[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791 .] 239 envoyer un exemplaire de tout ce dont l’Assemblée a ordonné l’impression et que l’oii doit s’en rapporter à lui. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour sur la motion relative à M. Baudouin.) M. Bureaux de Pnsy, au nom du comité militaire. Messieurs, d’après la proposition du ministre de la guerre, votre comité militaire vous propose un projet de décret tendant à accorder des indemnités aux ci-devant officiers dés états-majors des places , pour raison des réparations ou changements qu’ils auraient faits dans les bâtiments ou jardins dont ils jouissaient à titre d’émoluments. Voici ce projet de décret : « L’Assemidée nationale décrète : « Ceux des ci-devant officiers des états-majors des places qui, sous l’autorisation du ministre de la guerre, auront fait des changements ou réparations dans les bâtiments, jardins ou autres terrains dont la jouissance leur avait été concédé ■ à tiire d’émoluments, seront indemnisés aux frais du Trésor public, suivant l’état qui en sera constaté par les corps administratifs et par les agents militaires préposés à cet effet par le ministre de la guerre, pourvu que lesdits changements ou réparations aient produit une amélioration réelle dans les bâti ne its, jardins ou autres terrains dont ils jouissaient. « Quant aux offb iers desdits états-majors des places qui n'ont pas été dédommagés de leurs frais par le temps de leur jouissance, l’indemnite qui, dans ce cas, leur sera accordée, sera réglée par les corps adminisiratifs. Elie pourra consister dans une prolongation de jouissance plus ou moins longue, même à vie, des objets améliorés; mais, lorsque cette dernière disposition sera adoptée pour des objets compris dans le nombre dis propriétés nationales dépendant du département de la guerre, elle ne pourra avoir lieu sans le consentement du miuistre de ce département. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Bouche. Il me semble que ce projet n’est pas régulier. L’indemnité, si elle est méritée, ne doit pas être donnée par les corps administratifs; je pense, pour ma part, que cette indemnité doit être renvoyée au bureau établi pour liquider les indt mmtés et qui a des hommes nommés ad hoc et responsables. Les directoires de département ne peuvent pas être soumis à cette responsabilité. Tout ce qu’on pourrait proposer, c’est que les corps administratifs donneront leur avis et que e t avis sera envoyé au bureau général de liquidation pour être ensuite mis sous les yeux de l’Assemblée nationale. (L’amendement de M. Bouche est adopté.) En conséquence, le projet de décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants ; « L’Assemblée nationale décrète que, dans lé cas où quelques-uns des ci-devant officiers des états-majors des places formeraient des demandes en indemnité, en raison des réparations ou changements qu’ils pourraient avoir faits dans les bâtiments, jaroins ou autres terrains dont la jouissant leur avait été concédée à titre d’émoluments, iis seront tenus de s’adresser au commissaire du roi, chargé de la liquidation, lequel prendra l’avis des corps administratifs. Nulle indemnité ne pourra être accordée aux pétitionnaires qu’autant qu’il sera prouvé : I°que le gouvernement a autorisé les changements ou réparations qu’ils ont faits; 2° après qu’il aura été constaté par les corps administratifs, et par les agents militaires préposés à cet effet par le ministre de la guerre, que les objets auxquels ont été faits lesdits changements ou réparations, en ont reçu Une amelioration réelle : dans ce cas, si les pétitionnaires n'ont pas été dédommagés de leurs frais par le temps de leur jouissance, ils auront droit à une indemnité, laq uelle pourra consister dans une prolongation de jouissance plus ou moins longue, même à vie, des objets améliorés; mais le commissaire à la liquidation ne pourra proposer cette disposition pour des objets compris dans le nombre des propriétés nationales confiées au département de la guerre, sans le consentement du ministre de ce département. » (Ce décret est adopté.) M. Enjiihault de La Boche, au nom du comité des domaines. Mesr-ieurs, la dame Thieslini veuve de Melliand, décédée sans e