350 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. US juillet 1791.] CINQUIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU VENDREDI 15 JUILLET 1791. Opinion de M. de Choisenl d’Aillecourt, député de la noblesse du bailliage de Chaumont-en-Bassigny, sur l'affaire de MM. de Damas et de Choiseul-Stainville (1). Je crois n’avoir besoin, Messieurs, que de retracer les laits pour justifier la conduite de MM. de Damas et de Gliuisenl. M. de Boeidé annonce lui-même que ce ne fut que sur ses instances que le roi se détermina à aller à Mont-médy. Vous avez connaissance de l’ordre du roi à M. de Bouille, pour placer des troupes sur la route de Châlons à Montmédy; vous l’avez aussi des ordres de ce général aux différents corps qu’il commandait. ( Lettre de Sainte-Menehould , datée du 22.) Le 13, il donne ordre au 1er escadron du régiment royal (1er régiment de dragons) départir de Commercy pour se rendre à Saint-Mihiel, d’y joindre les escadrons du régiment de Monsieur (13e régiment de dragons ), pour se rendre ensemble à Mouzon. Le 14, il fait marcher 40 hommes du régiment royal pour attendre, le 20 octobre et le 21, à Sainte-Menehould, un convoi d’argent. Un ordre du 15 change celui du 13, et retarde la marche du 1er escadron du régiment royal jusqu’au 18, poursuivre cependant sa première destination. Le régiment royal esteelui que commande M. de Ghoiseul, et je vous prie d’observer que de ces 2 détachements, l’un devait se rendre à Mouzon par Saint-Mihiel, celui composé de 40 hommes à Sainte-Menehould, aucun des 2 à Varenrn s. Quelle a été la conduite de ces différents détachements? A Sainle-Menehould, lettre des officiers municipaux de Sainte-Menehould ) datée du 22, à 3 heures du matin), l’arrivée d’un détachement de hussards fait naître les premières alarmes. Le commandant de ce détachement montre ses ordres, le 1er détachement est remplacé par les 40 dragons du régiment royal; et ce mouvement, qui n’augmentait pas le nombre des troupes à Sainte-Menehould, augmente b s craintes. Geperidant les voitures pas-ent, et les dragons sont encore tranquilles. Le peuple demande le désarmement des troupes, quoiqu’elles soient tranquilles. Pour satisfaire les habitants , disent les officiers municipaux, nous avons dû obtempérer à cette demande et nous avons obtenu le désarmement des dragons ; et pour mieux nous assurer de l'officier, autant que pour le soustraire à la violence et au mécontentement des habitants, nous l'avons fait conduire et recommander dans les prisons de la ville. Que nous représente ce procès-verbal ou ceite lettre? Des alarmes causées par l’arrivée d’un détachement de hussards, augmentées par ce qu’il est relevé par des dragons. Le commandant montre les ordres de son général : le peuple y répond en demandant le désarmement de la trouie; les officiers municipaux obéissent au peuple; les dragons obéissent à tous deux, et la précaution des officiers municipaux va jusqu’à (1] Celte opinion a été publiée par M. de CUoiseul d'Àillecourt, au cours des débats sur les événements relatifs à l’évasion du roi. faire conduire et recommander dans les prisons l’officier commandant. Si vous pouvez louer le zèle craintif des officiers municipaux, au moins ce qu’il me semble, ne pouvez-vous inculper en rien le commandant de ce détachement,’ ni l’officier qui était sous ses ordres, puisqu’après le passage des voitures les officiers municipaux avouent que les dragons étaient tranquilles, et nous fournissent ainsi la plus grande preuve qu’ils ignoraient leur mission. Le directoire de Clermont ( procès-verbal du directoire de Clermont) nous a appris ce qui s’était passé dans cette ville; et la lettre que M. de Damas a écrite à l’Assemblée nationale, y est conforme dans presque tous les points. Le directoire s’était assemblé, dit le procès-verbal, sur ce que les citoyens étaient alarmés d’avoir vu M. de Damas