[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789.} 199 écrite par des citoyens rassemblés au Palais-Royal, les envoyés de ces mêmes citoyens qui se sont fait introduire dans notre salle, nous ont forcés à nous occuper des prisonniers qui attendaient l’exécution de la promesse de Sa Majesté à l’Assemblée nationale. La fermentation était extrême au Palais-Pioyal ; ejüe prenait les mêmes caractères parmi plus de deux mille citoyens qui assistaient à nos délibérations ; la nuit s’avançait, le peuple s’animait, nfous prîmes un arrêté qui ramena les esprits, en lés frappant par des idées justes; nous y déclarions qu’il n’était pas permis de douter de la parole du souverain , qu’aussitôt que les prisonniers seraient réintégrés, vingt-quatre électeurs se transporteraient à Versailles, solliciter, etc. ; qu’ils s’engageaient à ne pas rentrer dans Paris sjins avoir obtenu la grâce de leurs concitoyens ; qu’ils étaient prêts à se jeter aux genoux du Roi, àl dire à ce bon prince, comme des enfants à leur père, qu’ils ne se lasseraient de les embrasser jusqu’à ce qu’il leur eût accordé pardon, etc. Celte dernière phrase produisit l’effet le plus prompt et le plus désirable. La nuit ne s’était point écoulée, et déjà les prisonniers étaient réintégrés daus les prisons de l’Abbaye; les attroupements ont cessé au Palais-Royal, le calme règne à Paris. Nous venions vous faire part de cet événement heureux, persuadés de la sensation agréable qu’il ferait sur vos cœurs. G’est dans ces circonstances, [Messieurs, que nous sbmmes arrivés ce matin auprès de vous ; ce d’est plus l’exécution d’une grâce que nous venons vous demander de solliciter. La grâce est ajccordée, la bonté du Roi s’est développée. Les prisonniers réintégrés sont libres. Un de nos députés vient de nous en apporter les preuves. Ce de sont plus que des témoignages de la plus vive Reconnaissance que nous vous prions de porter au pied du trône de Sa Majesté ; dites au Roi que quiconque voudrait faire soupçonner les sentiments de ses peuples, le trompe et se rend coupable envers la nation ; dites-lui que la paix et Ip calme seront inaltérables tant qu’il nous chérira autant que nous le chérissons, etc. j M. le Président répond : | L’Assemblée nationale apprend avec joie le éuccès des soins des électeurs de Paris pour rétablir le calme et l’ordre dans la capitale. Elle n’a jamais douté que le Roi n’accordât la grâce qu’ii avait daigné lui faire espérer. Exprimez, Messieurs, à vos comettants combien elle est satisfaite de leur zèle et de leur patriotisme, etannoncez-leur qu’elle vient de prendre des mesures pour hâter ses travaux, trop longtemps retardés, sur le grand objet de sa convocation, et celui de la constitution du royaume. ! L’Assemblée arrête que tous les membres se Rendront à l’instant même dans les bureaux, pour pommer une personne dans chaque bureau par la voie du scrutin, et que le comité de constitution formé par la réunion de ceux qui auront été choisis, commencera ses travaux aujourd’hui à six heures du soir. M. le Président indique la séance prochaine pour demain neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE FRANC DE POMPIGNAN , ARCHEVÊQUE DE VIENNE. Séance du, mardi 7 juillet 1789 (1). La séance a été ouverte à neuf heures du matin. 11 a été remis sur le bureau un grand nombre de paquets, adressés les uns aux membres de l’Assemblée nationale individuellement, les autres aux Etats généraux en corps; quelques-uns aux ordres en particulier; et la distribution s’en est faite conformément à leurs suscriptions respectives, le secrétariat restant dépositaire de ceux qui étaient adressés aux Etats généraux. M. le Président, après la lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin, a mis sous les yeux de l’Assemblée le résultat de celle qu’avait tenue hier au soir le comité des subsistances, pour recevoir les renseignements annoncés par un. citoyen de Paris. COMITÉ DES SUBSISTANCES. Extrait du procès-verbal du 6 juillet 1789. M. l,e chevalier de Rutledge, et les boulangers, au nom desquels il a parlé, n’avant pas donné de renseignements dont on puisse tirer d’utilité pour l’approvisionnement actuel de la ville de Paris, quoiqu’il en ait promis pour la suite, ceux qui font partie de son travail n'ayant rapport qu’à des temps antérieurs, et la nature des objets qu’il a traités étant entièrement du ressort de l’administration , le comité a pensé que c’était à M. le directeur général à en prendre connaissance, et l’a déclaré â M. le chevalier de Rutledge. Signé : Ï’ALARU DE ClTALMAZEL, évêque de Coûtâmes, président; Dupont, faisant les fonctions de secrétaire. Un de MM. les secrétaires a rendu compte de plusieurs adresses envoyées à l’Assemblée nationale par les villes de Vitré, Saint-Jean-de-Losne, Saint-Pierre-le-Moutier , et le bourg de Suint-Vallier en Dauphiné, qui, toutes, renfermaient des protestations d’amour et de fidélité pour la personne sacrée du Roi, et exprimaient des sentiments de respect, d’admiration, de reconnaissance, de cohésion pour la fermeté, la modération, le patriotisme, et les délibérations de l’Assemblée nationale. M. Hernoux, député de Saint-Jean-de-Losne, a prononcé un discours et lu une déclaration dont la teneur suit : « Messieurs, permettez que je m’acquitte du devoir que m’ont prescrit les habitants de Saint-Jean-de-Losne, mes concitoyens. Qu’ils soient des premiers qui donnent à cette auguste Assemblée des preuves du patriotisme et du désintéressement qui doivent animer tous les Français. « Depuis près de six siècles, la ville de Saint-Jean-de-Losne jouit d’immunités et de prérogatives (1) La séance du 7 juillet 1789 est incomplète au Moniteur. 