198 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! f novembre «93* et des ouvrages qui la dominaient, et de la cita¬ delle de Blaye où nous trouvâmes un bataillon portant le nom de la Gironde, que nous en fîmes sortir et qui, sur-le-champ, fut remplacé par un corps armé dont les citoyens et les chefs étaient tout dévoués à la République une et indivi¬ sible. Nous nous rendîmes maîtres ensuite du fort Médoc, de celui du Hâ et finalement du Château-Trompette dans l’intérieur de la ville. Alors, nous déclarâmes ouvertement la guerre à la Commission; elle s’ébranla et prit bientôt la fuite : plusieurs membres ayant été pris su¬ birent la peine due à leurs forfaits; huit autres furent envoyés à Paris et sont détenus à l’Ab¬ baye. Je vous demanderai par motion expresse que ceux-ci soient renvoyés à Bordeaux, pour y être jugés et punis. Dans le nombre des prisonniers, nous avons trouvé Birotteau; il avait été arrêté sur le cor¬ saire le Sans-Culotte et se disposait à faire une campagne pour le compte de la République : vous jugez que les intérêts de la nation eussent été en bien bonnes mains; il avait pour compa¬ gnon d’armes le secrétaire de Brissot. Birotteau nous a fait un aveu bien précieux; il a dit que le gouvernement actuel ne lui convenait point, et que si le parti fédéraliste eût triomphé, il nous aurait fait guillotiner tous. L’infâme La-vauguyon a suivi de près Birotteau sur l’écha¬ faud; d’autres ont encore subi la peine due à leurs crimes : le maire de Bordeaux, million¬ naire, et très humble valet de la Commission dite de Salut public; Maraudon, Cussy, député du Calvados et plusieurs autres traîtres. Baudot annonce à la Convention que les représentants du peuple chargés de renouveler l’esprit public à Bordeaux, ont commencé par changer le nom du département; ils ont subs¬ titué le nom de Bec-cTAm bez à celui de la Gironde; puis, ils ont fait faire un désarmement général, sauf à remettre des armes aux sans-culottes et à ceux qui se seront rendus dignes de cette faveur nationale. Ce désarmement a produit d’abord 20,000 bons fusils qui seront de la plus grande utilité pour nos frères qui combattent aux pieds des Pyrénées; il a pro¬ duit également une quantité immense d’armes de tout genre et de tous calibres, actuellement déposées dans une salle du Château-Trompette. Enfin, tout est calme à Bordeaux, continue Baudot; cependant l’esprit public y est géné¬ ralement faible; il a besoin d’être vivifié et, à cet égard, j’ai des observations que je commu¬ niquerai au comité de Salut public. Les sans-culottes y sont en grande masse ; ils sont pleins de zèle, et disposés de manière à nous faire tout espérer des moyens que nous mettrons entre leurs mains; leurs vertus civiques doivent ex¬ pier, même aux yeux de la Convention, les crimes politiques d’une partie de leurs conci¬ toyens. Au reste, Tallien et Ysabeau, mes col¬ lègues, sont restés à Bordeaux et vous pouvez compter sur eux, Ici, Baudot a renouvelé sa proposition d’en¬ voyer à Bordeaux, pour y être jugé, les huit membres du comité de Salut public de cette ville, détenus à l’Abbaye; elle est décrétée. Il demande aussi la confirmation du change¬ ment fait par les représentants du peuple dans le nom du département de la Gironde. La Con¬ vention l’a confirmée. Ce département s’appel¬ lera désormais département du Bec-d' Ambez. Gauthier fait rendre le décret suivant : « La Convention nationale décrète que ceux qui seront prévenus d’avoir pris part aux cons¬ pirations qui ont éclaté dans Bordeaux et Lyon seront renvoyés aux tribunaux révolutionnaires en Commissions militaires établies dans ces. deux villes pour le jugement des coupables. » II. Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Baudot, nouvellement arrivé de Bordeaux, donne les détails suivants de la révolution qui s’est opérée dans cette ville, et à laquelle il a eu une très grande part. Les principaux auteurs de la rébellion sont presque tous tombés sous le glaive de la loi. Le maire de Bordeaux, homme riche de 10 mil¬ lions et qui avait conservé une grande influence sur tout ce qui n’était pas véritablement sans-culotte, a été guillotiné; son supplice a produit le plus grand effet. Avant de mourir, Birotteau a convenu fran¬ chement que si son parti avait triomphé, il aurait fait guillotiner tous les membres de la Montagne. Lavauguyon et Cussy, députés du Calvados, tous deux mis hors la loi, ont été exécutés dans les vingt-quatre heures. Les représentants du peuple, pour faire oublier jusqu’au département de la Gironde, ont changé son nom en celui de département du Bec-d’Am-bez. La Convention a trouvé l’idée si heureuse qu’elle l’a sur-le-champ sanctionnée par un décret. Le désarmement s’est fait avec facilité. Il a produit, 20,000 fusils qui serviront à armer nos soldats de l’armée des Pyrénées. Enfin, aujourd’hui, Bordeaux est soumis; ses habitants sont disposés à recevoir l’impulsion qu’on voudra leur donner; mais l’esprit public est dans son enfance, et ils auront besoin encore longtemps de guides et de bons exemples. « Par exemple, dit Baudot, il y a à l’Abbaye huit ou dix complices de la Commission popu¬ laire de Bordeaux; le peuple de Paris pourrait bien se passer de leur supplice; son patriotisme n’a pas besoin de cela, au lieu qu’il produirait les plus heureux effets sur l’esprit des habitants de Bordeaux. Je demande donc que l’on ren¬ voie dans cette ville les conspirateurs de Bor¬ deaux qui sont détenus à Paris. » Décrété, excepté pour les deux qui ont été condamnés ce matin et qui seront encore exé¬ cutés à Paris. Un membre a fait étendre le décret aux cons¬ pirateurs de Lyon qui sont dans le même cas. (1) Journal de la Montagne [n° 154 du 13e jour du 2e mois de l’an II (dimanche 3 novembre 1793} p. 1131, col. 2].