462 [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.J dité, source de tous les maux, pour convertir à son usage et usurper par soi ou par autrui, par force ou par menaces, même par des personnes interposées, sous quelque prétexte que ce soit, Jes biens, cens, fruits ou quelques revenus que ce soit des églises, bénéfices, monts-de-piété, et de tous autres biens destinés aux pauvres et à ceux qui desservent ces lieux, ou pour empêcher, par les mêmes voies, que lesdits biens ne soient pas perçus par ceux à qui ils appartiennent de plein droit, qu'il soit soumis à P anathème jusqu’à ce qu’il ait entièrement restitué à l’Eglise, à son administrateur, ou au bénéficier, lesdits biens, effets, droits, revenus dont il se sera emparé, ou qui lui seront advenus, de quelque manière que ce soit, même par donation de personnes supposées, et jusqu’à ce qu’il en ait ensuite obtenu l’absolution du Souverain Pontife... Tout ecclésiastique, qui aura consenti ou adhéré à ces entreprises exécrables, sera soumis aux mêmes peines, privé de son bénéfice, et rendu inhabile à tout autre, et même après l’entière satisfaction et absolution, il sera en suspens de la fonction de ses ordres, tant qu’il plaira à son évêque. » « 6° La déclaration des droits de l’homme présente nombre de maximes entièrement opposées à la sainte Ecriture et même à la sainte raison : par exemple, il faut que les hommes naissent libres, car ils naissent dans un état de faiblesse et de dépendance. Ils naissent dans la dépendance de leur parents, avec obligation naturelle de reconnaître leur supériorité, de les honorer et de leur obéir. Cette obligation naturelle, que la raison nous démontre, a été sanctionnée par l’autorité de Dieu même. Les hommes naissent dans la dépendance de ceux qui exercent l’autorité publique dans la société, avec l’obligation de reconnaître cette autorité, et de s’y soumettre. Cette obligation est démontrée par la raison ; elle est aussi sanctionnée par la parole expresse de celui qui est l’auteur et le conservateur des sociétés. Les hommes naissent et demeurent dans la dépendance de leur créateur, avec l’obligation inviolable de se soumettre aux lois émanées de son autorité suprême : cette remarque est d’autant plus importante, que l’article VI semble ne donner pour règle à la liberté d’autres lois que celles qui sont l’expression de la volonté générale ; d’où on pourrait conclure que la volonté des hommes est leur seule règle, qu’il n’y a point d’autres lois que celles que Tes hommes se font à eux-mêmes; ce qui supposerait l’athéisme ou le déisme le plus révoltant. On trouve encore dans ces maximes nombre de choses fausses, fort mauvaises et imbues des poisons de la philosophie moderne. Il en résulte des maux infinis, spécialement de la liberté de publier parl’impres-sion toutes sortes de mensonges, d’erreurs et d’impiétés qui brouillent toutes les idées et renversent tous les principes de la vertu. «On ne saurait se le dissimuler, et on ne peut y penser sans la consternation la plus profonde : les décrets et les dispositions ci-dessus énoncées introduisent le schisme et l’hérésie, changent la religion, et tendent à la détruire totalement. Je ne peux donc faire le serment qu’on exige de moi, qu’en les exceptant très-positivement, ainsi que tout autre article qui pourrait blesser la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la sainte église catholique, apostolique et romaine, hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. J’aimerais mieux perdre les biens et la vie que d’adhérer à rien de ce qui y estcon-traire, et d’être infidèle à mon Dieu et à mon Sauveur, convaincu que je suis, selon sa parole, que celui qui aurait perdu sa vie pour lui et pour son Evangile, en retrouvera une meilleure avec lui dans son royaume céleste. J’exhorte de tout mon cœur mes diocésains, auxquels je dois l’instruction, à entrer dans les mêmes sentiments que moi : leur salut éternel est attaché, comme le mien, à leur fidélité pour la foi chrétienne et catholique. Jamais, hélas ! notre patrie ne fut en plus grand danger de la perdre : cette perte est le plus grand enâiiment de la colère de Dieu ; et ne devons-nous pas la redouter dans ce déluge d’impiétés et d’iniquités qui nous inondent ? Prions Dieu sans cesse d’avoir pitié de nous et de ne pas nous abandonner. « Signé : LoüIS-ChàRLES, évêque d’Amiens. » Opinion de 11. Iiindet, curé de Sainte-Croix de Bemay , député du département de l’Eure, à l'Assemblée nationale, sur