rassembler les détachements de divers régiments. Rien n’est si éloigné d’un rassemblement de troupes, que les dispositions nécessaires pour S’escorte d’un convoi qui doit se faire par des déiachements successifs. Il apprit que les alarmes augmentaient d'autant plus qu'on avait vu des soldats escorter des berlines suivies de courriers. Il était neuf heures et demie, et ce n’est qu’à dix heures et demie que, sous le prétexte de faire escorter un trésor, on voyait les officiers du détachement de dragons aller de maisons en maisons ordonner à leurs soldats de partir à l'instant. Je ferai ici la même observation que j’ai déjà faite. Si, dans l’opinion de M. de Damas, si dans celle des officiers, le trésor était dans les voitures qui étaient passées, il était trop tard de remplir cette mission; elle devenait inutile. Dès qu’ils ne la croyaient pas remplie, ils attendaient donc encore le trésor; dès qu’ils l’attendaient, ils ne savaient donc pas ce que ces voitures contenaient; ils ignoraient donc le motif de leurs ordres. Les députés de la municipalifé observèrent à M. de Damas que les voitures qu’ils voulaient faire escorter étaient suspectes. Il ne voulait pas les faire escorter, puisqu’elles étaient passées. ( Ordres montrés par M. de Damas.) 11 répond qu’il a des ordres, il les montre, la municipalité veut les juger: M. de Damas veut les exécuter. M. de Damas avait un ordre de son supérieur : la troupe n’obéit pas. Que pouvait faire M. de Damas en cette circonstance? Le procès-verbal exprime lui-même que les dragons mirent pied à terre sur les ordres de M. de Damas. Cependant, continue le procès-verbal, M. de Damas reste à cheval avec ses officiers. M. de Damas et ses officiers ont vu les dragons refuserd’obéir aux ordres dont ils étaient porteurs. Les dragons les avaient abandonnés; mais ils ne se croyaient pas quittes de leur devoir : la municipalité ne pouvait les en dispenser. Elles n’ont reçu que le pouvoir de diriger leur action dans l’imérieur des villes; mais elles ne peuvent gêner la marche des différents corps : cela serait d’autant plus inutile, qu’elles sont litres d’arrêter leur activité dans les lieux où elles se trouvent placé' S-Sommé de nouveau de se rendre à l'hôtel de ville pour exhiber ses ordres, il s'avance vers son logement; mais au lieu de s' y arrêter, il s' enfuit. Sommé de nouveau , il avaitdonc montré ses ordres, et ils étaient connus. Il craignait peut-être que les officiers municipaux ne lui offrissent la même protection qu’à l’officier qui commandait à Sainte-Menehould, et par humanité ne le fissent recommander dans les prisons. La lettre de M. de Damas à l’Assemblée, le mémoire succinct qu’il a publié, est, en grande partie, conforme au récit du directoire. [Assomblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 13 juillet 1791.] 351 Je reprendrai maintenant les faits, qui ne sont que les conséquences des ordres qu� M. de Bouillé avait donnés pour la marche des différents détachements ; vous connaissez ces ordres. M. de Damas était en marche avec un escadron du 13e légiment de dragons, ci-devant Monsieur ■, pour aller à Mouzon, ainsi que le 1er escadron du 1er 'égiment, ci-devant Royal. Il eut ordre de retarder d’un jour leur arrivée à Clermont, de n’y arriver que le 20, et d’y prendre séjour le 21. Ce fut alors qu’il reçut un ordre de M. de Bouille, pour envoyer, de Clermont à Sainte-Menehould, un capitaine et 40 hommes du régiment Royal, pour y attendre un convoi, et, en même temps, de se tenir prêt à Clermont avec trente dragons pour recevoir le convoi, lorsque le premier détachement des dragons de Royal le lui amènerait. Un officier de l’état-major, porteur d’ordres de M. de Bouillé, prescrit à M. de Damas de faire monter à cheval à 5 heures du soir, le 21; que probablement il irait à Varennes, afin d’abréger la journée trop forie de Clermont à Stenay. L’ordre était de