592 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] la proposition. Toute discussion actuelle qui n’aurait pas pour base des faits précisément consignés et articulés, pourrait faire craindre à l’Assemblée de ne pas porter son attention sur des faits assez précis. D après cela, je demande que la parole soit réservée à M. Maury pour demain continuer ses déclarations, à la charge de qui il appartiendra. Je demande qu’il puisse les déposer sur le bureau, avec la liberté d’y donner tels développements, telles explications, telle latitude qu’il jugera à propos. Je demande également que ceux à la Charge desquels seront les déclarations très positives et les explications y jointes, que ceux-là, dis-je, puissent être entendus. (L’Assemblée adopte la motion de M. Delavigne.) M. le Président lève la séance à quatre heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 12 SEPTEMBRE 1791. DÉLIBÉRATION des 4 comités réunis de Constitu-tion, de marine , d'agriculture et de commerce et des colonies, du 12 septembre 1791. Les comités ci-dessus réunis, pour éclairer la délibération de l’Assemblée nationale sur la situation actuelle des colonies, et pour la mettre à même de discerner les allégations vagues des faits certains; de distinguer entre les opinions diversement manifestées, celles qui ont l’assentiment du plus grand nombre et qui sont fondées sur la connaissance des localités et sur les intérêts essentiels de la métropole, ont arrêté qu’il serait donné à l'impression et distribué au domicile de chacun des membres de l’Assemblée un extrait littéral des pétitions, adresses, lettres et autres pièc» s arrivées au comité, par renvoi de l’Assemblée ou par envoi direct, relativement au décret, rendu le 15 mai dernier, en faveur des gens de couleur. Pour copie : Begouen, faisant fonction de président des comités réunis en l'absence du Président. PÉTITIONS ET ARRÊTÉS DONT LA DATE SE RAPPROCHE DE CELLE DU DÉCRET DU 15 MAI. POUR l’exécution du décret. Du 20 mai 1791. Arrêté du directoire du département de la Gironde et de plusieurs commissaires du district et de la municipalité pour supplier l’Assemblée nationale et le roi de prendre les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour que le décret du 15 mai soit exécuté dans les colonies sans troubles. Cet arrêté exprime le vœu des gardes nationales du département, d’aller défendre les colonies contre les ennemis de l’Etat et d’en assurer la tranquillité par leur présence. Du 20 mai 1791. Délibération de la chambre de commerce de Bordeaux pour remercier le directoire et l’ordonnateur d’avoir empêché le départ des bâtiments allant aux colonies, afin d’y retarder la nouvelle du décret. Cette chambre exprime ses sentiments civiques et son dévouement pour l’exécution des décrets constitutionnels, nommément de celui du 15 mai. Elle arrête de demander qu’il soit pris des mesures pour que la première nouvelle de ce décret dans les colonies n’y occasionne aucun trouble. Du 21 mai 1791. Adresse (revêtue de 6 signatures) du département de la Gironde à V Assemblée nationale. « Nous avons cru (disent les pétitionnaires, après avoir rendu hommage au décret en ce qu’il consacre de nouveau les droits de tout homme libre), dans une circonstance aussi pressante, devoir provisoirement suspendre le départ des navires de commerce (dans les colonies), atin qu’ils n’y portassent pas de lettres incendiaires, des interprétations fausses de vos décrets, sans y porter en même temps des instructions qui en développeraient la sagesse et qui y maintiendraient l’ordre et la paix. » Suit l’annonce de l’offre des gardes nationales, de la délibération du commerce ci-dessus, de deux adresses de la société des amis de la Constitution de Bordeaux et du café national de la même ville, jointes l’une et l’autre à l’adresse du département, écrites dans le même sens et pour le même but. Du 17 juin 1791. Pétition signée de 4 commissaires des hommes de couleur. « Notre devoir, disent-ils, est de représenter à l’Assemblée les dangers que peut courir la colonie de Saint-Domingue, soit parce qu’elle renferme peu de troupes, soit parce qu’on ne peut pas trop compter sur ces troupes, dont on a égaré le patriotisme... les hommes de couleur sont la plupart désarmés... daignez, Monsieur le Président, présenter à l’Asse nblée le tribut de notre reconnaissance en l’assurant que nos frères, les hommes de couleur, sont prêts à sacrifier leur vie pour la patrie qui vient de les réintégrer dans leurs droits; mais qu’ils supplient l’Assemblée de leur fournir les moyens de se mettre en défense par les mesures que sollicitent les Bordelais surtout qui sentent, comme nous, que c’est le moyen de rétablir la paix et de conserver les colonies. » Sur l’impossibilité d’obtenir l’exécution DU DÉCRET ET LES INCONVÉNIENTS DE LE TENTER. 20 mai 1791. Pétition des citoyens commercants de Nantes (102 signatures). Si, disaient-ils, l’amour de l’humanité et le désir de rendre heureux tous [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] 303 les sujets de l’Empire vous animaient, quand vous avez rendu le décret du 15 mai, au nom des colonies, parties si précieuses de la monarchie française. Au nom de ces mêmes gens de couleur dont vous désirez le bonheur et que vous exposeriez à une destruction entière et presque inévitable, au nom sacré de l’humanité frémissante à la vue des fleuves de sang qui vont couler, au nom de 10 millions de nos frères que menace la misère la plus profonde, retirez ce cruel décret; consacrez de nouveau, et de la manière la plus solennelle, vos précédents décrets des 8 et 28 mars et 12 octobre 1790. 