la prestation du serment ordonnée par le décret du Tl novembre 1789. « Le moment est arrivé où le serment le plus solennel va garantir aux peuples que la religion n’aura que des ministres fidèles à Dieu et a la patrie. Le décret de l’Assemblée nationale qui l’ordonne va calmer leurs inquiétudes, et rendra aux prêtres la confiance des fidèles et la considération sans laquelle leur ministère est sans dignité comme sans fruit. « Le petit nombre de ceux qui refuseront de prêter le serment décrété le 27 novembre, attestera à la France que la constitution, décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi, trouvera bien peu d’ennemis parmi les ecclésiastiques fonctionnaires. La nation rendra cette justice à ses pasteurs, de croire qu’un grand nombre d’entre eux, députés à l’Assemblée nationale ont été constamment et invariablement attachés aux principes qui ont servi de baser à la constitution, qu’ils ont appuyé de tous leurs efforts les décrets mémorables qui fondent aujourd’hui les espérances des Français et qui feront bientôt leur bonheur. La nation applaudira au patriotisme avec lequel ils ont offert les plus grands sacrifices, au zèle avec lequel ils ont contribué à la réforme des abus introduits dans le sanctuaire, à l’empressement avec lequel ils ont accepté les lois qui doivent rappeler les plus beaux jours de l’Eglise primitive, à l’esprit de charité qui les a engagés à ne pas se rendre les dénonciateurs de leurs frères, en désignant eux-mêmes les abus contre lesquels mille voix s’élevaient de toutes les parties de la France, à la modestie qui les a déterminés à préférer le parti d’attendre la loi pour s’y soumettre et l’adopter, à la vaine gloire de la proposer et de la solliciter. « La F rance reconnaîtra que l’opposition momentanée de quelques membres de l’Assemblée nationale aux lois les plus désirées, était l’effet d’une persuasion fondée sur d’antiques préjugés, confirmée par de longues habitudes; elle ne verra plus dans cette opposition le dessein criminel d’armer les citoyens contre les citoyens au nom de la religion ; elle n’y verra que les efforts excusables de quelques nommes accoutumés à de grandes jouissances, pour éviter les privations immenses auxquelles ils allaient être condamnés. Bientôt ces mêmes hommes qu’on accusait d’allumer les torches de la superstition et du fanatisme convaincront tous les Français qu’ils sont Français comme eux, digues d’êtres libres, et ca- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] ables des plus généreux sacrifices pour le bon-eur de leur patrie. « Déjà un grand Dombre de pasteurs dans les différents départements du royaume ont manifesté leur dévouement à la Constitution ; bientôt tous s’empresseront de montrer qu’ils sentent profondément cette grande vérité, que les prêtres d’un peuple libre n’ont de droits à l’estime publique que par leurs vertus, et que leur premier devoir est d’être soumis aux lois et de prêcher au peuple cette soumission. « Ils vont être oubliés ces jours où l’esclavage avait sillonné sur tous les citoyens de toutes les classes l’empreinte honteuse de ses fers. Le despotisme avait aussi dégradé le sacerdoce; le caractère' des ministres de la divinité va reparaître dans toute sa pureté ; on ne verra plus des prêtres courtisans, avides de richesses et d’honneur, s’avilir pour parvenir aux dignités de l’Eglise, et ramper aux pieds des despotes pour dominer sous leur protection. t L’église de France s’est trouvée dans une position singulière, également menacée des invasions du pouvoir arbitraire du gouvernement de France et de la cour de Rome, ses ministres eurent l’habileté de flatter ces deux puissances, de les opposer alternativement l’une à l’autre, et de se maintenir dans une espèce d’indépendance à la faveur de cette guerre entre le sacerdoce et l’empire. On ne sera point étonné que, dans le moment où tant de passions, tant d’intérêts s’élevaient contre la constitution civile du clergé, quelques ministres de l’église se soient souvenus des moyens que leurs prédécesseurs avaient tant de fois employés avec succès. On a voulu soumettre les décrets de l’Assemblée nationale au jugement de la cour de Rome. Si la cour de Rome avait proposé les réformes décrétées par les représentants de la nation française, on aurait regardé ses jugements comme* incompétents, on aurait sollicité l’opposition de l’Assemblée nationale, et l’on aurait trouvé dans l’histoire de l’église gallicane des faits pour justifier