298 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE donc supposer qu’ils eussent eux-mêmes proposé cette évacuation! Ainsi s’évanouissent toutes les inductions qu’on voudrait tirer de ces pièces contre Barras et Fréron. Aussi n’y-a-t-il eu dans les comités réunis qu’un sentiment, et il fut bien satisfaisant pour nous d’entendre nos collègues, qui avaient été les dépositaires des pièces, s’empresser de reconnaître que les explications données devaient satisfaire les esprits les plus inquiets et les plus difficiles; je dois ajouter qu’ils ont aussi, comme tous les autres, attesté les services rendus à la république par Fréron et Barras dans le cours de leur mission. Ah ! pourquoi tous les représentants du peuple n’ont-ils pas été les témoins de cette explication? Mais pourquoi surtout, lorsque notre âme s’ouvre à quelque soupçon, au lieu de l’annoncer d’abord avec éclat, ne venons-nous pas le dénoncer dans le sein de nos frères, de nos amis? Une discussion paisible et froide dissiperait presque toujours les préventions ; elle calmerait les inquiétudes; le bandeau tomberait de nos yeux, et les orages qui peuvent s’élever parmi nous ne crèveraient jamais que sur la tête de nos ennemis. Nos armes ont porté la terreur dans l’âme des despotes; elles remplissent de deuil les familles de leurs esclaves. Pouvons-nous donc ignorer qu’un seul espoir leur reste? C’est celui de profiter de nos erreurs, de nos faiblesses, et de diriger à leur avantage même les vertus des patriotes. Ne nous le dissimulons pas plus longtemps, l’aristocratie surveille toutes nos actions; elle épie tous nos mouvements, nos discours, nos pensées, nos affections ; tout, jusqu’à nos qualités civiques, peut devenir, sans que nous nous en doutions, l’instrument de ses secrets desseins. Elle flatte nos goûts; elle sourit à nos faiblesses; elle applaudit à nos erreurs; et, après avoir usurpé notre confiance par ses caresses perfides, elle parvient ensuite facilement à faire dégénérer notre sensibilité en faiblesse, tout se corrompt par son approche, et le patriotisme lui-même emprunte d’elle quelquefois les couleurs du délire et de la folie. Mais c’est surtout à environner d’une méfiance funeste les représentants du peuple que nos ennemis portent leurs soins les plus actifs ; ils sèment parmi nous des soupçons, parce qu’ils ne veulent faire éclore que des divisions et des haines ; pour eux une inconvenance est un délit, une erreur est une faute, une faute est un crime; et, par cet abus perpétuel des mots et des choses, ils affectent de ne pas reconnaître un seul homme pur sur la surface de la république. Leur but n’est pas équivoque : nos ennemis veulent entraver notre marche par la méfiance ; ils veulent avilir la représentation nationale par des soupçons; ils veulent porter l’effroi dans l’âme de chaque citoyen; ils veulent nous lasser de la liberté, et la montrer comme un fléau aux nations étrangères. Ah ! quelle joie secrète nous leur préparons lorsqu’égarés par leurs manoeuvres nous tombons dans les pièges dont ils nous environnent ! Mais elle sera courte, cette joie, et j’ose présager que les suites en seront funestes pour ceux qui l’auront éprouvée. Il arrive l’instant où, dégagés de tout prestige, tous animés d’un même esprit, réunis tous dans un même voeu, nous tournerons toute notre énergie contre nos seuls ennemis naturels, le despotisme et l’aristocratie. Nous ne nous occuperons qu’à démasquer les faux patriotes qui s’emparent des mesures les plus sages pour les corrompre par l’exagération, à poursuivre les fripons qui ne respirent que pour conserver leurs rapines et pour s’en assurer de nouvelles; et bientôt le peuple français trop longtemps dupe des scélérats et des intrigants, les fera rentrer dans la poussière dont ils n’auraient jamais dû sortir. Voici le projet de décret. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis de Législation, de Sûreté générale et de Salut public, Décrète qu’il n’y a lieu à aucune implication contre Barras et Fréron, et que ces deux représentants du peuple ont dignement rempli leur mission. Ce décret est adopté (102). La séance est levée à 4 heures et demie (103). Signé, A. DUMONT, président ; CORDIER, A.P. LOZEAU, LAPORTE, L. LOUCHET, PELET, BORIE, secrétaires. AFFAIRE NON MENTIONNÉE AU PROCÈS-VERBAL 56 On fait lecture de l’adresse suivante : [Les administrateurs et l’agent national du district d’Orléans, département du Loiret, à la Convention nationale, du 8 vendémiaire anIII\ (104). Représentants, l’espoir criminel des hommes de sang, des terrifères, vient d’échouer. Tallien respire; la patrie n’a point à pleurer la perte d’un de ses enfants chéris. Oui, représentants, le coup qui l’a frappé, en nous éclairant sur vos périls, ajoute aux devoirs que nos fonctions nous imposent. Notre surveillance en deviendra plus active, s’il est possible, et nous parviendrons à écraser ces reptiles venimeux, dont l’existence sera bientôt un problème à résoudre. (102) Moniteur, XXII, 157-160; Débats, n° 744, 230-238; Bull., 13 vend, et 13 vend, (suppl.); Ann. Patr., n° 642; Ann. R. F., n° 13; C. Eg., n“ 777; F. de la Républ., n 14; Gazette Fr., n” 1008; J. Fr., n“ 739; J. Mont., n“ 159; J. Perlet, n° 741; J. Univ., n" 1775; Mess. Soir, n 777; M. U., XLIV, 205-206. (103) P.-V., XLVI, 277. (104) Moniteur, XXII, 150.