[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1790.J qu’on attend dans une partie; le vœu, l’intérêt, la gloire de la nation est d’encourager les lettres. Mais ce ne sont pas tous les travaux littéraires qui doivent être encouragés par des sacrifices pécuniaires. Il en est qui sont payés par la célébrité, par les applaudissements. Il en est d’autres d’un mérite moins éclatant, plus obscurément utiles ; c’est à ces derniers qu’il faut attacher des récompenses et des gratifications. Mais si ces travaux sont abandonnés au zèle des auteurs ; s’il n’y a pas dans l’administration une surveillance continuelle qui les presse, les excite et les soutienne, qui réponde à la nation de l’utilité de ses dépenses, il arrivera encore ce qui arrivait dans l’ancien état de choses, on payera toujours et le travail ne finira jamais. Ün article de 17,400 livres embrasse : 1° la collection des ordonnances dites du Louvre ; 2° la table chronologique des chartes imprimées; 3° les titres rapportés de la Tour de Londres et relatifs au domaine de la couronne. Tous ces travaux sont d’un intérêt connu, et méritent d’être soutenus ; ils honorent la vieillesse d’un homme de lettres distingué, qui les partage avec des coopérateurs dignes de lui. Troisarticles appartiennent au dépôt de législation. M. Moreau y est compris pour 17,0001ivres, M. Valcourt pour 11,200 livres, M. Philippeaux pour 6,000 livres. A ce dépôt est attaché le titre d’historiographe de France, dont était pourvu M. Moreau, et il adestinésa bibliothèque personnelle à y entrer après sa mort. Là sont des collections d’édits, de déclarations, d’arrêts, des registres de quelques tribunaux, des monuments de l’administration de Colbert, une partie de la bibliothèque de M. de Sainte-Palaie, de copies de chartes, bulles, etc., relatives à notre histoire, tirées de la bibliothèque du Vatican et des char-triers des monastères. Ce dépôt devait être la bibliothèque de la chancellerie de France ; les ministres devaient y trouver la tradition des faits et des principes qui constituaient notre droit public. Les fonds sont employés au loyer d’une maison, aux appointements de plusieurs commis, en gratifications à plusieurs savants qui ont enrichi cette collection par leurs recherches. Il parait qu’il ne reste net à M. Moreau que 12,000 livres. Qn lui avait désigné pour successeur M. de Pas-torèt, maître des requêtes , connu par des talents qui honorent la magistrature et les lettres. Une somme de 14,000 livres est assignée au travail de plusieurs membres de l’académie des belles-lettres, sur les manuscrits de la bibliothèque du roi. Plusieurs volumes, ou publiés, ou près de paraître, attestent le zèle de ces savants et le mérite de leurs découvertes. Collection générale des chartes, 4,500 livres. Cette collection est liée au dépôt de législation, et a pour objet d’en faire connaître les richesses. Inventaire du trésor des Chartres ; sept commissaires, à 2,000 livres, chacun, 14,U00 livres. Il existe un inventaire du trésor des chartes, de MM. Godefroy etDupuy.Le travail qui occupe les sept commissaires est* moins intéressant, et devrait avoir un terme. Il vient de mourir un de ces commissaires. Il y en a deux qui ont provoqué leur suppression. Les quatre autres méritent de conserver leur traitement. Histoire de la maison de Bourbon, 3,600 livres. Encouragement accordé à un écrivain estimable et à l’intérêt qu’inspire la matière qu’il traite. M. Dacier : édition de différents ouvrages, 4,000 livres. Ce sont nos anciens historiens, les 69 Froissard, les Monstrelet, que M. Dacier a été chargé de donner au public. Transcription de registres 3,000 livres. M. Marmontel, historiographe de France, 3, 000 livres. M. Marmontel est digne d’écrire nos histoires; il mérite une pension ; mais il ne faut pas payer un historiographe, si nous voulons avoir des historiens. M. Moreau, ouvrage sur le droit public et ouvrages historiques et politiques, 7,000 livres. La dernière de ces grâces n’est que passagère et doit bientôt finir. Jurisprudence uniforme des tribunaux, 4, 000 livres. Ce travail avait été confié à deux membres de l’Assemblée nationale qui se sont rendus justice et l’ont abandonné comme devenu inutile sous une nouvelle Constitution. L’un de ces membres était notre collègue M. Camus. (On