deux marches si opposées. « Nous ne sommes pas réduits à ne faire que ce que nos pères ont fait; nous devons profiter de leurs erreurs. Les leçons de l’expérience seraient bien perdues, si on avait pu croire de nos jours qu’un rescrit du pape ou un canon d’un concile provincial ou national et même œcuménique, auraient efficacement réformé tous les abus qui obscurcissaient l’éclat de l’Eglise en France. Il était trop facile de méconnaître ou d’éluder ces autorités. « Lorsqu’une loi est nécessaire, qu’il n’existe qu’une autorité qui puisse la proposer et en assurer l’exécution, c’est à cette autorité qu'il appartient de faire cette loi. « La réforme du clergé était indispensable; toute la France la demandait, tous les pasteurs la sollicitaient; la religion, ensevelie sous la masse des scandales était méconnaissable. « La volonté de la nation fortement exprimée, soutenue de toute sa puissance coercitive, pouvait seule prononcer un anathème efficace et irrésistible contre les abus. Il fallait donc que l’Assemblé nationale les proscrivît. « Plusieurs pasteurs ont cru que l’Eglise avait seule le droit de prononcer sur ces matières, ou du moins ils auraient désiré que cet honneur lui fût déféré ; et la puissance temporelle aurait dû, suivant eux, se charger seulement de faire exécuter ce que la puissance spirituelle aurait ordonné. Cette opinion ne doit point les empêcher 463 d’adhérer au décret de la constitution civile du clergé. « Si l’Eglise a fait une loi que la puissance temporelle trouve sage et utile, et qu’elle la confirme, cette loi faite par la puissance spirituelle devient une loi de l’Etat; si lorsque l’autorité spirituelle dort, la puissance temporelle promulgue une loi aussi essentielle à la gloire et à la conservation de la religion qu’à la prospérité d’un grand royaume, l’Eglise ne peut raisonnablement se dispenser d’adopter cette loi, et alors la loi de l’Etat devient une loi de l’Eglise. Peu importe que l’Eglise ait fait la loi, ou qu’elle l’ait reçue; son autorité doit être la même aux yeux de ceux qui croient qu’elle seule doit régler les points de la discipline. « Pour qu’une loi civile devienne une loi de l’Eglise dans un royaume, l’intervention de l’évêque de Rome n’est pas nécessaire; il n’est pas indispensable de recourir à un Concile, il suffit que les pasteurs de ce royaume se soumettent à cette loi, et qu’elle soit observée dans ses différentes églises. « Toutes les Assemblées nationales de France ont do>aé lieu à des ordonnances relatives à la discipline ecclésiastique ; ces ordonnances ont été publiées et exécutées sans qu’on ait eu recours à l’autorité du pape et sans qu’on ait convoqué de conciles pour demander l’adhésion des ministres de l’Eglise. « L’Eglise de France ne s’est pas toujours montrée jalouse de l’autorité législative; souvent on l’a vue substituer àl’ancienne discipline, des édits, des arrêts du conseil; et aujourd’hui, on ne voudrait pas adopter les décrets de l’Assemblée nationale qui rappellent la discipline des siècles les plus brillants du christianisme ! « Quel prétexte pourrait colorer la résistance à ces décrets? Parlera-t-on encore du danger auquel la religion est exposée? Les craintes, que des esprits malveillants avaient affecté de répandre à cet égard, sont dissipées; il n’est plus possible de suspecter les intentions des représentants de la nation ; ils ont tout fait pour l’honneur de la religion. S’ils ont refusé de déclarer la religion catholique dominante, c'est qu’ils ont craint que l’esprit de domination et de persécution ne s’emparât de ceux qui la professent, et que cette expression ne servît de prétexte à l’ambition et aux autres passions des hypocrites; c’est qu’ils n’ont voulu humilier, ni inquiéter aucuns de ceux à qui ils accordaient la liberté des opinions religieuses ; c’est qu’ils ont voulu détruire toutes les semences de jalousie et de querelle entre les citoyens de diverses croyances; mais la religion catholique est la religion nationale, puisque son culte seul est aux frais de la nation. « La nouvelle constitution civile du clergé ne donne atteinte à aucun dogme de la foi; elle contient des règlements sages qui tendent à améliorer les mœurs des ecclésiastiques, à assurer à l’Eglise des ministres vertueux : si quelqu'un avait conçu un plan de réforme plus parfait, il devait se "hâter de le proposer, et ne pas s’arrêter à critiquer celui qui est passé en loi. « On ne reviendra plus à cette objection, tant de fois réfutée, que