[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 26 Mmrire an H 525 Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1). Cambon, au nom du comité des finances. L'em¬ prunt forcé va être mis à exécution. Vous avez ordonné que dans les départements les receveurs de district en feraient la perception et que la trésorerie la ferait à Paris. L’expérience nous a prouvé que les bureaux de la trésorerie, suffisant à peine au courant, ne pourraient pas suffire à cet extraordinaire. En conséquence, le comité a pensé qu’il fallait à Paris charger de cette perception les percepteurs de deniers publics. Un autre objet a occupé le comité. Vous avez décrété que ceux qui porteraient à l’emprunt volontaire recevraient des reconnaissances, dont on leur donnerait un duplicata qui serait reçu en paiement de l’emprunt forcé. Comme il en coûterait beaucoup, et en pure perte, pour faire parvenir à Paris, de toutes les parties de la République, les duplicata qui seraient remis dans chaque district, je vous propose d’ordonner que ces papiers seront brûlés en présence des administrateurs de département et que les pro¬ cès-verbaux de brûlement tiendront lieu de décharge. Cambon propose ce projet et la Convention l’adopte ainsi qu’il suit : ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal ( 2 ).) La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation [Merlin, (de Douai ), rapporteur (3)3, sur le mode de pro¬ céder à l’égard des individus qui, assez perfides ou assez lâches pour trahir leur patrie de l’une ou de l’autre manière énoncée dans les décrets des 7 et 17 septembre 1793, ont, par cela seul, encouru les peines prononcées par le Code pénal et la loi du 10 mars 1793, contre les auteurs et complices de tout crime contre-révolution¬ naire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « En exécution du décret du 7 septembre 1793, tous Français qui ont accepté ou qui accepte¬ raient des fonctions! publiques dans les parties du territoire de la République envahies par les puis¬ sances étrangères ou par les rebelles de l’inté¬ rieur, sont hors de la loi. Art. 2. « Sont exceptés ceux qui prouveraient qu’ils n’ont accepté ces fonctions que par contrainte ou force majeure. Art. 3. « Cette preuve ne sera admise qu’en faveur des habitants des communes non murées et fortifiées, qui n’ont été agents ni des ci-devant seigneurs ni de l’ancien gouvernement, qui (1) Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 454, p. 361). (2) Voyez ci-dessus page 456. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 794. joindront à cette preuve celle d’un patriotisme publiquement reconnu, et qui n’auront accepté ou exercé ces fonctions qu’antérieurement à la promulgation du décret du 7 septembre 1793. Art. 4. « Conformément au décret du 17 septembre 1793, tout Français employé au service de la République ou jouissant de ses bienfaits, qui, après l’invasion du lieu, soit de sa résidence, soit de l’exercice momentané de ses fonctions, n’est pas rentré aussitôt dans le territoire non envahi de la République, est hors de la loi. Art. 5. « Sont compris dans cette disposition les administrateurs tant de département que de district, les officiers municipaux, les notables, les juges, les assesseurs des juges de paix, les greffiers des tribunaux, les officiers militaires avec troupes ou sans troupes, les agents de la régie nationale, ceux des administrations des armées, et généralement tous les fonctionnaires publics salariés ou non par la nation, sous quel¬ que dénomination qu’ils soient connus, tous les employés au service de la République, en quelque partie que ce soit, et tous les pensionnaires de l’Etat. Art. 6. « Cette disposition ne pourra néanmoins s’appliquer aux fonctionnaires publics non sala¬ riés par la nation, à l’égard desquels l’invasion du lieu de leur résidence ou de l’exercice mo¬ mentané de leurs fonctions, aura précédé la promulgation du présent décret dans le chef-lieu du département, pourvu qu’il n’y ait à leur charge aucun fait particulier d’incivisme. Art. 7. « Sont également exceptés ceux qui prou¬ veront que leur rentrée dans le territoire non envahi de la République, a été empêchée ou retardée par des actes non interrompus de vio¬ lence ou force majeure. Art. 8. « Cette preuve sera admise, soit que l’inva¬ sion ait précédé ou suivi la promulgation du décret du 17 septembre; mais elle ne pourra l’être qu’en faveur de ceux qui y joindront la preuve d’un patriotisme publiquement reconnu. Art. 9. « Les excuses résultant des preuves mention¬ nées dans les articles 2 et 7 ci-dessus, ne pour¬ ront être alléguées que devant les tribunaux criminels, ainsi qu’il sera dit ci-après. Art. 10. » Il n’est innové en rien, par les articles pré¬ cédents, à l’exception portée par l’article 3 du décret du 17 septembre, en faveur des officiers [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Art. 18. 