applaudit vivement à cette déclaration.) M. Camus. Il n’est pas juste de citer un seul nom. L’autre membre est le rapporteur M. Lebrun. (Les applaudissements recommencent.) M. Lebrnn continue son rapport : M. Buache, géographe, 1,000 livres. Un géographe ordinaire, généralité de Moulins, 450 livres. Le traitement de M. Buache est justifié par ses travaux : le géographe de Moulins n’est pas connu. Sous le titre de dépenses diverses, transcription des registres du parlement, 6,000 livres. Cotte dépense, commencée en 1786, devait durer douze ans. Il existe déjà dans le dépôt de législation une collection des registres du parlement, et il ne faut que la finir, si elle ne l’est pas, et la compléter si elle est défectueuse. M. Lebrun termine en donnant lecture d’un projet de décret. M. Lanjuinais. Je viens m’élever contre les gratifications et traitements accordés aux acca-démies. Les académies ne doivent point être chargées de surveiller les travaux littéraires. Ce sont des corps et tout esprit de corps est à craindre, c’est à la nation à s’en charger. Voyez l’Angleterre, ses académies n’ont ni jetons, ni honoraires; malgré cela elles sont aussi florissantes et ses académiciens sont aussi savants, même plus utiles, j’ose le dire, que les nôtres. M. Martineau. On ne doit pas être payé pour devenir savant. Les véritables écrivains, les grands hommes naissent et parviennent malgré toutes les difficultés. M. Camus. Il y a des travaux dont l’encou-ragement est nécessaire parce que souvent la fortune des particuliers ne pourrait suffire. Il me suffira de citer l 'Art de vérifier les datest ouvrage si utile et qui a coûté à son auteur une partie de sa vie. M. Lanjuinais. J’observe que le nom de M. Moreau revient souvent pour des pensions ou traitements et qu’il réunit sur sa tête la somme énorme de 20 à 30,000 livres. M. de Saint-Martin. Quel est donc ce M. Moreau ? Serait-ce par hasard celui qui a employé son temps et ses veilles pour prouver que, nés pour être esclaves, nous ne pouvons vivre que sous l’autorité d’un maître? Je demande que ce 7ô (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 août 1790. qui le concerne soit renvoyé au comité des pensions. Ce renvoi est ordonné.) Æs articles suivants sont ensuite décrétés: Art. 1er. Les administrateurs de départements, les ordonnateurs et les autres agents du pouvoir exécutif adresseront au roi l’état des travaux littéraires qu’ils croiront utiles : le roi fera présenter au Corps législatif l’état de ces travaux à faire, et de ceux qui seront actuellement entretenus ; l’Assemblée décrétera cet état, après l’avoir examiné et approuvé dans les parties qu’elle jugera convenables, et elle déterminera les sommes qui seront nécessaires pour fournir à la dépense : le décret étant sanctionné, les sommes ordonnées par l’Assemblée seront payées aux personnes, et pour les objets portés sur l’état annexé au décret, à la charge par ceux à qui seront confiés lesdits travaux littéraires, d’en rendre compte chaque année au Corps législatif, Art. 2. A l’égard des travaux littéraires actuellement entretenus, l’Assemblée ordonne que les personnes chargées de ces différents travaux, informeront, dans le délai de quinzaine, le comité des finances de l’état de leurs travaux, de leur objet d’utilité, de l’époque à laquelle ils ont commencé, du point d’avancement où ils sont, et des différentes sommes qui ont été payées à ce sujet, pour lui en être rendu compte par le comité des finances, et être par elle décrété ce qu’il appartiendra. Art. 3. Le dépôt de législation sera réuni à la bibliothèque du roi. Art. 4* Les 55,500 livres d’effets royaux appartenant à ce dépôt seront annulées. M. Lebrun, rapporteur. Le comité des finances, s’est occupé des dépenses de Ilmprimerie royale et il me charge de vous proposer de faire inventorier, par le directeur de cet établissement, les matrices, caractères et autres effets qui appartiennent à la nation. M. Camus. L’imprimerie royale renferme le dépôt le plus important qui existe en caractères grecs et orientaux. Il est Indispensable de confier la recherche, l’examen et l’inventaire de ces effets précieux à des hommes versés dans la connaissance des langues grecque et orientales : dans ce but, je désigne à votre attention deux membres