monter à cheval à 5 heures; mais le second, qui devait être celui d’exécution, n’était encore que présumé. A la nuit, n’ayant reçu aucun ordre, M. de Damas fait desseller. A 9 fteuies, h s voitures passent. A dix heures et demie, sur la nouvelle du désarmement du détachement de dragons de Sainte-Menehould, au milieu des alarmes de la ville, M. de Damas ayant l’idée de l’ordre qu’il avait reçu d’être à 5 heures à cheval, l'inquiétude de celui qu’on lui avait annoncé pour alh r à Varennes, et qu’il ne recevait pas ; incertain, craignant d’avoir mal interprété l’ordre qu’il a reçu, il fait monter à cheval. Des officiers municipaux s’en alarment, le peuple s’en effraie. M. de Damas montre sou ordre pour monter à cheval, et sa route pour aller à Mouzon, par Varennes et Stenay. Les olficiers municipaux lui font la réquisition formelle de faire descendre de cheval. M. de Damas, en leur représentant qu’ils n’ont pas le droit d’empêcher une troupe de partir, cède à leur demande, et fait mettre pied à terre. M. de Damas, étonné de ce que les premiers ordres qu’il avait reçus n’avaient pas été dans le cas d’être mis à exécution ; incertain sur les bruits et les alarmes qui se répandaient, inquiet, prend le chemin de Varennes avec un officier de son régiment. Arrivé à Varennes, il apprend que le roi y est. Il se rend à la municipalité, qui le conduit chez Je roi. Il y passe la nuit : les officiers municipaux ne s'opposent pas à son départ ; mais, pendant qu’ils sont allés accompagner le roi ramené à Clermont, le peuple l’arrête avec M. de Choi-seul et l’aide de camp de M. de La Fayette. Mis en liber té, ils sont ramenés une seconde fois et mis en prison. Tels sont les faits relatifs à M. de Damas, et je vous demande d’arrêter votre j attention sur les conséquences que l’on peut en tirer. À la chute du jour, M. de Damas fait desseller ses chevaux... Croyez-vous, Messieurs, que si M. de Damas eût été dans le secret, s’il eût su que c’était le. roi et la famille royale qu’il devait ■escorter, il se fût lassé d’attendre? Les voitures passent à 9 heures du soir, et ce n’est qu’à 10 heures et demie que M. de Damas, sur un avis incertain, fait seller les chevaux. Si M. de Damas eût su ce que contenaient les voitures, eût-il attendu une heure et demie après leur passage pour faire monter à cheval? L’inquiétude de M. de Damas sur l’exécution de ses ordres prouve manifestement qu’il eu ignorait le motif ; il devait aller à Stenay le lendemain ; il avait été prévenu que probablement on l’enverrait dès le soir à Varennes, afin de rendre cette journée moins forte; il ne faisait donc qu’exécuier ses ordres en y allant. Les officiers municipaux lui font une réquisition formelle, et il se soumet. Quelles sont les raisons qui engagèrent M. de Damas à aller à Varennes ? (. Lettre de M. de Damas.) Pendant le temps , dit-il, que les voitures avaient été arrêtées à Varennes , qu'on avait envoyé divers courriers pour avertir les gardes nationales , divers soupçons me déterminèrent à aller sur la route avec un capitaine du régiment. Si M. de Damas eût été dans le secret, déjà suspect à Clermont, abandonné de sa troupe, accompagné u’un seul officier, aurait-il été au-devant des dangers qui pouvaient l’attendre? S’il eût été du secret, au lieu de rester à cheval quelques instants avec les officiers, et ensuite de se séparer u’eux, n’eût-il pus cherché à les emmener avec lui? M. de Damas ne sachant pas le secret, sa marche s’explique naturellement : l’intérêt, qui s’était communiqué dans Clermont, de savoir qui était dans ces voitures, les soupçons déjà en mouvement, la multiplicité, l’incertitude des ordres, leur inutilité, tout devait exciter la curiosité de M. de Damas. Serait-ce l’empressement d’exécuter les ordres, le zèle d’obéissance nés officiers qui pourraient vous inspirer quelque doute? Ne pouvez-vous concilier le zèle dans l’exécution