198 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 avril 1791. J lorsqu’ils n’auront pas obtenu au concours le grade d’officier. Voici l’article que nous vous proposons : Art. 20. * Lorsque les aspiranls de la marine, qui n’auront point obtenu le concours, seront appelés au secours de l’Etat, ils ne prendront rang dans les vaisseaux qu’à la suite des aspirants entretenus de la même classe qu’eux. L’ancienneté comptera entre les aspirants entretenus du moment qu’ils auront été reçus aspirants. » {Adopté.) M. de Rochebrune. Je demande, Monsieur le Président, que les aspiranls qui auront fait trois années de navigation ne se trouvent pas, après ce temps, embarrassés pour faire la quatrième; mais qu’il y ait un article qui dise que les bâtiments de commerce ou les bâtiments de guerre seront obligés d’en prendre un ou deux jusqu’à ce qu’ils puissent trouver les moyens de compléter leur quatrième année. M. Defermon. Il est dans l’esprit de tous les membres de l’Assemblée de procurer à tous les citoyens les moyens de se perfectionner dans leur état; mais j’observe à l’Assemblée qu’adopter l’amendement qui vient d’être proposé, ce serait accorder le privilège particulier d’être toujours embarqués ou sur les vaisseaux de commerce ou sur les vaisseaux de l’Etat. Je ne vois donc pas qu’on puisseadopter la proposition du préopinant, et je demande qu’on passe à l’ordre du jour. M. Eavenue. Je crois que c’est vouloir faire revivre les anciennes idées que l’on avait sur la distinction qu’il fallait mettre entre la marine militaire et la marine marchande. Je demande donc la question préalable. M. Malonet. J’insisterais sur l’amendement si je le regardais comme un secours suffisant pour les élèves que vous venez d’instituer; mais je suis loin de trouver dans cet article une issue convenable. Je demande au comité, ou à son rapporteur, de vous expliquer ce que deviendra le grand nombre d’élèves dont le calcul nous est dérobé. Vous avez voulu faire des élèves comme une condition de votre système militaire naval, c’est-à-dire qu’en trois ans il y ait plus de trois cents élèves pour recrutement du corps militaire. Or le corps militaire sera composé de 1,000 officiers ; son remplacement par année, en temps de paix, sans calculer les malheurs de la guerre, ne peut pas aller au delà de vingt-cinq. Quelle sera la perspective de ce grand nombre d’élèves? Qu’est-ce que vous allez donc faire? Je demande au comité de s’expliquer, et je prie M. de Cham-pagny de me permettre, malgré la profonde estime dont je fais profession pour lui et pour ses talents et pour ses connaissances, de lui reprocher de s’être relâché... Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah ! ah ! M. Malouet. Vous vous êtes privés d’un principe conséquent, vous en aviez un qui pouvait être soutenu. Je vous l’ai dit : il ne vous fallait point d’aspirants, il ne vous fallait point d’élèves. M. Ee Grand. Messieurs, j’aperçois clairement et nettement, par la tournure que prend cette délibération, qu’en détruisant tous les privilèges, vous en laisseriez subsister un, et c’est celui des côtes maritimes contre les provinces de la Méditerranée. Prenez garde que tous les enfants de marchands et d’armateurs trouvent facilement leur quatrième année à faire sur les vaisseaux parce qu’ils la feront sur les vaisseaux de leurs parents, de leurs amis. Les jeunes gens de l’intérieur se trouveront tour à tour expulsés de tous les vaisseaux marchands. J’insiste donc sur l’amendement de M. de Rochebrune, et je demande qu’il soit mis aux voix. M. Dupont. Il est extrêmement constitutionnel d’accoutumer notre jeunesse à servir alternativement dans un grade supérieur et un grade inférieur au service du public, ou au service particulier. Chez les Romains, Scipion l’Africain en a donné l’exemple, et nous sommes dignes de l’imiter. Il faut que les jeunes gens s’accoutument à se soumettre au service particulier, au service de l’Etat et vice versa, sans aucune difficulté. Voilà l’esprit