de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, M. de Guignes, orientaliste, et M. d’Ansse de Yil-loison, helléniste. (La proposition de M. Gamus est adoptée.) Le décret est rendu ainsi qu’il suit : Art. 1*\ Il sera dressé un inventaire des caractères, poinçons, matrices, gravures et autres objets appartenant à la nation, dans les fonds de l’imprimerie royale, par les sieurs de Guignes et d’Ansse, de l’Académie des belles-lettres, et le sieur Anisson, directeur de ladite imprimerie. Art. 2. Cet inventaire, signé d'eux, sera déposé aux archives nationales. Art. 3. Les reliures et les gravures, autres que celles qui sont nécessaires pour la typographie� ne seront pa3 portées au compte dé la dépense publique, Lé comité des finances propose un projet de décret pour la liquidation de l'ancienne compagnie des Indes. M-l�ebrun, rapporteur. En 1770, l’ancienne compagnie des Indes abandonna au roi ses immeubles, ses effets et ses créances, à la charge d’acquitter ses engagements, et d’assigner 200,000 livres de rentes viagères à la disposition des actionnaires. L’actif de la compagnie fut évalué 264,551,665 livres, son passif 248,434,837 livres. Son actif était composé d’immeubles en Asie, et de créances en Asie et en Europe. Il fallut liquider les créances et les dettes; on établit des bureaux à Paris, à Lorient, à l’Ille-de-France, à Pondichéry. Les commis attachés à ces bureaux eurent des traitements, moitié pensions viagères, moitié appointements, qui devaient finir avec leur travail. Le bureau de Péris est le centre de la liquidation. Trois administrateurs le dirigent, et ont entre eux 30,000 livres de pension, et 30,000 livres d’appointement’ 27 commis, ensemble 55,700 livres de pension, et 69,800 livres d’appoîntement. Frais de bureau, 45,000 livres. Bureau de Lorient. Sept personnes, 11, 700 livres de pension, et 12,600 livres d’appointement. Frais de bureau, 5,746 livres. Bureau de Pondichéry. Huit personnes, 19,600 livres de pension, et 36,910 livres d’appointement. Frais de bureau, 3,690 livres. Bureau de V Ile-de-France. Trois personnes, 3,600 livres de pension, et 7,800 livres d’appointement. Frais de bureau, 1,200 livres. L’Ile-de-France et Pondichéry ontcouverten 1789 leur dépense par leur recette.” Loyer de l’hôtel de la nouvelle compagnie, 18,000 livres. Gratifications sans brevet, 2,000 livres. Appointement au sieur N., étranger à l’administration, 2,400 livres. Dépenses imprévues, 16,000 livres. Débets, décomptes de gens de mer, évalués, année commune, 60,000 livres. Le comité a pensé que la liquidation étant presque entièrement opérée, il n’est plus nécessaire de conserver une administration aussi étendue ; qu’on peut contracter dans l’Inde et à l’Ile-de-France avec des agents qui se chargeront de recouvrer les créances et d’acquitter les dettes, à mesure de la rentrée, au moyen de remises qui leur seront allouées ; qu’en France, un bureau établi à Paris, et faisant partie de ceux du Trésor royal, suivra facilement ces opérations. Le loyer de l’hôtel de la nouvelle compagnie doit être payé par elle. On a présenté au comité des finances des états de créances considérables à l’Ile-de-France et dans l'Inde. ; elles sont connues de l’administration : sans doute, il sera difficile d’obtenir un payement total: mais une administration si dispendieuse absorbe jes rentrées. Voici le projet de décret que le comité m’a chargé de vous proposer : Art. 1er. L’administration de l’ancienne compagnie des Indes sera supprimée, et ses bureaux de Paris réunis à ceux de l’intendance du Trésor public. Art. 2. Les intérêts des actions, les pensions viagères payés ci-devant à la caisse de la compagnie des Indes, seront provisoirement payés par les payeurs de rentes. Art. 3. Les débets et les décomptes des gens de mer seront payés par le Trésor public. Art. 4. Les archives de ladite compagnie seront transférées dans un lieu sûr, sous la garde d’un employé, autorisé à délivrer des expéditions des titres qui y sont conservés. Art. 5. La dépense du loyer de l’hôtel de la nouvelle compagnie des Indes, les gratifications sans brevet, les appointements accordés à des personnes étrangères à la compagnie sur les fonds de la liquidation seront supprimés. Art. 6. Le ministre des finances présentera incessamment un projet peur accélérer la liqui-