28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 25 MENUAU : Je viens, au nom de votre comité des Secours publics, présenter à la Convention nationale un de ces grands traits de courage dont les hommes libres sont les seuls capables, et dont ils peuvent seuls sentir tout le prix. Vous verrez avec la plus douce satisfaction des coeurs sensibles et bienfaisants voler au secours de plusieurs infortunés, prêts à être ensevelis sous les ruines de beaucoup de maisons écroulées naguère dans l’enclos du Temple ; exposer leur propre vie pour arracher ces malheureux à une mort certaine, et leur offrir ensuite de partager leurs habitations et leurs aliments, en attendant que la bienfaisance nationale ait pu les atteindre. Vous distinguerez surtout les citoyens Desforges, ouvrier, père de cinq enfants, et Boussard, qui n’ont pas craint de se précipiter au milieu des ruines et des décombres, et de braver les dangers les plus imminents, pour enlever une famille tout entière aux horreurs de la mort la plus certaine et la plus affreuse. Mais ce qui vous peindra le vrai républicain, et ce qui vous forcera de répandre des larmes d’attendrissement, citoyens, ce sera de voir le citoyen Desforges, ouvrier, pauvre, père de cinq enfants, refuser de venir réclamer la bienfaisance nationale, dans la crainte de dénaturer par cette démarche sa belle action, et ne former d’autre voeu que celui de voir son nom inscrit dans le recueil des actions héroïques et vertueuses. Ce dernier fait a été transmis et attesté à votre comité par notre collègue Poullain, qui, pénétré des grands principes de justice qui dirigent la Convention, a pensé avec raison que c’était bien servir la République que de proclamer à cette tribune l’exemple de courage et de vertu donné dans ce moment par les citoyens Desforges et Boussard. Oui, braves citoyens, vos noms seront mentionnés honorablement dans le procès-verbal des séances de la Convention nationale, et les ennemis de la patrie frémiront de rage en voyant l’impuissance où ils seront toujours de détruire une république, défendue au dehors par des armées sages autant que courageuses, et affermie au dedans par des actes aussi fréquents de vertu et d’humanité. (On applaudit.) D’après un tableau aussi touchant, voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter (80): Un membre [MENUAU], au nom du comité des Secours, expose un trait de courage et d’humanité qui a eu lieu à l'écroulement d’une maison dans la section du Temple. Sur sa proposition, la Convention nationale a rendu le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MENUAU, au nom de] son comité des Secours publics sur un trait de courage et d’humanité exercé par (80) Moniteur, XXII, 557. Bull., 1er frim. (suppl.); Débats, n° 789, 876-877 ; M.U., n° 1351. les citoyens Desforges et Boussard, pères de plusieurs enfans, qui n’ont pas craint d’exposer leur vie pour sauver celle de plusieurs citoyens, décrète ce qui suit. Article premier-. La Trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera au citoyen Desforges, ouvrier pauvre et père de cinq enfans, la somme de 1 200 L à titre de récompense nationale. Art. II.-. Il sera fait au procès-verbal de la séance de ce jour mention honorable de l’action courageuse des citoyens Desforges et Boussard, et il leur sera envoyé à chacun un extrait du procès-verbal. Art. III.-. La Convention nationale renvoie les pièces au comité d’instruction publique, pour faire insérer dans le recueil des actions héroïques celle des citoyens Desforges et Boussard. Art. IV.-. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (81). 26 Sur la proposition d’un membre [LEQUI-NIO], relative à la remise d’une amende de 600 L prononcée par la municipalité de Carrière-Charente [ci-devant Saint-Savinien, Charente-Inférieure], contre le nommé Guillot, laboureur, pour quelques branches d’ormeau coupées sur un bien qui ne lui appar-tenoit pas, et en vertu d’un arrêté du représentant du peuple Garnier (de Saintes), la Convention renvoie au comité de Législation pour lui faire un rapport dans le courant de la décade, avec charge de lui présenter en même temps un projet de loi générale, où les peines se trouvent proportionnées au délit dans les faits de cette nature (82). 27 LE PRÉSIDENT : Le comité de Sûreté générale me fait demander à quelle heure il doit faire venir Carrier. Plusieurs voix : À l’instant ! La Convention autorise le comité de Sûreté générale. (On applaudit.) LE PRÉSIDENT : On me demande si c’est dans la salle ou à la barre que Carrier sera introduit. (81) P.-V., L, 9-10. C 327, pl. 1430, p. 4. Moniteur, XXII, 557; Bull., 1er frim. (suppl.); Débats, n° 789, 877. Rapporteur Menuau selon C*II, 21. (82) P.-V., L, 10. C 327, pl. 1430, p. 3. Sous la signature de Lequinio. Rapporteur Lequinio selon C*II, 21.