SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - Nos 56 A 59 609 ne fera qu’accroître votre triomphe et notre amour pour vous. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . [ Bellevue-les-Bains , 18 prair. II] (2). « Représentais, Tandis que nous devrions n’avoir qu’à chanter vos vertus, votre courage, votre énergie et vos victoires, quel sombre évènement est venu frapper nos oreilles ! Quels monstres, ennemis de nos droits, jaloux de notre liberté et de notre unité, ont pu enfanter le noir projet de désorganiser notre aréopage par la destruction individuelle des membres qui la composent ! Marat, Pelletier, Chalier, et toutes ces victimes sur lesquelles nous répandons des larmes, ne suffisent donc pas à la vengeance des ennemis coalisés contre nous. Vous êtes réduits, scélérats, à vous nourrir de trahisons et de crimes, nous redoublerons de vigilance, d’efforts et d’héroïsme. Il est une providence qui veille aux jours de nos immortels législateurs; Vos poignards s’émousseront contre eux, leurs vertus leur serviront d’égides, nos corps leur feront des remparts, et l’unité de nos sentiments et de nos forces rendront toujours leurs efforts impuissants. Poursuivez, généreux défenseurs de nos droits, poursuivez à vous montrer dignes de notre confiance, et le nombre de vos ennemis ne fera qu’accroître votre triomphe, notre amour pour vous, et notre reconnaissance de tous vos bienfaits. Vivent la République et la Montagne ». Parent ( agent nat.), Compin ( présid . du district), Lavaivre ( présid . du c. révol.), [et 14 signatures illisibles]. 56 Le bulletin sur l’état des blessures du brave Geffroy, serrurier, annonce que les plaies sont dans le meilleur état, et que les autres symptômes sont favorables (3) . [26 prair. II]. (4). L’état des playes faisant des progrès rapides en bien, la supuration et les autres simptômes étant tous favorables, nous ne donnerons de bulletin qu’après demain. Rufin, Legras (off. de santé de la sectn Lepele-tier) . Vifs applaudissements. (1) P.V., XXXIX, 283. Bln, 3 mess. (1er suppl‘) pf 7 mpcjç! (2) C 305, pl. 1150, p. 39. (3) P.V., XXXIX, 283. Bin, 26 prair.; J. Mont., n° 49; J. Lois, n° 624; Mess, soir, n° 665; Débats, n° 662, p. 403; Rép., n° 177; J. Fr., n° 628; J. Sablier, n° 1378; Audit, nat., n° 629; J. S.-Culottes, n° 485; Ann. patr., n° DXXX. (4) C 304, pl. 1131, p. 14. 57 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PRESSA VIN, au nom de] son comité des assignats et monnoies, décrète que : «Les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du vérificateur-général des assignats la somme de 6.400 liv., pour être distribuée aux dénonciateurs de fabrica-teurs et distributeurs de faux assignats, dont les noms sont compris dans la liste qui demeurera annexée au présent décret » (1) . 58 « Un membre [VADIER] a observé que l’adjonction du comité de sûreté générale à celui de salut public, dans l’article XVIII de la loi du 22 de ce mois sur l’organisation du tribunal révolutionnaire, ayant été décrétée, il est intervenu un second décret qui adopte l’ordre du jour sur les observations faites par plusieurs membres dans la même séance, qu’il résulte de ces deux décrets une obscurité qui laisseroit en doute si l’adjonction du comité de sûreté générale a été adoptée. » Sur quoi la Convention nationale a rétabli l’article XXVIII de la susdite loi, en ces termes : » L’accusateur public ne pourra, de sa propre autorité, renvoyer un prévenu adressé au tribunal, ou qu’il y auroit fait traduire lui-même. Dans le cas où il n’y auroit pas matière à une acusation devant le tribunal, il en fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, qui prononcera; mais aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement, avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée aux comités de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront » (2) . 59 Elie LACOSTE au nom des comités de salut public et de sûreté générale réunis : Représentants du peuple, le génie de la liberté, l’amour sacré de la patrie n’électrisent que les cœurs purs, et les vertus nécessaires pour consommer une révolution sublime ne peuvent résider que dans le peuple. Aussi la nation française devint - (1) P.V., XXXIX, 284. Minute de la main de Pressavin. Décret n° 9491. (Minute du p.v. 304, pl. 1127, p. 15); J. Mont., n° 49, Mon., XX, 735; Débats, n° 632, p. 404; J. Fr., n° 628; J. Lois n° 624; J. Sablier, n° 1378; Ann. R.F., n° 196; Mess. Soir, n° 632, p. 389; J. Fr., n° 628; Rép., n° 177; J. Sablier, n° 1378; Audit, nat., n° 629. (2) P.V., XXXIX, 284. Minute de la main de Vadier. Décret n° 9492. Mon., XX, 735; Débats, 665; M.U., XL, 409; J. Perlet, n° 630; Audit, nat., n° 629; C. Eg., n° 665; J. S.-Culottes, n° 485. Voir ci-dessus, séances des : 22 prair., n° 71; 23 prair., n° 67; 24 prair., nos 9 et 10. 93 SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - Nos 56 A 59 609 ne fera qu’accroître votre triomphe et notre amour pour vous. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . [ Bellevue-les-Bains , 18 prair. II] (2). « Représentais, Tandis que nous devrions n’avoir qu’à chanter vos vertus, votre courage, votre énergie et vos victoires, quel sombre évènement est venu frapper nos oreilles ! Quels monstres, ennemis de nos droits, jaloux de notre liberté et de notre unité, ont pu enfanter le noir projet de désorganiser notre aréopage par la destruction individuelle des membres qui la composent ! Marat, Pelletier, Chalier, et toutes ces victimes sur lesquelles nous répandons des larmes, ne suffisent donc pas à la vengeance des ennemis coalisés contre nous. Vous êtes réduits, scélérats, à vous nourrir de trahisons et de crimes, nous redoublerons de vigilance, d’efforts et d’héroïsme. Il est une providence qui veille aux jours de nos immortels législateurs; Vos poignards s’émousseront contre eux, leurs vertus leur serviront d’égides, nos corps leur feront des remparts, et l’unité de nos sentiments et de nos forces rendront toujours leurs efforts impuissants. Poursuivez, généreux défenseurs de nos droits, poursuivez à vous montrer dignes de notre confiance, et le nombre de vos ennemis ne fera qu’accroître votre triomphe, notre amour pour vous, et notre reconnaissance de tous vos bienfaits. Vivent la République et la Montagne ». Parent ( agent nat.), Compin ( présid . du district), Lavaivre ( présid . du c. révol.), [et 14 signatures illisibles]. 56 Le bulletin sur l’état des blessures du brave Geffroy, serrurier, annonce que les plaies sont dans le meilleur état, et que les autres symptômes sont favorables (3) . [26 prair. II]. (4). L’état des playes faisant des progrès rapides en bien, la supuration et les autres simptômes étant tous favorables, nous ne donnerons de bulletin qu’après demain. Rufin, Legras (off. de santé de la sectn Lepele-tier) . Vifs applaudissements. (1) P.V., XXXIX, 283. Bln, 3 mess. (1er suppl‘) pf 7 mpcjç! (2) C 305, pl. 1150, p. 39. (3) P.V., XXXIX, 283. Bin, 26 prair.; J. Mont., n° 49; J. Lois, n° 624; Mess, soir, n° 665; Débats, n° 662, p. 403; Rép., n° 177; J. Fr., n° 628; J. Sablier, n° 1378; Audit, nat., n° 629; J. S.-Culottes, n° 485; Ann. patr., n° DXXX. (4) C 304, pl. 1131, p. 14. 57 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PRESSA VIN, au nom de] son comité des assignats et monnoies, décrète que : «Les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du vérificateur-général des assignats la somme de 6.400 liv., pour être distribuée aux dénonciateurs de fabrica-teurs et distributeurs de faux assignats, dont les noms sont compris dans la liste qui demeurera annexée au présent décret » (1) . 58 « Un membre [VADIER] a observé que l’adjonction du comité de sûreté générale à celui de salut public, dans l’article XVIII de la loi du 22 de ce mois sur l’organisation du tribunal révolutionnaire, ayant été décrétée, il est intervenu un second décret qui adopte l’ordre du jour sur les observations faites par plusieurs membres dans la même séance, qu’il résulte de ces deux décrets une obscurité qui laisseroit en doute si l’adjonction du comité de sûreté générale a été adoptée. » Sur quoi la Convention nationale a rétabli l’article XXVIII de la susdite loi, en ces termes : » L’accusateur public ne pourra, de sa propre autorité, renvoyer un prévenu adressé au tribunal, ou qu’il y auroit fait traduire lui-même. Dans le cas où il n’y auroit pas matière à une acusation devant le tribunal, il en fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, qui prononcera; mais aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement, avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée aux comités de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront » (2) . 59 Elie LACOSTE au nom des comités de salut public et de sûreté générale réunis : Représentants du peuple, le génie de la liberté, l’amour sacré de la patrie n’électrisent que les cœurs purs, et les vertus nécessaires pour consommer une révolution sublime ne peuvent résider que dans le peuple. Aussi la nation française devint - (1) P.V., XXXIX, 284. Minute de la main de Pressavin. Décret n° 9491. (Minute du p.v. 304, pl. 1127, p. 15); J. Mont., n° 49, Mon., XX, 735; Débats, n° 632, p. 404; J. Fr., n° 628; J. Lois n° 624; J. Sablier, n° 1378; Ann. R.F., n° 196; Mess. Soir, n° 632, p. 389; J. Fr., n° 628; Rép., n° 177; J. Sablier, n° 1378; Audit, nat., n° 629. (2) P.V., XXXIX, 284. Minute de la main de Vadier. Décret n° 9492. Mon., XX, 735; Débats, 665; M.U., XL, 409; J. Perlet, n° 630; Audit, nat., n° 629; C. Eg., n° 665; J. S.-Culottes, n° 485. Voir ci-dessus, séances des : 22 prair., n° 71; 23 prair., n° 67; 24 prair., nos 9 et 10. 