avec l’ignorance du motif? Ah! Messieurs, craignez d’en prendre ombrage. Ne laissez pas prendre cette habitude à l’armée; vous la détruiriez bien vite avec le système de l’obéissance raisonnée. Je crois donc, Messieurs, avoir pleinement justifié, et le détachement de Sainte-Menehould et M. de Damas qui commandait à Clermont. Ce qui s’est passé à Varennes estinfinimenCplus simple encore, s’il est possible, et me présente à défendre quelqu’un de plus cher à mon cœur; mais je u’ai besoin, pour le défendre, que d’exposer les faits. Il me reste à vous parler de l’arrestation de M. de Glioiseal-Stain ville à Varennes. Ce n’est qu’à Varennes que se trouve M. de Choisenl; deux détachements de son régiment étaient à Sainte-Menehould, l’autre à Clermont; lui seul, sans commandement, sans troupes, est à Varennes ; il y était, parce que M. de Bouillé lui avait donné l’ordre de s’y trouver le 21, jour ( dit M. de Choi-seul dans sa déclaration ) auquel il m'a dit qu'il devait s’y rendre; qu’il y déciderait les différents cantonnements qui seraient sous mon commandement et qu'il m'y donnerait ses ordres, il apprend que le roi et la famille royale sont à Varennes, il va chez le roi ( lettre de M. de Choiseul), le roi lui ordonne de rester près de sa personne (déclaration); le roi part, M. de Choiseul et M. de Damas suivent le roi. Les personnes qui suivent le roi ne l’avaient pas quitté, de ce nombre étaient MM. de Damas, de Choiseul-Slainville , etc. (Procès-verbal de la commune de Varennes.) J'étais à cheval , dit M. de Gboiseul (déclaration), suivant la voilure du roi avec la garde et gendarmerie nationale , lors de son départ pour retourner à Paris, lorsque m’étant arrêté pour faire donner un cheval à M. de Romeuf, aide de camp de M. de La Fayette, le peuple nous voyant séparés de la voiture , en 352 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]15 juillet 1791.] profita pour se jeter sur nous; nous fûmes , alternativement, dans le courant de la journée , relâchés et retenus ; enfin, ils furent ramenés à Va-rennes, mis en prison, la commune s’assemble et déci le qu’ils seront menés le lendemain à Verdun. Je vous observerai, Messieurs, que M. de Choi-seul était à Varennes sur un ordre que M. de Bouillé lui avait donné de s’y trouver le 21, qu’il n’avait aucune troupe à son commandement; les détachements du régiment ci-devant Royal, dont il est colonel, étaient l’un à Sainte-Menehould et l’autre à Clermont; il ne commandait pas les hussards, puisqu’il est constaté par le récit du sieur Drouet, qu’ils n’étaient pas à ses ordres; il était donc seul. Pendant cesdifïérents mouvements de troupes qui ont agité la ville de Varennes jusqu’au moment du départ du roi, M. de Choiseul était auprès de la personne du roi; les personnes qui suivaient le roi ne l'avaient pas quitté, dit le procès-verbal de Varennes, et il nomme M. de Ghoi-seul et ne le nomme que dans ce seul endroit. M. de Damas et M. de Choiseul sont arrêtés par le peuple; quand sont-ils arrêtés? Ils reviennent à Clermont, ils retournaient vers leur troupe, ils suivaient la voiture du roi. C’est malgré les officiers municipaux , dit M. de Choiseul, que je fus arrêté. A leur retour de Varennes la. commune s’assemble, le procureur de la commune requiert la restitution non seulement de MM. de Damas et de Choiseul, mais aussi de M. de Romeuf, aide de camp de M. de La Fayette. La délibération de la commune met ce dernier en liberté, et quant à MM. de Damas et de Choiseul, dont elle décide l’emprisonnement et la translation àVeidun, il faut convenir qu’elle ne porte point l’empreinte de la,chaleur ni de soupçons bien prononcés. II y est dit que, quant aux deux autres officiers connus sous le nom de Damas et Choiseul, il a été également arrêté , que tant pour la tranquillité publique que pour la sûreté de leurs personnes, ils seront transférés à Verdun. Ces deux motifs