l’Assemblée nationale a excédé ses pouvoirs. Le sacerdoce est établi pour la nation; son existence doit tendre à l’utilité, au bonheur du peuple ; lorsqu’il s’écarte de ce but, la nation a le droit de l’y rappeler; elle peut dire aux ministres de son culte: Vous êtes trop nombreux; votre opulence est nuisible à la prospérité publique; on a fait prévaloir un mode d’élection T 464 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] qui porte aux emplois des hommes peu faits )our y parvenir : le vaste dépôt des aumônes mbliques remis en vos mains n’a point produit e soulagement des malheureux qu’on pouvait attendre lorsque la religion s’est établie, lorsqu’elle a été reçue dans l’empire, la division des diocèses et des paroisses a été calquée pour le spirituel sur les divisions établies pour le civil ; aujourd’hui qu’un nouvel ordre d’administration civile est établi, l’administration ecclésiastique doit subir le même changement dans ses divisions. « On contesterait à la nation le pouvoir de réformer les ministres de son culte! Si elle interdisait même ce culte, elle abuserait certainement de son pouvoir; mais qui serait son juge sur la terre? Si l’Assemblée nationale pouvait oublier les principes de justice, de sagesse et de religion qui l’ont toujours guidée, et nous prescrire des lois contraires à notre conscience et à la foi que nous professons, nous saurions qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes; mais lorsqu’elle nous propose des lois conformes aux maximes les plus pures du christianisme, lorsque le rétablissement de la religion, l’honneur de notre ministère, le repos et la tranquillité de l’Etat dépendent de notre soumission, lui obéir, c’est obéir à Dieu. « Nous respectons le chef de l’Eglise; ses vertus, sa modération, sa prudence sont des garants assez sûrs de l’opinion qu’on doit lui supposer sur la réforme du clergé de France; mais nous ne croyons pas nécessaire de solliciter son avis, encore moins son jugement sur des questions dont tout ecclésiastique, fidèle à sa vocation, doit trouver la solution dans les principes même de sa religion. « Les ministres dont les bénéfices sont supprimés doivent-ils s’abstenir d’exercer leurs fonctions? Ceux dont le territoire a éprouvé des retranchements, doivent-ils s’interdire leurs fonctions à l’égard de leurs anciens diocésains ou paroissiens? Ceux dont le territoire a reçu des accroissements, doivent-ils exercer leur ministère dans les lieux qui n’étaient pas précédemment soumis à leur juridiction? Doivent-ils reconnaître les ministres qui seront nommés suivant les nouvelles formes prescrites pour leur élection? « Eh! qui pourrait élever des doutes sur ces questions? Le pouvoir, que nous avons reçu du ciel par l’ordination, ne doit servir qu’à l’édification de l’Eglise; il serait employé à sa destruction, si on voulait l’exercer contre la volonté sage et réfléchie d’un peuple fidèle, au mépris des lois d’une Assemblée protectrice de la religion catholique. « Celui-làserait bien présomptueux, qui, lorsque la voix du peuple lui déclare qu’il doit cesser d’administrer une église, ou une portion de l’ancien troupeau qui lui était confié, croirait que lui seul peut bien gouverner son ancienne église ou la portion qui en est démembrée. Il importe peu que ce soit tel ou tel individu qui soit préposé au gouvernement spirituel d’un diocèse ou d’une paroisse; mais il importe infiniment que tous ceux à qui le soin d’une église est confié, sachent qu’ils appartiennent à l’église, et que l’église ne leur appartient pas ; qu’ils soient toujours prêts à sacrifier leur intérêt particulier au repos, à la tranquillité de leur église. « Quelle occasion de troubles et de scandales ne donnerait pas l’opiniâtreté d’un ministre qui, contre la volonté générale de la nation, entreprendrait de continuer un ministère dont toute l’autorité consiste dans sa persuasion, dont toute l’utilé dépend de la charité, de la modestie, des vertus et des lumières de celui qui l’exerce? Gomment pourrait-il persuader? Quelle idée pourrait-on avoir de son désintéressement, de sa modestie, de sa bienfaisance, s’il n’était pas effrayé par le danger de compromettre la tranquillité de l’Eglise, d’attirer des calamités sur sa patrie, et sur ceux au bonheur desquels il devait spécialement travailler? Non, aucun prêtre français ne donnera ce dangereux exemple. « Les pasteurs conservés refuseront-ils les secours spirituels de la religion à la nouvelle portion du troupeau