et leur sagacité leur suggéreront, et d’après l’émission de ces vœux, les réformes et suppressions réclamées et une Fixation éclairée de Ja dette nationale , s’il est question de délibérer pour consentir à uu impôt quelconque, pour réparer les désordres où se trouvent les finances en général et maintenir la splendeur du trône, MM. les députés y accéderont conjointement avec la majeure partie des Etats généraux, non-seulement pour le grand avantage de la chose publique, dans laquelle l’on aime à se persuader qu’il y aura une sage économie, mais aussi à cause du zèle du tiers-état de la province et sénéchaussée de la basse Marche à se conformer aux vues bienfaisantes de leur souverain. Fait et arrêté par les commissaires soussignés, le 19 mars 1789. Signé De Ghalard, commissaire; Lesterptde Beauvais, commissaire; de Nouet, commissaire; Au-bugeois, commissaire; Mallebav de Ghabanne, commissaire ; Gevardot de Fonbelle, commissaire; Massoulard de Maubert, La Croix commissaire.