23 mai 1791. Pétition des négociants capitaines de navires et citoyens de la ville du Havre (94 signatures). « Nous étions tranquilles, disaient-ils, sur le sort de nos colonies, parce que vous n’avez négligé aucune mesure pour rétablir le calme et étouffer les germes de la discorde... Notre confiance dans les heureux effets du considérant de votre décret du 12 octobre nous rassurait contre tous les événements. Votre décret sur les gens de couleur nous a remplis d’effroi... Si vos précédents décrets ne nous avaient mis dans la plus parfaite sécurité, nous serions accourus pour déposer dans votre sein les fruits de notre expérience... Nous vous aurions représenté que les colons des plus raisonnables regardent la ligne de démarcation entre eux et les gens de couleur comme le boulevard de leur sûreté et de la subordination plus précieuse dans ce pays que partout ailleurs... Si nous perdions nos colonies, notre désastre serait certain ; l’infâme banqueroute qui remplit d’horreur les âmés honnêtes serait inévitable ; nous renverserions dans notre chute des milliers de victimes et ceux qui surnageraient seraient exposés à la fureur d’un peuple innombrable réduit à la plus affreuse misère. « Nous mettons donc sous la sauvegarde de la nation nos fortunes et nos propriétés... nous vous conjurons avec larmes de nous rassurer sur nos vives inquiétudes. » ... mai 1791. Pétition signée des députés des manufactures et du commerce près l'Assemblée nationale, pour les villes de Nantes, Bordeaux, Rouen , le Havre , Marseille , Dunkerque , Lyon , Paris , Amiens , Bayonne , Lorient et Calais. « Des citoyens, disent-ils, n’ont jamais usé du droit de pétition dans des circonstances plus pénibles que celle où votre décret du 15 mai nous a placés... l’accord le plus heureux (ajoutent-ils en parlant des avantages qu’il y aurait eu à ce ue l’on eût statué sur l’état des personnes que 'après la proposition des colonies), l’accord le plus heureux et le plus désirable aurait attaché les hommes de couleur aux colons, et les colons à la mère patrie. La France aurait conquis de nouveau, par des bienfaits sagement distribués, ses florissantes colonies, qui seule-*, nous le répétons sans cesse, soutiennent par 240 millions de revenus, le crédit national chancelant dans l’étranger, arrêtent, par leurs riches productions, la rupture totale de l’équilibre des changes, et la fuite entière du numéraire... lre Série. T. XXX. « Nous espérions que votre décret sur les hommes de couleur libres, confirmant le préambule du 12 octobre, aurait ramené l’ordre et le calme dans nos colonies, et invité les commerçants à reprendre avec activité des opérations qui ont une si grande influence sur la richesse publique ; mais votre décret du 15 de ce mois nous glace d’effroi... Nous pensons que ce décret est inexécutable... Les colons sont dans un nombre incomparablement plus considérable que celui des hommes de couleur libres... Dans les recensements, la population�de Saint-Domingue donne la proportion de 19,000 hommes de couleur libres à 24.000 blancs...; mais dans le dénombrement des hommes de couleur libres on comprend les vieillards, les femmes, les enfants, et ils sont en tel nombre que les hommes effectifs en état de porter les armes ne s’élèvent pas à plus de 6,000 : parmi les blancs, au contraire, il n’y a presque pas de femmes, presque pas de vieillards, et moins encore d’enfants. Ce sont des hommes qui ont quitté la mère patrie dans l’âge de la force et du courage, et ils sont presque tous en état de combattre; nous estimons que sur 24,000 hommes blancs, 18,000au moins peuvent porter les armes... 11 y a en tout temps sur les rades de Saint-Domingue, 250 navires dont les équipages forment un peuple de matelots de plus de 6,000 hommes, et la classe des matelots, moins éclairée que celle des autres hommes, a une antipathie beaucoup plus forte pour les hommes de couleur, qui, à leur tour, les méprisent à cause de leur apparente rusticité. Il en est à peu près de même des soldats, qui sont toujours au nombre de 3,000... nous trouvons donc qu’en comptant les colons, les matelots et les soldats, 6,000 hommes de couleur libres (on a vu, par la pétition ci-dessus de leurs commissaires, que la plupart sont désarmés) se trouveront en présence de 27,000 hommes blancs. « Si vous voulez soutenir l’exécution de votre décret par une force active, vous enverrez des vaisseaux et des soldats. Nous supposons qu’ils ne seront pas corrompus; il faudra donc répandre beaucoup de sang; et, s’ils sont attirés dans le parti des colons, la désobéissance deviendra plus dangereuse. « Dans ce fune.-te embrasement, dont les suites etle terme effrayent l’imagination et sontau-dessus des calculs de la prévoyance, nous ne savons où porter nos spéculations...; d’affreux présages nous assiègent, et le commerce ne peut s’exercer au milieu de tant d’alarmes... » NOUVELLES OFFICIELLES ET PARTICULIÈRES DE SAINT-DOMINGUE, DEPUIS QU’ON Y CONNAIT LE DÉCRET DU 15 MAI. 3 juillet 1791» Lettre du général de Saint-Domingue au ministre de la marine, envoyée par celui-ci à l’ Assemblée le 22 août. « Je voudrais (dit-il en parlant du décret du 15 mai, arrivé au Cap le 30 juin) qu’il me fût permis de vous laisser ignorer la sensation qu'il a faite, et la rapidité avec laquelle elle commence à se communiquer à toutes les parties de la colonie. « Indépendamment de l’habitude du préjugé, 38 894 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] les colons les plus sage3 et les plus froids sont convaincus que la soumission des noirs dépend essentiellement de ce qu’il existe entre eux et et les blancs une classe intermédiaire marquée autant par l’état civil que par la couleur; ensuite ce décret a paru une violation formelle de la promesse consignée dans le préambule du décret du 12 octobre. « Ainsi 3 motifs puissants se réunissent pour exciter la fermentation : l’amour-propre offensé; on croit le salut de la colonie compromis; et l’on réclame un engagement que l’on croit violé. « N’exigez pas que je vous fasse le détail des propositions toutes plus violentes les unes que les autres qui s’agitent dans les conversations. Les coeurs les plus fidèles sont aliénés et la guerre civile la plus affreuse, ou la perte de la colonie pour la France peuvent être les suites de la disposition présente des esprits... « La première partie du décret sur les esclaves et les affranchis ne rassure même pas à l’égard des propriétés; on n’y voit qu’une disposition, qu’un décret subséquent abrogera comme celui-ci anéantit la promesse du 12 octobre; ainsi (ce qui est le plus grand des malheurs) la confiance des colons en l’Assemblée nationale se détruit. « La position de la colonie vous annonce combien mes moyens seront faibles, surtout après la réunion inévitable de tous les blancs en un seul parti, qui ne sera plus celui de l’Assemblée nationale ..... > Même date. Lettre du procureur général du conseil supérieur du Cap à un député de Saint-Domingue , dépo-posée au comité des colonies. « ... Je suis atterré des suites que ce décret peut avoir, et qui ne sont que trop annoncées par la manière dont il a été reçu. D’abord il n’y a eu qu’un cri pour rejeter cette nouvelle;... le doute s’est changé en certitude et eu fureur : on crie à la trahison,... vous n’avez pas d’idée des propositions violentes faites contre les gens de couleur et contre la France. Egorger les uns et déserter l’autre ; appeler les Anglais,, pas moins que cela. Trois jours se sont passés, et loin que la commotion ait diminué, on ne s’occupe que de la propager, de réunir la colonie en un seul parti, pour prendre les mesures nécessaires pour enlever à la France le pays dont elle a compromis l’existence. La garautie accordée à la colonie par le 1er article du décret arrêté le 13, relativement à l’esclavage et aux simples affranchis, n’est regardée que comme un nouveau pacte aussi vain que celui du 12 octobre, et aussi facile à violer... Si les mulâtres ont le malheur de remuer, ils sont perdus, et on parle de lâcher contre eux les ateliers; alors je ne donne pas 24 heures à l’existence du dernier ..... « Et quand cela vient-il? Quand tout annonçait la paix, quand on voyait le projet du comité de Saint -Martin avec le plus grand plaisir, quand on était résolu d'accorder beaucoup aux mulâtres et de se réserver les moyens de les rapprocher successivement de nous ..... » 13 juillet 1791. Nouvelles du Cap de cette date , transmises aux comités par lettres de V ordonnateur de Bordeaux, et du ministre, des 20 et 27 août. « Je ne dois pas, écrit l’ordonnateur, vous laisser ignorer les fâcheuses nouvelles que le navire le Père-de-Famille, parti du Gap le 13 juillet, nous a apportées. 11 paraît que le décret du 15 mai a occasionné, dans cette colonie, la plus grande fermentation, qui a été animée par l’arrêté du directoire du département de la Gironde; que l’on y a pris une délibération pour ne point recevoir ce décret; que l’on a exigé la parole de M. Blanchelande qu’il ne le ferait pas proclamer ; qu’il s’est fait les motions les plus fortes contre les négociants de Bordeaux,... que, dans la crainte qu’on effectue les menaces faites par par le département de la Gironde d’y envoyer des troupes pour faire exécuter le décret, on s’est mis sur la défensive, que l’on a fait prêter le serment aux troupes de servir pour la colonie, et qu’on paraît résolu à réclamer plutôt la protection de quelques autres puissances, que de se soumettre à ce décret. Je ne doute pas que la chambre de commerce de Bordeaux ne vous adresse copie des différentes lettres qui lui ont été communiquées par les divers négociants, desquels j’ai recueilli ce que j’ai l’honneur de vous marquer. » 14 juillet 1791. Adresse de V assemblée provinciale du Nord à l’Assemblée nationale. « La première nouvelle du décret, porte-t-elle, a excité une fermentation générale parmi les hâtants... En admettant les gens de couleur, nés de père et de mère libres, dans les assemblées paroissiales et coloniales, vous effacerez la ligne politique qui séparait les gens de couleur des blancs, et vous détruisez par là un intermédiaire nécessaire à la conservation des colonies. « Il faut dans les colonies une classe entre les blancs et les esclaves, laquelle fasse envisager à ces derniers un espace immense entre eux et les blancs, il faut même que les esclaves ne puissent concevoir l’espérance de devenir jamais les égaux des blancs, et que leurs vœux n’aient pour objet que l'affranchissement à recevoir de la main de leurs maîtres, comme un bienfait ou une récompense de leur fidélité: car le sentiment à imprimer à nos esclaves doit être tel qu’il contienne 600,000 noirs dans la dépendance de 60,000 mille hommes libres. « G’est par l’existence d’une classe intermédiaire que la colonie s’est maintenue jusqu’à ce jour exempte de toute insurrection des noirs. « La nécessité de cette classe ne peut être appréciée en Europe comme dans les colonies, parce qu’elle tient à mille nuances locales , parfaitement senties , mais trop difficiles à être représentées, insaisissables pour le raisonnement ; en sorte que la discussio?i la plus savante sur ces objets éclairerait moins qu’un très court séjour dans les colo-lonies. « En ôtant cet intermédiaire de l’organisation des colonies, vous avez donc, par votre décret du 15 mai, brisé le lien le plus fort de la subordination des noirs. [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] 595 « Mais de quel étonnement n’avons-nous pas été frappés, lorsque la lecture de ce décret nous a présenté la violation la plus manifeste de la garantie nationale que vous nous avez donnée par vos précédents décrets, et particulièrement celui du 12 octobre dernier ? Garantie de ne décréter aucunes Lois sur l’état des personnes , dans la colonie , que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales... « Dans votre décret du 8 mars 1790, vous avez déclaré que, quoiqu’elles fussent une partie de l’Empire français, cependant vous n’aviez jamais entendu les comprendre dans la Constitution décrétée pour le royaume , les assujettir à des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières. « Malgré que vous ayez décrété, alors, qu’il devrait y avoir une différence entre la Constitution du royaume et celle des colonies, et que vous aviez besoin des lumières et du vœu des assemblées coloniales pour leur donner une Gonstitu-tution, vous avez rendu le décret du 15 mai, comme une conséquence nécessaire des bases constitutionnelles décrétées pour le royaume; vous avez tranché la plus importante question, dans les colonies, sans avoir connu le vœu d’aucune assemblée coloniale... » « Vous n’avez pu rendre, même régulièrement, ce décret, tant que vous n’avez pas révoqué ceux des 8 mars et 12 octobre 1790, qui lui sont contraires ; n’étant point révoqués, ils subsistent : puisqu’ils subsistent, ils doivent être exécutés... « Placés entre nos 2 décrets des 8 mars, 12 octobre 1790 et celui du 15 mai dernier, qui leur est contraire, nous renouvelons le serment d’exécuter les deux premiers et d’en maintenir l’exécution. « Nous vous supplions de révoquer le décret du 15 mai, parce qu’il porte atteinte à la subordination des esclaves, et met la sûreté de la colonie dans le danger le plus imminent... parce qu’il