SÉANCE DU 5 FRIMAIRE AN III (25 NOVEMBRE 1794) - N08 34-36 171 de nous l’idée de river leurs fers ; mais aussi nous vous dirons, qui a plus de droit à habiter le sol de la liberté, que celui qui a versé son sang pour la défendre? Que les satellites des tyrans soient donc rendus à leurs maîtres, et que des soldats libres soient restitués à leur patrie. Que l’on ne nous dise pas que des raisons d’intérêt s’opposent à notre réclamation: cette politique machiavébque n’est pas la votre. Que l’on ne vous cite pas l’exemple d’un général romain, qui, prisonnier à Carthage, et renvoyé à Rome pour proposer l’échange, eut le courage de voter pour s’y opposer, et revint subir le supplice qui l’attendait. Quelque sublime que soit ce dévouement, croiroit-on les Français incapables de l’imiter ? Semblable au verre qui prend la couleur de toutes les liqueurs qu’on y verse, le génie d’un peuple se forme sur celui de son gouvernement. Léger et frivole sous la domination d’un monarque, le Français rendu à sa dignité première, sous un gouvernement démocratique, ne voit plus rien qui l’étonne: et si le salut de la patrie exigeoit de nos frères le sacrifice de leur liberté, de leur vie même, vous trouveriez autant de Régulus que de soldats. Mais que les circonstances où nous sommes sont différentes de celles où se trouvoient alors le peuple romain et les catharginois ; vous les connoissez trop pour que nous occupions vos momens à vous les retracer. Hâtez-vous donc législateurs, de prendre les mesures les plus sûres pour que l’échange s’effectue, que nos époux, nos enfans soient rendus, et qu’ils puissent encore servir leur patrie. 34 On fait lecture d’une pétition de plusieurs charbonniers du district de Mor-tagne [-au-Perche], département de l’Orne, qui se plaignent de poursuites rigoureuses dirigées contre eux au tribunal séant dans cette commune, relativement à la prise faite de chevaux à eux appartenans dans des bois nationaux; ils demandent la suspension de ces poursuites jusqu’au rapport qu’ils sollicitent du comité de Législation. Cette demande ayant été convertie en motion par un membre, la Convention décrète qu’il sera sursis à toutes procédures relatives à cette affaire, et renvoie cette pétition à son comité de Législation, pour lui en faire un prompt rapport. Ce décret ne sera point imprimé; il en sera adressé un exemplaire manuscrit au tribunal du district séant à Mortagne [-au-Perche] (93). (93) P.-V., L, 101-102. C 327 (1), pl. 1431, p. 24, sous la signature de Porcher. 35 Divers ouvriers employés à l’atelier dit de Vaucresson [Paris] sont admis à la barre; ils demandent une augmentation de salaire et une nouvelle organisation de leurs travaux. Renvoi au comité de Salut public, pour faire un rapport sous trois jours (94). L’ORATEUR (95) : Pendant que vous proclamez la hberté et l’égalité, lorsque vous proscrivez la terreur, les ouvriers qui travaillent pour la République sont enfermés par des grilles, et la terreur n’est à l’ordre du jour que contre eux. Nous ne connaissons pas les motifs qui ont déterminé l’administration à cet acte arbitraire et despotique, mais nous demandons que notre hberté soit respectée, et qu’on chasse de nos ateliers ceux qui en sont indignes, s’il est prouvé qu’il y en a. Des hommes libres doivent dire à des législateurs qu’ils ne peuvent consentir à être forcés au travail par des verrous et des grilles. Nous demandons que notre journée finisse à sept heures, que les repas ne durent qu’une demi-heure ; par ce moyen nous épargnerons de la chandelle; que l’inspecteur qui cassera des pièces à un ouvrier soit obligé de les payer ; que l’ouvrier qui s’absente de son travail plus d’un quart d’heure perde le quart de son salaire ; que les chefs préposés à l’instruction des apprentis ne puissent se faire remplacer ; en un mot, que chacun soit à son poste et que la loi soit pour tous. Nous profitons de cette occasion pour jurer à la Convention une fidélité inviolable, au-dessus de toutes les manœuvres des factions. 36 Les citoyens de la section de Bonne-Nouvelle [Paris] sont admis à la barre ; ils viennent, disent-ils, en masse comme le 24 vendémiaire dernier, applaudir à vos per-sévérans travaux; ils témoignent à la Convention la joie, la satisfaction qu’ils ont éprouvées à le lecture du décret qui suspend cette société qui enchaînoit, oppri-moit par la terreur, et tenoit les citoyens de Paris dans un silence comparable à la mort ; ils rappellent ensuite la sollicitude de la Convention sur les subsistances ; la malveillance s’agite encore pour inquiéter et alarmer le peuple sur cet objet intéressant : ils l’invitent à maintenir le gouvernement révolutionnaire, si utile pour le succès des importantes fonctions que le peuple a confiées à la représentation nationale. Mention honorable, insertion au bulletin (96). (94) P.