étaient donc les seuls que l’on put alléguer, et je vous prie d’observer ici que ce ne sont pas les seuls officiers municipaux qui tiennent un langage si modéré, ce sont tous les habitants, la commune tout entière. Il paraît, par le procès-verbal, que les esprits de la garde nationale seuls étaient un peu échauffés, la municipalité même était, absente; carM. de Romeuf qui, par générosité pour MM. de Damas et de Choiseul, retarda son départ, dit expressément qu’il attendit le retour de la municipalité. M. Remy , quartier-maître du régiment de Monsieur, que M. de Damas avait envoyé de Clermont pour préparer à Varennes le louement de sa troupe, le 21 au matin, fut arrêté; M. de Floi-rac, qui avait suivi M. de Damas, le fut aussi, et le procès-verbal u’arrestation n’articule aucun fait conti e eux. J’aurais dù borner ici la justification de MM. de Damas et de Choiseul; ce n’est que par des faits qu’ils devraient être attaqués, et ce n’est que par des faits qu’ils doivent être défendus ; vouloir en tirer les conséquences, ce serait se méfier de vos lumières et prétendre diriger votre justice ; mais je suis condamné à vous parler de la lettre de M. de Klinglin, de ses assertions et de ses conjectures, puisque le rapporteur de vos comités en a fait la principale base de son opinion sur ce qui regarde M. de Choiseul : cette lettre a été interceptée. Ce n’est pas dans ce moment que je rappellerai à l’Assemblée qu’elle a toujours consacré, observé l’inviolabilité du secret des lettres, et que peut-être une preuve acquise par un délit, devrait s’anéantir devant le législateur indigné; mais je ne veux pas user d’un moyen qui ne serait légitime que parce qu’il serait légal, et .-i la justice doit toujours se conformer à la loi et toujours y atteindre, l’honneur fait aussi quelquefois en résulter le bienfait. M. de Klinglin rend compte de sa lettre, de l’opinion antérieure de M. de Bouillé, des conjectures que pouvaient offrir les conversations, ainsi que la manière dont il avait disposé les troupes de son commandement; mais, en même temps, M. de Klinglin ajoute qu’il ne peut pénétrer le secret de ce général. Je n'osai pas, dit-il, questionner un homme qui ne se déboutonnait pas. M. de Klinglin, maréchal de camp, ancien officier, n’était donc pas dans le secret de M. de Bouillé. Ce n’est, selon lui, que le 21 au matin, dans le moment même où M. de Bouillé avait besoin de lui pour t’envoyer à Montmédy, qu’il lui confie sou secret. M. de Kinglin passe toute la journée du 21 à Montmédy, emploie celle du 22 à se mettre en sûreté, et dès le 23 au matin il sait tous les détails qu’il raconte. Dans sa première lettre il fait un long récit de sa joie, de ses espérances, et de sa douleur, des moyens que M. de Bouillé avait emploi és, et il ne parle pas de M. de Choiseul. Ce n’est que dans une note ajoutée à la lettre qu’il nomme cet officier. 11 y énonce trois faits, ou plutôt trois opinions : que M. de Choiseul a dû marcher de Clermont à Varennes avec 40 chevaux, qu’il était du secret, et qu’il a envoyé un officier avertir M. de Bouillé de ce qui se passait, etc. Le premier de ces faits est démontré faux. M. de Choiseul ne pouvait venir de Clermont à Varennes avec 40 chevaux, puisque ce même détachement, ces mêmes hommes avaient eu ordre de pariir le 20 et le 21 à Sainte-Men hould. Ce lait aurait été assez intéressant pour que les différents procès-verbaux en eussent parlé. Il est constant, il est prouvé que M. de Choiseul ne pouvait pas commander à Varennes un détachement qui était à Sainte-Menehould, il n’est cons-testé | ar personne qu’il lut seul à Varennes ; le rappoiteur de votre comité en tire une objection de méfiance contre lui. Quant à la seconde assertion de M. de Klinglin, qui dit : les troupes dont M. de Choiseul , qui était dans le secret , devait disposer, etc. M. de Klinglin pi ut énoncer cette opinion comme lui étant