93 610 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE elle libre dès qu’elle le voulut, et nous vîmes la souveraineté nationale succéder au gouvernement d’un lâche et perfide despote, malgré ses barbares efforts et les poignards de ses satellites. Reportons-nous à ce jour immortel, ce jour que le tyran avait marqué pour son heureux triomphe, et qui devint celui de son opprobre et de notre gloire. Qui servit le peuple par son courage ? Qui le sauva par son enthousiasme pour la liberté ? Le peuple lui-même ! La chute violente de Capet ébranla les trônes des tyrans ses voisins et ils frémirent. Us conçurent que leur dernière heure allait sonner, et ils mirent en œuvre tous les crimes qui leur sont familiers pour briser le balancier fatal, ou du moins en retarder le mouvement. Ces monstres sentirent que ce n’était point un individu, un roi, qu’un grand peuple voulait renverser, mais la tyrannie elle-même. Leur orgueil, leur ambition s’en irritèrent; ils imaginèrent des forfaits; et les rois n’excellent-ils pas dans l’art d’en concevoir ? Une nation philanthrope et éclairée voulait substituer le règne de la liberté et de l’égalité, le règne des vertus sociales et du bonheur commun, à celui des vices, de l’égoïsme et de l’oppression. Ce projet était trop favorable au repos de l’univers pour que ceux qui le tyrannisent ne cherchassent pas à le faire échouer. Tant que Capet exista, il fut le point central des trames étrangères et de celles de ses partisans de l’intérieur; il le fut non par attachement pour sa personne, car les rois et leurs suppôts n’aiment qu’eux et la domination; mais il le fut parce qu’il fut un prétexte pour apitoyer, gagner et rallier autour de lui les royalistes et tous ces hommes sans vertus et sans énergie. Quelques scélérats, qui portaient leur ambition jusqu’au trône, osèrent s’accorder avec les républicains vertueux pour envoyer Capet à la mort. D’Orléans le frappa lui-même; mais, grâces à la justice nationale, il ne lui a succédé qu’à l’échafaud. Avec le fer de ses esclaves, les bras de nos transfuges, les stylets des assassins, et l’or des peuples qu’elle opprime, la tyrannie étrangère crut pouvoir tuer la liberté, et l’entreprit. Elle trouva dans les êtres pervers, auxquels les abus, les prérogatives et les grandeurs offraient jadis une existence voluptueuse, autant d’agents assez corrompus pour hasarder, à prix d’or, tout ce que les crimes ont de plus révoltant. Elle les chargea de disséminer dans les différents points de la République autant de germes de corruption. Elle leur prescrivit de les réchauffer et de les nourrir, afin qu’ils pussent éclore partout à la fois. Le résultat de cette tactique toute royale devait être la contre-révolution. O nation française ! et vous, ses dignes mandataires, vous le voyez, les manœuvres obscures des rois peuvent croiser la marche majestueuse et rapide des hommes libres. Cependant, dans diverses communes de la République, les autorités constituées, les tribunaux, les administrations, les Sociétés populaires étaient sans cesse désorganisés par l’exaspération ou le modérantisme, les lenteurs ou la précipitation, la témérité ou la faiblesse. Les scélérats qui causaient le désordre semblaient entre eux ne point s’entendre, ni même se connaître; néanmoins tous correspondaient avec les mêmes chefs, et tendaient vers un but unique : le rétablissement de la royauté. Ainsi nous vimes tour à tour l’audace de La-fayette et de Dumouriez, la trahison de Custine, et leur défection successive. Nous apprîmes le soulèvement de la Vendée, la révolte de Lyon et de Bordeaux, la rébellion de Marseille et la lâche reddition de Toulon. Dans tous ces points, que voulaient, que demandaient insolemment les rebelles ? Un roi. Que veulent encore les coalisés ? Un roi. Ah ! citoyens, que ce soit un Louis XVII, un duc d’York, un Brunswick, le mannequin leur est indifférent, car ils ne tiennent tous qu’au système d’une domination despotique. Les uns, fourbes adroits, invoquant toutes les vertus qu’ils outrageaient, les principes dont ils se jouaient, furent dans cette enceinte les apôtres du fédéralisme. O comble d’audace et de duplicité ! ce projet monstrueux ne pouvait être enfanté que par de profonds conspirateurs, puisqu’il ne l’était pas par des hommes ignorants et insensés. En effet, pouvait-on servir plus efficacement les desseins atroces de nos ennemis qu’en rompant le faisceau d’intérêts, de fraternité et de puissance qui, liant entre elles toutes les portions de la République la rend invincible et sans cesse triomphante ? Diviser pour régner, c’est la devise des tyrans; fédéraliser la République, c’était donc les seconder au gré de leurs désirs. D’autres confiaient aux plus déterminés conspirateurs le soin de créer des plans de finances par le moyen desquels des assignats républicains devaient tomber dans le discrédit; ceux à l’effigie du tyran devaient être préférés dans la circulation, et l’or d’Angleterre payait tous ces calculs destructeurs. Mais la famine fut un des premiers moyens que se promirent d’employer les scélérats dont nous vous parlerons bientôt, et c’est sur ce moyen qu’ils fondaient leur plus grand espoir : accaparer les denrées, les entasser dans des lieux malsains pour les laisser se putréfier; corrompre les officiers publics dans les diverses communes pour les décider à soustraire les subsistances; jeter le blé dans les rivières; arrêter les arrivages pour Paris; afficher dans les endroits publics le choix des mets et la prodigalité, tels étaient les jeux des conspirateurs. Ils vivaient en Sybarites, et semblaient dire au peuple : Demande un roi, et tu te gorgeras comme nous des substances les plus délicates. Etres immoraux et vils, vous vous rouliez dans la fange de la corruption; vous vous livriez à tous les excès, et, dans les délices de l’ivresse, vous méditiez les plus noirs forfaits; tandis que le peuple, dans le calme de la vertu, dans le sang-froid de la tempérance, souffrait tout, se soumettait à tous les sacrifices, ou plutôt n’en redoutait qu’un : c’était celui de la perte de sa liberté, à laquelle il n’aurait jamais survécu. Toute-puissance d’un peuple vertueux, tu es incalculable dans tes ressources, et admirable dans tes effets ! A l’époque chère aux patriotes sensibles, à cette époque glorieuse où tous les Français se réunirent pour célébrer leur triomphe de l’année précédente, au 10 août 1793, dans le mo-610 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE elle libre dès qu’elle le voulut, et nous vîmes la souveraineté nationale succéder au gouvernement d’un lâche et perfide despote, malgré ses barbares efforts et les poignards de ses satellites. Reportons-nous à ce jour immortel, ce jour que le tyran avait marqué pour son heureux triomphe, et qui devint celui de son opprobre et de notre gloire. Qui servit le peuple par son courage ? Qui le sauva par son enthousiasme pour la liberté ? Le peuple lui-même ! La chute violente de Capet ébranla les trônes des tyrans ses voisins et ils frémirent. Us conçurent que leur dernière heure allait sonner, et ils mirent en œuvre tous les crimes qui leur sont familiers pour briser le balancier fatal, ou du moins en retarder le mouvement. Ces monstres sentirent que ce n’était point un individu, un roi, qu’un grand peuple voulait renverser, mais la tyrannie elle-même. Leur orgueil, leur ambition s’en irritèrent; ils imaginèrent des forfaits; et les rois n’excellent-ils pas dans l’art d’en concevoir ? Une nation philanthrope et éclairée voulait substituer le règne de la liberté et de l’égalité, le règne des vertus sociales et du bonheur commun, à celui des vices, de l’égoïsme et de l’oppression. Ce projet était trop favorable au repos de l’univers pour que ceux qui le tyrannisent ne cherchassent pas à le faire échouer. Tant que Capet exista, il fut le point central des trames étrangères et de celles de ses partisans de l’intérieur; il le fut non par attachement pour sa personne, car les rois et leurs suppôts n’aiment qu’eux et la domination; mais il le fut parce qu’il fut un prétexte pour apitoyer, gagner et rallier autour de lui les royalistes et tous ces hommes sans vertus et sans énergie. Quelques scélérats, qui portaient leur ambition jusqu’au trône, osèrent s’accorder avec les républicains vertueux pour envoyer Capet à la mort. D’Orléans le frappa lui-même; mais, grâces à la justice nationale, il ne lui a succédé qu’à l’échafaud. Avec le fer de ses esclaves, les bras de nos transfuges, les stylets des assassins, et l’or des peuples qu’elle opprime, la tyrannie étrangère crut pouvoir tuer la liberté, et l’entreprit. Elle trouva dans les êtres pervers, auxquels les abus, les prérogatives et les grandeurs offraient jadis une existence voluptueuse, autant d’agents assez corrompus pour hasarder, à prix d’or, tout ce que les crimes ont de plus révoltant. Elle les chargea de disséminer dans les différents points de la République autant de germes de corruption. Elle leur prescrivit de les réchauffer et de les nourrir, afin qu’ils pussent éclore partout à la fois. Le résultat de cette tactique toute royale devait être la contre-révolution. O nation française ! et vous, ses dignes mandataires, vous le voyez, les manœuvres obscures des rois peuvent croiser la marche majestueuse et rapide des hommes libres. Cependant, dans diverses communes de la République, les autorités constituées, les tribunaux, les administrations, les Sociétés populaires étaient sans cesse désorganisés par l’exaspération ou le modérantisme, les lenteurs ou la précipitation, la témérité ou la faiblesse. Les scélérats qui causaient le désordre semblaient entre eux ne point s’entendre, ni même se connaître; néanmoins tous correspondaient avec les mêmes chefs, et tendaient vers un but unique : le rétablissement de la royauté. Ainsi nous vimes tour à tour l’audace de La-fayette et de Dumouriez, la trahison de Custine, et leur défection successive. Nous apprîmes le soulèvement de la Vendée, la révolte de Lyon et de Bordeaux, la rébellion de Marseille et la lâche reddition de Toulon. Dans tous ces points, que voulaient, que demandaient insolemment les rebelles ? Un roi. Que veulent encore les coalisés ? Un roi. Ah ! citoyens, que ce soit un Louis XVII, un duc d’York, un Brunswick, le mannequin leur est indifférent, car ils ne tiennent tous qu’au système d’une domination despotique. Les uns, fourbes adroits, invoquant toutes les vertus qu’ils outrageaient, les principes dont ils se jouaient, furent dans cette enceinte les apôtres du fédéralisme. O comble d’audace et de duplicité ! ce projet monstrueux ne pouvait être enfanté que par de profonds conspirateurs, puisqu’il ne l’était pas par des hommes ignorants et insensés. En effet, pouvait-on servir plus efficacement les desseins atroces de nos ennemis qu’en rompant le faisceau d’intérêts, de fraternité et de puissance qui, liant entre elles toutes les portions de la République la rend invincible et sans cesse triomphante ? Diviser pour régner, c’est la devise des tyrans; fédéraliser la République, c’était donc les seconder au gré de leurs désirs. D’autres confiaient aux plus déterminés conspirateurs le soin de créer des plans de finances par le moyen desquels des assignats républicains devaient tomber dans le discrédit; ceux à l’effigie du tyran devaient être préférés dans la circulation, et l’or d’Angleterre payait tous ces calculs destructeurs. Mais la famine fut un des premiers moyens que se promirent d’employer les scélérats dont nous vous parlerons bientôt, et c’est sur ce moyen qu’ils fondaient leur plus grand espoir : accaparer