prononce sur l’état des personnes dans les colonies, tandis que nous avons votre garantie que vous ne prononcerez jamais sur l’état des personnes dans les colonies, que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales; parce qu’il est contraire à V03 précédents décrets, non révoqués... « La première exécution de ce décret, si elle avait lieu, serait désastreuse pour la colonie. Tous les cœurs sont ulcérés; les agitations dont nous sommes témoins peuvent amener une explosion générale, affreuse dans les effets; alors nous n’avons à envisager qu’une résistance désespérée et un vaste tombeau dans la colonie. » Même date. Adresse de l’Assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue au roi. « Sire, vos eufants d’outre-mer, vos fidèles colons de Saint-Domingue portent au pied du trône leurs justes réclamations, et déposent dans votre sein paternel leurs craintes et leurs alarmes.... « Nous nous abstiendrons de peindre à Votre Majesté la sensation terrible qu’a produite dans cette ville l’annonce de ce décret (du 15 mai) im politique sous tous les rapports, et les malheurs incalculables qui seront la suite de sa promulgation.... L’ordre établi dans les colonies, qu’on qualifie de préjugé, n’est point enfanté par l’orgueil ..... il est dicté par la nécessité. « Jetez, Sire, un regard de bonté sur vos colonies.... Daignez accueillir favorablement leurs réclamations, s’il en est temps encore, prévenez les malheurs dont elles sont menacées, en refusant votre acceptation à un acte qui les occasionnerait indubitablement. » 16 juillet 1791. Lettre du général de Saint-Domingue au ministre de la marine. « Vous verrez, dit-il, par les exemples ci-joints, les. dépêches de rassemblée provinciale du Nord, que j’avais bien saisi (par sa lettre du 3) la sensation générale, et que la réflexion ne l’a pas rendue plus calme.... « D’après l’article 2 de la loi du 11 février, la majeure partie des paroisses avait renvoyé la nomination de leurs députés pour une nouvelle assemblée coloniale à l’arrivée des commissaires; mais, pour éviter l’effet du décret du 15 mai, l’assemblée provinciale du nord s’est hâtée d’inviter toute la colonie à nommer leurs députés et à leur assigner de se rendre le 20 de ce mois à Léogane, persuadée que ce décret redouté ne serait pas arrivé officiellement avant cette époque. Il parait que cet avis est généralement suivi. » Le surplus de cette lettre exprime que les gens de couleur auxquels s’applique ce décret sont peu nombreux ; que les affranchis (non nés de père et mère libres) témoignent de la jalousie contre ceux qui sont nés de père et mère libres; qu’il redoute le résultat du travail de la nouvelle assemblée coloniale relativement au décret du 15 mai; que tout ce qui lui parvient des opinions générales, ne lui laisse aucun espoir pour son exécution; qu’il craindrait l’arrivée des commissaires s’ils en étaient chargés; qu’il espère ne pas recevoir des ordres qui l’obligent d’employer la force; qu’il n’aurait pas le courage de verser le sang des citoyens à la tête desquels le roi l’a élevé. N. B. Non seulement les détails de ces nouvelles officielles sont confirmés par une multitude de lettres particulières, déposées ou produites au comité des colonies; mais ils n’ont été informés par aucune autre lettre venant directement des colonies. Deux lettres seulement, écrites de Bordeaux par M. Bourbon, adressées, l’une en. date du 27 août, à M. Louis Monneron, l’autre en date du 3 septembre, à M. Vernier, président de l’Assemblée, ont été, la première déposée sur le bureau par M. Monneron en la séance du 31 août, et la deuxième renvoyée au comité le 10 septembre. On lit dans la première : « Il est bien vrai que dans le premier moment de l’arrivée de ce décret à Saint-Domingue il a été le sujet de beaucoup de fermentation ;... mais le calme a succédé à cela.... « Un navire, arrivé hier de Port-au-Prince, parti le 11 juillet, annonce que la paroisse la plus riche, celle de la Groix-des-Bouquets, et différentes autres ont promis adhésion au décret.... » La deuxième lettre porte : » Le navire Le Cerf, parti du Cap le 23 juillet, nous donne des nouvelles satisfaisantes ; tout est parfaitement tranquille dans les colonies; les motions incendiaires ont disparu avec leurs auteurs; le commerce a repris son activité; les capitaines bordelais que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] 596 l’on voulait renvoyer avec leurs cargaisons sont vus de bon œil.... « Plusieurs navires arrivés, tant de la Guadeloupe, que de Port-au-Prince, Saint-Marc, Gay s, Saint-Louis et Jacmel, etc., nous portent l’agréable nouvelle que tout est iranquille, et que la raison et la justice triompheront... Contre 'es assertions de M. Bourbon sur la tranquillité de Saint-Domingue à l’époque du 23 juillet, M. Homberg, député du commerce du Havre, a déposé au comité l’extrait suivant de deux leitres de M. Caulle, capitaine du navire Les Deux-Sœurs, adressées à MM. Morogeau et Gie, ses armateurs au Havre. << Cap Saint-Domingue, le 23 juillet 1791. « Je vais partir à la fin du courant, crainte d’é-vénemenîs fâcheux. Tout est perdu présentement : le désordre est à son comble: Saint-Domingue s’ensevelira sous ses ruines, plutôt que de souffrir la promulgation du décret du 15 mai; tout est en combustion au bas de la côte, surtout au Port-au-Prince, où au départ du courrier on voulait mettre en dérive tous les navires bordelais. La nouvelle assemblée coloniale va être formée pour le 25 du courant. Je vous avoue que les .arrêtés les plus forts y seront pris. Que de malheurs se préparent !» Voici l’autre lettre : « Gap Saint-Domingue, le 23 juillet 1791. « Je vous ai dit que l’assemblée coloniale doit être formée pour le 25 du courant, et que ses arrêts seront fermes. J’appareillerai à la fin du m-is, car vo re fortune court ici le plus grand du ger. Le plu-grand t ouble continue au Port-au-Pdnce. v Quoiqu’il me soit dû encore beaucoup, je pars; il vaut mieux sauver une partie que de perdre le tout. » M. Ho i b rg, parmi beaucoup de lettres dont il garantit l’authenticité, a choisi celles ci-dessns à cause de la correspondance des dates avec l’époque du départ du Gap du navire Le Cerf , cité par M. Bourbon. H a été communiqué, et déposé en partie au comité, une très grande quantité de