SÉANCE DU 12 VENDÉMIAIRE AN III (3 OCTOBRE 1794) - N08 39-41 247 39 Sur la proposition d’un membre, La Convention nationale décrète que le nommé Chrétien, ex-juré au tribunal révolutionnaire, et ex-cafetier, de la section Lepeletier, qui a assisté à la séance des Jacobins, du 9 thermidor, sera sur-le-champ mis en état d'arrestation, et que les scellés seront apposés sur ses papiers (61). MERLIN (de Thionville) : Ce n’est pas dans une section seule que l’on a pratiqué de pareilles manoeuvres. Plusieurs voix : L’arrestation! D'autres : Le renvoi au comité de Sûreté générale ! DUBOIS-CRANCÉ : Je demande aussi le renvoi au comité de Sûreté générale; mais, comme il est constant, par l’aveu de Chrétien lui même, qu’il est un conspirateur de Robespierre, et qu’il a conspiré avec lui ou pour lui dans la nuit du 9 thermidor, je demande que la Convention se prononce contre ces gens en ordonnant l’arrestation de Chrétien. Cette proposition est décrétée au milieu des vifs applaudissements. La Convention décrète aussi l’impression des pièces lues à la barre (62). Un membre de la députation de Seine-Inférieure (63) : Ce Chrétien dont on vient de vous parler est un scélérat de l’armée de Robespierre. Il prêcha dans trois communes du département de la Seine-Inférieure, en faveur de Robespierre contre la Convention; les habitants indignés le chassèrent. A son retour ici il fit incarcérer cinquante individus de ces communes, qui ont été mis en liberté à l’époque du 9 thermidor, parce qu’il n’y avait aucune pièce contre eux (64). [Les citoyens de ces communes ont eu le bon esprit de le chasser; et le scélérat de retour à Paris, a présenté une liste de 40 citoyens de ces communes qu’il proposait de faire arrêter comme contre-révolutionnaires. Le comité de Sûreté générale fut aussi sage que les habitans des communes de Seine-Inférieure, il éconduisit Chrétien] (65) 40 La Convention nationale décrète que les nommés Clémence et Marchand, qui avoient été mis en liberté par décret du 5 (61) P.V., XL VI, 246. C 320, pl. 1330, p. 20, minute de la main de Lozeau. Décret attribué à Dubois-Crancé par C* II 21, p. 5. Bull., 12 vend, (suppl.). (62) Moniteur, XXII, 136; Débats, n” 743, 196; J. Paris, n" 13. (63) Mess. Soir, n° 776. (64) Moniteur, XXII, 136. (65) Mess. Soir, n 776. du présent mois, seront mis en arrestation, et les scellés apposés sur leurs papiers (66). MERLIN (de Douai) : La correspondance du comité de Salut public lui a appris depuis quinze jours que les rois coalisés, et spécialement le pape, sont désespérés de la catastrophe qui a fait tomber la tête de Robespierre (on rit et on applaudit). D’autres lettres ont appris au comité que Pitt et son conseil sont plongés dans l’effroi de cette mort, et qu’ils ont déclaré qu’il fallait donner tout de bon la guerre civile en France. CLAUZEL : D’après les renseignements venus sur le compte des nommés Clémence et Marchand, ils avaient été mis en arrestation. La faction qui les protège est venue surprendre à votre rehgion leur mise en liberté. Ils en ont profité aussitôt pour aller dans la section du Mont-Blanc empêcher les patriotes d’entendre la lecture du rapport de Lindet, pour faire Hre à la place des adresses hberticides, et notamment celle de Dijon. Les gens qui ont demandé leur élargissement n’ont eu, à l’exception d’un seul qui a été trompé, d’autre but que de les faire servir à leurs projets. Je demande que ces deux individus soient arrêtés. Cette proposition est décrétée (67). [Thirion demande la parole : il se croit inculpé, et veut se justifier. On lui dit qu’on rend justice à la droiture de ses intentions. Le décret est rendu.] (68) 41 La Convention nationale décrète qu’il ne sera statué désormais sur aucune pétition en liberté, sans un renvoi préalable au comité de Sûreté générale, qui fera son rapport, ou statuera, s’il y a lieu (69). BOURDON (de l’Oise) : La Convention nationale vient de faire un acte de justice en réincarcérant ces deux hommes; il n’y a pas de brigandages qu’ils n’aient commis dans le département de Seine-et-Oise. Ce n’est point assez d’avoir réincarcéré ces deux fripons agitateurs ; il faut que la Convention, si elle ne veut pas être trompée tous les jours sur les arrestations que le comité de Sûreté générale est enfin déterminé à faire de tous les voleurs, il faut que la Convention ne les élargisse pas sans consulter le comité ; car on ne manquera pas de venir vous dire ici que ce sont des patriotes, et l’on vous surprendra des décrets que le lendemain vous serez obligés de rapporter. J’invite la (66) P. V., XLVI, 246. C 320, pl. 1330, p. 21, minute de la main de Clauzel, rapporteur. Bull., 12 vend, (suppl.). (67) Moniteur, XXII, 136; Débats, n“ 743, 196; J. Paris, n° 13. (68) Débats, n’ 743, 196. (69) P.