217 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [10 juillet 1789.] Art. 5. Les droits du Roi et de la nation n’existant que pour le bonheur des individus qui la composent, ils conduisent à l’examen des droits des citoyens. Art. 6. La nation Française ne pouvant être individuellement réunie pour exercer tous ses droits, elle doit être représentée : il faut donc énoncer le mode de sa représentation et les droits de ses représentants. Art. 7. Du concours des pouvoirs de la nation et du Roi, doivent résulter l’établissement et l’exécution des lois : ainsi il faut d’abord déterminer comment les lois seront établies. Ensuite on examinera comment les lois seront exécutées. Art. 8. Les lois ont pour objet l’administration générale du royaume, les actions des citoyens et les propriétés. L’exécutiou des lois qui concernent l’administration générale, exige des Assemblées provinciales et des Assemblées municipales. Il faut donc examiner quelle doit être l’organisation des Assemblées provinciales, quelle doit être l'organisation des Assemblées municipales. Art. 9. L’exécution des lois qui concernent les propriétés et les actions des citoyens, nécessite le pouvoir judiciaire ; il faut déterminer comment il doit être confié; il faut déterminer ensuite ses obligations et ses limites. Art. 10. Pour l’exécution des lois, et la défense du royaume ; il faut une force publique. Il s’agit donc de déterminer les principes qui doivent la diriger. Récapitulation. Déclaration des droits de l’homme. Principes de la monarchie. Droits de la nation. Droits du Roi. Droits des citoyens sous le gouvernement Français. Organisation et fonctions de l’Assemblée nationale. Formes nécessaires pour l’établissement des lois. Organisation et fonctions des Assemblées provinciales et municipales. Principes, obligations et limites du pouvoir judiciaire. Fonctions et devoirs du pouvoir militaire. L’Assemblée ordonne l’impression du rapport. Elle décide, en outre, que les bureaux s’assembleront dans la soirée pour conférer sur cet objet. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE FRANC DE POMPIGNAN, ARCHEVÊQUE DE VIENNE. Séance du vendredi 10 juillet 1789. On lit le procès-verbal de la veille. M. de Clermont-Tonnerre l’avait rédigé avec tant de précision et une simplicité si éloquente, qu’il s’est attiré les plus grands applaudissements. M. le President. J’observe que les signes d’approbation et d’improbation sont défendus; ils ne servent qu’à augmenter le tumulte de l’Assemblée. Tout doit être grave dans un tel sénat : on ne doit donc y entendre ni applaudissements ni murmures. JJun de MM. les secrétaires propose de faire lecture de quatre adresses envoyées par les communes du bailliage de Mortain, le bureau intermédiaire du district de Colmar, les représentants du bailliage de Sarrelouis, et les communes du bailliage de Dijon. M. Target. Je demande lecture de toutes ces adresses. On a accordé cette faveur aux premières qui ont été envoyées; elles peuvent contenir des faits intéressants; ce sontles témoignages d’amour et de reconnaissance de nos concitoyens ; tout cela me porte à croire que nous en devons faire lecture. M Tréteau. Je propose un expédient qui remédiera à tous les inconvénients de la perte du temps employé à ces lectures, c’est de charger huit membres d’examiner les adresses envoyées à l’Assemblée, et d’en faire ensuite un rapport succinct. M. le Président. J’observe que ces lectures et ces rapports déroberaient nécessairement des moments précieux à l’Assemblée, et je propose d’y sacrifier la première demi-heure après la lecture du procès-verbal, et de commencer à cet effet la séance de. meilleure heure. Cette proposition est acceptée. M. Kouche. Je demande la parole pour une motion d’ordre. Le grand homme qui a prétendu qu’il était impossible de rajeunir un impôt, a avancé une maxime qui ne convient plus à la France. 