qui leur est attribuée ? Le pouvoir qu’ils ont reçu du ciel s’étend sur le monde entier. Le zèle des apôtres et des fondateurs des églises ne fut jamais circonscrit dans des limites au delà desquelles il ne leur fût pas permis de travailler au salut des âmes. Leur mission était vers tous les peuples de la terre. La démarcation des territoires assignés à chaque ministre n’a lieu que lorsqu’il est possible d’organiser l’administration spirituelle dans un Etat où la religion catholique est solennellement reçue. La nation qui a admis cette démarcation peut la changer lorsque ses intérêts politiques l’exigent ; elle n’a pas besoin de chercher hors de son sein une autorité qui établisse la police qu’elle juge nécessaire. La division des diocèses et des paroisses est un règlement de simple police et d’ordre pour partager le travail entre les ministres et faciliter à tous les fidèles les secours de la religion. Lorsque l’ancienne division ne remplit pas ces objets, la puissance civile peut la changer : alors elle exerce le droit du peuple, et les ministres des autels, qui lui résistent, transgressent leurs devoirs. « Aucun ministre de l’Eglise ne doute qu’il doit exercer des fonctions hors de son territoire dans le cas de nécessité. Quelle plus grande nécessité que celle qui est imposée par la volonté juste d’un grand peuple ? Les fidèles, privés de leurs ancien pasteur , ne resteront donc point sans secours spirituels. L’Assemblée nationale y a pourvu ; et la religion impose aux pasteurs conservés l’obligation de leur accorder les soins de leur ministère. « La nouvelle forme des élections, si conforme à la raison, ne l’est pas moins à la discipline des premiers temps du christianisme : on se rappel-era de nos jours, ce qui était reconnu dans ces leureux temps, que la voix du peuple est la voix de Dieu. La nation, lorsqu’elle prescrit le mode d’admission aux emplois ecclésiastiques le plus raisonnable et le plus religieux, a droit de compter sur l’obéissance des pasteurs, plus sûrement que François Ier, qui cependant fut obéi, lorsque , malgré toutes les réclamations de toutes les corporations du royaume, il entreprit de renverser l’ancien usage des élections, et de cencentrer en sa personne tous les droits de la nation. Les pasteurs nouvellement élus n’éprouveraient donc aucune difficulté de la part des anciens. «Je crois que l’intérêt delà religion et la tranquillité publique font un devoir à tous les pasteurs de l’Eglise de France de prêter le serment décrété par l’Assemblée nationale. J’espère qu’il ne s’en trouvera aucun qui balance à rendre cet hommage à sa patrie; cependant il serait possible que quelques hommes vertueux, mais peu éclairés, fussent déterminés à s’y refuser par le souvenir de la la lecture qu’ils auront faite de quelques écrits anti-constitutionnels, qu’on a dit sortir même du sein de cette Assemblée. Il serait pos- 465 [Assemblée nationale J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790, | sible qu’ils lussent confirmés dans cette résolution aussi contraire à leurs devoirs qu’à leurs intérêts, par le compte qui sera rendu dans les papiers publics de ce qui se passe dans l’Assemblée nationale par rapport à ce serment. Les ennemis de la Gonstitntion ne manqueront pas de publier qu’un grand nombre de membres de l’Assemblée nationale refusent de prêter le serment ; que plusieurs hésitent, et ces bruits, artificieusement répandus, alarmerontles consciences timorées. « Il n’est qu’un moyen de prévenir ce danger, j’invite tous les ecclésiastiques députés de l’Assemblée nationale à l’adopter. Je suis persuadé qu’ils sont tous dans l’intention de donner à la nation cette preuve de soumission à ses lois , rendons tous ensemble cet hommage à la patrie: donnons-lui au même moment cette assurance de cette fidélité qu’elle exige de nous. Cette démarche solennelle enlèvera aux malintentionnés l’occasion d’interpréter malignement les délais que plusieurs pourraient prendre sans affeetation. Plus notre obéissance sera prompte, moins elle sera suspecte, et plus l’exemple que nous aurons donné aura d’influence sur la détermination des pasteurs , à qui il resterait encore quelque incertitude sur la conduite qu’ils doivent tenir. c Signé : Lindet. » 2e Annexe à la séance de l'Assemblée nationale du 6 février 1790. Mémoire four la ville de La Rochelle (I). L’Assemblée nationale, consultant le droit naturel des choses et le droit naturel des positions , a décrété l'union de l’Aunis et de