-V., L, 102. F. de la Républ., n° 66 indique une motion de Bentabole pour le renvoi. (95) J. Univ., n° 1826. (96) P.-V., L, 102. 172 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Les citoyens de la section de Bonne-Nouvelle à la Convention nationale ] (97) Législateurs, Les citoyens de la section de Bonne Nouvelle, viennent en masse, comme le 24 vendémiaire dernier, applaudir à vos persévérants travaux. Dégagés par vos efforts du joug des oppresseurs et des hommes de sang, qui n’agueres par la terreur nous avoient enchaînés, et nous compri-moient pour ainsi dire dans un silence de mort. Libres enfin, et pouvant à nos grés exprimer nos pensées et nous livrer aux élans de nos cœurs, nous nous hâtons de déposer dans votre sein, l’expression de la joie et de la satisfaction que nous avons ressenti à la lecture de votre sage décret, qui suspend cette société d’énergumènes, qui prétendoient qu’à la faveur de leurs conciliabules nocturnes, ils maintiendroient un gouvernement désorganisateur et sanguinaire, par lequel ils espéroient rivaliser la représentation nationale, et ainsi anéantir le règne de la justice et des vertus que vos serments nous garantissent. Nous rappelions votre sollicitude sur les subsistances. La malveillance s’agite encore pour inquiéter et alarmer le peuple, sur cet intéressant objet. Si nous sommes privés, si nous souffrons momentanément de la rareté des denrées les plus nécessaires à nos besoins journaliers, la cause ne provient-elle pas d’une administration mal entendue, et dans laquelle il a été introduit des ignorans ou des êtres immoraux, instrumens perfides et créatures idolâtres des derniers dominateurs. Maintenés législateurs, le gouvernement révolutionnaire, si utile aux succès de vos importantes fonctions; que l’oprobe et le repentir se distinguent et s’apperçoivent au premier coup d’œil sur le front de l’ennemi du peuple, disparoisse à jamais le souvenir des horreurs passées, que dans ce sanctuaire des lois, croissent et s'entremissent l’olivier et le chêne, et qu’ils servent d’ombrage, aux arts et au commerce. C’est alors, que finiront glorieusement vos travaux importants, auxquels une grande nation vous a appelés. Vive la Convention nationale. Vive la République. Martin, président , Marilliers, secrétaire et une autre signature. LE PRÉSIDENT (98): Le peuple français peut compter sur l’énergie de ses représentans, qui déjouent les intrigues de l’intérieur comme nos armées dispersent les satellites des tyrans ; la Convention a établi le règne de la justice, elle saura le maintenir. (97) C 328 (2), pi. 1455, p. 14. Moniteur, XXII, 601 ; Bull., 6 Mm. (suppl.) ; Rép., n° 66 (suppl.) ; Débats, n° 793, 921-922 ; F. de la Républ., n° 66 ; J. Fr., n° 791 ;M.U., n° 1353 ; Mess. Soir, n° 830 ; Ann. R.F., n° 65 ; J. Perlet, n° 793. (98) Bull. 6 Mm. (suppl.). La députation est admise à la séance (99). 37 Le citoyen Isidore de Buire est admis à la barre ; il fait un tableau des blessures qu’il a reçues en défendant sa patrie : il demande la liquidation de sa pension. La Convention renvoie aux comités des Finances et de Secours publics, pour en faire un prompt rapport (100). 38 Un membre lit la pétition adressée à la Convention nationale par Marie Combe, condamnée à mort par jugement du 18 thermidor dernier. Sur la motion du même membre, la Convention rend le décret suivant: Sur la pétition de Marie Combe, condamnée à mort par jugement du 18 thermidor dernier, et détenue à la maison de la Salpêtrière [Paris], la Convention surseoit à l’exécution du jugement, et charge son comité de Législation de lui faire incessamment un rapport sur cette affaire (101). 39 Un membre, [OUDOT] au nom du comité de Législation, fait un rapport et présente divers citoyens pour remplir les places administratives et municipales (102). a La Convention nationale, sur la proposition [d’OUDOT au nom] du comité de Législation, nomme pour remplir les fonctions de président de l’administration du district de Melun [Seine-et-Mame], à la place du citoyen Marillier, le citoyen Agasse, propriétaire à Chaumes [-en-Brie, Seine-et-Marne] district de Melun. La commission des Administrations civiles, police et tribunaux, est chargée de prendre les mesures nécessaires pour la prompte exécution du présent décret qui ne sera point imprimé (103). (99) Moniteur, XXII, 601. (100) P.-V., L, 102-103. (101) P.-V., L, 103. Pas de rapporteur précisé en C*II, 21. J. Fr., n° 791. (102) P.-V., L, 103. F. de la Républ., n° 66, mention. (103) P.-V., L, 103. C 327 (1), pl. 1431, p. 26. Oudot rapporteur selon C*II, 21.