les denrées, les entasser dans des lieux malsains pour les laisser se putréfier; corrompre les officiers publics dans les diverses communes pour les décider à soustraire les subsistances; jeter le blé dans les rivières; arrêter les arrivages pour Paris; afficher dans les endroits publics le choix des mets et la prodigalité, tels étaient les jeux des conspirateurs. Ils vivaient en Sybarites, et semblaient dire au peuple : Demande un roi, et tu te gorgeras comme nous des substances les plus délicates. Etres immoraux et vils, vous vous rouliez dans la fange de la corruption; vous vous livriez à tous les excès, et, dans les délices de l’ivresse, vous méditiez les plus noirs forfaits; tandis que le peuple, dans le calme de la vertu, dans le sang-froid de la tempérance, souffrait tout, se soumettait à tous les sacrifices, ou plutôt n’en redoutait qu’un : c’était celui de la perte de sa liberté, à laquelle il n’aurait jamais survécu. Toute-puissance d’un peuple vertueux, tu es incalculable dans tes ressources, et admirable dans tes effets ! A l’époque chère aux patriotes sensibles, à cette époque glorieuse où tous les Français se réunirent pour célébrer leur triomphe de l’année précédente, au 10 août 1793, dans le mo- SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 59 611 ment où nous recevions les embrassements de nos frères et les témoignages de leur confiance et de leur attachement, les traîtres Lacroix et Danton, dévoués à l’étranger, osèrent prétendre, avec une éloquence hypocrite, que vous deviez céder le soin de sauver la patrie à une législature nouvelle. Ils tentèrent de faire ressusciter cette motion insidieuse par quelques envoyés des assemblées primaires, et le conspirateur Hébert la fit circuler dans son astucieux et dégoûtant journal. Vous rejetâtes cette funeste proposition, et l’expérience a prouvé combien il eût été dangereux d’y souscrire. Bientôt les félicitations de la République entière vous assurèrent combien la nation que vous avez la gloire de représenter approuvait votre refus. Notre sagesse déconcerta donc encore une fois les tyrans ligués contre la France; mais ils pâlirent quand ils surent que le glaive de la loi avait frappé Brissot, Gensonné, Vergniaud etc.; cependant ils osèrent encore espérer, et ils fondaient leur horrible espoir sur les nombreuses ramifications de la conspiration qu’ils avaient ourdie. Antoinette, Chabot, Danton, Lacroix, Ronsin, Hébert vivaient encore. Quelle ressource pour les tyrans ! Mais nous avons pour nous la sainteté de la cause, la vigilance, la justice, l’énergie et la constance du peuple. Quelle ressource pour des républicains ! Votre ardent amour de la patrie vous inspira, dans ces temps orageux, l’idée d’un gouvernement révolutionnaire, qui, par sa vigueur, sa prompte prévoyance, et son action non moins rapide, imprimât un grand mouvement, raffermît l’esprit public, le fixât au degré de chaleur qui anime et n’embrase pas, qui vivifie et ne consume pas; un gouvernement enfin qui atteignît le crime dans ses derniers retranchements, et le punît. Vous décrétâtes le gouvernement révolutionnaire. Ce décret salutaire fut l’arrêt de mort des tyrans. De ce moment, par la vigilance toujours active, par la constance infatigable, nous sommes parvenus à éventer les projets les plus sinistres, à apercevoir tous les fils des conjurations, à en suivre les plus délicats, sans les rompre, jusqu’au point de leur réunion. Aussi nous avons pénétré, à travers le fer et le poison des assas sins, le labyrinthe obscur des complots. Nous avons observé leurs progrès, et, avant qu’ils pussent devenir funestes, nous le empêchâmes toujours d’éclater. A force de persévérance nous avons tout connu, et nous avons vu les traîtres conspirer même jusque sous le glaive de la loi. Oui, citoyens, Antoinette au Temple ou à la Conciergerie, Dillon et Simon au Luxembourg, conspiraient encore, et depuis toutes les maisons d’arrêt étaient devenues des foyers de contre-révolution. H est de certaines âmes, ou plutôt des hommes sans âme, sur lesquels l’or exerce un grand empire. Les conspirateurs détenus avaient de l’or : à l’aide de ce talisman, ils séduisaient leurs gardiens, et correspondaient librement entre eux, et aussi facilement avec leurs agents méconnus et encore libres. C’est en profitant de la négligence stipendiée des préposés à leur garde que d’Espagnac et Egré se sauvèrent. Ils furent repris avec quatre pistolets. D’Espagnac a payé de sa tête les crimes que son esprit contre-révolutionnaire et sa basse cupidité lui firent commettre; mais Egré conspirait encore; il avait acheté 500 liv. une échelle de corde pour se sauver. Menil, Simon, Karadec, Paumier faillirent se soustraire à la vengeance nationale en s’évadant par la chambre qu’avait occupée d’Espagnac. Les détenus ne négligeaient aucun expédient pour se sauver de l’échafaud ou se rapprocher de leurs complices. Lorsque les prisonniers s’étaient assurés du concierge, celui-ci, toujours avec de l’or, gagnait les officiers de santé, qui avaient la perfidie de délivrer à leurs prétendus malades des certificats par le moyen desquels ils se faisaient transférer dans des maisons de plaisance à la campagne; et là, au milieu des jouissances et des plaisirs, ces scélérats enfantaient des complots. Ainsi partout et toujours ils machinaient avec audace la perte de la patrie. Mais la patrie ne peut périr, et les méchants seuls périront. S’il existait encore un être malfaisant qui osât douter de cette vérité, vos comités de salut public et de sûreté générale vont confondre son incrédulité et satisfaire votre impatience en développant à vos regards étonnés peut-être, mais calmes et impassibles, les replis tortueux de la plus scélérate des conspirations. Nous allons vous conduire à la source impure de toutes les conjurations dont la vengeance nationale a déjà atteint les chefs ou les complices. Oui, les factions de Chabot et de Jullien (de Toulouse), d’Hébert et de Ronsin, de Danton et de Lacroix, de Chaumette et de Gobel, sont autant de branches de celle dont nous venons vous dévoiler les forfaits. Tout prouve jusqu’à l’évidence que les trames formées contre la liberté ne tendaient depuis longtemps qu’au rétablissement de la royauté. Les tyrans, divisés au commencement de la révolution française, avaient senti la nécessité de renoncer à leurs prétentions ambitieuses. Us avaient tracé le plan le plus vaste, et si adroitement combiné que, s’il eût été possible qu’il réussit dans l’une de ses parties, la République était perdue, les patriotes égorgés, la contre-révolution consommée, et les tyrans triomphaient, quel que fût le sort du reste des conjurés. Pour sentir cette affreuse vérité, il suffira de vous faire remarquer que les diverses hordes conspiratrices paraissaient n’avoir entre elles aucunes relations immédiates : elles se dénonçaient, se persécutaient réciproquement; et vous savez qu’au tribunal même elles affectèrent de se dédaigner; vous savez que Danton et ses complices simulèrent le mépris lorsqu’ils se virent mis en cause avec Chabot et Delaunnay (d’Angers), comme s’ils se fussent effrontément disputés entre eux à qui se surpasserait en scélératesse et en infamie. Tous ces conjurés voulaient exciter dans la République la confusion et le désordre, tous voulaient lasser la patience des patriotes, les uns en les affamant, les autres en corrompant l’esprit public et la morale; ceux-ci en faisant circuler les faux assignats, ceux-là en avilissant la représentation nationale.... Tous ces leviers destinés à renverser la République étaient mus par un seul homme que faisaient agir tous les tyrans coalisés. Cet homme, intrigant et audacieux, avait des agents intermédiaires dans les sections de Paris, SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 59 611 ment où nous recevions les embrassements de nos frères et les témoignages de leur confiance et de leur attachement, les traîtres Lacroix et Danton, dévoués à l’étranger, osèrent prétendre, avec une éloquence hypocrite, que vous deviez céder le soin de sauver la patrie à une législature nouvelle. Ils tentèrent de faire ressusciter cette motion insidieuse par quelques envoyés des assemblées primaires, et le conspirateur Hébert la fit circuler dans son astucieux et dégoûtant journal. Vous rejetâtes cette funeste proposition, et l’expérience a prouvé combien il eût été dangereux d’y souscrire. Bientôt les félicitations de la République entière vous assurèrent combien la nation que vous avez la gloire de représenter approuvait votre refus. Notre sagesse déconcerta donc encore une fois les tyrans ligués contre la France; mais ils pâlirent quand ils surent que le glaive de la loi avait frappé Brissot, Gensonné, Vergniaud etc.; cependant ils osèrent encore espérer, et ils fondaient leur horrible espoir sur les nombreuses ramifications de la conspiration qu’ils avaient ourdie. Antoinette, Chabot, Danton, Lacroix, Ronsin, Hébert vivaient encore. Quelle ressource pour les tyrans ! Mais nous avons pour nous la sainteté de la cause, la vigilance, la justice, l’énergie et la constance du peuple. Quelle ressource pour des républicains ! Votre ardent amour de la patrie vous inspira, dans ces temps orageux, l’idée d’un gouvernement révolutionnaire, qui, par sa vigueur, sa prompte prévoyance, et son action non moins rapide, imprimât un grand mouvement, raffermît l’esprit public, le fixât au degré de chaleur qui anime et n’embrase pas, qui vivifie et ne consume pas; un gouvernement enfin qui atteignît le crime dans ses derniers retranchements, et le punît. Vous décrétâtes le gouvernement révolutionnaire. Ce décret salutaire fut l’arrêt de mort des tyrans. De ce moment, par la vigilance toujours active, par la constance infatigable, nous sommes parvenus à éventer les projets les plus sinistres, à apercevoir tous les fils des conjurations, à en suivre les plus délicats, sans les rompre, jusqu’au point de leur réunion. Aussi nous avons pénétré, à travers le fer et le poison des assas sins, le labyrinthe obscur des complots. Nous avons observé leurs progrès, et, avant qu’ils pussent devenir funestes, nous le empêchâmes toujours d’éclater. A force de persévérance nous avons tout connu, et nous avons vu les traîtres conspirer même jusque sous le glaive de la loi. Oui, citoyens, Antoinette au Temple ou à la Conciergerie, Dillon et Simon au Luxembourg, conspiraient encore, et depuis toutes les maisons d’arrêt étaient devenues des foyers de contre-révolution. H est de certaines âmes, ou plutôt des hommes sans âme, sur lesquels l’or exerce un grand empire. Les conspirateurs détenus avaient de l’or : à l’aide