213 [Assemblée aationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 août 1790.J liberté de la presse. M. le président pourrait demander au comité s’il est prêt à présenter son travail. M. l«e Chapelier. Les deux comités de Constitution et de législation ont pensé qu’il était impossible de soumettre à votre délibération une loi complète, non sur la liberté, mais sur les excès de la presse, avant d'avoir présenté la loi sur l’établissement des jurés. L’on ne pourrait prendre une autre marche sans exposer la liberté nationale et la liberté individuelle. Les deux comités se sont occupés de cette loi, qu’ils doivent vous offrir incessamment. (On demande à passer à l'ordre du jour.) M. d’André. Lorsqu’on a fait la dénonciation d’un libelle, on a dit, pour éluder les suites de cette dénonciation, que dans deux jours les comités pourraient présenter une loi provisoire. M.Le Chapelier a distingué la liberté de la licence. L’usage de la presse doit être permis ; mais ce qui n’est pas permis, c’est d’exciter les insurrections des régiments, c’est de vouloir soulever le peuple. J’ai entre les mains un libelle, dans lequel on l’engage à élever des gibets dans les Tuileries pour y attacher les députés. Vous avez rendu des décrets contre les libelles, et les libelles se répandent chaque jour. Ce sont ces écrits qui perpétuent les désordres, qui trompent et animent le peuple, qui décréditent vos travaux, qui détruisent la tranquillité publique, sans laquelle vos travaux ne sont rien. Si le comité de Constitution ne peut faire ce que l’Assemblée exige de lui, il faut nommer un comité ad hoc , qui s’en occupe jour et nuit. M. Malonet. Puisqu’on ne présente pas cette loi si instante sur la presse, je demande qu’on donne ordre au maire de Paris de s’assurer de l’homme qui a écrit qu’il fallait élever dans les Tuileries huit cents potences, pour y attacher une partie des membres de l’Assem blée nationale et tous les ministres. Plusieurs membres de la partie droite demandent qu’on arrête aussi l’imprimeur. M. Regnaud(de Saint-Jean-d' Angély .)Ce n’est pas l’imprimeur qu’il faut ordonner d’arrêter: l’imprimeur de semblables atrocités se cache dans l’ombre : mais ce sont les audacieux colporteurs. Ce n’est pas contre une partie de l’Assemblée nationale, c’est contre l’ensemble de vos opérations qu’on s’élève; ce sont les ennemis de votre ouvrage, qui disent qu’il faut élever huit cents gibets contre vous. Comment le Châtelet n’a-t-il faitaucune poursuite contre le libelle, signé Marat, que vous avez excepté par un de vos décrets? On dit qu’il est occupé d'opérations plus pressantes ; mais est-il rien de plus pressant que de se conformer à une disposition que vous avez prise, et dont vous avez assez annoncé que vous demandiez une prompte exécution ? M. Malonet. L’imprimé que voici est signé: Marat , l'ami du peuple ; il contient cette phrase : (11 s’agit de la proposition qu’a faite M. de Mirabeau l’aîné, de licencier l’armée.) Ici je vois la nation entière se soulever contre cet infernal projet. Si les noirs et les ministres gangrenés et archigangrenés sont assez hardis pour le faire passer , citoyens , élevez huit cents potences , pen-dez-y tous ces traîtres et à leur tête l'infâme Ri-quetti l'aîné ... M. de Mirabeau l'aîné. Il me sera permis de demander si ce n’est pas une dérision tout à fait indigne de l’Assemblée, que de lui dénoncer pareilles démences? (M. Malouet reprend la parole.) M. Aer chère. C’est pour nous empêcher de travailler, qu’on vient nous occuper de ces folies. M. Malouet. Si vous voulez adopter ma proposition, je cesserai volontiers cette lecture, car le cœur soulève à l’honnête citoyen. Je demande donc qu’il soit donné ordre à M. le maire de Paris défaire arrêter M. Marat et les colporteurs de ces libelles. M. de Mirabeau, l'ainè. Sans doute, il est bon de faire des lois sur les délits qui se commettent par la voie de la presse, comme sur tous les autres délits. Il est vrai que ceux-ci méritent peut-être une plus grande considération, parce que leur propagation est plus rapide: mais ce qui est mauvais, c’est de se hâter sur une semblable matière, c’est de se hâter, parce qu’on publie des extravagances. Je vous prie de remarquer que dans ce paragraphe d’homme ivre, je suis seul nommé. On parle des noirs dans ce libelle; eh bien, c’est au Châtelet du Sénégal qu’il faut dénoncer ce libelle. Ehl que signifie cette expression des noirs ? Messieurs, je vous le demande... Parmi les libelles, les libelles les plus fameux, il en est un, libellas famosus, ce fameux libelle est de l’homme à qui l’on veut renvoyer l’extravagance qu’on vous dénonce ; cet homme est M. le procureur du Châtelet. Ehl passons à l’ordre du jour. {On applaudit.) M. le Président propose de mettre aux voix la motion de M. Malouet. M. Regnaud {de Sant-Jean-d' Angély .) On ne peut mettre aux voix la motion de M. Malouet, car on ne sait pas si M. Marat est l’auteur du libelle dont il s’agit, et on ne peut le savoir que par une information. Je demande la question préalable. M. d’André. J’appuie la question préalable ; mais je demande qu’il soit donné ordre au maire de Paris de faire arrêter les colporteurs qui débitent ces papiers . (On réclame l’ordre du jour.) (L’Assemblée délibèreet passe à l’ordre du jour.) M. Oeoffroy. Je demande qu’on vote des re-mercîments à M . Malouet pour le temps qu’il nous a fait perdre. M. de Reynand, député de Saint-Domingue , fait lecture d’une lettre adressée à sa députation par 1’assemblée provinciale du nord de cette île. Cette assemblée s’occupe d’une adresse relative au décret du 8 mars, et à l’instruction du 28 du même mois; elle prie l’Assemblée de surseoir à faire droit sur les délibérations de l’assemblée générale de la colonie de Saint-Domingue. (Celle lettre est renvoyée au comité colonial.) M. le Président. L’ordre du jour est un rap-