SÉANCE DU 11 PRAIRIAL AN II (30 MAI 1794) - Nos 38 ET 39 141 38 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [COLLOMBEL, au nom de) son comité des secours publics sur la pétition des deux jeunes Lechenaut, volontaires au 1er bataillon de la Réunion, dont le père a été assailli par une troupe de brigands dans la Vendée, et massacré pour avoir non-seulement refusé de crier vive le roi, mais pour avoir répondu en homme libre, vive la nation ! vive la République ! périssent les tyrans ! et à la fureur desquels le plus jeune desdits frères Lechenaut n’a échappé qu’en faveur de son âge qui est au-dessous de celui exigé pour la réquisition, décrète : Art. I. La trésorerie nationale paiera, à la présentation du présent décret, à titre de secours, la somme de 100 livres à chacun des deux frères Lechenaut, pour les aider à se rendre à Autun, pour travailler à la fabrication des armes. Art. II. Le présent décret ne sera point om-primé » (1) . 39 CARRIER obtient la parole pour une motion d’ordre : Je viens appeler votre indignation sur trois jugements rendus par le tribunal du département du Cantal, lesquels condamnent à la peine la plus légère trois conspirateurs décidés, et à une peine plus forte un des meilleurs patriotes de mon département. Le premier de ces jugements condamne seulement à la détention pendant la guerre, et à la déportation après la paix, un aristocrate dont il existait, entre les mains des patriotes, des correspondances criminelles avec les émigrés, correspondances qui ont été représentées et produites au procès. Le second jugement a été rendu contre un ci-devant marquis de La Pacheville, qui écrivait une lettre, existant au procès, par laquelle il déclarait que, si les patriotes se présentaient à son château, il ferait écorcher le premier qu’on pourrait saisir, remplirait sa peau de paille, et la suspendrait à la girouette du château. Le jury a prononcé que le fait n’était pas constant. Le troisième jugement concerne une ex-religieuse, ci-devant abbesse d’Aurillac, contre-révolutionnaire s’il en fut jamais, saisie à Commune -Affranchie avec une correspondance criminelle avec les émigrés; elle était à Lyon pendant la révolte de ses habitants; elle fut comprise dans le décret qui les mettait hors (1) P.V., XXXVIII, 210. Minute de la main de Collombel (C 304, pl. 1123, p. 12). Décret n° 9334. Reproduit dans Bin, 12 prair. (suppl1). Mention dans J. Sablier, n° 1351; Mon., XX, 607; Ann. R.F., n° 183; J. Perlet, n° 616; J. Lois, n° 610; J. Matin, n° 679 (sic); Feuille Rép., n° 332; J. S. -Culottes, n° 470; J. Fr., n° 614; Mess, soir, n° 651; J. Univ., n° 1651. la loi. Le jury a déclaré qu’il n’était pas constant qu’elle fût complice de la contre-révolution. Tant de jugements iniques se succédant, le citoyen Boutier, patriote chaud, ferme et prononcé, dont les principes n’ont pas varié depuis le commencement de la révolution, dénonça ces prévarications à la Société populaire, qui porta dénonciation à notre collègue Bô, représentant du peuple dans le département du Lot. Bô cassa les jugements, et fit mettre les jurés en état d’arrestation comme des contre-révolutionnaires. (On applaudit). Mais qu’ont fait les aristocrates du département du Cantal ? Apprenant que Bô allait se rendre dans la Vendée, ils ont intenté à Boutier un procès criminel, motivé sur ce que ce patriote, commissaire du district, dans un procès-verbal de vente de biens nationaux, avait fait des ratures, et qu’il se trouvait une erreur de 150 liv. Le jury l’a condamné à dix années de fers, après avoir déclaré cependant que Boutier n’avait pas profité de cette erreur. En effet, comment pourrait-on supposer qu’un excellent patriote, qui a eu des sommes immenses entre les mains, qui a deux frères aussi bons républicains que lui, dont l’un sert à