640 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1790. M. de La Rochefoucauld, au nom du même comité d’aliénaiion , propose un décret pour charger, conformément à ceux des 8 juin et 24 juillet derniers, la municipalité de Paris, de toutes les ventes et reventes des domaines nationaux situés sur l’étendue du département de Paris, jusqu’à l’époque où les administrations de département et de district seront en activité. Ce décret est adopté, sans discussion, en ces termes : « L’Assemblée nationale ayant, par ses décrets des 8 juin et 24 juillet derniers, attribué provisoirement à la municipalité de Paris, relativement aux biens ecclésiastiques, les fonctions de directoire de district, pour la ville et le département de Paris, jusqu’à ce que l’administration dudit département et de ses districts, ainsi que leurs directoires soient en activité; « Décrète que ladite municipalité sera chargée, jusqu’à ladite époque, de toutes les ventes et reventes des domaines nationaux situés dans la ville et le département de Paris, dans les formes prescrites par le décret du 14 mai, l’instruction du 31 du même mois, et le décret des 25, 26 et 29 juin de la présente année. » M. Bouron, député du département des Deux-Sèvres, demande et obtient la permission de s’absenter pour un mois. M. Chasset, au nom du comité ecclésiastique, demande un ajournement fixe pour faire un rapport, afin d’accélérer la liquidation et le payement du clergé actuel. L’Assemblée décide qu’il y aura une séance extraordinaire pour cet objet. M. lebrun monte à la tribune pour continuer son rapport sur toutes les dépenses publiques. On annonce l’arrivée de M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, que l’Assemblée nationale doit recevoir à deux heures. (M. Lebrun descend de la tribune.) M. de la Tour-du-Pin, ministre de la guerre, q? t introduit et lit, au nom du roi, le mémoire suivant, relatif à l'insubordination qui se manifeste dans plusieurs corps de l'armée (1). Messieurs, je me préparais à mettre sous vos yeux le nouveau travail que le roi m’a com-, mandé défaire sur l’armée; mais Sa Majesté, convaincue que le retour de l’ordre et de la disci-; pline dans les différents corps qui s’en sont écartés, doit indispensablement précéder, ou même préparer tous les changements militaires qu’elle pourrait tenter, m’envoie, avant tout, vous informer de la licence effrénée, où je ne sais quel génie ennemi de la France ne cesse dVn-traîner une partie de nos troupes. Le nombre des régiments séditieux et mutins s’accroît journellement; chaque courrier annonce de nouveaux désordres, et la succession des jours n’est plus, pour le meilleur des rois, qu’une suite continue et rapide de chagrins accablants et de nouvelles désastreuses. Dans le dernier message que j’eus l’honneur de faire auprès de vous, je vous exposai tous les inconvénients que devaient entraîner ces comités illégaux , établis dans plusieurs corps par les sous-officier» et soldats. Chaque jour voit multi-(1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire de ce document. plier ces étranges sénats, et chaque jour ils osent davantage. Matières politiques, affaires de finance, règlements de police, tout est de leur ressort, tout devient l’objet de leurs turbulentes délibérations. C’est dans ces funestes comités que fermentent sans cesse les plus violentes passions; là triomphent toujours les plus séditieux et les plus emportés; là s’est préparée, là s’est résolue la détention du lieutenant-colonel de Poitou, deux fois mis en prison par ses propres soldats. Ce sont ces mêmes et dangereuses communications qui ont enhardi une partie de Royal-cham-pagneà refuser de reconnaître, pour sous-lieutenant, un des sous-officiers que le roi venait d’élever à ce grade où l’appelaient ses services et son ancienneté. C’est encore de ces foyers de révolte et d’audace que partent ces pétitions scandaleuses qui viennent, detoutes parts, assaillir l’autorité. Il n’est plus de pouvoir qui ne soit méconnu; une partie de l’armée négocie tous les jours par ses envoyés avec le ministère, et mon cabinet est fréquemment rempli de soldats dépuiôs, qui viennent m’intimer fièrement les intentions de leurs commettants ; ce sont leurs expressions. Tant que le mal est resté concentré dans chaque régiment, tant que nul concert entre différents corps n’a menacé l’Etat de ligues dangereuses, Sa Majesté, qui déjà vous avau confié ses inquiétudes sur l’indiscipline dont elle voyait dès lors éclater d’alarmants symptômes, n’a pas cru vous devoir affliger chaque jour par les récits de nouveaux désastres. Elle espérait toujours le retour de l’ordre, du temps, du zèle des officiers, de la vigilance de l’administration, et surtout de l’efficacité de votre intervention; mais le mal empire et se propage à chaque instant; ce n’est plus un corps particulier qui délibère et prononce sur ses iutérêts ; ce sont sept régiments où chacun fournit trois députés. Je n’accompagnerai d’aucune réflexion le récit de ce fait ; mais les plaies profondes que firent à l’Empire romain de semblables excès; mais les maux occasionnés chez un peuple voisin, dans le siècle dernier, par de pareilles associations de soldats enthousiastes et factieux, sont autant d’effrayants avis que vous donne l’histoire. Représentants des Français, hâtez-vous d’opposer la massede leurs volontés à ce torrent d’insurrections militaires; n’attendez pas que de nouveaux orages viennent le grossir : peut-être alors lés plus fortes digues seraient insuffisantes pour arrêter sa furie. Je ne me lasserai point de le répéter; la nature des choses exige impérieusement que le corps militaire jamais n’agissd que comme instrument uniquement fait pour exécuter la volonté générale, tant au dedans qu’au dehors de l’Etat, il doit lui-même être sans volonté. Il faut qu’indifférent comme les corps physiques, soit au repos, soit au mouvement, il attende toujours que la loi vienne le mouvoir dans le temps, dans le sens et avec le degré de force qu’elle jugera convenable ; sans cette froide et tranquille obéissance, vous n’aurez point d’armée, ou*plutôt vous en aurez une inutile au dehors et funeste au dedans. Des réclamations pécuniaires font l’objet le plus générai et le plus important de ces irrégulières assemblées. Le roi, sans doute, est loin de se refuser aux répétitions légitimes que pourront faire ses soldats, toutes les fois qu’ils les lui feront parvenir par les voies légales de ieurs commandants et de l’administration supérieure. Mais Sa Majesté n’a vu qu’avec indignation plusieurs d’entre eux, au sortir de leurs tumultueux