SÉANCE DU 1er BRUMAIRE AN III (22 OCTOBRE 1794) - N° 1 321 L’assemblée générale de la section des Tuileries après avoir entendu lecture de l’adresse de la Convention nationale au Peuple français, arrête à l’unanimité que l’assemblée générale se transportera en masse à la Convention nationale demain premier brumaire, pour la féliciter sur les principes contenus dans cette adresse, et lui protester de son inviolable attachement. Niel, président, Grandiau, secrétaire. b Une députation de la section de la République est admise à la barre. [La section de la République à la Convention nationale, s. cf.] (5) Représentans du peuple, La section de la République qui jusqu’à ce jour s’est constamment fait remarquer pour son amour pour les principes, pour son respect pour les loix, pour son attachement à ses Législateurs, vient vous avouer une erreur qu’elle a commise et cet aveu justifie ses intentions. Dans sa séance du 10 du mois dernier, elle a eu la foiblesse de céder aux instances d’une minorité d’hommes égarés sans doute et d’oublier que le but des assemblées générales étoit de délibérer sur les intérêts de tous les sociétaires et ne pouvoit pas être d’entendre des opinions particulières prononcées hors la Convention nationale. L’arrêté qu’elle avoit pris le 10 à la suite de la lecture d’un discours imprimé par arrêté de la société des Jacobins a été rapporté dans la séance du 20 et l’unanimité des voix a suffisamment prouvé que le peuple est en garde contre toute espèce de séduction et que le coeur n’est pour rien dans les erreurs qu’on peut obtenir de sa confiance. Dès le lendemain, citoyens représentans, nous serions venus vous répéter l’expression de nos sentiments pour vous et confondre notre allégresse à celle des autres sections de Paris, mais nous devions peut-être, à quelques-uns de nos concitoyens de leur laisser le tems de se rappeler que vous avez promis de ne jamais confondre l’égarement involontaire et la perfidie d’intention. Nous vous les ramenons aujourd’hui; ils sont parmi nous, et c’est d’aussi bon coeur que nous qu’ils vous félicitent sur vos nouveaux succès. Législateurs, vous aviez anéanti toutes les factions depuis Capet jusqu’à Robespierre ; vous aviez ordonné aux armées d’être toujours victorieuses, et dociles à vos décrets, elles avoient obéi ; vous aviez tranquilisé le midy, vous aviez comprimé les malveillans, mais vous aviez as-(5) C 325, pl. 1402, p. 11. Bull., 1er brum. suré le respect des personnes et des propriétés. L’humanité avoit à vous rendre des actions de grâce, d’avoir substitué au règne de la terreur, le règne de la justice et de la raison ; vous aviez tout fait pour nous; il vous restoit à vous occuper des représentans du souverain; il vous restoit à abbattre une autorité qui ne tenoit ses mandats que d’elle seule, et qui tentoit de rivaliser avec la Convention nationale; il vous restoit à opposer une digue aux prétentions d’une réunion d’hommes qui ont osé douter que la Convention ait le droit de faire épurer une société. La Convention nationale qui a renversé le trône et anéanti toute espèce de préjugés et de superstition, sappé les fondemens de la monarchie, élevé la République sur les ruines, forcé jusque dans leurs derniers retranchement, l’orgueil et les autres passions humaines, fixé l’égalité parmi les français, rappellé les arts, le commerce et l’industrie, fait pâlir d’effroi tous les despotes, commandé l’admiration et le respect de tous les hommes libres, la Convention nationale n’auroit pas eu le pouvoir de contenir dans de justes limites, une petite minorité d’individus? Vous avez résolu le problème ; vous avez conservé aux citoyens le droit de s’assembler ; mais vous avez sagement proscrit les corporations; vous avez substitué des loix à des volontés particulières. Les sociétés populaires pourront encore être utiles; mais elles ne donneront plus d’inquiétudes à la Patrie. Le voeu d’un seul homme ne passera plus pour le voeu des quelques milliers d’hommes aux noms desquels il parloit. Vous avez reconnu le principe et garanti le droit de pétition ; mais vous avez voulu que le citoyen isolé n’eût pour accolite à votre barre que la modestie, la justice et la raison. Continuez, courageux législateurs, à vouloir le bonheur du peuple. Que rien n’arrête votre marche hardie. C’est par une fermeté sage que vous amènerez au port le vaisseau de la République. Nous sommes là pour seconder vos efforts. Nous marcherons toujours dans vos eaux. Représentans du peuple, grâce à vos soins, l’arbre de la liberté est dégagé de la mousse qui pouvoit empêcher sa crüe. Encore quelques soins, et il jettera de profondes racines. Eloignez en surtout les insectes qui pourroient en rarifier la sève, et bientôt vous en aurez les fruits. M.A. Bourdon et une signature illisible. c Une députation de la section du Faubourg-du-Nord à la barre. [La section du Faubourg-du-Nord à la Convention nationale, s. d .] (6) (6) C 325, pl. 1402, p. 10. Bull., 1er brum. 322 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Représentans du Peuple, C’est sous le masque du patriotisme, c’est