l’armée des Pyrénées-Orientales, et mérite l’estime de Soubrany, comment pourrait-on supposer, dis-je, que ce patriote aurait voulu faire tort à la République d’une modique somme de 150 liv. ? Je demande que les 3 contre-révolutionnaires qui ont mérité de porter leur tête à la place de la Révolution, soient traduits au tribunal révolutionnaire de Paris; que les quatre jugements soient suspendus; que les pièces de la procédure instruite contre Boutier soient apportées au comité de sûreté générale; que ce comité, réuni à celui de législation, s’occupe d’un moyen de sans-culottiser les jurys qui, jusqu’à présent composés de citoyens actijs, ont innocenté les conspirateurs; enfin, que le décret soit porté dans le département du Cantal par un courrier extraordinaire. (On applaudit). Ces propositions sont décrétées comme suit (1) au milieu des applaudissements : « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [CARRIER] renvoie aux comités de sûreté générale et de législation, réunis, l’examen du procès du nommé Casses, expert à Monsalvy, du nommé Lapachevie, ex-noble, de la nommée Nastrac, ex-religieuse, et de celui du citoyen Boudier, administrateur du district d’Aurillac, juge au tribunal criminel du département du Cantal; ordonne que toutes les pièces des quatre procès seront envoyées incessamment auxdits comités, pour en faire leur rapport à la Convention; suspend l’exécution des jugemens rendus sur lesdits procès. Le présent décret sera porté par un courier extraordinaire (2). (1) Mon., XX, 605 et 606; Débats, n° 618, p. 152. (2) P.V., XXXVin, 210. Minute de la main de Carrier (C304, pl. 1123, p. 13). Décret n° 9335. C. Eg., n° 651; C. Univ., 12 prair., Feuille Rép., n° 332; J. S.-Culottes, n° 470; J. Paris, n° 516; M.Û., XL, 187; J. Fr., n° 614; J. Sablier, n° 1350; Mess. soir, n° 651; J. Lois, n° 610; J. Matin, n° 679 (sic); Rép., n° 162; Audit, nat., n° 615. SÉANCE DU 11 PRAIRIAL AN II (30 MAI 1794) - Nos 38 ET 39 141 38 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [COLLOMBEL, au nom de) son comité des secours publics sur la pétition des deux jeunes Lechenaut, volontaires au 1er bataillon de la Réunion, dont le père a été assailli par une troupe de brigands dans la Vendée, et massacré pour avoir non-seulement refusé de crier vive le roi, mais pour avoir répondu en homme libre, vive la nation ! vive la République ! périssent les tyrans ! et à la fureur desquels le plus jeune desdits frères Lechenaut n’a échappé qu’en faveur de son âge qui est au-dessous de celui exigé pour la réquisition, décrète : Art. I. La trésorerie nationale paiera, à la présentation du présent décret, à titre de secours, la somme de 100 livres à chacun des deux frères Lechenaut, pour les aider à se rendre à Autun, pour travailler à la fabrication des armes. Art. II. Le présent décret ne sera point om-primé » (1) . 39 CARRIER obtient la parole pour une motion d’ordre : Je viens appeler votre indignation sur trois jugements rendus par le tribunal du département du Cantal, lesquels condamnent à la peine la plus légère trois conspirateurs décidés, et à une peine plus forte un des meilleurs patriotes de mon département. Le premier de ces jugements condamne seulement à la détention pendant la guerre, et à la déportation après la paix, un aristocrate dont il existait, entre les mains des patriotes, des correspondances criminelles avec les émigrés, correspondances qui ont été représentées et produites au procès. Le second jugement a été rendu contre un ci-devant marquis de La Pacheville, qui écrivait une lettre, existant au procès, par laquelle il déclarait que, si les patriotes se présentaient à son château, il ferait écorcher le premier qu’on pourrait saisir, remplirait sa peau de paille, et la suspendrait à la girouette du château. Le jury a