de ce talisman, ils séduisaient leurs gardiens, et correspondaient librement entre eux, et aussi facilement avec leurs agents méconnus et encore libres. C’est en profitant de la négligence stipendiée des préposés à leur garde que d’Espagnac et Egré se sauvèrent. Ils furent repris avec quatre pistolets. D’Espagnac a payé de sa tête les crimes que son esprit contre-révolutionnaire et sa basse cupidité lui firent commettre; mais Egré conspirait encore; il avait acheté 500 liv. une échelle de corde pour se sauver. Menil, Simon, Karadec, Paumier faillirent se soustraire à la vengeance nationale en s’évadant par la chambre qu’avait occupée d’Espagnac. Les détenus ne négligeaient aucun expédient pour se sauver de l’échafaud ou se rapprocher de leurs complices. Lorsque les prisonniers s’étaient assurés du concierge, celui-ci, toujours avec de l’or, gagnait les officiers de santé, qui avaient la perfidie de délivrer à leurs prétendus malades des certificats par le moyen desquels ils se faisaient transférer dans des maisons de plaisance à la campagne; et là, au milieu des jouissances et des plaisirs, ces scélérats enfantaient des complots. Ainsi partout et toujours ils machinaient avec audace la perte de la patrie. Mais la patrie ne peut périr, et les méchants seuls périront. S’il existait encore un être malfaisant qui osât douter de cette vérité, vos comités de salut public et de sûreté générale vont confondre son incrédulité et satisfaire votre impatience en développant à vos regards étonnés peut-être, mais calmes et impassibles, les replis tortueux de la plus scélérate des conspirations. Nous allons vous conduire à la source impure de toutes les conjurations dont la vengeance nationale a déjà atteint les chefs ou les complices. Oui, les factions de Chabot et de Jullien (de Toulouse), d’Hébert et de Ronsin, de Danton et de Lacroix, de Chaumette et de Gobel, sont autant de branches de celle dont nous venons vous dévoiler les forfaits. Tout prouve jusqu’à l’évidence que les trames formées contre la liberté ne tendaient depuis longtemps qu’au rétablissement de la royauté. Les tyrans, divisés au commencement de la révolution française, avaient senti la nécessité de renoncer à leurs prétentions ambitieuses. Us avaient tracé le plan le plus vaste, et si adroitement combiné que, s’il eût été possible qu’il réussit dans l’une de ses parties, la République était perdue, les patriotes égorgés, la contre-révolution consommée, et les tyrans triomphaient, quel que fût le sort du reste des conjurés. Pour sentir cette affreuse vérité, il suffira de vous faire remarquer que les diverses hordes conspiratrices paraissaient n’avoir entre elles aucunes relations immédiates : elles se dénonçaient, se persécutaient réciproquement; et vous savez qu’au tribunal même elles affectèrent de se dédaigner; vous savez que Danton et ses complices simulèrent le mépris lorsqu’ils se virent mis en cause avec Chabot et Delaunnay (d’Angers), comme s’ils se fussent effrontément disputés entre eux à qui se surpasserait en scélératesse et en infamie. Tous ces conjurés voulaient exciter dans la République la confusion et le désordre, tous voulaient lasser la patience des patriotes, les uns en les affamant, les autres en corrompant l’esprit public et la morale; ceux-ci en faisant circuler les faux assignats, ceux-là en avilissant la représentation nationale.... Tous ces leviers destinés à renverser la République étaient mus par un seul homme que faisaient agir tous les tyrans coalisés. Cet homme, intrigant et audacieux, avait des agents intermédiaires dans les sections de Paris, 612 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE au département, dans la municipalité, dans les administrations, dans les prisons même, enfin dans les ports de mer et les places frontières. Immédiatement investi de la confiance des frères du dernier tyran et de celle des tyrans étrangers, ce conspirateur mercenaire disposait de sommes immenses, avec lesquelles il achetait des complices et payait les assassinats, le poison, les incendies et la famine. Sa scélératesse reconnue nous donne le mot de l’énigme que nous cherchâmes à découvrir dans les termes ambigus et les termes hiéroglyphiques contenus dans la fameuse lettre anglaise, datée du 29 juin 1793, et trouvée sur la frontière du Nord. Nous savons enfin où se rendaient les guinées que Pitt envoyait en France, et de quelles mains elles partaient pour salarier ceux qui incendiaient nos places, détruisaient nos subsistances, en interceptaient la circulation, semaient la guerre civile, et assassinaient les représentants du peuple. Des banquiers de Paris, entre autres un nommé Beaune, déjà puni de mort, étaient directement chargés par le prince de Galles, digne compagnon de débauches de d’Orléans, de faire des emprunts pour subvenir aux dépenses multipliées qu’occasionnaient les scélérats qui se vendaient. Batz, ci-devant baron et ex-député à l’Assemblée constituante, est le brigand atroce qui devait diriger les plus noirs attentats de rois contre l’humanité. Pour vous peindre cet homme pervers, ce Catilina moderne, il suffira de vous dire que Roussel était son premier agent, et que Roussel est l’intime de Lamiral, ce monstre qui a assassiné Collot-d’Herbois : Lamiral et Roussel étaient toujours ensemble dans les cafés, et Roussel était toujours chez Batz, à Charonne; la maison de Roussel était un pied à terre de Batz. Plusieurs fois on vous a parlé de la conspiration de l’étranger, lorsqu’il s’agissait de vous retracer les attentats des autres factions qui coïncidaient avec celle-ci; c’est effectivement d’après la conviction où étaient vos comités que ces branches de conjuration devaient aboutir à un seul trône, que, sur une dénonciation qui leur fut faite le 20 germinal, ils suivirent pas à pas la direction du projet avec tant de constance et d’activité qu’ils découvrirent enfin que ce projet remontait à la fin de juillet 1793, à cette époque où, d’une main courageuse, vous aviez terrassé le fédéralisme et élevé l’édifice de la constitution, qui ne laissait aucun espoir aux tyrans. Batz, une main appuyée sur les guinées d’Angleterre, et tenant de l’autre le fil électrique avec lequel il embrasait la Vendée, Lyon, Bordeaux, Toulon et Marseille, dirigeait le plan de conspiration qui avait été tracé par les étrangers et les émigrés. Les objets principaux de ce plan étaient l’enlèvement de la veuve Capet, la dissolution de la Convention nationale, et enfin la contre-révolution. En conséquence, il s’entoura d’abord du ci-devant marquis de Pons, de Sombreuil et de son fils, du ci-devant prince de Rohan-Roche-fort, d’un Laval-Montmorency, du ci-devant marquis de La Guiche, de Marsan, du ci-devant prince Saint-Maurice. Ces conjurés s’associèrent une courtisane, nommée Grand-Maison, maîtresse de Batz, et intrigante consommée. Sa suivante, nommée Nicole, et Tirot, dit Biret, étaient aussi dans tous les secrets, et c’est par leurs moyens que les conjurés entretenaient entre eux des correspondances très-actives et très-suivies. Une maison de plaisance, dite de l’Ermitage, dépendant du ci-devant château de Bagnolet, et située à Charonne, était le repaire où se tenaient leurs ténébreux conciliabules; c’est là qu’ils méditaient à loisir l’exécution de leurs noires entreprises. C’est de là que partait la correspondance de ces scélérats avec leurs agents éloignés; et pour se dérober à la surveillance, ils coloraient leur perfidie d’un vernis patriotique. Les détails de leurs complots parvenaient à leurs amis, tracés en signes invisibles dans les interlignes des journaux qui étaient en faveur. Les correspondants approchaient du feu ces feuilles, et ils voyaient se peindre à leurs yeux les ordres des chefs; ils y reconnaissaient le thermomètre de la conspiration, ses progrès ou ses retards. Batz et ses complices réunissaient environ 20 millions, et alors ils en concertèrent le coupable emploi. Ils avaient en outre beaucoup de guinées amoncelées par Pitt, un grand nombre d’assignats à face royale, qu’ils s’efforçaient de substituer aux papiers républicains, pour miner la fortune publique par les falsifications. Us achetaient de l’or à un prix exorbitant pour en diminuer la quantité en le faisant passer à l’ennemi, ou en l’enfouissant. Cortey, épicier, de la section Lepelletier, chez lequel Batz avait un pied à terre, comme ami, et où se réunissaient souvent les conjurés, accaparait l’or; il était secondé par un nommé Devaux, fonctionnaire public, de la section Bonne-Nouvelle, et secrétaire de Batz. Ce scribe du chef de la ligue était, avec Roussel, le confident de ses plus secrètes pensées. Roussel devait être l’intime de Batz, puisqu’il était lié très particulièrement avec le parricide Lamiral, comme nous l’avons déjà dit : aussi descendait-il alternativement chez Roussel ou Cortey, lorsqu’il venait à Paris exécuter quelques projets formés à Charonne. Devaux, Roussel, Cortey, la Grand-Maison, Lamiral, et tous les royalistes que nous avons déjà nommés, étaient donc des agents de la conspiration. Mais ce qui n’est pas démontré avec moins d’évidence à vos comités, c’est que, longtemps même avant le mois de juillet 1793, Chabot, Danton, Lacroix, Bazire étaient liés avec Batz; ils se fréquentaient et conspiraient d’intelligence entre eux. Quatre fois par semaine ils mangeaient ensemble; là, tandis que la France souffrait de la disette que leur fureur avait combinée, eux, en cercle autour d’une table splendide, et dans l’ivresse de la débauche, commerçaient de la liberté de la France, et méditaient le renversement de la République. Batz et les siens, pour éloigner les soupçons et pouvoir librement se transporter dans les lieux divers où leur présence était nécessaire aux progrès de la conspiration, avaient su se procurer des passeports, des certificats de résidence, des cartes civiques, et tous les titres qui 612 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE au département, dans la municipalité, dans les administrations, dans les prisons même, enfin dans les ports de mer et les places frontières. Immédiatement investi de la confiance des frères du dernier tyran et de celle des tyrans étrangers, ce conspirateur mercenaire disposait de sommes immenses, avec lesquelles il achetait des complices et payait les assassinats, le poison, les incendies et la famine. Sa scélératesse reconnue nous donne le mot de l’énigme que nous cherchâmes à découvrir dans les termes ambigus et les termes hiéroglyphiques contenus dans la fameuse lettre anglaise, datée du 29 juin 1793, et trouvée sur la frontière du Nord. Nous savons enfin où se rendaient les