[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 février 1791.) 767 mont, depuis le 2 novembre, les corps religieux qui possédaient ou qui administraient des biens ecclésiastiques ont dû mettre la plus grande exactitude à ne pas s’écarter de l’exécution de la loi; ainsi les baux qui ont été faits depuis cette époque ne l’ont été que par un mauvais esprit et pour embarrasser la vente des domaines nationaux. Je crois donc qu’à l’égard de ces baux on ne peut regarder comme une loi qui donne un effet rétroactif la disposition qu’on vous propose, mais comme une loi qui, appliquant celles antérieures, prononce une nullité d’usage ; quant aux baux à vie, faits de bonne foi, ils seront exécutés, en raison d’une disposition du décret du 14 mai dernier. M. d’Aubergeon de marinais. Je combats les amendements qui vous sont proposés. Tous les corps administratifs et réguliers savent fort bien que l’Assemblée nationale avait décrété que leurs biens seraient à la disposition de la nation et qu’ils ne pouvaient pas faire de baux à vie; tous les baux faits depuis ce décret sont donc atteints de mauvaise foi. D’après cela, le décret qui vous est proposé me paraît très juste. On fait un amendement qui tend à accorder à ces baux une existence de neuf années; je m’y oppose, parce qu’une semblable disposition ferait, à mon sens, un tort considérable au Trésor public; et je dis que, lorsque ces corps ont fait des baux à vie, ils les ont faits pour une somme bien moins considérable que s’ils eussent fait des baux à terme. ( Applaudissements .) Vous laisserez donc, dans les circonstances actuelles, le prix de leur mauvaise foi à ceux qui auraient contracté de mauvaise foi. (Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix! M. Faudrin. Je retire mon amendement. Un membre demande la question préalable sur la division proposée par M. de Gazalès. (La question préalable est adoptée). (Le projet de décret est mis aux voix et adopté). M. l’abbé USaury. Je demande à l’Assemblée la permission de profiter de cette occasion, pour l’inviter à ordonner à son comité d’agriculture de lui présenter un projet de décret relatif à la durée des baux. Vous n’ignorez pas qu’en Angleterre la durée des baux est plus longue qu’en France, et que les administrateurs éclairés attribuent à cette loi la prospérité de l’Angleterre. (. Murmures et interruptions.) M. de Cazalé*. Le décret est inutile ; car il n’est pas en France de loi qui défende de passer des baux pour plus de 9 ans. Plusieurs membres demandent l’ordre du jour. M. le Président. M. üauchy, membre du comité d’agriculture, m’observe qu'on s’occupe dans le comité de cet objet. Je mets, en conséquence, aux voix la proposition qui est faite de passer à l’ordre du jour. (L’ordre du jour est adopté). M. Chasset, au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, votre comité ecclesiastique m’a chargé de vous présenter un projet de décret, pour lever des doutes qui s’élèvent dans différents départements, sur le serment à prêter par les ecclésiastiques fonctionnaires publics. Le premier est de savoir si les prédicateurs sont des fonctionnaires publics. Votre comité l’avait ainsi pensé; mais, avant de le déclarer, il a voulu prendre vos ordres. Il a cru que nul ecclésiastique ne pouvait prêcher qu’il n’eût auparavant justifié de la prestation de son serment. Le second doute nous a paru aussi facile à lever. Il consiste à savoir si les fonctionnaires publics qui ont déclaré, par un écrit signé d’eux, ne pouvoir ni ne vouloir prêter le serment, ne peuvent être destitués qu’après le délai prescrit par le décret du 27 novembre. ( Murmures dans la partie gauche.) Le comité a pensé que si la loi accordait un délai, c’était pour donner le temps de connaître et d’exécuter le décret. G’est par ces motifs que vous n’avez accordé que 8 jours à ceux qui sont présents dans le lieu de leurs fonctions; un mois à ceux qui sont répandus dans le royaume, et deux à ceux qui sont en pays étranger. Le comité ecclésiastique a pensé que, dès qu’il avait été donné à un ecclésiastique connaissance officielle de votre décret, et qu’il avait déclaré ne pas vouloir s’y soumettre, il s’était fait justice lui-même. ( Applaudissements couverts par des murmures dans la partie gauche.) Votre comité a pensé que tout était rempli; qu’il ne fallait pas que la tranquillité publique fût compromise; je dis la tranquillité publique, parce qu’il existe des départements où ces déclarations, faites à l’avance, peuvent exciter des troubles. La question que je vous soumets nous a été non seulement faite par des départements, mais encore par les commissaires envoyés dans quelques endroits, pour maintenir l’ordre public. G’est le principe que si telle ou telle personne, à laquelle on a accordé un délai pour exercer tel ou tel acte, déclare, avant l’expiration du délai, ne pouvoir le faire, elle est déchue des prétentions qu’elle aurait pu avoir, si elle avait exercé cet acte. Je vais conclure par la lecture du projet de décret : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les prédicateurs sont compris parmi les fonctionnaires publics tenus de prêter serment aux termes du décret du 27 novembre dernier. « En conséquence, nul ne pourra prêcher dans quelque église que ce soit, sans avoir au préalable justifié de sa prestation de serment, conformément audit décret. » M. le Président. L’intention de l’Assemblée est-elle d’entendre la lecture du projet entier, ou veut-elle que le premier article soit immédiatement mis aux voix? M. de Montlosier. Je demande qu’on lise tout le décret, car il serait possible qu’on eût à faire des observations sur des articles subséquents. M. de Foucault de Kjardimalie. Je suis bien étonné qu’on nous propose un article qui présente un contraste aussi frappant avec le décret que vous avez rendu ce matin. En effet, Messieurs, vous donnez aux ecclésiastiques un droit qui ne leur a jamais appartenu , qui , suivant les canons de l’Eglise, ne peut pas lenr 768 [5 février 1791. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |AssemL]ce na lior.o ie. j appartenir (Murmures), et aujourd’hui vous leur ôtez l’ob.;ervation de teur devoir le plus rigoureux, celui de prêcher l’évangile. Par là vous les réduisez à suivre le régime des ministres protestants, et à prêcher au désert ( Murmures ) ; je demande, Messieurs, quels sont les moyens que votre décret réserve pour pourvoir aux besoins des fidèles qui auront confiance en eux ? Plusieurs voix : L’obéissance à la loi ! M. de Foucault de Eardinaalie. D’après cette considération, nous devrions leur ôter le droit que nous leur avons donné ce matin, et leur accorder ce que nous voulons leur ôter ce soir; ainsi, je conclus à la question préalable sur l’article du décret proposé. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (La discussion est fermée.) M. Ghasset demande la parole. M. le Président. Apparemment, M. le rapporteur que pendant que vous parliez à M. Re-gnaud, vous ne vous êtes pas aperçu que la discussion était fermée. M. Cliasset. Je sais que la discussion est fermée, mais, ni vous, M. le président, ni l’Assemblée, ne pouvez refuser d’entendre votre comité, M. Se Président. Service pour service, vous avez voulu m’apprendre mon métier, je vais vous apprendre le vôtre. M. Regnand (de Saint - Jean-d’ Angély). Je demande que le serment qu’on exige ues prédicateurs, soit restreint à ceux qui seront salariés par la nation ; on sait quels sont les dangers de l’abus de la parole, je sais qu’il y a des provinces où des ecclesiastiques en feraient le plus terrible usage, si la loi n’était là pour les réprimer; mais vous n’avez pas à craindre qu’un ecclésiastique, qui aura prêté le serment, permette qu’un prêtre réfractaire vienne déclamer contre la raison et la religion qui respirent vos décrets. (Pares à droite). M. Treilhard. Je demande la question préalable sur l’amendement, et l’appuie sur une question fort simple. Le décret du 27 novembre comprend dans le nombre des ecclésiastiques fonctionnaires publics, qui doivent prêter le serment, les professeurs de collège et les supérieurs de séminaires ; votre intention a donc été que toutes les personnes qui participent à l’enseignement public, même dans un endroit particulier, fussent tenues de prêter le serment; à plus forte raison devez-vous vouloir que ceux qui forment une instruction publique soient astreints à ce serment; quant à ce qu’on dit que les prédicateurs ne sont pas salariés, cette observation n’a aucune espèce de solidité par deux raisons, la première en ce qu’ils ne prêchent pas gratuitement, et qu’ils sont salariés par les fabriques au nom de la nation ; la seconde, parce que leur ministère seul les astreint à ce serment. II ne s’agit donc pas ici d’une nouvelle disposition ; mais seulement de déclarer que vous les avez compris dans le décret du 27 novembre dernier, et qu’ainsi ils ne pourront prêcher qu’a-près avoir prêté le serment. M. de Montlosier. J’ai été singulièrement frappé des puissantes raisons de M. Treilhard, et c’est cet effet de la conviction subite qui est entrée en moi, qui me détermine à proposer un nouvel amendement. M. Treilhard vous a très bien observé qu’il n’était pas permis aux prêtres qui n’ont pas prêté le serment de contribuer à l’enseignement public, mais comme non seulement ces prêtres pourraient être dangereux par la parole, ils pourraient l’être encore par leurs écrits. Je demande , en conséquence de ces réflexions, qn’il ne soit pas permis aux prêtres , aumôniers, etc., de ne rien écrire ni de rien imprimer, et qu’ils ne puissent ni confesser ni dire la messe , (Rires à gauche) s’ils ne prêtent pas le serment. M. l’abbé Bourdon. Je demande que M, de Montlosier soit rappelé à l’ordre. M. Chasset. J’observe que j’ai apporté ce décret signé de M. le président et de M. le secrétaire du comité. Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements. (La question préalable est adoptée). M. le Président. Je vais mettre aux voix l’article premier. M. Bnval d’Eprémesnil. Nous ne prenons pas de part à la délibération. (L’article premier est décrété.,) M. Chasset, rapporteur. D’après les observations qui viennent d’être faites, je demande le renvoi de l’article 2 au comité. M. de Montlosier. Il est assez singulier qu’on nous propose de renvoyer un article qui n’est pas même lu. Plusieurs voix à gauche : Vous ne délibérerez pas. M. le Président. Il est notoire que la disposition de cet article a été développée ; le comité lui-même demande le renvoi. Je suppose qu’il n’y a pas même lieu de le mettre aux voix. M. de Montlosier. Le comité a dit lui-même qu’il devait le projet à M. Ghasset. M. Chasset, rapporteur. Oui, et j’en demande le renvoi en mon nom. M. le Président. Puisque M. de Montlosier veut un décret pour le renvoi, il faut le contenter. M. de Montlosier. Je veux le renvoi quand on aura lu l’article. (Le renvoi est ordonné). M. de Folleville. L’Assemblée nationale vient de rendre un décret sur un objet de police sur lequel une partie de l’Assemblée n’a pas cru dé-voir manifester d’opinion. Moi, je dois la consulter sur un autre objet, c’est de savoir s’il sera loisible d’exercer privément dans sa famille et parmi ses domestiques la religion catholique, apostolique et romaine. (Applaudissements à droite.)