la Sain-tonge. L’Assemblée nationale a consacré, par ce décret, une union déjà formée, et qui subsistait depuis l’établissement de la généralité de La Rochelle. Les députés de Saintonge demandent le département pour la ville de Saintes , ceux de l’Aunis le demandent pour la ville de La Rochelle. Si ces prétentions sont décidées par des raisons de droit et de convenance, elles ne peuvent rester longtemps douteuses, et la décision doit être nécessairement en faveur de la ville de La Rochelle. Raisons de droit. Si l’on se permet de parler de droits devant une Assemblée de législateurs, lorsque toutes les provinces , toutes les villes du royaume ont abaissé les leurs devant le grand intérêt national, c’est que les droits, que défend la ville de la Rochelle, ont l’heureux avantage de s’allier à l’intérêt national, sans blesser réellement aucun intérêt particulier. La ville de La Rochelle a été, depuis l’établissement de la généralité qui porte son nom, la capitale et le siège de l’administration de cette généralité. C’est une propriété, c’est un rang que son importance lui a acquis, que le temps a confirmé, et dont on ne peut la dépouiller sans injustice. Gomment voudrait-on aujourd’hui enlever à la ville de La Rochelle ce qu’elle possède, ce qu’elle mérite, pour en investir une ville inférieure, sans aucune sorte d’industrie et d’activité? Ne serait-ce pas un renversement d’idées et de choses; et l’Assemblée nationale, si circonspecte, si sévère dans ses principes de justice, voudrait-elle faire une exception pour la province d’Aunis seulement, et la rendre, en quelque sorte, la seule qui eût à mêler des regrets à l’heureuse révolution que doit immortaliser l’auguste Assemblée dans le cœur de tous les Français? Si la ville de la Rochelle demandait une concession nouvelle, si, comme celle de Saintes, elle aspirait à un nouvel ordre de choses, à s’élever sur le patrimoine d’autrui; cette demande, portant sa réprobation avec elle, mériterait sans doute d’être mise au rang de ces suggestions d’un intérêt particulier, dont l’Assemblée nationale a dû être fatiguée de plus d’une manière ; mais la ville de la Rochelle ne demande qu’à rester en possession de ce qui lui appartient, en vertu du titre le plus respectable. Raisons de convenance. La ville de La Rochelle réunit en grand tous les établissements d’ordre public; un hôtel pour le commandant général des trois provinces d’Aunis, Poitou et Saintonge: un hôtel de l’intendance; un palais, rebâti en 1788 avec étendue, et même magnificence; un palais épiscopal, dont la construction ne remonte pas à quinze ans ; un vaste hôtel de ville; un hôteldes monnaies; un hôtel de la Bourse, etc. Tous ces établissements offrent le choix le plus varié, et les commodités les plus étendues. Partout ailleurs, dans les autres villes de la généralité, la plupart de ces établissements manquent ; ceux qui peuvent exister, sont dans un état d’imperfection ou de faiblesse, qui les rend insuffisants. On dira bien qu’on trouvera dans la suppression des communautés religieuses des moyens d’établissements également gratuits ; mais cês moyens, qui n’existeraient pas moins à La Rochelle, cesseront bientôt de paraître suffisants. On fera des changements : insensiblement peut-être, on voudra des établissements qui aient de la dignité, et la province se verra soumise à des dépenses qu’on pouvait lui épargner. Les différents tribunaux, qui sont àLa Rochelle, offrent des magistrats exercés dans tous les genres, dont les lumières et l’expérience peuvent devenir très utiles pour la composition des nouveaux tribunaux. L’agriculture et le commerce se tiennent par la main ; ils se soutiennent l’un par l’autre ; leur activité dépend absolument du même principe, c’est une grande production. Le développement de ce principe, si nécessaire aujourd’hui, ne peut être bien senti que dans une ville de commerce ; c’est là que le mouvement et le jeu journalier de l’industrie des hommes peuvent frapper l’esprit et le sens des représentants d’une province, et les conduire à des vues et des rapports qui échapperont longtemps, dans une ville intérieure, à des représentants qui ne connaîtraient que leur horizon (1). La ville de Saintes dont la population (1) S’il était permis de s’appuyer d’un grand exemple. on dirait que l’avantage qu’ont acquis les Anglais par le commerce, tient à la situation de Londres, qui l’a rendu un port de mer. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Ie SÉRIE. T. XI. 30