guinées que Pitt envoyait en France, et de quelles mains elles partaient pour salarier ceux qui incendiaient nos places, détruisaient nos subsistances, en interceptaient la circulation, semaient la guerre civile, et assassinaient les représentants du peuple. Des banquiers de Paris, entre autres un nommé Beaune, déjà puni de mort, étaient directement chargés par le prince de Galles, digne compagnon de débauches de d’Orléans, de faire des emprunts pour subvenir aux dépenses multipliées qu’occasionnaient les scélérats qui se vendaient. Batz, ci-devant baron et ex-député à l’Assemblée constituante, est le brigand atroce qui devait diriger les plus noirs attentats de rois contre l’humanité. Pour vous peindre cet homme pervers, ce Catilina moderne, il suffira de vous dire que Roussel était son premier agent, et que Roussel est l’intime de Lamiral, ce monstre qui a assassiné Collot-d’Herbois : Lamiral et Roussel étaient toujours ensemble dans les cafés, et Roussel était toujours chez Batz, à Charonne; la maison de Roussel était un pied à terre de Batz. Plusieurs fois on vous a parlé de la conspiration de l’étranger, lorsqu’il s’agissait de vous retracer les attentats des autres factions qui coïncidaient avec celle-ci; c’est effectivement d’après la conviction où étaient vos comités que ces branches de conjuration devaient aboutir à un seul trône, que, sur une dénonciation qui leur fut faite le 20 germinal, ils suivirent pas à pas la direction du projet avec tant de constance et d’activité qu’ils découvrirent enfin que ce projet remontait à la fin de juillet 1793, à cette époque où, d’une main courageuse, vous aviez terrassé le fédéralisme et élevé l’édifice de la constitution, qui ne laissait aucun espoir aux tyrans. Batz, une main appuyée sur les guinées d’Angleterre, et tenant de l’autre le fil électrique avec lequel il embrasait la Vendée, Lyon, Bordeaux, Toulon et Marseille, dirigeait le plan de conspiration qui avait été tracé par les étrangers et les émigrés. Les objets principaux de ce plan étaient l’enlèvement de la veuve Capet, la dissolution de la Convention nationale, et enfin la contre-révolution. En conséquence, il s’entoura d’abord du ci-devant marquis de Pons, de Sombreuil et de son fils, du ci-devant prince de Rohan-Roche-fort, d’un Laval-Montmorency, du ci-devant marquis de La Guiche, de Marsan, du ci-devant prince Saint-Maurice. Ces conjurés s’associèrent une courtisane, nommée Grand-Maison, maîtresse de Batz, et intrigante consommée. Sa suivante, nommée Nicole, et Tirot, dit Biret, étaient aussi dans tous les secrets, et c’est par leurs moyens que les conjurés entretenaient entre eux des correspondances très-actives et très-suivies. Une maison de plaisance, dite de l’Ermitage, dépendant du ci-devant château de Bagnolet, et située à Charonne, était le repaire où se tenaient leurs ténébreux conciliabules; c’est là qu’ils méditaient à loisir l’exécution de leurs noires entreprises. C’est de là que partait la correspondance de ces scélérats avec leurs agents éloignés; et pour se dérober à la surveillance, ils coloraient leur perfidie d’un vernis patriotique. Les détails de leurs complots parvenaient à leurs amis, tracés en signes invisibles dans les interlignes des journaux qui étaient en faveur. Les correspondants approchaient du feu ces feuilles, et ils voyaient se peindre à leurs yeux les ordres des chefs; ils y reconnaissaient le thermomètre de la conspiration, ses progrès ou ses retards. Batz et ses complices réunissaient environ 20 millions, et alors ils en concertèrent le coupable emploi. Ils avaient en outre beaucoup de guinées amoncelées par Pitt, un grand nombre d’assignats à face royale, qu’ils s’efforçaient de substituer aux papiers républicains, pour miner la fortune publique par les falsifications. Us achetaient de l’or à un prix exorbitant pour en diminuer la quantité en le faisant passer à l’ennemi, ou en l’enfouissant. Cortey, épicier, de la section Lepelletier, chez lequel Batz avait un pied à terre, comme ami, et où se réunissaient souvent les conjurés, accaparait l’or; il était secondé par un nommé Devaux, fonctionnaire public, de la section Bonne-Nouvelle, et secrétaire de Batz. Ce scribe du chef de la ligue était, avec Roussel, le confident de ses plus secrètes pensées. Roussel devait être l’intime de Batz, puisqu’il était lié très particulièrement avec le parricide Lamiral, comme nous l’avons déjà dit : aussi descendait-il alternativement chez Roussel ou Cortey, lorsqu’il venait à Paris exécuter quelques projets formés à Charonne. Devaux, Roussel, Cortey, la Grand-Maison, Lamiral, et tous les royalistes que nous avons déjà nommés, étaient donc des agents de la conspiration. Mais ce qui n’est pas démontré avec moins d’évidence à vos comités, c’est que, longtemps même avant le mois de juillet 1793, Chabot, Danton, Lacroix, Bazire étaient liés avec Batz; ils se fréquentaient et conspiraient d’intelligence entre eux. Quatre fois par semaine ils mangeaient ensemble; là, tandis que la France souffrait de la disette que leur fureur avait combinée, eux, en cercle autour d’une table splendide, et dans l’ivresse de la débauche, commerçaient de la liberté de la France, et méditaient le renversement de la République. Batz et les siens, pour éloigner les soupçons et pouvoir librement se transporter dans les lieux divers où leur présence était nécessaire aux progrès de la conspiration, avaient su se procurer des passeports, des certificats de résidence, des cartes civiques, et tous les titres qui SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 59 613 autorisaient leurs voyages ou justifiaient leurs séjours. A Paris, Pottier (de Lille), membre du comité révolutionnaire de la section Lepelletier, fournissait avec un zèle particulier ces titres importants à son ami Batz. Le royalisme forcené de Pottier (de Lille) est prouvé par les détails d’une conversation avec le ci-devant chevalier de Flos. On a vu cet ami de Batz agitant les esprits dans sa section, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. C’est lui qui, sous prétexte d’aller à Lille, son pays natal, porter des secours à nos malheureuses victimes de la barbarie autrichienne, se rendait à Bruxelles, et servait ainsi d’intermédiaire entre Batz et les émigrés. Le ci-devant marquis de La Guiche, ami de Batz, était l’adjudant général de la ligue, sous le nom emprunté de Sevignon. Il avait capté la confiance du maire du lieu où Roussel avait une ferme, près de Brie-Comte-Robert, et il obtenait de ce criminel fonctionnaire les attestations et les laissez-passer dont il avait besoin. C’était aussi un des employés pour empêcher l’arrivage des subsistances à Paris. Vous voyez, citoyens, combien l’énergie d’un grand peuple, jaloux de sa liberté, est puissante, puisque, avant même que la complexion du gouvernement fût affermie, elle seule a résisté contre la corruption qui rongeait les ressorts de la machine politique. Partout l’intrigue s’agitait contre nous en abusant des lois et du pouvoir, et cependant l’intrigue est démasquée et punie, et la nation triomphante. Puisque les conjurés avaient pour eux l’incendie, le poison, le fer, les tactiques obscures de la corruption, rien ne semblait s’opposer au succès de leurs desseins. Aussi disaient-ils à Charonne : la contre-révolution est sûre; nous avons pour nous des membres du département, nous en avons dans les sections, dans la municipalité de Paris; nous avons Chabot, Bazire, Lacroix, Danton, et il est impossible que nous soyons arrêtés avant la contre-révolution. Rien ne paraissait donc devoir s’opposer au succès des manœuvres de Batz et de ses complices. Il est sûr qu’ils avaient attiré dans leur parti quatre administrateurs de police de Paris : Froidure et Dangé, qu’ils considéraient comme les plus dévoués de leurs agents; Marinos, Soulès, sur lesquels ils comptaient à force d’argent, et Lafosse, chef des préposés à la police, qu’ils avaient également acheté. Dans leur scélérate sagacité ils n’avaient pas omis de lier à leurs intérêts des membres de ce département; en conséquence ils s’étaient assurés d’un administrateur du département de Paris, et de Lhuillier, procureur général. C’est chez Lhuillier que Batz se retira pendant quinze jours, lorsqu’il craignit d’être découvert chez Constant. C’est ainsi que ce chef des conspirateurs parvint à se soustraire aux poursuites. Aussi dit-il avec une confiance insolente: «Je n’ai rien à craindre de la surveillance du département de Paris ». Deux hommes immoraux, qui ont encore audacieusement abusé de la foi que l’on ajoutait à leurs dehors patriotiques, jouent un rôle important dans ce drame pervers. L’un était banquier de jeu, l’autre pilier de tripot. On conçoit aisément la vénalité de tels hommes, et qu’ils doivent être les amis de Batz. Noël, homme double et insinuant, Noël, protégé de Danton, et déjà noté comme tel, s’était concilié l’estime des conjurés; il était le grand ingénieur, et l’on s’en rapportait à lui pour l’exécution et la tactique. Jullien (de Toulouse) était encore un des ministres de la conspiration, et, pour la servir avec plus de succès, il confiait à Batz la rédaction de ses plans de finances qu’il avait l’impudeur de vouloir vous présenter. C’est à Charonne, dans un cercle de scélérats, qu’il s’occupait des intérêts de la République; ce fut lui qui attacha au complot les administrateurs de la caisse d’escompte, en les décidant à procurer des fonds à Batz. Lors de l’arrestation de Chabot, Jullien (de Toulouse) sut se dérober à la rigueur des lois qu’il avait attirée sur sa tête. H doit la réussite de son évasion à Jardin, ci-devant écuyer du tyran, créature de Batz, et l’un de ses agents les plus zélés. Ainsi ces traîtres se ménageaient une retraite en s’entourant de nombreux suppôts qui tous avaient des amis particuliers parmi les fonctionnaires publics. Nous savons bien positivement aujourd’hui que Jullien était revenu à Paris depuis le décret d’arrestation, et Lacroix lui donna asile pendant 19 jours, après lesquels il s’enfuit en guêtres, en blouse, et un fouet à la main, avec un capitaine de charrois. Parmi ces agents du crime nous ne devons pas oublier Constant, gendarme, qui cacha Batz et Tissot, dit Biret, lors des recherches que l’on fit de leurs personnes. Ce Constant a eu la téméraire audace de pénétrer dans les prisons pour devenir un correspondant fidèle de Batz avec la Grand-Maison, et de celle-ci avec la suivante Nicole et la femme Grimoire. On trouve aussi dans cette bande de conjurés Jauge, banquier; la femme Déprémesnil; Marignan, ancien acteur des Italiens; la femme Grimoire; un nommé