leures, la plupart écrites des rad' s de Saint-Domingue par des capitaines du commerce; elles portent toutes le caractère de la vér té. On écrivait, le 5 juillet, du Cap, à un négociant de Bordeaux. (L< ttre tnvoyée au président de l’Asse i blée nationale.) « Je pardonne à ceux qui ne connaissent pas es colonies, de s’aveugler ; mais je ne pardonne pas au commerce de Bordeaux... Il n'y a point ici de ruperstition, mais bien de la réllexion sur un pré eut et un avenir qui s’offrent des pins affreux à ma vue... Je vois le commerce de Bor-d aux entièrement ruiné.. , les < éb teui s aux cargaisons bordelaises ne veulentpasp yer... D’autres veulent que les négriers vous soient renvoyés, puisqu’il est. vrai que vous voulez nous rendre des d oyens adifs; c’est un mouvement et des rumeurs sans exemple... E<t-ce ici l’effet de la contre-révolution. Sommes-nous vendus ou ne le sommes-nous pas? Je croirais à cette première idée. » Du Gap encore, le 5 juillet. (Lettre au maire du Havre.) « Le malheureux décret du 15 mai a tellement indigné et soulevé tous les esprits qu’il -’en suivra le carnage le plus horrible, si l’Assemblée nationale ne s’empresse de le révoquer. Toute la colonie est décidée à faire scission, si on veut le mettre à exécution... Les adresses de Bordeaux ont mis le comble à l’indignation des blaucs.... rejaillit sur tous les capitaines de cette place qui sont ici..., tous les citoyens ont prolesté de ne les payer, ni de leur donner pour un sou de frêt. » Du Port-au-Prince, le 10 juillet. (A M. Guérin, négociant à Bordeaux.) « A la lecture des lettres, on a fait des motions violentes contre les Bordelais ..... ; plutôt mourir que de souscrire au décret du 15 mai : voilà le cri général ..... ; le résultat de la proclamation du décret serait la ruine de la colonie, du commerce de France et peut-être une contre-révolution dans l’Empire. Depuis cette nouvelle, on ne peut plus compter sur les payements. » De Léogane, du 8 au 12 juillet. (Lettre envoyée par la municipalité du Havre.) « Toute la province du Nord s’est soulevée contre une loi faite pour bouleverser cette colonie ..... Celle de l’Ouest s’est déjà réunie à celle du Nord, et cet exemple sera suivi du reste de la colonie ..... nous nous attendons à des malheurs incalculables et inimaginables si ce décret n’est révoqué promptement ..... Nous sommes au 12 juillet, et la nouvelle du décret ayant déjà circulé dans toute la colonie ne rapporte que des résolutions désespérées ..... toutes affaires ont ce.-sé ..... les moyens les plus extrêmes sont proposés pour empêcher l’exécution de ce fatal décret ; l’avenir le plus effrayant est dans tous les cœurs ..... Il est donc très important que l’Assemblée nationale revienne promptement sur un pareil décret ..... » Des Cayes, le 12 juillet 1791. « Ce décret a électrisé toute la colonie, et va lui faire jeter avec raison 1 s plus hauis cris ..... L’abaissement des gens de couleur était une barrière entre le blanc et l’esclave. Qu’on ne croie pas que, devenus nos égaux, il nous défendent encore mieux; nous l’étions plus efficacement par la haine qui existe entre l’esclave et l’homme de co deur. L’abaissement où cet esclave voyait le mulâtre le consolait de son sort et lui faisait révérer un blanc. H va arriver le contraire : l’esclave voyant que d’après une insurrection les hommes de couleur ont tout obtenu, il est à craindre que cette classe d’hommes ne vienne à regarder une insurrection comme le moyen de sortir de l’esclavage ..... vous frémirez sans doute à cette idée ..... voilà pourtant la suite possible de ce décret ..... on 'ne va pas nous paver ..... le commerce va languir : on se propose déjà de renvoyer les négriers. » Du Port-au-Prince, le 12 juillet. (Lettre envoyée par la municipalité du Havre.) « Le décret a soulevé toute la colonie d’un bout à l’autre ..... L’on fait des motions de ne plus payer jusqu’à ce que l’Assemblée naiionale ait révoqué ce fatal décret; voilà notre affreuse position. Il faut que toutes les places de commerce se réunissent pour faire les représentations les plus fortes à l’Assemblée nationale, afin de laisser à la colonie le soin de prononcer sur ces individus ..... Déjà les ateliers de nègres se 597 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] soulèvent; l’on a été forcé de faire de terribles exemples ..... » Du Port-au-Prince, le 18 juillet. Cette lettre porte que le club des amis de la Constitution de cette ville avait pris un arrêté pour forcer les capitaines bordelais à partir avec leurs navires sous 4 jours; ce que les capitaines nantai-, havrais et marseillais ont empêché de s’effectuer par les représentations qu’ils ont faites sur l’injustice de cet arrêté. PÉTITIONS DE L’INTÉRIEUR DU ROYAUME POUR L’EXÉCUTION, LA SUSPENSION OU L’ABROGATION DU DÉCRET DU 15 MAI. POUR L’EXÉCUTION. 27 août 1791. Admsse par laquelle 6 membres du directoire du département de la Gironde dénoncent une assemblée de commerçants, formée à la Bourse, pour demander la révocation du décret du 15 mai. Ils rappellent l’offre des soldats citoyens, inscrits au nombre de 1,200, pour aller maintenir la paix dans la colonie. « Nous pavions, disent-ils, que, malgré les efforts de l’intrigue, nous trouverions dans ces climats éloignés des amis de la justice et de la liberté. » Pour le prouver, ils joignent à cette adresse copie d’une lettre de la Guadeloupe, du 13 juillet, signée Salages , qui porte: « Je l'ai trouvé (le décret du 15 mai) bien juste et bien sage ; il a fait ici sensation sur les esprits dans le premier moment, et a fini par être approuvé de tous les vrais patriotes... Il est grand temps qu’on nous envoie des forces, l’insurrection comme me à gagner... J’oubliais de vous dire que l’assemblée coloniale tenant à la Pointe-à-Pitre a mal accueilli le décret concernant les gens de couleur libres. » Sans date. Adresse postérieure des 6 mêmes membres du directoire de la Gironde qui se plaignent des moyens employés à Saint-Domingue pour dénaturer leurs intentions et leur supposer d’avoir voulu armer leurs gardes nationales contre h s colons. Ils joignent à cette adresse un imprimé, sans forme authentique, d’une lettre qui leur aurait été écrite par l’assemblée coloniale de la Guadeloupe, le 13 juillet, et qui annoncerait que cette assemblée en