11 ne connaissait pas toutes ses ressources réelles , toutes celles qui peuvent lui venir du patriotisme de ses habitants, des vertus et de la piété du clergé, de l’héroïsme delà noblesse et du dévouement des communes. Nous avançons à grands pas vers la constitution. Hier, on nous a présenté la division d’un grand travail, c’est le prélude de nos opérations. Bientôt nous arriverons à ce moment désiré où nos droits reconnus seront établis sur des bases immuables. Mais notre activilé doit porter son impatience au delà de ce moment môme. Nous devons préparer de loin les objets que nous devons traiter successivement; et pour atteindre à un but si important, je pense qu’il serait essentiel d’établir deux comités. Le premier comité prendra connaissance de tous les impôts, de toutes les pensions: il se fera remettre en conséquence tous les états, bordereaux et résultats nécessaires pour se livrer à une étude aussi compliquée, aussi rebutante, mais qui est si importante pour la nation. Le second prendra connaissance de l’état actuel de la caisse nationale. J’attache un grand intérêt à l’établissement de ces comités ; ils préviendront, par leur surveillance anticipée , les désordres ruineux qui subsisteront dans cette partie jusqu’à la réformation. Mais ce n’est pas assez d’établir ces comités; il faut encore les formeiv Sans doute, de quelque côté que je porte mes regards, je ne vois autour de moi que des vertus et du courage : mais comme le mieux peut se trouver à côté du bien, il me semblerait encore qu’on ne devrait choisir les 218 [Assemblée nationale.] membres de ces comités que parmi les personnes les plus courageuses, les plus indépendantes, et surtout parmi les bons calculateurs. Je propose donc qu'on délibère sur-le-champ sur ma proposition. Un membre de la noblesse. Je demande que la délibération soit renvoyée à demain. 11 est de la prudence d’une Assemblée aussi nombreuse de mûrir une proposition de cette importance, et de la faire discuter dans les bureaux, avant d’en délibérer dans l’Assemblée. M. Fréteau. J’appuie la proposition de M. Bouche, non pas pour qu’on délibère sur-le-champ, mais pour qu’on la discute au moins dans les bureaux. Dans un moment de réclamation générale, l’on ne saurait croire combien le lise se livre à des vexations. Toutes les quotes d’impôts sont presque partout doublées. Plusieurs membres de l’Assemblée peuvent, comme moi, attester ces faits. Le renvoi est ordonné; il est décidé que copie de la motion de M. Bouche sera envoyée dans chaque bureau. Un membre du comité de vérification demande l’attention de l’Assemblée sur divers rapports qu’il va faire. Le premier regarde la députation de la noblesse de Metz. Voici le fait qui a donné lieu à contestation. Toute la noblesse des trois évêchés devait se réunir pour nommer une seule députation. Les gentilshommes se sont rassemblés, et ont nommé deux députés, aux termes du règlement. Ces députés sont MM. le comte de Custine et de Neu-bourg. La noblesse du bailliage n’a point comparu. Il a été donné défaut contre elle. Cependant elle s’était assemblée en particulier; et elle a nommé pour son représentant M. le baron de Poncin. Le comité conclut à ce que la députation de Metz soit déclarée nulle. Get avis, après quelques discussions, est adopté à la majorité de 442 voix contre 1 3 1 voix qui voulaient que les deux députations fussent admises. Le second rapport regarde le jugement des deux députations de la noblesse de Bordeaux. La première seule est déclarée valable. M. Goupil de Préfeln fait ensuite le rapport de M. Malouet, député des communes. Messieurs, l’on peut diviser en trois questions l’examen de la nomination de M. Malouet. 1° Une élection faite par acclamation est-elle régulière? 2° Y a-t-il quelques faits particuliers qui font cesser l’application des principes qui pourraient nous faire admettre la voie de l’élection par acclamation? 