526 de santé qui ont été chargés du traitement des malades restés dans les lieux envahis; et cette exception est déclarée commune à ces malades eux-mêmes.) Art. 11. « Dans la décade de la publication du pré¬ sent décret, les administrateurs des districts qui ont été ou se trouvent encore occupés en partie par les armées ennemies, formeront, d’après leurs connaissances personnelles et les renseigne¬ ments gui leur seront fournis par les bons ci¬ toyens, des listes contenant les noms, prénoms, professions et derniers domiciles des individus mis hors de la loi et déclarés traîtres à la patrie par les décrets des 7 et 17 septembre 1793. Art, 12. « Les listes indiqueront les biens reconnus pour appartenir à ces individus, en quelque lieu qu’ils soient situés, et les fermiers ou loca¬ taires qui les occupent ou exploitent. Art. 13. « Ces listes seront communiquées dans le délai fixé par l’article 11, par les administrations de district, à toutes les sociétés populaires de leur arrondissement et à celles des deux districts les plus voisins. Art. 14. « Dans la seconde des décades suivantes, les Administrations de district reviseront ces listes, et y feront toutes les additions et changements qu’il appartiendra, d’après les nouveaux rensei¬ gnements qui leur seront parvenus. Art. 15. « Dans la même décade, ces listes, ainsi revisées, seront adressées au comité des décrets de la Convention nationale. Art. 16. « H sera dressé dans chaque district une liste spéciale pour les militaires et pour les individus employés à la suite des armées, qui seront prévenus d’être restés dans les pays envahis, en contravention au décret du 17 septembre 1793. Art. 17. « On observera pour cette liste spéciale les dispositions des articles 12, 13, 14 ci-dessus; mais elle ne pourra être arrêtée définitivement, et envoyée au comité des décrets par l’Admi¬ nistration de district qui l’aura dressée, qu’après avoir été visée par le commissaire-ordonnateur en chef de l’année à laquelle ont appartenu ces militaires et employés, ou par celui qui en rem¬ plit Ira fonctions. « Dans les trois jours, au plus tard, de la réception de chacune de ces listes, le comité des décrets la présentera à la Convention nationale qui en ordonnera l’insertion au « Bulletin des lois » et, dès ce moment, il sera fait pour la recherche, le recouvrement et la conservation des biens des individus compris dans chaque liste, les mêmes diligences et les mêmes poursuites que pour la recherche, le recouvrement et la conserva¬ tion des biens confisqués sur les émigrés et sur les personnes condamnées nominativement pour crimes contre-révolutionnaires. Art. 19. « Après six décades, à compter de l’insertion de chaque liste au « Bulletin des lois » con¬ formément à l’article 18, nul ne sera admis à. réclamer comme y étant porté mal à propos; et sa réclamation ne sera pas reçue, même dans les six décades, s’il ne s’est mis en état dans la maison de justice du tribunal criminel dans le ressort duquel la liste aura été dressée. Art. 20. « Le délai ci-dessus ne courra, à l’égard de ceux qui auront été retenus par force ma¬ jeure dans le pays envahis, qu’à compter du jour où la force majeure aura cessé. Art. 21. « Les réclamations de ceux qui se seront mis en état, de la manière et dans le délai dé¬ terminés par les articles précédents, seront portées immédiatement au tribunal criminel, et soumises à un jury spécial de jugement. Art. 22. « Pour former ce jury, il sera dressé, par les représentants du peuple près l’armée dans l’arrondissement de laquelle se trouvera le tri¬ bunal, un tableau de 20 citoyens, sur lequel il en sera tiré 10 au sort pour chaque affaire. Art. 23. « Après le débat, le président posera les ques¬ tions qu’il y aura lieu de décider, soit pour faire l’application des peines portées par les décrets des 7 et 17 septembre 1793, soit pour acquitter le réclamant. Art. 24. « H ne sera point posé de question intention¬ nelle sur les faits qui auront été articulés dans le débat. Art. 25. « Il ne sera reçu d’autre excuse de la part du réclamant, que celle de la violence ou force ma¬ jeure, dans les cas déterminés par les articles 2, I 3, 7 et 8 ci-dessus. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { fj “1�1793 527 Art. 26. « Chacun des jurés énoncera son opinion publi¬ quement et à voix haute. Art. 27. « Les déclarations du jury seront formées à la majorité des voix; et les jugements qui inter¬ viendront en conséquence, ne seront en aucun cas sujets à cassation. Art. 28. « A l’égard des individus qui, étant compris dans la liste ordonnée par les articles 11 et suivants, et n’ayant pas réclamé dans le délai fixé par l’article 19, pourraient être saisis et mis en état d’arrestation, il sera procédé contre eux dans la forme prescrite par la section 12 de la loi du 28 mars 1793 et par celle du 13 sep¬ tembre suivant, sur les émigrés (1). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu ses comités de législation, d’aliénation et des domaines [Merlin de Douai (2)], décrète ce qui suit : (3) Art. 1er. « Les biens confisqués au profit de la Répu¬ blique, pour quelque cause et de quelque manière que ce soit, seront régis, administrés, liquidés et vendus comme les biens nationaux provenant des émigrés. Art. 2. « H est enjoint à l’accusateur public de chacun des tribunaux criminels, tant ordinaires qu’ex¬ traordinaires, et au président de chaque com¬ mission militaire, d’adresser à l’administra¬ teur des domaines nationaux, dans la quinzaine de la publication du présent décret, des expé¬ ditions authentiques des jugements qui, jusqu’à cette époque, auront prononcé des confiscations ou ordonné des déportations; et d’en user de même à l’avenir pour tout jugement semblable, dans les trois jours qui en suivront l’exécution. Art. 3. « L’administrateur des domaines nationaux fera dresser et remettre au comité d’aliénation un tableau ou état nominatif de tous les indi¬ vidus dont les biens ont été jusqu’à présent confisqués au profit de la République, soit par les jugements énoncés dans l’article précédent, soit par les décrets de mise hors de la loi et autres rendus jusqu’à ce jour. Les nom, prénoms, qualités, profession et dernier domicile de chaque individu y seront clairement désignés. (1) Procès-verbaux de la Convenlion, t. 27, p. 227. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux .. Archives nationales, carton G 282, dossier 794. • (3) Voyez ci-dessus page 460, colonne 2, note 1. Art. 4. « Ce tableau sera envoyé par l’administra¬ teur des domaines nationaux à tous les dépar¬ tements, districts et municipalités. H sera lu, publié et affiché dans toutes les parties de la République, avec injonction aux corps admi¬ nistratifs, et spécialement aux agents nationaux près les districts et les communes, de faire procéder, chacun dans l’arrondissement où il exerce ses fonctions, à la recherche et au recou¬ vrement des biens meubles ou immeubles appar¬ tenant aux individus compris dans ce tableau. Art. 5. « Le même tableau sera en outre envoyé à toutes les Sociétés populaires, avec invitation de faire parvenir, tant aux corps administratifs de la situation des biens confisqués, qu’à l’Ad¬ ministration des domaines nationaux, tous les renseignements qu’elles pourront fournir. Art 6. « Tous les mois l’administrateur des domaines nationaux fera dresser, publier et envoyer, selon le mode déterminé par les deux articles précédents, un tableau additionnel des individus dont les biens auront été confisqués au profit de la République, par les décrets rendus ou par les jugements qui lui seront parvenus depuis la publication du premier. Art. 7. « Les agents nationaux près les districts adresseront tous les mois à l’administrateur des domaines nationaux les renseignements qu’ils se seront procurés sur les biens meubles et immeubles, corporels et incorporels, de chacun des individus compris dans les tableaux qui leur auront été successivement envoyés. Art. 8. « H est enjoint à tous détenteurs de biens, meubles ou immeubles, et à tous débiteurs géné¬ ralement quelconques de créances ou autres effets appartenant aux individus compris dans le tableau ci-dessus mentionné, d’en faire leur déclaration au secrétariat de la munici¬ palité du lieu de leur résidence, dans le cours de la décade qui suivra immédiatement la publi¬ cation et l’affiche de chaque tableau, à peine d’être condamnés par voie de police correc¬ tionnelle, sur la poursuite de l’agent national du district, à une amende égale à la valeur des som¬ mes ou des objets non déclarés, et d’être en outre traités comme suspects. > Art. 9s « Ces déclarations seront, dans la décade sui¬ vante, adressées à l’agent national près le dis¬ trict, par celui de la commune. L’agent national du district les fera passer, dans la troisième décade, à l’administrateur des domaines natio¬ naux.