aurait reçu une de c*1 directoire, et qu’elle aurait connu le projet d’embarquement ae gardes nationales pour faire exécuter le décret du 15 mai. L’assemblée de la Guadeloupe, dans cet imprimé, rappelle sa soumission aux précédents décrets, et promet que, dès que l’Assemblée nationale aura fait parvenir ses ordres officiellement, elle s’empressera à combler ses voeux. On lit ensuite : « A quoi servirait cet appareil menaçant? (Le projet des gardes nati males)... Le commerce ne doit paraître que le caducée à la main; et le moment où il le quitterait pour porter le flambeau de la guerre, serait celui de sa ruine. » Cette assemblée ajoute ; « Nous voyons avec peine que l’on a calomnié dans votre esprit la conduite de nos députés (qui s’etaient abstenus des séances après le décret du 15 mai); ils ont fait ce que le dévouement le plus pur leur dictait pour b s intérêts rit-leurs commettants, et noire colonie leur en accorde un juste tribut d’éloges. » Cette lettre destinée, si elle est vraie, à détourner le directoire de la Gironde d’un envoi de gard’ s nationales, qui produirait la ruine du commerce, n’offre point, au surplus, d’opinion pronon ée relativement à l’état politique des gens de couleur, question sur laquelle un membre de cette assemblée coloniale s’exprime ainsi qu’il suit dans un discours imprimé il y a un an , et déposé au comité des colonies : « G dte partie de notre droit politique — dit-il en réfutant les prétentions des gens de couleur annoncées par M. l’abbé Grégoire le 28 mars 1790 — est la clef de la voûte sous laquelle nous habitons. Si elle est arrachée ou même dérangée parles décrets que l’on sol licite, tous les malheurs sont décrétés pour nous. Et ne devom-nous pas aitribuer à ce dangereux système les révobes qui abreuvent d"jà du sa-g français Saint-Domingue et la Martinique? Conservons donc sur ce point essenti I, défendons de toute notre raison, de tout noire courage, le droit exclusif de notre législation intérieure. » 29 août et 3 septembre. Deux pétitions de la même écriture, sur papier à lettre pareil, l’une étant une répétion presque littérale de l’autre : la première, signée de 37 pé-tit onnaires ; la seconde, signée d un sieur Bertrand seul, qui déclare que la première est faite par lui. Parmi ces 37 signatures, on en voit où l’on a figuré grotesquement le carac’ère moulé, ce qui prouve que le signataire ne savait pas même écrire; d’autres dont l’écriture ressemble à des traits tracés par un enfant dont on conduit la main. Enfin, il est attesté par des actes authentiques des représentants du commerve et de la municipalité du Havre, que, sur ces 37 personnes, 7 sont des gens sans facultés ne payant aucune imposition; 15 ne sont imposées qu’à 3 livres les au res à 4 livres, 5 livres, 6 livres ; un, qui es boulanger, paye 20 livres; et que les 2 plus aisés, payant 24 livres et 40 livres, ont déclaré n’avoir pas su ce qu’on leur avait fait signer; de sorte que cette première pétition n’est, ainsi que la seconde, que l’opinion du sieur Bertrand, très petit marchand, à peine connu, suivant les actes ci-dessus. Ges 37 pétitionnaires écrivent à l’Assemblée contre ceux qui demandent la révocation du décret du 15 mai, qu’on « cherche à l’égarer en lui représentant des causes imaginaires, au lieu d’aller à la source de troubles inévitables, qui ne tirent leur origine que de différentes causes qu’il serait trop long de lui expliquer. » Ils supplient l’Assemblée de hâter instamment l’envoi des commissaires avec toutes les précautions que sa prudence jugera nécessaires pour faire proclamer le décret du 15 mai. 598 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U septembre 1791.] PÉTITIONS OU L’ON DEMANDE LA SUSPENSION OU LA RÉVOCATION DU DÉCRET. 29 août 1791. Pétition des négociants , marchands et capitaines de navires de Bordeaux (111 signatures), lue à la séance du 31 août. « C’en est fait, disent-ils, de la prospérité de l’Empire, si le décret du 15 mai y est envoyé, et si l’on y tente le moindre effort pour le faire exécuter ». Ils ajoutent que la distinction entre les blancs et les gens de couleur est inséparable du régime des colonies ; que, si c’est un préjugé aux yeux de la philosophie, la nécessité la plus impérieuse de toutes les lois doit le justifier; que la sûreté des blancs en dépend ; que celte opinion suffit pour contenir 500,000 cultivateurs ; que la conservation de toutes les propriétés, le salut de l’Etat et de la Constitution y sont attachés. « Vous avez voulu, disent-ils, le bonheur des colonies ; votre décret du 12 octobre y avait répandu une joie universelle ; le décret du 15 mai y a été le signal d’une consternation générale. C’est à votre sagesse à décider présentement duquel de ces deux décrets vous devez préférer l’exécution. » 28 août 1791. Pétition des négociants et capitaines de navires du Havre (266 signatures). Ils se plaignent de ce qu’on refusa de les entendre lors du décret du 15 mai. Ils exposent quelles sont, d’après des nouvelles authentiques de Saint-Domirgue, les résolutions désespérées de cette colonie. Le même mécontentement a réuni tous les partis. On a fait la motion, applaudie, d’arborer le pavillon anglais ; les magasins se sont fermés, le commerce a été interrompu ; les payements ont cessé ; on a monté des batteries pour se défendre. « Nous frémissons, disent les pétitionnaires, des suites terribles que ces événements préparent; nous y voyons la ruine certaine de nos provinces maritimes et manufacturières, le désespoir de 5 à 6 millions d’hommes... Eclairés par l’expérience, suspendez, Messieurs, l’exécution de cet impolitique décret. . . » 29 août 1791. Pétition de la société des amis de la Constitution du Havre , composée de plus de 800 membres. On y annonce que les nouvelles données par le général de Saint-Domingue sont confirmées par un grand nombre de lettres particulières, par le rapport unanime de tous les Français qui arrivent de cette île. « La vie des colons est en danger, la fortune de la métropole est compromise...; l’humanité, la sûreté de l’Empire, raffermissement de la Constitution n’exigent-ils pas que l’exécution du décret du 15 mai soit suspendue?» 