par un feint amour populaire, que le dernier tyran cachoit ses vües perfides pour mieux tromper le peuple, le diriger vers la perte de sa liberté, et le plonger dans l’esclavage d’un nouveau genre. Votre oeil vigilant et sans cesse fixé vers le bien public, a découvert les perfidies atroces de ce Cromwel moderne ; et le dix thermidor a vû tomber la tête du tyran, et avec lui anéantir la tyrannie, remplacée par la justice. Sages législateurs, vous nous faites jouir, dans toute leur pureté de la liberté et de l’égalité qui sont les bases sacrées de la république française. Votre énergie l’a sauvée; elle déconcertera toujours ses ennemis extérieurs et intérieurs. Votre adresse aux français excite toute leur reconnoissance, par la force des principes qui la caractérisent. L’attitude imposante que vous avés prise, brisera le concert des puissances coalisées et fera rentrer dans la poussière tous les ennemis qui oseroient encore se montrer au dedans; notre génie bienfaisant les écrasera à jamais. La section du Faubourg-du-Nord vient rendre hommage à vos glorieux travaux et aux principes qui les dirigent : elle vous renouvelle le serment qu’elle a fait ici, la nuit du 9 au 10 thermidor, d’être inviolablement attachée à la représentation nationalle, comme étant le centre et le point de ralliement de tous les républicains. Législateurs, restés à votre poste. Que la justice, en soutenant les bons, fasse trembler les méchans ! Consolidés la liberté, l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la République. Nous avons tous juré de maintenir jusqu’à la mort cette source du bonheur du peuple français. ISAMBERT. Lu et approuvé à l’unanimité, en l’assemblée générale de la section du fg du Nord, commune de Paris, pour être présentée à la Convention nationale le 1er brumaire. Fait en assemblée générale le 30 vendémiaire l’an 3e de la République française une et indivisible. Jacob, président, J.-F. Thiébault, Delaistre, Gantier, secrétaires. 2 La section du Bonnet-Rouge [Paris] expose que l’impossibilité de la réunion de douze millions de votans dans un lieu commun, a nécessité la nomination de représentans, auxquels elle vient se réunir comme à l’unique point central; elle témoigne aussi son indignation contre les in-trigans qui, sous le nom de sociétés populaires, voudroient paralyser le gouvernement révolutionnaire, respecté par les sections, sociétés du peuple. Mention honorable, insertion en entier au bulletin (7). Les citoyens de la section du Bonnet-Rouge ont défilé dans le sein de la Convention. [La section du Bonnet-Rouge à la Convention nationale, s. d.] (8) Représentans du peuple, Depuis plus d’un an, les pétitions les moins réfléchies vous ont été ici présentées sous le nom de la section du Bonnet-Rouge, dont les assemblées générales n’étoient jamais com-plettes : la terreur en avoit écarté, la violence en avoit araché les vrais citoyens ou les sincères patriotes. Autrement vous n’auriez jamais entendu exprimer de sa part d’autres senti-mens, que ceux qu’aujourd’hui elle se hâte de manifester. Ne reconnoissant d’autre souverain que le peuple ou la nation entière, elle sent l’impossibilité de le trouver sans cesse tout rassemblé, pour recevoir de lui une loi, résultante de la délibération de 11 ou 12 millions de votans : ce n’est que par le moyen de leur représentation, ce chef-d’oeuvre de la sience politique inconu aux anciens, que nous pouvons, soit partiellement soit individuellement, être en rapport avec cet unique et immense souverain ; c’est donc au sein de la Convention nationale, que nous devons épancher nos sentimens d’atachement aux loix, et de soumission à l’autorité suprême. Que les intrigans des sociétés populaires cessent de sophistiquer nos principes, et d’ébranler notre croyance : non plus que les comunes ou en sections, ou en assemblées générales non primaires, elles n’ont, à l’égard de la première des autorités constituées, que l’oeuil d’observation : registres, arrêtés, correspondance, afilia-tion, tous ces atributs, dont se parent les sociétés populaires, sont comme autant d’exubérances à l’arbre de la république, qui ne peuvent que gêner la circulation de la sève, et faire avorter les fruits. Si le gouvernement révolutionaire provisoire circonscrit un peu leur marche, s’il gêne à quelqu’égard leur activité, doivent-elles murmurer plus haut que tout le peuple, qui se voit suspendu dans l’exercice de ses droits? qui sont les plus inviolables des sociétés populaires ou des assemblées du peuple? et, si, dans les mo-mens où il jouît du droit de se réunir, il ne juge pas à propos de revendiquer ses droits d’élection, son pouvoir constitutionel d’administrer, quelle mission les clubs peuvent-ils avoir pour s’en plaindre, et pour vouloir ainsi paraliser le gouvernement révolutionaire ? Le dernier tiran est abatu : mais tous ses émissaires n’ont pas disparu ; tous ses agens ne sont pas encore attérés : et, ne vous y trompez (7) P.-V., XLVTII, 1. Moniteur, XXII, 303; Gazette Fr., n° 1024; Rép., n° 32. (8) C 325, pl. 1402, p. 5. Bull., 1er brum. Débats, n°759, 448-449.