prononcé que le fait n’était pas constant. Le troisième jugement concerne une ex-religieuse, ci-devant abbesse d’Aurillac, contre-révolutionnaire s’il en fut jamais, saisie à Commune -Affranchie avec une correspondance criminelle avec les émigrés; elle était à Lyon pendant la révolte de ses habitants; elle fut comprise dans le décret qui les mettait hors (1) P.V., XXXVIII, 210. Minute de la main de Collombel (C 304, pl. 1123, p. 12). Décret n° 9334. Reproduit dans Bin, 12 prair. (suppl1). Mention dans J. Sablier, n° 1351; Mon., XX, 607; Ann. R.F., n° 183; J. Perlet, n° 616; J. Lois, n° 610; J. Matin, n° 679 (sic); Feuille Rép., n° 332; J. S. -Culottes, n° 470; J. Fr., n° 614; Mess, soir, n° 651; J. Univ., n° 1651. la loi. Le jury a déclaré qu’il n’était pas constant qu’elle fût complice de la contre-révolution. Tant de jugements iniques se succédant, le citoyen Boutier, patriote chaud, ferme et prononcé, dont les principes n’ont pas varié depuis le commencement de la révolution, dénonça ces prévarications à la Société populaire, qui porta dénonciation à notre collègue Bô, représentant du peuple dans le département du Lot. Bô cassa les jugements, et fit mettre les jurés en état d’arrestation comme des contre-révolutionnaires. (On applaudit). Mais qu’ont fait les aristocrates du département du Cantal ? Apprenant que Bô allait se rendre dans la Vendée, ils ont intenté à Boutier un procès criminel, motivé sur ce que ce patriote, commissaire du district, dans un procès-verbal de vente de biens nationaux, avait fait des ratures, et qu’il se trouvait une erreur de 150 liv. Le jury l’a condamné à dix années de fers, après avoir déclaré cependant que Boutier n’avait pas profité de cette erreur. En effet, comment pourrait-on supposer qu’un excellent patriote, qui a eu des sommes immenses entre les mains, qui a deux frères aussi bons républicains que lui, dont l’un sert à l’armée des Pyrénées-Orientales, et mérite l’estime de Soubrany, comment pourrait-on supposer, dis-je, que ce patriote aurait voulu faire tort à la République d’une modique somme de 150 liv. ? Je demande que les 3 contre-révolutionnaires qui ont mérité de porter leur tête à la place de la Révolution, soient traduits au tribunal révolutionnaire de Paris; que les quatre jugements soient suspendus; que les pièces de la procédure instruite contre Boutier soient apportées au comité de sûreté générale; que ce comité, réuni à celui de législation, s’occupe d’un moyen de sans-culottiser les jurys qui, jusqu’à présent composés de citoyens actijs, ont innocenté les conspirateurs; enfin, que le décret soit porté dans le département du Cantal par un courrier extraordinaire. (On applaudit). Ces propositions sont décrétées comme suit (1) au milieu des applaudissements : « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [CARRIER] renvoie aux comités de sûreté générale et de législation, réunis, l’examen du procès du nommé Casses, expert à Monsalvy, du nommé Lapachevie, ex-noble, de la nommée Nastrac, ex-religieuse, et de celui du citoyen Boudier, administrateur du district d’Aurillac, juge au tribunal criminel du département du Cantal; ordonne que toutes les pièces des quatre procès seront envoyées incessamment auxdits comités, pour en faire leur rapport à la Convention; suspend l’exécution des jugemens rendus sur lesdits procès. Le présent décret sera porté par un courier extraordinaire (2). (1) Mon., XX, 605 et 606; Débats, n° 618, p. 152. (2) P.V., XXXVin, 210. Minute de la main de Carrier (C304, pl. 1123, p. 13). Décret n° 9335. C. Eg., n° 651; C. Univ., 12 prair., Feuille Rép., n° 332; J. S.-Culottes, n° 470; J. Paris, n° 516; M.Û., XL, 187; J. Fr., n° 614; J. Sablier, n° 1350; Mess. soir, n° 651; J. Lois, n° 610; J. Matin, n° 679 (sic); Rép., n° 162; Audit, nat., n° 615.