120 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1790.] Il résulte de ce tableau que sans grever énormément ni l'agriculture, ni l’industrie, ni le commerce, et sans employer l’impôt désastreux et immoral des loteries (qui, s’il devenait indispensable, pourrait cependant, en interdisant les petits billets, afin qu’il ne porte pas sur la classe indigente, produire au moins 12 millions), on peut combiner un système d’impositions qui soit conforme à tous les principes que j’ai développés ci-dessus. 11 y a plus, quelques-uns des produits sont plutôt estimés trop faibles que trop forts, et aucuns ne sont forcés ; iis fournissent cependant une somme plus que suffisante aux besoins du Trésor public. Ainsi, l’Assemblée ne doit point être dans l’embarras sur la somme énorme des contributions qu’elle doit imposer. J’ai cru que je devais lui présenter mes vues particulières sur les impositions. Leurs résultats ne sont point décourageants; et ils doivent, Messieurs, vous donner à tous des espérances flatteuses sur la dernière, mais la plus importante partie de vos travaux. Du moins est-ce l’opinion particulière que j’en ai conçue, et que j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous présenter. (Ce discours reçoit des applaudissements.) M. le Président annonce que la séance du soir commencera à six heures précises. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX. Séance du mardi 21 septembre 1790, au soir(l). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Anthoine, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, 20 septembre au soir. Le procès-verbal est adopté. M. Guinebaud donne lecture d’une lettre imprimée, intitulée : Lettre et déclaration des députés de Saint-Domingue , à l'Assemblée nationale, adressée à leurs commettants, datée de Paris, le 6 août dernier, signée de MM. de Gouy, de Chabanon, de Reynaud, de Villeblanche , etc. Après cette lecture, il demande que cette lettre soit renvoyée au comité des colonies. (Cette motion est mise aux voix et adoptée.) M. le Président fait donner lecture d’une iettre du ministre de la marine, en date de ce jour, par laquelle il instruit l’Assemblée que M. de la Galissonnière, chef de division, qui commandait ci-devant le vaisseau le Léopard, et cinq habitants députés par les paroisses du Port-au-Prince et de la Croix des Bouquets, sont arrivés à Nantes, qu’ils comptent être dans peu de jours à Paris, et qu’ils donneront probablement des détails importants. M. Regnaud, député de Saint-Jean-d' Angély, fait une motion pour qu’il soit ordonné à M. de la Galissonnière de venir donner en personne des éclaircissements à l’Assemblée. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. Gaultier de Riauzat observe que c’est au pouvoir exécutif à instruire l’Assemblée et que la motion de M. Regnaud ne peut être adoptée. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. d’Aubergeon, ci-devant de Murinais, fait lecture d’une lettre de Lyon, dans laquelle on lui mande qu’un club y a été formé par des émissaires envoyés de Paris; que ce club s’est empressé de réclamer l’émission des assignats; que non seulement il a arraché des signatures, mais encore qu’il en a 'apposé de fausses à une adresse qui contient un vœu pour cette émission. (On demande à passer à l’ordre du jour.) M. l’abbé llaury. Ce ne sont là que des jeux d’enfants ; je suis porteur de 150 oppositions qui dévoilent toutes les manœuvres dont on s’est servi. Je les ferai connaître à l’Assemblée. (On passe à l’ordre du jour.) Il est encore donné lecture d’une pétition des sieurs Larochette, Vincent et veuve et fils aîné Admyraud, par laquelle ils réclament le payement de fournitures par eux faites pour la marine. Cette adresse, ainsi que les pièces envoyées à son appui, sont renvoyées au comité de la marine. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes .- Adresses d’adhésion et dévouement du bourg de Sainte-Colombe-lès-Vienne, district de la campagne de Lyon, et de la ville de Fécamp, district de Montivilliers : elles annoncent qu’elles ont fait célébrer un service solennel pour le repos de Pâme de leurs braves frères d’armes, qui ont péri dans la malheureuse affaire de Nancy. Les gardes nationales de Fécamp supplient l’Assemblée de prendre en considération le sort de cette ville, qui perd dans ce moment tous ses avantages, et a le malheur de ne participer en rien aux nouveaux établissements; Des officiers municipaux de la communauté de Chavagnac, district de Montignac, département de la Dordogne; ils remercient l’Assemblée d’avoir placé dans la ville de Tarascon le tribunal de district, et se soumettent à acquérir tous les biens nationaux situés dans leur territoire; Des administrateurs du district de la Guerche, département d’Ille-et-Vilaine, et du district de Chartres, qui, dès l’instant de leur rénnion, présentent à l’Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Ceux du district de Chartres adhèrent notamment aux décrets de l’Assemblée concernant l’organisation de l’ordre judiciaire. Adresse de la -société des amis de la Constitution de Toulouse, formée de toutes les classes de citoyens réunis qui s’engagent d’entretenir la paix, la concorde et l’exécution des décrets de l’Assemblée de toutes leurs forces. Adresse des maîtres perruquiers de Millau au département de P Aveyron: ils supplient l’Assemblée de les maintenir dans leurs places. Adresse de la commune de Bédarieux : elle demande qu’il soit donné les ordres les plus prompts et les plus précis aux collecteurs et receveurs des caisses publiques pour échanger dans le lieu même l’argent comptant du produit de leur recette en assignats, ou autres papiers de commerce bon et solide; Des officiers municipaux de la ville de Saint-Etienne-en-Forez, qui représentent à l'Assemblée nationale que l’émission de nouveaux assignats [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [21 septembre 1790-1 forcés, et leur division en petites sommes, causeront l’anéantissement de leur commerce et le bouleversement des fortunes. Lettre du colonel du régiment de Saintonge, en garnison à Strasbourg, qui annonce que les officiers, sous-ofFiciers et soldats de ce régiment, supplient l’Assemblée d’accepter pour les veuves et orphelins des malheureuses victimes qui ont péri dans l’affaire de Nancy, en soutenant, les armes à la main, les décrets de l’Assemblée, un jour de paye entière de chaque individu qui compose ce régiment, comme un gage de la fraternité qui les lie envers leurs frères d’armes, et de gratitude envers les représentants de la nation. M. Schwendt fait la motion que l’Assemblée charge son Président d’écrire au régiment de Saintonge pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée. (Cette motion est mise aux voix et décrétée dans les mêmes termes qu’elle a été rédigée.) Il est lu une lettre du 18 de ce mois des officiers municipaux de la ville de Naiîcy : ils adressent à l’Assemblée six exemplaires du précis des principaux événements arrivés à Nancy depuis le 10 juillet dernier. Ils soumettent à son jugement ce tableau fidèle de leur conduite. Il est encore donné lecture d’une lettre datée d’Hesdin le 15 de ce mois, écrite parles commissaires envoyés dans cette ville, pour prendre connaissance des faits qui ont suivi le décret du 7 août concernant le régiment de royal Champagne. Ils annoncent qu'ils s’occupent de remplir la mission qui leur a été confiée; qu’il ne paraît en ce moment aucun germe d’insurrection, et qu’ils espèrent qu’ils auront la satisfaction d’apprendre à l’Assemblée le rétablissement entier du calme et de l’ordre. (Cette lettre est renvoyée au comité militaire.) On donne enfin lecture d’une adresse de l'Académie royale de peinture et de sculpture , par laquelle elle prie l’Assemblée de s’expliquer sur le point de savoir si, dans les décrets qu’elle a rendus le 20 août dernier en faveur des sociétés savantes, elle a entendu comprendre l’académie de peinture et de sculpture, et si elle est autorisée à présenter un projet de règlement. __ M. Camus observe que cette académie est évidemment comprise dans les décrets rendus par l’Assemblée et que, dès lors, il n’v a pas lieu de rendre un décret