personnelle, mais il nous a avoué qu’il n’était pas lui-même du secret. MM. de Klinglin était oflicier général, voyait M. de Bouillé tous les jours, et cependant cet homme ne se déboutonnait pas; et M. de Choiseul, jeune officier, avec toute la vivacité de son âge, aurait excité davantage la confiance de M. de Bouillé, que l’on dit si adroit? M. de Klinglin était nécessaire à M. de Bouillé, M. de Chomeul devait lui être inutile. M. de Bouillé ne se confie à M. de Klinglin que le 21 au matin pour l’envoyer à Montmédy ; et l’on pourrait croire, sur cette simple parole Hasardée, sur une simple opinion par.iculière, dans une lettre, que ce même M. de Bouillé eût confié son secret à un officer jeune, à qui il n’avait aucun intéiêt do rien dire, et qui ne devait rien commander! Enfin, l’on pourrait vouloir accorder quelque attention à M. de Klinglin lorsqu’il avance que quelqu'un savait ce qu’il ne savait pas lui-même ! M. ne Kdnglin raconte encore que M. de Choi- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 15 juillet 1791.] 333 seul détacha sur-le-champ un officier pour avertir M. de Bouillé. Le rapporteur dit que c'est lui qui avertit 31. de Bouillé de l'arrestation duroi , et c'est d’après cet avis que le général marcha sur Va-rennes. J’observerai d’abord que le procès-verbal de la commune de Varennes (page 8), dit expressément : le fils de Bouillé , avec son camarade , au moment de l'arrivée du roi, était parti à toute bride pour Dun et Stenay. M. de Klinglin dit dans sa lettre que M. de Choiseul, en arrivant à Varennes, y trouva le roi arrêté. 11 ne peut donc avoir averti le premier M. de Bouillé; c’était son fils qui le premier avait cru devoir courir vers son père; qui le premier a pu lui annoncer que le roi était arrêté à Varennes. Qu i est le fils qui se fût laissé devancer? M. de Bouillé, sur cette nouvelle, n’aura pas perdu un moment pour appeler auprès de lui les ressources qu’il avait pu se ménager. M. de Choiseul n’a donc pu être la cause de la marche de M. de Bouillé ; ce n’est donc point d'après cet avis que 31. de Bouillé marche sur Varennes, comme l’a dit votre comité. On vient même , dit le rapporteur de vos comités, d'arrêter des fourgons chargés d'effets de campement qui lui étaient destinés et qui lui appartiennent. Je demande ce que prouvent ces fourgons chargés d’effets de campement? Que M. de Choiseul croyait au camp indiqué à Montmédy, qu’il y croyait, parce que M. de Bouillé le lui avait dit,' et à tout le monde; d’ailleurs ces équipages allaient à Mouzon où marchait le régiment Royal, et c’est M. de Bouillé qui, les rencontrant le 22, entre Dun et Stenav, les envoya à Montmédy. Leur destination était donc pour Mouzon, qui était le lieu désigné pour recevoir le régiment Royal. Rien n’est donc plus simple et plus naturel que la marche de ces fourgons chargés d'effets de campement. Il me reste à répondre à une dernière objection du rapporteur de vos comités. 31. de Choiseul, dit-il, se trouve à Varennes , on ne sait pourquoi; il ne justifie d'aucun ordre du général. Je vous répondrai, Messieurs, par les propres paroles de votre rapporteur. Les motifs que lui avait donnés M. de Bouillé, étaient les différents mouvements (rapport, page 12) des troupes , qu’il se proposait d'ordonner. Il avait annoncé que les dispositions des puissances étrangères l'obligeraient à former un camp, pour se mettre à l’abri d’une invasion. 