3° Enfin, la circonstance qu’il ne se présente pas de contradicteurs, doit-' elle vous engager à cacher le vice de cette élection? S’il fallait décider qu’il ne peut y avoir que la voie du scrutin commandée parle règlement, pour l’élection d’un député, cette contestation ne présenterait point de difficulté, puisque M. Malouet n’a point été nommé au scrutin. Mais ce règlement n’est rien moins qu’une loi ; il n’est que provisoire, et enfin il n’engage, il ne forme d’obligation que pour tout ce qui est de raison, de justice et d’équité. Nous devons donc sortir de cette marche commune qui nous astreindrait à une condition qui n’est que passive. Laissons de côté le règlement, et remontons à des principes plus élevés. [10 juillet 1789.] Parmi une association d’hommes libres, la loi est la volonté générale. Pour s’occuper de cette volonté, il faut que celte nation se rassemble ou nomme des représentants pour la receuillir. Mais par quel moyen peut se manifester cette volonté? Sera-ce la voie seule du scrutin ? Non, sans doute ; point de loi qui nous réduise à cette unité de moyens, cette disette d’expressions pour former une élection. L’acclamation est susceptible d’erreur, et même d’abus; sans doute elle n’en est pas dégagée, non plus que le scrutin. Peut-être même ce dernier moyen est-il plus efficace, plus ostensible du vœu général; cependant la raison, les lois ne nous interdisent pas l’acclamation : ce premier mouvement de Pâme est en quelque sorte un honneur. Je sais qu’il y a des exemples de personnes nommées par acclamation qui ne l’ont pas été au scrutin : qu’en résulte-t-il ? que les électeurs ont varié? Non sans doute; cette acclamation n’était pas générale. Maintenant examinons les faits qui ont influé ou qui caractérisent la nomination de M. Malouet. M. le sénéchal a prononcé un discours d’apparat pour l’ouverture; M. Malouet en a prononcé aussi un fort étendu et un fort éloquent. Le procureur du roi fit ensuite la proposition de nommer M. Malouet par acclamation ; que la province ne pouvait faire un choix plus avantageux, plus utile ; que M. Malouet était un citoyen bien digne de sa confiance, et dont les talents la justifieraient bien. M. Malouet refusa sa nomination aussi précipitée. Dans ce moment où l’on parle, dit-il, de regagner sa liberté et de n’obéir qu’aux lois, j’aurais à me reprocher d’avoir été la cause de leur infraction. L’on s’occupa donc des cahiers ; l’on nomma des commissaires. M. Malouet fut nommé rédacteur et on lut les cahiers. Lorsque l’on était sur le point d’aller au scrutin, un syndic de communauté s’écria au milieu de l’Assemblée : Nous n’avons pas de plus digne citoyen, d’homme plus recommandable, plus éclairé à nommer que M. Malouet ; n’allons pas au scrutin, mais nommons-le par acclamation. Celui qui faisait fonction du ministère public prit alors la parole et dit: Mon caractère me force de réclamer la voie du scrutin ; mais, en me dépouillant de mon ministère, j’observe que M. Ma�- louet est bien digne de représenter la province aux Etats généraux, et pour abréger, on peut le nommer par acclamation. Le juge en chef s’est alors levé, a dit aussi qu’il était forcé par les devoirs de sa charge de déclarer à l’assemblée qu’il n’y avait aucun de ses membres qui n’eût le droit de réclamer la voie du scrutin ; mais que, si l’assemblée, par égard aux talents supérieurs et aux connaissances de M. Malouet, le nommait par acclamation, il constaterait la nomination de M. Malouet quand l’assemblée aurait réitéré son vœu. L’acclamation fut réitérée, et le lieutenant général proclama M. Malouet député. Cette séance est signée de 158 électeurs, et il y en avait 558 dans l’assemblée. Voilà les faits ; examinons maintenant la validité de l’élection. Par qui l’acclamation est-elle attestée? Par 158 personnes. Contre qui l’atteste-t-on? Contre 400 personnes. Il résulte que les 158 ont nommé M. Malouet ; mais il n’en résulte pas la preuve que les 400 aient suivi ce choix. Us ne savaient pas signer dira-t-on ; mais il ARCHIVES PARLEMENTAIRES.