-V., XLVI, 246. C 320, pl. 1330, p. 22, minute de la main de Lozeau. Décret anonyme selon C* II 21, p. 5. 248 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention à renvoyer au comité de Sûreté générale toutes les demandes en liberté. Cette proposition est adoptée (70). 42 Jean-Baptiste Gautier, défenseur de la patrie, se présente à la barre, conduit par un autre citoyen. Un membre [DU ROY] a dit : Représentans du peuple, Vous voyez devant vous un des braves défenseurs de la liberté, cavalier au dix-huitième régiment. Il a eu à l’affaire du 12 frimaire dernier, une partie de la face emportée par un boulet ennemi; il fut laissé pour mort sur le champ de bataille, et perdit tous ses effets; l’état déplorable où vous le voyez, privé de la vue, lui donne des droits incontestables à la reconnois-sance et à la générosité de la nation : il est inutile que je cherche à émouvoir davantage votre juste sensibilité; je ne dois cependant pas vous taire que ce vieux guerrier, n’a malgré sa cruelle situation, rien perdu de sa gaieté qui caractérise la nation française. Il adoucit journellement les maux qu’il éprouve, par des chants patriotiques, et par ce refrain chéri, vive la République ! Je vous observe également que le jeune citoyen qui lui sert en ce moment de guide, est son neveu, qui a perdu un bras en défendant la cause de la liberté. Je propose à la Convention nationale de décréter un secours provisoire de 1 000 L, en faveur du citoyen Jean-Baptiste Gautier, et le renvoi des pièces et certificats qui constatent ses blessures, au comité des Secours publics, à l’effet de liquider sa pension, et pour vous en être fait un prompt rapport. Sur cette question, a été rendu le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu l’exposé qui lui a été fait par un de ses membres, de l’état des blessures du citoyen Jean-Baptiste Gautier, cavalier au 18ème régiment, faisant partie de l’armée du Rhin, présent à la barre, qui a eu une partie du visage emportée par un boulet ennemi, à l’affaire du 12 frimaire dernier, et qui se trouve privé de vue, décrète un secours provisoire de la somme de 1 000 L, qui lui sera payée à la présentation du présent décret, en faveur de ce citoyen; renvoie à son comité de Secours publics les pièces et certificats qui constatent ses blessures, à l’effet de liquider sa pension, et lui en être fait le rapport dans le plus (70) Moniteur, XXII, 137. Débats, n“ 743, 196-197. court délai; décrète en outre que l’exposé qui vient de lui être fait sera inséré au bulletin, et accorde les honneurs de la séance au citoyen Gautier (71). 43 Les commissaires, l’adjoint et les employés à la commission des secours publics, offrent à l’autel de la patrie une somme de 2 000 L en assignats, qu’ils destinent spécialement à soulager les maré-chais et malheureux cultivateurs qui ont été ruinés par l’explosion de la poudrerie de Grenelle. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité des Finances (72). 44 THURIOT : La mesure que la Convention vient de prendre n’est pas suffisante (73); il faut atteindre les agents de Robespierre, qui cherchent à porter partout l’incendie et le carnage. Quoi! nos armées font trembler les tyrans de l’Europe, et nous balancerions à enchaîner quelques scélérats qui veulent tout bouleverser. La justice nationale est restée trop longtemps inactive à l’égard de ces hommes affreux ( applaudissements ) qui ne lèvent la tête que pour tenter d’échapper à la justice qui les attend (, nouveaux applaudissements). Ces hommes ont des émissaires partout; ils essaient d'allumer partout la guerre civile; leur système est combiné avec les puissances coalisées ; tous les despotes tremblent ; les peuples éclairés ne veulent plus payer de subsides, ne veulent plus prodiguer leur sang pour combattre leurs frères, pour satisfaire l’orgueil d’un tyran; c’est pour cela que les soudoyés de Pitt et de Cobourg emploient tous les ressorts possibles pour déterminer un grand mouvement au milieu de nous, afin qu’il soit profitable aux ennemis de l’extérieur. N’est-il pas vrai que depuis deux ans, la même faction est organisée? ( Applaudissements ) Ces hommes prennent différentes formes, mais ils tendent tous au même but. Il ne faut pas perdre un instant pour les signaler et les jeter dans les fers. Que la Convention paraisse majestueuse aux yeux de toutes les nations étrangères; c’est le vrai moyen de briser les leviers qu’elles font mouvoir contre nous. (71) P.V., XLVI, 246-248. C 320, pl. 1330, p. 24, minute de la main de Du Roy, rapporteur. Bull., 13 vend, (suppl.); Ann. Patr., n° 641; C. Eg., n° 776; Gazette Fr., n” 1006; J. Fr., n 738 ; J. Univ., n° 1775 ; Mess. Soir, n° 776 ; M. U., XLIV, 185; Rép., n 13. (72) P.-V., XLVI, 248. Bull., 25 vend, (suppl.). (73) Voir n08 39 et 40.