3Iontmédy était le lieu qu'il avait choisi pour cet objet; sous ce prétexte , un cordon de troupes avait été formé sur la frontière, des escadrons avaient été placés en seconde ligne dans différents postes. M. de Choiseul, dans sa déclaration, vous dit : il m' annonça , ainsi qu’aux autres officiers, que son intention était cl’aller visiter les frontières avec 31. d'Heyman et les officiers généraux de son armée, afin de faire les dispositions des cantonnements. Tels étaient donc les motifs que M. de Bouillé avait annoncés fà M. de Choiseul ; mais il ne justifie d’aucun ordre du général (rapport, page 31). Je ne sais si M. de Clioiseul-S ' ain ville a un ordre écrit de la main de M. de Bouillé, mais je dis qu’il n’en doit pas avoir, qu’il aurait manqué à M. de Bouillé s’il lui en avait demandé un, et que cette précaution annoncerait plutôt un calcul qui devrait paraître suspect, qu’il ne justifierait la conduite de M. de Choiseul. M. de Bouillé avait donné un simple rendez-vous à M. de Ghoi-seul; M. de Bouillé était effectivement attendu à Varennes ( procès-verbal de la commune de Varennes, p ;ge 2). Il m’ordonna , dit M. de Choiseul, lro Série. T. XXVIII. {déclaration) de me trouver, le mardi 21, à Varennes. Quel aurait pu être le motif de M. de Choiseul de demander à M. de Bouillé, par écrit, l’ordre de l’attendre, le mardi 21, tout seul, àVarennes? S’il eût eu à commander une troupe, il lui eût fallu un ordre de marche; s’il eût eu un mouvement à faire, une mission active quelconque, il est possible de concevoir que la crainte d’être compromis lui eût inspiré l’idée de demander un ordre par écrit; que la confiance, qu’il devait montrer au général qui le commandait, eût cédé à la prudence et aux précautions que lui aurait inspiré l’idée de sa propre responsabilité : mais ici fine s’agit que d’un simple rendez-vous, donné dans le cours des revues successives. Le 18, le général (page 12 du rapport) se rend à 3Iont-médy. Il arrive le 20 à Stenay : cette marche graduelle, cette suite de travaux militaires devait-elle inspirer de la méfiance à M. de Ghoi-seul? Si M. de Choiseul eût été dans le secret, il se serait mis à couvert sous un ordre par écrit, il aurait insisté, il aurait obtenu de M. de Rouillé d’être à la tête d’une troupe qui eût pu lui assurer le succès de sa mission et la sûreté de sa personne; mais il attendait M. de Bouillé, il lui avait dit qu’il devait s'y rendre, qu'il y déciderait les différents cantonnements qui seraient sous son commandement ; il devait être seul, il était seul. Il me paraît donc prouvé que M. de Choiseul était à Varennes parce que M. de Bouillé lui avait donné ordre de l’y attendre; que M. de Choiseul n’a pas dû lui demander cet ordre par écrit, devant être seul, sans activité, sans commandement; que du moment qu’il a su le roi et la famille royale arrêtés il a demandé à être conduit vers elle, et ne l’a pas quittée : il n’est prouvé en aucune manière que M. de Choiseul ait envoyé un cavalier avertir M. de Bouillé; mais il est sûr que s'il l’a envoyé, M. de Bouillé, le fils, parti à toute bride au moment de l’arrivée du roi, pour Dun et Stenay, l’a devancé, si M. de Choiseul, comme le dit M. de Klinglin, n’est arrivé à Varennes qu’après le roi; et par conséquent ce n’est donc point d’après l’avis qu’il aurait donné, que le général a marché sur Varennes. C’est donc en vain que l'on veut l’accuser d’un fait dont il n’a pas été la cause; il est absolument improbable, il est impossible que M. de Choiseul ait été dans le secret, lorsque la seule personne qui en parle est M. de Klinglin, qui n’en était pas. 11 l’est également qu’il ait marché à Varennes avec 40 chevaux, puisque ce détachement était à Sainte-Menehould, et le reste à Clermont; il ne peut avoir participé à aucun des mouvements de troupes 01 tentatives fades pendant le séjour du roi à Varennes, il suivait la voiture du roi; le désir de rendie service à M. de Romeuf le fait rester en arrière, et le peuple le ramène à Varennes. D’après tous ces détails, Messieurs, il me paraît impossible de former le moindre doute sur la conduite île MM. de Damas et de Choiseul; et si l’on se rappelle ensuite le calme de MM. de Damas et de Choiseul, la sécurité avec laquelle ils sont restés à Varennes, après l’arrestation du roi, les efforts des officiers municipaux pour les empêcher d’être