de la Constitution. M. Gualbert. J’observe à l’Assemblée que c’est créer un privilège pour les armateurs, car il faut absolument que l’élève, pour être admis au concours, ait les 4 ans de navigation; en conséquence, s’il ne peut pas trouver à faire son complément, nécessairement il ne peut pas être admis au concours. Il en résultera que l’armateur qui voudra favoriser ou son fils ou son parent, lui fera achever sur un de ses bâtiments les 4 années de navigation, pourra le présenter au concours, et dès lors les autres en seront exclus. Je demande que l’Assemblée prenne des mesures pour procurer aux élèves le moyen de faire leurs 4 années de navigation, et que ce soit, si l’on veut, sur les bâtiments de l’Etat. M. Martineau. D’après les observations qui ont été faites par les différents préopinants, je crois que l’on n’a pas une idée juste de l’amendement proposé. On vous demande d’obliger les armateurs à choisir, parmi les 300 élèves, un élève qui leur conviendra; seulement leur choix sera limité à un certain nombre. Par là, vous fournirez à tous vos élèves le moyen de compléter leur temps de navigation et en même temps de perfectionner leur instruction. J’insiste donc sur l’amendement. M. Defermon. Tout ce que l’on dit à l'appui de l’amendement ne porte que sur la supposition qu’on n’aura pas la faculté de naviguer; mais cette supposition est fausse : vos décrets et les faits militent contre elle et la détruisent. J’invoque la question préalable contre l’amendement. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président met aux voix la question préalable. (Après une première épreuve déclarée douteuse, l’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Rochebrune.) M. Ea Ville-Eeronx. Je propose comme amendement que les élèves qui seront reçus sur les vaisseaux de commerce y soient reçus comme passagers ou y soient reçus à leurs frais, à moins d’y faire une fonction quelconque pour laquelle ils seront payés comme les autres travailleurs. M. Ee Chapelier. Mon amendement est le [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.] 499 même. Je le propose pour faire voir combien il est singulier que l’on puisse forcer des armateurs à prendre nécessairement, parmi 300 personnes, telle personne pour composer leur équipage. C’est pour cela que je propose qu’ils soient alors reçus comme passagers; car on ne peut as forcer des négociants à recevoir sur leur ord des hommes qui n’auraient pas leur confiance. ( Applaudissements .) M. Brillat-Savartn. L’article n’a été combattu que par les habitants des villes maritimes. Les habitants des villes maritimes regarderont toujours comme intrus ceux des provinces qui voudront se livrer à la navigation. Enfin, Messieurs, sur les amendements de MM. Le Chapelier et La Ville-Leroux, je remarque qu’on ne fait aucun tort à des armateurs de leur donner dans leur équipage des jeunes gens instruits et qui ont déjà navigué pendant 3 ans. Quant à la proposition de les prendre comme passagers, c’est absolument leur fermer la porte à toute instruction. N’étant sur un navire que comme passagers, du moment qu’ils voudront se mêler à quelques manœuvres, on leur dira : « Vous êtes ici pour ne rien faire. » jusqu’à un certain point ses équipages comme il le veut. Maintenant on nous propose de lui donner une autre charge; je ne crois pas qu’il soit prudent d’adopter une pareille mesure. Qu’il soit libre à tous les armateurs marchands de choisir et de traiter avec chacun de ces élèves comme ils le jugeront à propos, et qu’en résumé, ceux qui n’auront pas été choisis puissent faire leur quatrième année de navigation sur les vaisseaux de l’Etat. M. Defermon. Si vous décrétez cette disposition, vous pouvez prendre pour certain que les aspirants qui sortiront chaque année trouveront un moyen sûr et prompt de faire leur quatrième année, parce que les armateurs ne feront pas de difficulté de les embarquer. J’applaudis et au patriotisme et aux vues que M. Lecouteulx vous a soumises. J’espère que les autres armateurs n’auront ni d’autres vues, ni moins de patriotisme. Il ne restera donc qu’à faire un règlement; mais je crois que l’on peut toujours délibérer sur l’article, sans entrer dans tous ses détails. Je demande donc que l’on mette aux voix l'article proposé par M. de Rochebrune. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Goupilleau. Je dis que l’article que l’on propose n’est qu’un privilège en faveur de ceux qui ont été aspirants; car, si, après avoir été aspirants pendant trois ans, il faut une quatrième année de navigation, et si ces aspirants ont la faculté d’être admis sur les vaisseaux de commerce, il s’ensuivra qu’ils forceront la plupart des navigateurs à qui nous n’avons pas le droit d’imposer cette charge. (Murmures.) Un armateur n’est qu’un entrepreneur de manufactures navales : or, vous n’obligeriez pas un commerçant ou un entrepreneur à prendre tel ou tel commis ou ouvrier. M. Popuius. Pour tout concilier, il suffirait de supprimer la quatrième année de navigation. M. liecouteulx de Cantelen. Les armateurs ne peuvent avoir aucune répugnance, parce que ces aspirants-là sont enfants de la loi, enfants de la Constitution. Je demande que l’on mette aux voix l’article. M. de Alenoa. Je n’avais à faire que les mêmes observations que vient de faire tout à l’heure M. Goupilleau. Je crois que c’est porter une atteinte manifeste à la liberté indéfinie (Murmures.) qui doit régner dans le commerce. Mon vaisseau m’appartient comme ma maison ; je ne dois avoir dans mon vaisseau que des gens qui me plaisent. Il est très possible que, dans le nombre des aspirants, il n’y en ait aucun qui ait ma confiance. D’après cela, je ne dois pas être forcé de l’admettre sur mon vaisseau. Je conclus à ce que l’article soit rejeté entièrement. M. Bégouen. U y a peu d’années que le commerce était assujetti, par les règlements et les ordonnances, à prendre tant de novices sur une certaine quantité d’équipage ; le commerce a fait des représentations contre cette mesure qui ne tendait à rien moins qu’à rendre la navigation française plus chère qu’aucune autre navigation. Le commerce a obtenu de l’ancien gouvernement que cette charge fût supprimée. Depuis quelques années, le commerce est libre de composer L’article suivant est décrété : Art. 21. « Chaque armateur sera obligé de recevoir, à bord des bâtiments de 150 tonneaux et au-dessus, qu’il armera pour les voyages au long cours ou de grand cabotage, un aspirant du nombre de ceux qui, après trois ans d’entretien, n’auront pas complété leurs 4 ans de navigation pour être admissibles au concours. » M. Defermon. Nous voici parvenus au grade d’officiers de la marine. Art. 22. Officiers de la marine. « Les grades d’officiers de la marine seront ceux d’enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseaux et capitaines de vaisseaux, et les grades d’officiers généraux. « On ne pourra être fait officier avant l’âge de 18 ans accomplis. » (Adopté.) « Le grade d’enseigne d’officier de la marine. » M. Defermon donne vant qu’il présente sous 01 Les aspirants de la première classe seront susceptibles d’ôlre embarqués comme enseignes de vaisseaux, après quatre ans de navigation, dont une au moins obligée sur les vaisseaux de l’Etat, en qualité d’aspirants, et avoir satisfait à l’examen qui sera prescrit ; et pour les trois autres années le temps de navigationsurles bâtiments de commerce sera compté à raison des deux tiers de sa durée effective : ils en auront le titre et le grade dès qu’ils auront été appelés au service à tour de rôle». sera le dernier grade (Adopté.) lecture de l’article sui-cette double forme: « Les aspirants de la première classse seront faits enseignes de vaisseau après quatre ans de navigation, dont une au moins obligée sur les vaisseaux de l’Etat en qualité d aspirants, et avoir satisfait à l’examen qui sera prescrit; et pour les trois autres années, le temps de navigation sur les bâtiments de commerce à raison des deux tiers de sa durée effective. »