200 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] qui ne lui laissent rien à envier aux classes les plus distinguées. « Ses privilèges furent le prix et la récompense de la bravoure et de la loyauté. A chaque occasion, mes concitoyens en ont mérité la confirmation ; à chaque règne ils l’ont obtenue. « Jaloux à l’excès de leurs prérogatives, en tout temps ils les ont maintenues avec l’énergie et la fermeté qui les caractérisent. « Mais du moment que la patrie a manifesté ses besoins et sa situation déplorable, ils n’ont considéré leurs privilèges que par la satisfaction qu’ils auraient à les céder. « Ils ont reconnu, ces honnêtes plébéiens, que le citoyen, qui, en tout temps, doit à la patrie le sacrifice de son sang et de sa fortune, lui doit, à plus forte raison, la restitution de ses bienfaits, lorsqu’elle-même est dans la détresse. « Ils ont reconnu qu’ils seraient indignes de succéder à leurs braves prédécesseurs, si, par un esprit d’intérêt particulier, ils retenaient des concessions qui furent la récompense du dévouement et de la générosité. « U’est d’après cette noble et intime conviction que mes concitoyens m’ont donné, non pouvoir, mais charge expresse de déclarer en leurs noms, comme en effet. « Je déclare que la ville de Saint-Jean-de-Losne « renonce, dès à présent, à tous ses privilèges « pécuniaires; et que l’effet de cette renonciation « aura lieu aussitôt que l’Assemblée nationale « aura fixé les bases de la Constitution par une a déclaration expresse des droits de la nation et « de ceux du monarque, et qu’elle aura établi « dans la répartition de toutes les charges et im-« positions l’égalité proportionnelle aux propriétés « et facultés de chaque individu. » Signé : HernoüX, député des communes du bailliage de Dijon , ayant charge des habitants de la ville de Saint-Jean-de-Losne. Ce discours et cette déclaration ont été reçus avec des applaudissements universels et il a été arrêté de les insérer dans le procès-verbal du jour. On a fait lecture d’une déclaration remise sur le bureau par le député de la noblesse du bailliage de la Montagne. M. le Président donne lecture de la liste des trente membres nommés hier dans les trente bureaux pour former le comité chargé de la distribution des matières sur l’objet de la Constitution : [7 juillet 1789.] M. le Président a dit, au nom des membres de ce comité, que, dès hier, ils avaient poussé leur travail assez loin ; qu’ils espéraient pouvoir répondre très-incessamment à l’impatience de l’Assemblée ; qu’ils la priaient de vouloir bien statuer sur toutes les anciennes motions étrangères à la constitution, et n’en plus admettre, d’ici à quelque temps, qui pussent la détourner de ce grand et pressant objet. On a observé que, par le hasard des choix qui avaient été faits séparément dans chaque bureau, d’un seul de ses membres pour former le comité de distribution, il ne se trouvait dans ce comité aucun ecclésiastique. Un cri générai, parti des communes, a déclaré que l’observation ôtait juste, et qu’il fallait nommer à l’instant six commissaires dans l’ordre du clergé, pour les joindre aux trente premiers. MM. du clergé ont répondu qu’ils avaient concouru à tous les choix qui avaient été faits, qu’ils n’en désiraient point d’autres, et que leur satisfaction était entière, ainsi que leur confiance. Les communes ont renouvelé leurs instances; la noblesse s’y est jointe : le clergé a persisté dans son désintéressement et dans son refus. L’Assemblée nationale a retenti d’acclamations et de témoignages réciproques d’union et d’estime. M. le Président a dit que, sous un double rapport, et comme ayant l’honneur de présider l’Assemblée nationale, et comme membre d|u clergé, il jouissait de ce combat d’honnêteté ét de sensibilité; qu’il espérait qu’il n’v en aurait plus jamais d’autres dans cette salle; et les acclamations ont recommencé. 1 M. le Président annonce que depuis longtemps M. l’évêque d’Autun a demandé la parole sur la question relative aux mandats impératifs. [ L’Assemblée ayant témoigné qu’elle l’entendrajt avec plaisir M. l’évêque d’Autun monte à la trf-bune. M. de Talleyrand-Périgord, évêque d' Autan. La question des mandats impératifs, qui h été indiquée plutôt qu’approfondie dans une de vos dernières séances, et sur laquelle j’ai osé me permettre un projet d’arrêté, ne pouvait manquer d’exciter une grande agitation dans les esprits. A cette question semble naturellement attachée la solution d’un grand problème; elle touche à la fois aux points les plus délicats de la morale et aux principes constitutifs des sociétés. Il importe de l’analyser avec attention, même avec scrupule, afin de prévenir toute équivoque, et jusqu’au plu;? léger prétexte d’une fausse interprétation. Le:s personnes de cette Assemblée les plus accoutumées à l’éclairer par d’éloquentes et profonde;? discussions, ne manqueront pas sans doute d’ap-