5 septembre 1791. Délibération du corps municipal du Havre, qui exprime qu’on ne peut tenter l'exécution du décret du 15 mai sans entraîner la perte des colonies, sans ruiner le commerce de la métropole, sans tarir les sources de la prospérité nationale. Sans date. Pétition du commerce de Nantes (328 signatures) . Ils tracent ce qu’ils ont appris s’être passé au Cap, à la réception de la nouvelle du décret du 15 mai. Les couleurs nationales sont foulées aux pieds; les résolutions du désespoir sont prises; les apprêts de guerre sont faits ; tous les partis sont réunis contre cette loi ; on veut fermer les port s, proscrire les gens de couleur, appeler une puissance étrangère. (Des copies de lettres sont jointes à cette pétition, pour preuve de ces détails.) Les pétitionnaires demandent que l’Assemblée nationale suspende l'exécution du décret. 2 septembre 1791. Pétitiondu commerce de Marseille (380 signatures). Ils justifient, par les nouvelles reçues, leurs prédictions lors du décret du 15 mai. « Ce n’est point, disent-ils, un préjugé que la philanthropie puisse combattre, que la séparation des blancs et des hommes de couleur ; c’est l’impérieuse loi de la nécessité qui l’a fait naître, et qui doit la maintenir... Si les nègres voient les hommes de couleur devenir les égaux des blancs, ils se pénétreront du sentiment de leur propre force... Dès lors, une poignée de Français sera en proie à la barbarie de leurs esclaves. » Les pétitionnaires implorent la sagesse del’As-sembée contre ces malheurs. Sans date. Pétition de négociants et autres intéressés de la Rochelle au commerce des colonies françaises (79 signatures). « Un bill impolitique du Parlement d’Angleterre, disent-ils, provoqua l'insurrection des colonies anglaises du continent de l’Amérique. Des commissaires pacificateurs furent envoyés pour ramener par la persuasion des cœurs aliénés par le sentiment de l’oppression. Vaine mesure; une Hère et courageuse résistance dédaigna toute voie de conciliation. » Les pétitionnaires engagent l’Assemblée à prendre conseil de cet exemple. Ils développent les avantages que la France retire de ses colonies, et les raisons politiques qui doivent déterminer leur régime. « N’en doutez point, Messieurs, ajoutent-ils, le progrès des lumières amènera celui de la justice ; mais c’est de son effet lent et doux que vous devez l’attendre. Ne considérez aujourd’hui votre décret que comme un essai de morale. Vous avez fortement ébranlé l’opinion, contentez-vous de ce triomphe, et laissez au temps le soin de le compléter... Retirez un décret qui trouble les colonies ; et, par ce grand acte de condescendance, qui ne commanderaplusque l’amour et la reconnaissance, resserrez plus que jamais tous les liens de leur attachement à la mère patrie. » [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] §99 31 août 1791. Pétition des marins du Havre (166 signatures). « Si la philosophie, disent-ils en parlant du décret du 15 mai, avouait vos principes, la politique les repoussait, et l’humanité était d’accord avec la politique... Vous voulez donner un état politique aux mulâtres, et vous leur arrachez la vie. Vous avez cru augmenter le nombre des citoyens français dans les colonies, et vous serez cause qu’elles abjureront la métropole. » Ils concluent à la révocation du décret. Sans date, Pétition du commerce de Saint-Malo (26 signatures). « Votre décret du 15 mai, disent-ils, a produit les effets les plus funestes qui avaient été annoncés par les députés des colonies, par ceux des manufactures et du commerce, et par tous ceux qui avaient la connaissance des mœurs, des opinions et de l’organisation des colonies... Nos colonies périssent ou nous échappent ..... Le vœu des colons est celui de toutes les places de commerce où les suffrages ont été libres, où la voix des hommes éclairés et honnêtes a pu se faire entendre de tous ceux qui connaissent les colonies, de tous ceux qui ont des rapports avec elles... Il est peut-être temps encore de remédier à tant de maux, et de rattacher nos colonies à la mère patrie, par les nœuds de l’amour et de la confiance que vous doivent tous les Français. Hâtez-vous de révoquer un décret qui serait plus funeste à la métropole qu’aux colonies. » 31 août 1791. Pétition du commerce de Honfleur (97 signatures). « Nous venons, disent-ils, le cœur rempli de douleur et d’amertume, verser dans votre sein nos alarmes sur les suites terribles qu’entraînerait l’exécution de ce décret... Le passé nous rassure sur l’avenir. Vous êtes nos pères, pourrions-nous croire qu’insensibles au bouleversement de la colonie et à notre ruine, vous persisteriez à l’exécution d'une loi dont l’effet serait si désastreux ? » Sans date. Pétition du commerce de Rennes (28 signatures). Ils exposent que le soulèvement universel des blancs a éclaté à Saint-Domingue, au moment où le décret du 15 mai y a été connu. Ils supplient l’Assemblée d’y ramener l’ordre, d’y rétablir la paix. « Par une sage condescendance, disent-ils, préparez les colons à admettre d’eux-mêmes ces principes d’éternelles vérités, que vous avez consacrés pour la métropole, et à l’observation desquels des convenances locales et particulières mettent, dans ce moment, des obstacles invincibles. Rendez-vous au vœu des commerçants des ports de mer et des viiies de manufacture. Tous se réunissent pour vous demander la suspension de l’exécution de votre décret du 15 mai. »> Sans date , Pétition des négociants fabricants de drap de Carcassonne (16 signatures). « Ils viennent, disent-ils, se joindre aux réclamations de tout le commerce de France pour demander la suspension du décret du 15 mai. « Sans date. Pétition de la société des amis de la Constitution de Vile de Ré (29 signatures). « Vivement alarmés, disent-ils, des dernières nouvelles de Saint-Domingue qui semblent annoncer un soulèvement général dep colons et une scission prochaine, nous nous empressons de vous faire connaître notre vœu sur le parti à prendre dans cette conjoncture embarrassante. » Ils expriment qu’en suivant la marche que l’Assemblée, par ses décrets des 8 mars et 12 octobre, s’était engagée à tenir avec les colonies, les préjugés des blancs orgueilleux se seraient trouvés dissipés sans efforts et sans péril. Ils concluent à la suspension du décret du 15 mai. 12 septembre 1791. Pétition de la chambre de commerce de Dunkerque (4 signatures). « Les négociants de la ville de Dunkerque, disent-ils, prêts