liants, a, pat testament olographe en date du 20 juillet 1790 et par codicille du 22 décembre suivant, légué à la nation 2 de ses métairies avec la presque totalité de ses acquêts et ordonné que le prix de ses effets mobiliers serait employé en prières. Gomme ces dispositions excèdent de beaucoup le pouvoir que lui donne la loi coutumière de son pays et entament les réserves de droit qui appartiennent à sa sœur, ses neveux et ses nièces, qui sont ses héritiers présomptifs, ceux-ci, bien que remplis d’amour pour la patrie, ont présenté à l’Assemblée une pétition tendant à ce qu’elle répudie des legs par lesquels des héritiers légitimes, d’ailleurs peu lortunés, sont piivéS des biens qui leur étaient a-surés par la loi. Votre comité des domaines, considérant que la justice doit être la règle de ces sortes de sacrifices, a été d’avis, et je vous propose en son nom, de décréter que l’Assemblée nationale répudie ce legs fait en faveur de la nation. Voici, en conséquence, notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines, et la lecture du testament olographe de la dame Thies-lin de Melliand, du 20 juillet 1790, et de son codicille du 22 décembre suivant, par lesquels elle donne à la patrie 2 de ses métairies et leurs accessoires, avec les semences et bestiaux qui lui appartiennent, « Déclare répudier purement et simplement le legs fait à la patrie par ladite dame de Melliand. » Plusieurs membres : L’ordre du jourl M. Gouptl-Préfeln. On vous propose, Mes� sieurs, un acte de générosité bien digne d’une grande nation. Les exemples sont multiples dans les histoires des empereurs romains et d’autres grands princes qui se sont honorés en répudiant les legs indiscrets qui leur étaient faits par leurs sujets, et j’ai la satisfaction de me rappeler que, dans une pareille occasion, fé feu roi Louis XV a exercé une générosité semblable. Serait-il possible, Messieurs, que les représentants d’une na'ion libre eussent moins de générosité que le chef d’un gouvernement absolu? Je demande que l’on aille aux voix sur le prejet de décret du comité. (L’Assemblée, consultée, adopte le projet de décret.) Un de MM. les secrétaires. Messieurs, le direc- 240 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791.] loire du département de la Corse a chargé ses députés à l'Assemblée nationale de remettre sur le bureau et de faire dépo er aux archives la partie du terrier de Vile ae Corse qui est actuellement terminée. M. Salicetti vient d’exécuter les intentions de son département; voici en conséquence ce travail {Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne que ce travail sera déposé aux Archives.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du -procès-verbal de la séance du mardi 20 septembre au matin , qui est adopté. M. Goudard, au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, vous avez décrété, le 8 juillet dernier, qu’il ne serait apporté aucun obstacle au cours ordinaire du commerce, que les seuls objets, dont vous entendiez prohiber le transport à l'étranger, étaient les armes et mu citions de guerre, les matières d’or et u’argent en lingots, et les espèces monnayées qui avaient cours dans le royaume. Ce décret a reçu, de la part de quelques municipalités, de plusieurs départements frontières, une extension contraire à la liberté et nuisible au commerce. Sous prétexte de la défense d’exporter des armes et des munitions de guerre, on s’est on posé à la sortie de differents objets inutiles à la défense des frontières, ou qui ne peuvent y servir. Tels sont, messieurs, les pierres à fusil, dont nous avons une telle abond-mce que nous pourrions en fournir à toutes les nations européennes; les fusils de chasse, uniquement propres au commerce, qui ne pei vent être d’aucun usage pour les gantes nationales ni les troupes de ligne, et qui nous viennent de Liège, d’Allemagne et d’autres pays étrangers; les sabre» destinés au même commerce; les épées et couteaux de chasse dont les lames égale > en t de fabrique étrangère ont été montées en France ; telle ed également la poudre de chasse dont nous faisons un très grand commerce, et qu’il est si facile de distinguer de la poudre de munition ou à canon, dont nous sommes d’ailleurs approvisionnés