arrêtés, l’expression modérée du procès-verbal de la commune de Varennes, peut-il exister la moindre incertitude? Pourriez-vous les rendre responsables d’avoir obéi à des ordres dont ils ne pouvaient connaître les motifs? S’ils les I eussent connus, je pourrais encore vous dire, au 23 354 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1791.] nom de vos comités, qu’aux yeux de la loi ([apport du comité, page� 22) la fuite du roi n’est point un délit ; que s’ils n’ont eu que l’intention d’assurer la marche du roi , ils n’ont rien à redouter , ils ne peuvent être poursuivis (page 28) ; que s'ils n’ont pas connu le projet (page 30), ils n’ont été qu'un instrument passif de conjuration , ils doivent se présenter avec confiance devant les juges qui n'ont, à punir que les complices du sieur de Boitillé. Je ferai remarquer (page 34) que vos comités, après avoir annoncé qu’ils pensaient qu’il y avait lieu à accusation contre MM. de Bouillé, d’Heyman et autres, ajoutent qu’il s’élève aussi des présomptions sur MM. de Damas et de Choiseul ; je vous présenterais cette nuance d’expression, comme les sentiments de vos comités qui ont été amenés à déclarer qu’il y avait lieu à accusation plutôt par l’importance de la cause, que par la nature même des présomptions. Enfin, je vous dirais (page 34) que ces présomptions n’ont de rapport qu'à la fuite du roi qui , considérée isolément et dégagée des autres circonstances, n’est pas un délit, et que le seul délit qu’il y ait à poursuivre sont les projets ultérieurs ; mais les principes justes de vos comités, les conséquences favorables que je pourrais en tirer dans le cas où MM. de Damas et de Choiseul auraient été instruits de la fuite du roi, me deviennent inutiles, puisque je crois avoir prouvé qu’ils n’en avaient aucune connaissance. J’ai trouvé juste et sage que dans le premier moment où vous n’aviez encore aucune information sur les faits qui s’étaient passés, tant à Sainte-Menehould qu’à Clermont et à Yarennes, l’Assemblée ait décrété que les officiers détenus dans les prisons de Verdun y resteraient en état d’arrestation ; mais aujourd’hui qu’il ne vous est parvenu aucune charge contre eux, qu’il vous est prouvé que MM. de Damas et de Choiseul ne connaissaient pas l’objet de leur mission, quelle pouvait être la raison de les priver de leur liberté? Je vous répéterai donc avec confiance les mêmes paroles que M. de Choiseul vous adressait en entrant dans la prison : JS’ étant pas coupable , je vous demande mon élargissement. Je n’ai répondu que par des faits; j’ai cru devoir me renfermer dans l’exposition simple des différentes circonstances, et si jai pu comprimer pendant quelques instants le sentiment vif qui me porte vers un des accusés, j’espère cependant qu’après avoir défendu la cause, vous m’excuserez de laisser échapper ici l’expression de mon amitié et de mon estime. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH. Séance du samedi 16 juillet 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Camus, au nom dm comité central de liquidation, présente un projet de décret concernant la liquidation et le remboursement de diverses parties de la dette de l’Etat. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui lui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, décrète, qu’en conformité de ses précédents décrets sur l’acquit de la dette de l’Etat, il sera payé sur les fonds destinés à l'acquit de ladite dette, aux personnes ci-après nommées, et pour les causes qui sont pareillement exprimées, les sommes suivantes, savoir : 1° Arriéré du département de la maison du ROI. Bâtiments du roi. Département de Saint-Hubert et de Bigolles. Différents entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs, pendant les années 1779, 1781, 1782 1783, 1784, 1785, 1786, 1787, 1788 et 1789. La succession Yvon et (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.