à sacrifier leur vie, leurs fortunes pour la prospérité du royaume, qui se sont toujours fait un devoir d’obéir avec soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, se joignent à tous les amis de la patrie, pour vous supplier de ne voir dans les représentant du commerce entier de la France que le bonheur et la tranquillité du royaume, l’existence d’une marine, la source de la grandeur de la nation, le rétablissement de ses manufactures et de son industrie, et la préservation des malheurs incalculables et irréparables que l’exécution de votre décret causerait infailliblement. » 1er septembre 1791. Pétition des syndics du commerce de Rouen (8 signatures). « Aujourd’hui, disent-ils, que nous ne pouvons plus douter de résultats des funestes effets de ce décret, aujourd’hui que nos craintes réalisées ne nous offrent plus que la perspective la plus effrayante sur la perte de nos colonies, nous devons rompre le silence que nous nous étions imposé. Le garder plus longtemps serait, de notre part, une forfaiture que le commerce aurait à nous reprocher... Sauvez-les colonies s’il en est temps encore; sauvez-les en retirant votre décret du 15 mai, et vous sauverez la mère patrie en lui conservant la plus grande, la plus importante source de ses richesses et le mode le plus puissant de nourrir son immense population. » 600 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791. 7 septembre 1791. Pétition de la chambre de commerce de Toulouse (5 signatures). « Votre sollicitude, disent-ils, a embrassé une classe d’hommes que leur position devait vous rendre chère. Le premier fruit qu’ils recueilleront de vos bienfaits, c’est la mort; et cette mort ils la recevront de ceux à qui ils doivent leur malheureuse existence... Sages législateurs! la loi suprême est le salut du peuple. Que tout cède à ce puissant motif. Ne craignez pas de suspendre l’effet de la loi du 15 mai sur l’état des personnes dans les colonies. Laissez au temps le soin d’inoculer, dans une terre éiran-gère à la liberté, le germe des vertus dont vous nous offrez-les modèles. Le silence que vous allez imposer à la raison sera le triomphe de l'humanité ; vous fûtes grands et justes, vous serez compatissants. » PIÈGES SURVENUES PENDANT L’IMPRESSION. Par une adresse du 16 septembre qui vient d’être renvoyée aux comités, 20 signataires, se disant former le conseil général de la commune de Rennes, protestent contre l’adresse des 27 citoyens de Rennes compris dans l’extrait ci-des-sus, en ce que ce3 27 citoyens n’ont pu s’annoncer dans cette adresse comme formant le commerce de Rennes. Une pétition signée des marins de Dunkerque (signée par deux d’entre eux), en date du 14 septembre, vient d’être également renvoyée aux comités. Elle contient l’adjonction et l’adhésion de ces marins à la pétition des marins du Havre. Une pétition des commerçants et manufacturiers de la ville de Dinan (87 signatures), en date du 14 septembre, contient adhésion aux précédentes, pour demander la révocation du décret. DÉPÊCHE DU GÉNÉRAL DE SAINT-DOMINGUE, DU 31 JUILLET. Cette dépêche composée de 7 pièces annonce, entre autres choses, que les têtes, loin de se calmer, s’échauffent de plus en plus; que la résolution a été prise formellement de résister à l’exécution du décret du 15 mai, quelles que soient les forces qu’on doive y envoyer. Que les citoyens du Port-au-Prince ont rédigé un projet d’adresse à l’Assemblée nationale, épouvantable (suivant l’expression du général), et qui en effet annonce que, sur l’autel où Durs cœurs brûlants d’amour et de fidélité allaient renouveler la fédération du 14 juillet, le décret du 15 mai ayant été connu, ils ont juré et rédigé en caractères de sang d’employer tous les moyens pour repousser et éloigner de leurs côtes ce funeste décret. Que M. Blanchelande ayant été invité, ainsi que tous les chefs militaires, à une séance extraordinaire de l’assemblée provinciale du nord, ce général sachant qu’on devait, en présence d’une galerie échauffée, le faire expliquer catégoriquement sur le parti qu’il prendrait, le décret arrivant avec des forces et des ordres pour le mettre à exécution, il a préféré par prudence de renouveler par écrit sa précédente résolution, en déclarant à cette assemblée que s’il est chargé de faire mettre à exécution le décret, soit sans forces, ou avec des forces, il en suspendra la promulgation, pour, de concert avec les représentants de la colonie, prendre toutes mesures afin d’engager l’Assemblée nationale à retirer et annuler son décret. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 12 SEPTEMBRE 1791. Projet de règlement pour I’école des ponts ET CHAUSSÉES, extrait des décrets de l’Assemblée nationale relatifs à l’école des ponts et chaus ¬ sées. LOI DU 19 JANVIER 1791. TITRE III. Art. 1er. « Il y aura une école gratuite et nationale des ponts et chaussées. Art. 2. « Celte école sera dirigée par le premier ingénieur. Sous lui sera un inspecteur aux appointements de 4,200 livres. Art. 3. « 11 y aura un enseignement permanent. « Les places de professeurs continueront d’être remplies par des élèves qui, après des concours et des examens, lesquels seront déterminés par un règlement particulier, seront jugés les plus dignes de cet emploi, et auxquels il sera accordé des appointements de 1,200 livres, y compris ceux qu’ils auront déjà en qualité d’élèves. Art. 4. « 60 élèves seront admis à cette école, 20 dans la première classe, 20 dans la deuxième, 20 dans la troisième. Art. 5. « Les élèves seront choisis dans les 83 départements parmi les sujets qui, au jugement de l’ingénieur et de 2 commissaires des directoires, auront concouru sur différents objets élémentaires, lesquels seront indiqués dans un règlement particulier. Art. 6. « Les ouvrages des différents concurrents seront tous adressés par l’ingénieur en chef, auquel correspondra chaque département, à l’administration centrale, à une époque déterminée; et, sur l’avis de l’assemblée des ponts et chaussées, les places vacantes seront données à ceux qui en seront jugés les plus dignes. Art. 7. « Chaque élève de la première classe aura la somme annuelle de 500 livres. « Chaque élève de la deuxième classe aura une somme annuelle de 400 livres. Et chaque élève de la troisième classe aura une somme annuelle de 300 livres.