pour plusieurs années; tel est encore notre salpêtre dont notre sol et n tre < ommereedans l’Inde nous fournissent en telle abondance que nous avons été obligés de repousser le salpêtre étranger. Piusii urs municipali és frontières excitent aussi des réclamations journalières, par les atteint s qu’elles portent à la liberté de la circulation. Quelques-unes ont cru devoir empêcher toutes sortes d’effets de passer à l’étranger, sous prétexte que votre décret du 24 juin dernier en a prohibé la sortie; d’autres ont arrêté des piastres qui ont été constamment considérées comme marchandise; et quoique la loi du 4 juillet ait déclaré qu’elle n’avait pas entendu comprendre dans la prohibition les es èces monnayées étrangères, les obstacles n’ont pas ct�sé. On a été récemment forcé de faire rétrograder, de Calais à Paris, une forte somme de piastres expédiées de cette dernière ville à la destination de Londres. Enfin, on a retenu à des voyageurs français et étrangers, des nécessaires , parce qu’il s’y est trouvé quelque pièce d’argemerie; et des effets de ce genre, contenant des diamants et autres bijoux précieux, sont encore retenus à plusieurs étrangers de marque, revêtus même d’un caractère de la part des puissances voisines; les ordres de les restituer ont été donnés en vain par le ministre. Tant qu’il a pu subsister quelques motifs d’inquiétude, votre comité d’agriculture et de commerce, qui en apercevait la prochaine c essation, ne s’est permis aucune réflexion sur ces abu» de vo» déc rets ; mais, puisque vous vei ez de restituer à chaque citoyen la faculté naturelle qu’il avait de sortir, à volonté, du royaume, il n’est plus permis de priver l’iadustrie et le commerce du débouché de plusieurs articles qui ne sont point nécessaires à noire défense, et de gêner, sans aucun motif d’utilité, des transactions commerciales d’une grande nation. C’est après avoir communiqué, d’après vos ordres, ces considérations à vos comités militaire et des finances que votre comité d’agriculture et de commerce vous propose le décret suiva il : « L’As-emblée national�, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, « Décrète que l’exportation à l’étranger des sabres, épées, couteaux de chasse et pistolets de poche, non plus que des fusils de chasse, des piem s à fusil, de la poudre de chasse et du salpêtre, uniquement destinés au commerce avec l’étranger, et expédiés, soit par terre, soit par mer, à cette destination, ne sont point compris dans la prohibition portée dans ses décrets des 21, 24, 28 juin et 8 juillet derniers; la sortie de ces différents objets est et demeure entièrement libre, ainsi que celle des espèces monnayées, autres que celles au coin de Fra ce, et de t utes sortes d’ouvrages d’or et d’argent et bijoux; en conséquence, l’Assemblée nationale fait défenses aux corps administratifs et municipaux, à peine d’en demeurer personnellement responsables, d’exercer aucune perquisition ou visite envers bs voyageurs et négociants, les déclurati ns et vérifications ne devant désormais être faites que dans les bureaux des douanes nationales; donne mainlevée des matières d’or et dVgent, autres que des espèces monnayées au coin du royaume, retenues en vertu des précédents décrets. « Le roi sera prié de donner le plus promptement possible les ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Goudard, au nom du comité d'agriculture et de commerce, so met à la délibération un projet de décret , ajourné il y a un mois, jusqu'après l'impression (l), et relatif aux entrepôts d'eaux de-vie de genièvre dans divers ports de la Manche et de l'Océan, ainsi qu'à la faculté de convertir en rhum, dans les mêmes ports, les tafias de nos colonies, à la charge d’en faire la réexportation à l'étranger. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rap ort de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les eaux-de-vie de grains, dites de genièvre, venant de l’éiranger, pourront être entreposées, en franchise de tous droits, dans les ports de Gravelines, Calais, Boulogne, Dieppe, Fécainp, Cherbourg, Saint-Malo, Morlaix et Roscoff, à la charge d’êire réexportées à l’étranger, dans l’an-(1) Voir Archives parlementaires, tome XXIX, séance du 23 août 1791, page 644.