spécial. annexé , à la séance de ce jour , le projet de statuts et règlements présenté par cette académie .) M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur le projet de décret présenté par le comité ecclé-siatique sur le traitement des ordres religieux et des chanoinesses séculières. Le titre Ier ayant été décrété dans les précédentes séances, la délibération va s’établir sur le titre II. M. Treilhard, rapporteur. Vous avez à décider aujourd’hui le traitement des religieuses. Les évêques étaient chargés de donner l’état des communautés de filles. Tous ces états ne nous sont pas encore parvenus; ceux que nous avons reçus indiquent un nombre de 29 ou 30,000 individus. Nous pensons que le nombre total peut monter à 60,000. Le comité a vu avec peine 121 que les revenus de ces monastères étaient extrêmement faibles; et c’est à regret qu’il a fixé à 600 livres le traitement de chaque religieuse de chœur, et à 300 livres celui des sœurs données ou converses. Ces traitements doivent être pris sur les revenus existants; mais tandis que des couvents ont des revenus énormes, il en est qui n’ont pas le nécessaire. L’état de ces maisons doit intéresser l’humanité de l’Assemblée.... Le comité m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « Art. 1er. Les revenus des maisons religieuses, qui sont inférieurs à la somme de 600 livres à raison de chaque religieuse de chœur, et de 300 livres à raison de chaque sœur converse ou donnée, ou qui n’excèdent pas lesdites sommes, n’éprouveront aucune réduction, et il sera tenu compte auxdites maisons delà totalité des revenus dont elles jouissent actuellement. « Art. 2. Dans les maisons dont les revenus excèdent la somme de 600 livres à raison de chaque religieuse de chœur, et celle de 300 livres à raison de chaque sœur converse, il ne sera tenu compte desdits revenus que jusqu’à concurrence desdites sommes. « Art. 3. Demeurent provisoirement exceptées des dispositions de l’article précédent les maisons destinées par leur institut à l’éducation publique et au soulagement des malades, et il leur sera tenu compte de la totalité de leur revenu, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné. « Art. 4. Dans les maisons dont le revenu est inférieur à 600 livres pour chaque religieuse de chœur, et à 300 livres pour chaque sœur converse, les traitements des religieuses qui décéderont. les premières accroîtront les traitements des suivantes, jusqu’à concurrence desdites sommes. « Art. 5. 11 pourra être accordé, sur l’avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité ou par ta privation d’autres ressources dont elles avaient joui jusqu’à présent, n’auront plus un revenu suffisant pour leur existence. « Art. 6. Dans le cas où les religieuses des maisons mentionnées en l’article précédent renonceraient au bénéfice de la disposition du décret qui leur permet de rester dans lesdites maisons, les emplacements en seront aliénés et leurs produits pourront être employés à l’augmentation du traitement desdites religieuses. » M. Regnaud, député de Saint-Jean-d’ Angèly. Je ne crois pas avoir besoin de rappeler à l’Assemblée tous les ménagements que l’humanité prescrit envers des êtres faibles qui ont fait de grands sacrifices à la piété et qui, en se soumettant à de longues austérités, ont avancé l’âge des infirmités. L’extrême médiocrité de leurs revenus ne peut motiver la rigueur du comité ecclésiastique à leur égard. Quand vous avez fixé le sort des religieux mendiants, cette considération ne vous a point arrêtés : vous empêcherait-elle d’être justes envers des femmes qui n’ont pas les mêmes ressources, et que presque toujours un zèle plus pur avait conduites dans les cloîtres ? Je demande donc : 1° que le maximum soit porté à 1,000 livres, dans ce sens que rien ne sera ôté aux maisons dont le revenu n’excédait pas cette somme pour chaque religieuse ; 2° qu’en cas de décès les traitements soient réversibles aux survivantes; 3° que les religieuses, soit mendiantes, soit dotées, dont le revenu ne s’élève pas à 400 livres, reçoivent un traitement de cette somme.