Deleroc, négociant au Havre, qui se chargeait de la correspondance avec Pitt et Cobourg. Batz et ses agents furent dénoncés, il y a longtemps, à Maillard, commissaire du conseil exécutif, mort depuis quelques mois; il sut tout, et n’en dit rien. Mais comme ce Maillard vivait avec un frère qui sut peut-être ces faits, vos comités se sont assurés de lui. Nous allons encore vous en dénoncer un déjà condamné aux fers pour des prévarications antérieures : Bur-landeux, officier de paix, fut conduit chez Batz, à Charonne, pour se convaincre de la conjuration. Cet homme hypocrite, croyant mettre sa responsabilité à couvert, en fit sa déclaration à d’autres fonctionnaires publics, aussi malintentionnés que lui et déjà gagnés, de sorte qu’ils négligèrent tous de procéder aux poursuites que le salut de la patrie et les devoirs de leurs places leur commandaient impérieusement; mais quelle bonne foi devait-on attendre de Burlandeux, dont le ci-devant marquis de Pons avait acheté le secret pour 300 livres ? Les conjurés n’avaient pas oublié de compter parmi leurs principales ressources les détenus dans des maisons d’arrêt. C’est là que le ci-devant prince Rohan-Rochefort, Boulot-Ver-mandois, se disant comte; Lécuyer, maître de SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 59 613 autorisaient leurs voyages ou justifiaient leurs séjours. A Paris, Pottier (de Lille), membre du comité révolutionnaire de la section Lepelletier, fournissait avec un zèle particulier ces titres importants à son ami Batz. Le royalisme forcené de Pottier (de Lille) est prouvé par les détails d’une conversation avec le ci-devant chevalier de Flos. On a vu cet ami de Batz agitant les esprits dans sa section, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. C’est lui qui, sous prétexte d’aller à Lille, son pays natal, porter des secours à nos malheureuses victimes de la barbarie autrichienne, se rendait à Bruxelles, et servait ainsi d’intermédiaire entre Batz et les émigrés. Le ci-devant marquis de La Guiche, ami de Batz, était l’adjudant général de la ligue, sous le nom emprunté de Sevignon. Il avait capté la confiance du maire du lieu où Roussel avait une ferme, près de Brie-Comte-Robert, et il obtenait de ce criminel fonctionnaire les attestations et les laissez-passer dont il avait besoin. C’était aussi un des employés pour empêcher l’arrivage des subsistances à Paris. Vous voyez, citoyens, combien l’énergie d’un grand peuple, jaloux de sa liberté, est puissante, puisque, avant même que la complexion du gouvernement fût affermie, elle seule a résisté contre la corruption qui rongeait les ressorts de la machine politique. Partout l’intrigue s’agitait contre nous en abusant des lois et du pouvoir, et cependant l’intrigue est démasquée et punie, et la nation triomphante. Puisque les conjurés avaient pour eux l’incendie, le poison, le fer, les tactiques obscures de la corruption, rien ne semblait s’opposer au succès de leurs desseins. Aussi disaient-ils à Charonne : la contre-révolution est sûre; nous avons pour nous des membres du département, nous en avons dans les sections, dans la municipalité de Paris; nous avons Chabot, Bazire, Lacroix, Danton, et il est impossible que nous soyons arrêtés avant la contre-révolution. Rien ne paraissait donc devoir s’opposer au succès des manœuvres de Batz et de ses complices. Il est sûr qu’ils avaient attiré dans leur parti quatre administrateurs de police de Paris : Froidure et Dangé, qu’ils considéraient comme les plus dévoués de leurs agents; Marinos, Soulès, sur lesquels ils comptaient à force d’argent, et Lafosse, chef des préposés à la police, qu’ils avaient également acheté. Dans leur scélérate sagacité ils n’avaient pas omis de lier à leurs intérêts des membres de ce département; en conséquence ils s’étaient assurés d’un administrateur du département de Paris, et de Lhuillier, procureur général. C’est chez Lhuillier que Batz se retira pendant quinze jours, lorsqu’il craignit d’être découvert chez Constant. C’est ainsi que ce chef des conspirateurs parvint à se soustraire aux poursuites. Aussi dit-il avec une confiance insolente: «Je n’ai rien à craindre de la surveillance du département de Paris ». Deux hommes immoraux, qui ont encore audacieusement abusé de la foi que l’on ajoutait à leurs dehors patriotiques, jouent un rôle important dans ce drame pervers. L’un était banquier de jeu, l’autre pilier de tripot. On conçoit aisément la vénalité de tels hommes, et qu’ils doivent être les amis de Batz. Noël, homme double et insinuant, Noël, protégé de Danton, et déjà noté comme tel, s’était concilié l’estime des conjurés; il était le grand ingénieur, et l’on s’en rapportait à lui pour l’exécution et la tactique. Jullien (de Toulouse) était encore un des ministres de la conspiration, et, pour la servir avec plus de succès, il confiait à Batz la rédaction de ses plans de finances qu’il avait l’impudeur de vouloir vous présenter. C’est à Charonne, dans un cercle de scélérats, qu’il s’occupait des intérêts de la République; ce fut lui qui attacha au complot les administrateurs de la caisse d’escompte, en les décidant à procurer des fonds à Batz. Lors de l’arrestation de Chabot, Jullien (de Toulouse) sut se dérober à la rigueur des lois qu’il avait attirée sur sa tête. H doit la réussite de son évasion à Jardin, ci-devant écuyer du tyran, créature de Batz, et l’un de ses agents les plus zélés. Ainsi ces traîtres se ménageaient une retraite en s’entourant de nombreux suppôts qui tous avaient des amis particuliers parmi les fonctionnaires publics. Nous savons bien positivement aujourd’hui que Jullien était revenu à Paris depuis le décret d’arrestation, et Lacroix lui donna asile pendant 19 jours, après lesquels il s’enfuit en guêtres, en blouse, et un fouet à la main, avec un capitaine de charrois. Parmi ces agents du crime nous ne devons pas oublier Constant, gendarme, qui cacha Batz et Tissot, dit Biret, lors des recherches que l’on fit de leurs personnes. Ce Constant a eu la téméraire audace de pénétrer dans les prisons pour devenir un correspondant fidèle de Batz avec la Grand-Maison, et de celle-ci avec la suivante Nicole et la femme Grimoire. On trouve aussi dans cette bande de conjurés Jauge, banquier; la femme Déprémesnil; Marignan, ancien acteur des Italiens; la femme Grimoire; un nommé Deleroc, négociant au Havre, qui se chargeait de la correspondance avec Pitt et Cobourg. Batz et ses agents furent dénoncés, il y a longtemps, à Maillard, commissaire du conseil exécutif, mort depuis quelques mois; il sut tout, et n’en dit rien. Mais comme ce Maillard vivait avec un frère qui sut peut-être ces faits, vos comités se sont assurés de lui. Nous allons encore vous en dénoncer un déjà condamné aux fers pour des prévarications antérieures : Bur-landeux, officier de paix, fut conduit chez Batz, à Charonne, pour se convaincre de la conjuration. Cet homme hypocrite, croyant mettre sa responsabilité à couvert, en fit sa déclaration à d’autres fonctionnaires publics, aussi malintentionnés que lui et déjà gagnés, de sorte qu’ils négligèrent tous de procéder aux poursuites que le salut de la patrie et les devoirs de leurs places leur commandaient impérieusement; mais quelle bonne foi devait-on attendre de Burlandeux, dont le ci-devant marquis de Pons avait acheté le secret pour 300 livres ? Les conjurés n’avaient pas oublié de compter parmi leurs principales ressources les détenus dans des maisons d’arrêt. C’est là que le ci-devant prince Rohan-Rochefort, Boulot-Ver-mandois, se disant comte; Lécuyer, maître de 614 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE musique de d’Orléans, et fils d’un ex-conseiller du ci-devant parlement de Besançon; un secrétaire du Châtelet, Sartine fils, Sainte-Amarante, sa belle-mère, sa fille et son fils, méditaient le soulèvement des prisons. C’est dans ce repaire de conspirateurs si forcenés que l’on tentait de donner au royalisme de chauds partisans en calomniant le régime républicain, et en aigrissant quelques patriotes détenus, sur leur détention; c’est là que Deshaies, de la section du Finistère, échauffé par tous ces propos, est entré dans une fureur criminelle contre les mesures de sûreté générale. Dans le nombre de ces conjurés des prisons se trouvent encore Jauge, banquier, qui fournissait des fonds, avec Beaune, au prince de Galles; le ci-devant vicomte Boissancourt, déjà dénoncé pour crime de contre-révolution et falsification d’assignats; le nommé Comte, le confident de Fabre d’Eglantine et d’Hérault, qui a été chargé de plusieurs missions très-suspectes; il a eu à Turin des confidences avec d’Artois, et à Paris avec le tyran. Cet homme, qui n’avait rien avant la révolution, se trouve fort riche aujourd’hui. Il a rendu, avec de l’argent, illusoire l’ordre du comité de sûreté générale qui le mettait au secret. Michonis, qui, lors du procès de la veuve Capet, ne fut pas assez convaincu pour être condamné à la peine de mort, est aussi un ami de Batz. Comte lui a donné à diner fréquemment, ainsi qu’à Ozanne, officier de paix, condamné aux fers pour avoir laissé évader Jullien (de Toulouse). D’Hauteville, ex-page du tyran, jouit, parmi les conjurés, de la plus haute considération; ils croient toujours au succès des armes de nos ennemis; ils parlent de leur arrivée à Paris dans quatre mois. Le nommé Viart, détenu à Port-Libre, n’est pas un des moins chauds partisans du royalisme; il est convenu que l’on avait fait passer des assignats faux de 400 liv. dans la maison d’arrêt de Port-Libre, et il a voulu en acheter; il a offert des avances pour qu’on lui en procurât. « Ils passeront, disait-il, comme du petit lait. » D’après l’examen des pièces déposées au comité de sûreté générale, il nous a été facile de nous convaincre que le plan de conjuration de l’étranger était vaste et profondément combiné. Les preuves résultent des interrogatoires de Chabot, Bazire et Delaunay (d’Angers), des déclarations reçues sur l’existence de cette conspiration, dont Batz était le chef. Elles résultent des interrogatoires de Roussel et Burlan-deux, des fréquentes réunions des conjurés à Charonne, et chez Roussel et Cortey, à Paris; elles résultent des faux certificats de résidence accordés pour faire rentrer les émigrés, les faire réemparer des biens qui appartiennent à la nation, et pour pouvoir, avec la réunion de tous ces moyens, égorger les patriotes et renverser le gouvernement républicain; elles résultent des rapprochements que doivent faire naître la lecture de la lettre anglaise et les journaux par lesquels l’on voit que Pitt a éloigné la rentrée du parlement britannique, que l’Autriche et les émigrés désignoient avec audace les jours où devaient éclater les complots contre la représentation nationale; elles résultent enfin de l’assassinat de Robespierre, provoqué et annoncé par des affiches. Mais ce qui annonce combien doit être grand le nombre des complices, c’est l’altération des scellés apposés chez Lacroix, et le bris de ceux que le comité de sûreté générale avait fait apposer chez Chabot. Cependant, quoi qu’on fasse, le jour de la vérité luira; les complices seront découverts et le crime ne restera pas impuni. L’or et les assignats venaient d’Angleterre; Pitt et les émigrés avaient dirigé le plan de contre-révolution; ils en avaient prescrit les moyens, pourvu aux ressources, et Lamiral et la Renaud ont été les monstres dont Pitt et l’étranger se sont servis ppur enfoncer le poignard dans le sein des représentants du peuple. Mais l’astre bienfaisant de la liberté veille sur les destinées de la République; elle sera immortelle comme la Divinité qui préside à sa conservation. Représentants du peuple, vous avez aboli la royauté; anéantissez tous ses partisans; délivrez la République de tous ces fléaux de l’humanité. Qu’ils périssent les monstres qui, par des primes d’encouragement pour les forfaits, ont été les ennemis déclarés du peuple et du bonheur commun. Régénérez les mœurs par la sagesse de vos institutions, sans lesquelles tout décroit et dépérit. Donnez au gouvernement révolutionnaire toute sa force et son énergie; soyez toujours indulgents pour l’erreur, sévères et inflexibles contre le crime; conservez, dans l’exercice honorable des fonctions qui vous sont confiées par le peuple, le caractère de grandeur et de pureté qui élève l’âme et qui doit distinguer le législateur républicain. Que l’amour de la patrie soit l’unique passion de chacun de nous; immolons tous les royalistes sur la tombe de Capet; et si Batz, le premier agent de la conjuration des tyrans, a échappé à nos recherches, que ses complices subissent au plus tôt la peine qu’ils ont méritée. Dans le cours du rapport fait par Elie Lacoste, Voulland, occupant le fauteil, donne ordre à un huissier d’arrêter et de mettre sous la surveillance un individu qui se trouve dans l’assemblée, et qu’on vient de lui dénoncer comme secrétaire de Brissac. L’ordre est exécuté au milieu des applaudissements. Elie LACOSTE : Le comité de salut public vient de nous faire passer une déclaration qui vous fera connaître de nouveaux complices de cette atroce conspiration. Je vais en donner lecture à la Convention : Exposé préliminaire «J’ai demeuré pendant 11 mois, et jusqu’au mois d’octobre dernier (vieux style), où je suis revenu habiter la section et enclos du Temple, n° 67, pour être plus à portée de mes occupations. J’ai demeuré, dis-je, rue de Tracy n° 7, section des Amis de la Patrie; j’y occupais un logement au 3e, au-dessus d’un nommé Cardinal, maître de pension ou instituteur. Le genre de vie que je menais et l’activité de ma place (j’étais chef de correspondance dans la même partie où je suis devenu administrateur) ne me permettaient pas de cultiver mes voisins; mais 614 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE musique de d’Orléans, et fils d’un ex-conseiller du ci-devant parlement de Besançon; un secrétaire du Châtelet, Sartine fils, Sainte-Amarante, sa belle-mère, sa fille et son fils, méditaient le soulèvement des prisons. C’est dans ce repaire de conspirateurs si forcenés que l’on tentait de donner au royalisme de chauds partisans en calomniant le régime républicain, et en aigrissant quelques patriotes détenus, sur leur détention; c’est là que Deshaies, de la section du Finistère, échauffé par tous ces propos, est entré dans une fureur criminelle contre les mesures de sûreté générale. Dans le nombre de ces conjurés des prisons se trouvent encore Jauge, banquier, qui fournissait des fonds, avec Beaune, au prince de Galles; le ci-devant vicomte Boissancourt, déjà dénoncé pour crime de contre-révolution et falsification d’assignats; le nommé Comte, le confident de Fabre d’Eglantine et d’Hérault, qui a été chargé de plusieurs missions très-suspectes; il a eu à Turin des confidences avec d’Artois, et à Paris avec le tyran. Cet homme, qui n’avait rien avant la révolution, se trouve fort riche aujourd’hui. Il a rendu, avec de l’argent, illusoire l’ordre du comité de sûreté générale qui le mettait au secret. Michonis, qui, lors du procès de la veuve Capet, ne fut pas assez convaincu pour être condamné à la peine de mort, est aussi un ami de Batz. Comte lui a donné à diner fréquemment, ainsi qu’à Ozanne, officier de paix, condamné aux fers pour avoir laissé évader Jullien (de Toulouse). D’Hauteville, ex-page du tyran, jouit, parmi les conjurés, de la plus haute considération; ils croient toujours au succès des armes de nos ennemis; ils parlent de leur arrivée à Paris dans quatre mois. Le nommé Viart, détenu à Port-Libre, n’est pas un des moins chauds partisans du royalisme; il est convenu que l’on avait fait passer des assignats faux de 400 liv. dans la maison d’arrêt de Port-Libre, et il a voulu en acheter; il a offert des avances pour qu’on lui en procurât. « Ils passeront, disait-il, comme du petit lait. » D’après l’examen des pièces déposées au comité de sûreté générale, il nous a été facile de nous convaincre que le plan de conjuration de l’étranger était vaste et profondément combiné. Les preuves résultent des interrogatoires de Chabot, Bazire et Delaunay (d’Angers), des déclarations reçues sur l’existence de cette conspiration, dont Batz était le chef. Elles résultent des interrogatoires de Roussel et Burlan-deux, des fréquentes réunions des conjurés à Charonne, et chez Roussel et Cortey, à Paris; elles résultent des faux certificats de résidence accordés pour faire rentrer les émigrés, les faire réemparer des biens qui appartiennent à la nation, et pour pouvoir, avec la réunion de tous ces moyens, égorger les patriotes et renverser le gouvernement républicain; elles résultent des rapprochements que doivent faire naître la lecture de la lettre anglaise et les journaux par lesquels l’on voit que Pitt a éloigné la rentrée du parlement britannique, que l’Autriche et les émigrés désignoient avec audace les jours où devaient éclater les complots contre la représentation nationale; elles résultent enfin de l’assassinat de Robespierre, provoqué et annoncé par des affiches. Mais ce qui annonce combien doit être grand le nombre des complices, c’est l’altération des scellés apposés chez Lacroix, et le bris de ceux que le comité de sûreté générale avait fait apposer chez Chabot. Cependant, quoi qu’on fasse, le jour de la vérité luira; les complices seront découverts et le crime ne restera pas impuni. L’or et les assignats venaient d’Angleterre; Pitt et les émigrés avaient dirigé le plan de contre-révolution; ils en avaient prescrit les moyens, pourvu aux ressources, et Lamiral et la Renaud ont été les monstres dont Pitt et l’étranger se sont servis ppur enfoncer le poignard dans le sein des représentants du peuple. Mais l’astre bienfaisant de la liberté veille sur les destinées de la République; elle sera immortelle comme la Divinité qui préside à sa conservation. Représentants du peuple, vous avez aboli la royauté; anéantissez tous ses partisans; délivrez la République de tous ces fléaux de l’humanité. Qu’ils périssent les monstres qui, par des primes d’encouragement pour les forfaits, ont été les ennemis déclarés du peuple et du bonheur commun. Régénérez les mœurs par la sagesse de vos institutions, sans lesquelles tout décroit et dépérit. Donnez au gouvernement révolutionnaire toute sa force et son énergie; soyez toujours indulgents pour l’erreur, sévères et inflexibles contre le crime; conservez, dans l’exercice honorable des fonctions qui vous sont confiées par le peuple, le caractère de grandeur et de pureté qui élève l’âme et qui doit distinguer le législateur républicain. Que l’amour de la patrie soit l’unique passion de chacun de nous; immolons tous les royalistes sur la tombe de Capet; et si Batz, le premier agent de la conjuration des tyrans, a échappé à nos recherches, que ses complices subissent au plus tôt la peine qu’ils ont méritée. Dans le cours du rapport fait par Elie Lacoste, Voulland, occupant le fauteil, donne ordre à un huissier d’arrêter et de mettre sous la surveillance un individu qui se trouve dans l’assemblée, et qu’on vient de lui dénoncer comme secrétaire de Brissac. L’ordre est exécuté au milieu des applaudissements. Elie LACOSTE : Le comité de salut public vient de nous faire passer une déclaration qui vous fera connaître de nouveaux complices de cette atroce conspiration. Je vais en donner lecture à la Convention : Exposé préliminaire «J’ai demeuré pendant 11 mois, et jusqu’au mois d’octobre dernier (vieux style), où je suis revenu habiter la section et enclos du Temple, n° 67, pour être plus à portée de mes occupations. J’ai demeuré, dis-je, rue de Tracy n° 7, section des Amis de la Patrie; j’y occupais un logement au 3e, au-dessus d’un nommé Cardinal, maître de pension ou instituteur. Le genre de vie que je menais et l’activité de ma place (j’étais chef de correspondance dans la même partie où je suis devenu administrateur) ne me permettaient pas de cultiver mes voisins; mais SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 60 615 je ne tardai pas cependant à m’apercevoir que mon voisin n’était rien moins que patriote; cette circonstance et les preuves d’immoralité que donnait chaque jour et à toute heure l’homme dont il s’agit me déterminèrent, ainsi que ma femme, à ne faire aucun acte de voisinage avec lui. Nous quittâmes notre logement dans les mêmes dispositions; j’eus soin seulement de faire part de mes doutes à Mothrée, alors président du comité révolutionnaire de cette section, en lui laissant entrevoir le danger de laisser des jeunes gens dans de pareilles mains, et l’opinion dans laquelle j’étais que l’individu était un aristocrate peut-être dangereux, etc. Je n’en ai plus entendu parler, ni n’ai aperçu Cardinal jusqu’à avant-hier, 23 prairial environ 6 heures du soir, qu’il m’aborde (venant à moi) sur le boulevard Poissonnière, vis à vis le café faisant encoignure avec la rue de ce nom, du côté de la commune. Il eut d’abord l’air d’incertitude ou de crainte de se tromper; ma froideur ne l’empêcha pas de lier conversation. (Il avait bu certainement). Je ne répondis que par quelques monosyllabes bien insignifiants, mais je faisais fortement attention aux mouvements qui paraissaient l’agiter; il me dit .entre autres choses , qu’il «fallait que nous fussions bien lâches, bien c... pour nous laisser vexer, tyraniser par un scélérat, un gueux, tel que R..., un coquin qui osait invoquer la Divinité, et qui l’outrageait à chaque instant, qu’il s’en f...; qu’il n’en demandait qu’un comme lui..., qu’il était tout prêt... comment, avec de l’esprit, de l’âme et de l’énergie, je pouvais suivre ou avoir confiance en de pareils (les mêmes épithètes) ; qu’il tuerait tous ceux qui se présenteraient chez lui pour l’arrêter; que celui qui le dénoncerait, il l’assassinerait, etc. Enfin, la seule phrase suivie que j’employai fut pour lui dire que je ne pouvais pas causer avec lui sur des individus, ne m’occupant que de la chose publique pour elle-même... A ces mots, et avec un accent presque furieux, il reprit littéralement « La chose publique, mais il faut l’exterminer, la chose publique ! » «Alors je n’y tins plus, je lui tournai le dos en disant: «Je vois que votre tête à besoin du grand air » et, commandant à mon indignation, je ne l’arrêtai point, sûr qu’on ne pourrait le manquer dès qu’on le voudrait, et par des motifs de prudence que j’ai déduits ce matin au citoyen Dumas. « Tel est le récit fidèle des faits; ma mémoire pourra me faciliter une rédaction peut-être plus complète et qui peindra mieux le scélérat que mon civisme et mon véritable amour pour ma patrie m’obligent à dévoiler; mais la vérité est une, et voilà l’historique du peu de minutes pendant lesquelles j’ai entendu et bien examiné le nommé Cardinal » (1) . Voici le projet de décret [ adopté ] : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Elie LACOSTE, au nom de] ses comités de salut public et de sûreté générale, décrète : « Art. I. - Le tribunal révolutionnaire jugera sans délai, conjointement avec l’Admiral et la (1) Mon., XX, 722-727; C. Eg., n° 665; J. S.- Culottes, n°* 485, 486; Ann. patr., DXXX. fille Renaud, assassins des représentans du peuple, Roussel, Cardinal, Cortey, épicier, Devaux, secrétaire de Batz et commissaire de la section de Bonnes-Nouvelles; la femme Grandmaison, la femme Grimoire, Pottier-de-Lille, Sombreuil père et fils, Rohan-Rochefort, Laval-Montmorency, le ci-devant comte de Pons, Jardin, ci-devant page du tyran; Sartine fils, la femme Sainte Amarante, sa fille et son fils; Constand, gendarme; Lafosse, préposé à la police; Burlan-deux, Ozanne, ces deux derniers ex-officiers de paix; le ci-devant prince de Rohan-Saint-Maurice, Egré, Karadee, Paumier, l’Ecuyer, ci-devant maître de musique de d’Orléans; le ci-devant vicomte de Boissancourt, la femme d’Eprémesoil, Viart, Marsan, d’Hauteville, ci-devant page du tyran; le nommé Comte, Menil-Simon, Deshayes, de la section du Finistère; Jauge, banquier; la nommée Nicole, fille de compagnie de la femme Grandmaison; Tissot, dit Biret, valet de chambre de Batz, Michonis; tous prévenus d’être complices de Batz ou de la conjuration de l’étranger, et d’avoir voulu par l’assassinat, la famine, l’introduction des faux assignats, la dépravation de la morale et de l’esprit public, le soulèvement des prisons, faire éclater la guerre civile, dissoudre la représentation nationale, rétablir la royauté ou autre domination tyrannique. « II. - La Convention nationale charge l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de rechercher tous les complices de la conspiration de Batz ou de l’étranger, qui pourront être disséminés dans les maisons d’arrêt de Paris ou sur les différens points de la République » (1) . VADIER ajoute quelques détails sur l’un de ces conspirateurs, nommé Lecomte, et apprend que c’est lui principalement qui étoit la cheville ouvrière de ces complots liberticides; que depuis la révolution, il a fait plusieurs voyages à Turin; qu’à son retour il a été très lié avec Hérault et Fabre d’Eglantine, qui le produisoient sans cesse, l’un au comité de salut public, l’autre au comité de sûreté générale; qu’en un mot il étoit le lieutenant de Pitt, et que sans doute un procès donnera de nouvelles lumières sur les trames ourdies contre la liberté (2). 60 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son comité de législation, sur un arrêté du tribunal du district de Gournay, présentant la question de savoir si les citoyens Ribart et Lecuyer, qui (1) P.V., XXXIX, 285. Minute de la main de Lacoste. Décret n° 9493. Reproduit dans Bln, 1er mess. (1er et 2e supplts) ; Débats, n° 633, p. 389-402 et 415; M.U., XL, 409-410 et 425; J. Lois, n° 624; J. Fr., nos 628 et 629; Rép., nos 177 et 180. Mention dans Mess, soir, n° 665; J. Sablier, n0’ 1378 et 1385; Ann. R.F., nos 196 et 197; J. Mont., n° 49; J. Univ., nos 1664, 1665, 1666; J. Perlet, n°‘ 630 et 631; C. Eg., n° 666. (2) Audit, nat., n° 629. SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 60 615 je ne tardai pas cependant à m’apercevoir que mon voisin n’était rien moins que patriote; cette circonstance et les preuves d’immoralité que donnait chaque jour et à toute heure l’homme dont il s’agit me déterminèrent, ainsi que ma femme, à ne faire aucun acte de voisinage avec lui. Nous quittâmes notre logement dans les mêmes dispositions; j’eus soin seulement de faire part de mes doutes à Mothrée, alors président du comité révolutionnaire de cette section, en lui laissant entrevoir le danger de laisser des jeunes gens dans de pareilles mains, et l’opinion dans laquelle j’étais que l’individu était un aristocrate peut-être dangereux, etc. Je n’en ai plus entendu parler, ni n’ai aperçu Cardinal jusqu’à avant-hier, 23 prairial environ 6 heures du soir, qu’il m’aborde (venant à moi) sur le boulevard Poissonnière, vis à vis le café faisant encoignure avec la rue de ce nom, du côté de la commune. Il eut d’abord l’air d’incertitude ou de crainte de se tromper; ma froideur ne l’empêcha pas de lier conversation. (Il avait bu certainement). Je ne répondis que par quelques monosyllabes bien insignifiants, mais je faisais fortement attention aux mouvements qui paraissaient l’agiter; il me dit .entre autres choses , qu’il «fallait que nous fussions bien lâches, bien c... pour nous laisser vexer, tyraniser par un scélérat, un gueux, tel que R..., un coquin qui osait invoquer la Divinité, et qui l’outrageait à chaque instant, qu’il s’en f...; qu’il n’en demandait qu’un comme lui..., qu’il était tout prêt... comment, avec de l’esprit, de l’âme et de l’énergie, je pouvais suivre ou avoir confiance en de pareils (les mêmes épithètes) ; qu’il tuerait tous ceux qui se présenteraient chez lui pour l’arrêter; que celui qui le dénoncerait, il l’assassinerait, etc. Enfin, la seule phrase suivie que j’employai fut pour lui dire que je ne pouvais pas causer avec lui sur des individus, ne m’occupant que de la chose publique pour elle-même... A ces mots, et avec un accent presque furieux, il reprit littéralement « La chose publique, mais il faut l’exterminer, la chose publique ! » «Alors je n’y tins plus, je lui tournai le dos en disant: «Je vois que votre tête à besoin du grand air » et, commandant à mon indignation, je ne l’arrêtai point, sûr qu’on ne pourrait le manquer dès qu’on le voudrait, et par des motifs de prudence que j’ai déduits ce matin au citoyen Dumas. « Tel est le récit fidèle des faits; ma mémoire pourra me faciliter une rédaction peut-être plus complète et qui peindra mieux le scélérat que mon civisme et mon véritable amour pour ma patrie m’obligent à dévoiler; mais la vérité est une, et voilà l’historique du peu de minutes pendant lesquelles j’ai entendu et bien examiné le nommé Cardinal » (1) . Voici le projet de décret [ adopté ] : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Elie LACOSTE, au nom de] ses comités de salut public et de sûreté générale, décrète : « Art. I. - Le tribunal révolutionnaire jugera sans délai, conjointement avec l’Admiral et la (1) Mon., XX, 722-727; C. Eg., n° 665; J. S.- Culottes, n°* 485, 486; Ann. patr., DXXX. fille Renaud, assassins des représentans du peuple, Roussel, Cardinal, Cortey, épicier, Devaux, secrétaire de Batz et commissaire de la section de Bonnes-Nouvelles; la femme Grandmaison, la femme Grimoire, Pottier-de-Lille, Sombreuil père et fils, Rohan-Rochefort, Laval-Montmorency, le ci-devant comte de Pons, Jardin, ci-devant page du tyran; Sartine fils, la femme Sainte Amarante, sa fille et son fils; Constand, gendarme; Lafosse, préposé à la police; Burlan-deux, Ozanne, ces deux derniers ex-officiers de paix; le ci-devant prince de Rohan-Saint-Maurice, Egré, Karadee, Paumier, l’Ecuyer, ci-devant maître de musique de d’Orléans; le ci-devant vicomte de Boissancourt, la femme d’Eprémesoil, Viart, Marsan, d’Hauteville, ci-devant page du tyran; le nommé Comte, Menil-Simon, Deshayes, de la section du Finistère; Jauge, banquier; la nommée Nicole, fille de compagnie de la femme Grandmaison; Tissot, dit Biret, valet de chambre de Batz, Michonis; tous prévenus d’être complices de Batz ou de la conjuration de l’étranger, et d’avoir voulu par l’assassinat, la famine, l’introduction des faux assignats, la dépravation de la morale et de l’esprit public, le soulèvement des prisons, faire éclater la guerre civile, dissoudre la représentation nationale, rétablir la royauté ou autre domination tyrannique. « II. - La Convention nationale charge l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de rechercher tous les complices de la conspiration de Batz ou de l’étranger, qui pourront être disséminés dans les maisons d’arrêt de Paris ou sur les différens points de la République » (1) . VADIER ajoute quelques détails sur l’un de ces conspirateurs, nommé Lecomte, et apprend que c’est lui principalement qui étoit la cheville ouvrière de ces complots liberticides; que depuis la révolution, il a fait plusieurs voyages à Turin; qu’à son retour il a été très lié avec Hérault et Fabre d’Eglantine, qui le produisoient sans cesse, l’un au comité de salut public, l’autre au comité de sûreté générale; qu’en un mot il étoit le lieutenant de Pitt, et que sans doute un procès donnera de nouvelles lumières sur les trames ourdies contre la liberté (2). 60 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son comité de législation, sur un arrêté du tribunal du district de Gournay, présentant la question de savoir si les citoyens Ribart et Lecuyer, qui (1) P.V., XXXIX, 285. Minute de la main de Lacoste. Décret n° 9493. Reproduit dans Bln, 1er mess. (1er et 2e supplts) ; Débats, n° 633, p. 389-402 et 415; M.U., XL, 409-410 et 425; J. Lois, n° 624; J. Fr., nos 628 et 629; Rép., nos 177 et 180. Mention dans Mess, soir, n° 665; J. Sablier, n0’ 1378 et 1385; Ann. R.F., nos 196 et 197; J. Mont., n° 49; J. Univ., nos 1664, 1665, 1666; J. Perlet, n°‘ 630 et 631; C. Eg., n° 666. (2) Audit, nat., n° 629.