SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 36 241 B [La comm. de Brice-Lïbre à la Conv.; 28 therm. Il] (1) Citoyens représentans, Vous faire connaître les malheureux c’est leur assurer la protection et les secours auxquels ils ont droit. Pleines de confiance dans la bienfaisance et la générosité d’une nation qui a déclaré guerre aux châteaux et paix aux chaumières, les citoyennes Françoise et Marie Bret, filles natives et domiciliées en la commune de Brice-Libre (ci-devant Saint-Brice), canton d’Emile, district de Gonesse, département de Seine-et-Oise, vous exposent leur situation et leurs droits. L’une, âgée de 62 ans, presqu’aveugle, l’autre âgée de 59 ans, grièvement estropiée, toutes deux incapables d’aucun travail lucratif, elles n’ont de ressource que dans les secours de la patrie, notre mère commune. Elles sont tantes maternelles de deux volontaires qui combattent pour la patrie, l’un depuis 2 ans sur les frontières du Nord, l’autre depuis un an dans l’armée de l’Ouest, mais elles doivent être considérées et traitées comme mères de ces deux citoyens demeurés orphelins depuis l’âge de 5 à 6 ans. Ce sont elles qui, trouvant dans leur cœur la loi bienfaisante de l’adoption, ont nourri, élevé et entretenu en commun les deux vengeurs de la patrie depuis leur plus tendre enfance. Leur honorable pauvreté ne les a pas empêché de leur prodiguer tous les soins qu’ils n’eussent peut-être pas trouvé dans des parens plus opulens et de partager avec eux le pain de leur indigence. Elles en recueilloient le fruit dans leur respectable vieillesse. Ces deux jeunes et vertueux citoyens étaient leur seule ressource, leur unique soutien, ils partageaient avec elles le fruit de leur travail, ils les nourrissoient de leurs secours jusqu’au moment où, la patrie les appellant à sa deffense, ils ont quitté leurs tantes, ou plutôt leurs mères adoptives, non pas sans regret mais sans défiance parce qu’ils les confioient à la bienfaisance nationale. Témoins de la conduite de ces tantes généreuses et désirant répondre aux vœux de leurs enfans adoptifs, deux fois les membres du corps municipal, sentant l’insuffisance des secours qu’elles ont pu recevoir dans la répartition d’une somme de 131 livres entre tous les indigens de la commune, les ont ajoutées au tableau des volontaires ayant droit aux secours de la patrie. Mais en vain, la loi ne renfermant aucune disposition en leur faveur. Aujourd’hui c’est à vous, représentans du peuple, pères des malheureux et des indigens, que ces infortunées citoyennes s’adressent. Vous pouvez étendre jusqu’à elles et à leurs semblables la générosité nationale. Si elles ne sont pas mères par la nature, elles le sont par le cœur et, à ce titre, elles ont des droits sacrés aux secours de la patrie. Qu’un article additio-nel consacre leurs droits et ceux de leurs (1) C 316, pl. 1269, p. 37. Mentionné par J. Sablier, n° 1507. semblables. Si le nombre en est petit, il n’en mérite pas moins toute l’attention, toute la bienfaisance de la nation. Mais en attendant que cet article soit ajouté aux loix qui honoreront à jamais la République française, ordonnez, citoyens représentans, qu’un secours provisoire égal aux sommes reçues par les mères naturelles d’un deffenseur soit accordé à chacune d’elle. Sans doute vous ne balancerez pas à prononcer sur une demande aussi juste lorsque vous la verrez revêtue de l’attestation du conseil général de leur commune, dans laquelle elles sont regardées comme les véritables mères de ces deux citoyens. Nous, maire, officiers municipaux, notables et agent national de la municipalité de Brice-Libre, canton d’Emile, district de Gonesse, département de Seine-et-Oise, après avoir pris lecture de la présente pétition, nous déclarons et affirmons qu’elle est sincère et véritable. En conséquence nous nommons les citoyens Thori-gny et Hautemel, domiciliés en notre commune pour présenter à la Convention national ladite pétition au nom de toute la municipalité, pour obtenir la justice due et méritée auxdites citoyennes Bret. Fait en assemblée générale le 28 thermidor l’an 2 e de la République françoise une et indivisible. Goujon (maire), Ganneron ( off '.), Betinoy (off.), Hautemel, Alexandre Courtois, Perrier, Duquesne ( agent nat.), Desportes (secrêt.-greffier), Thorigny ( ex-maire , par option rédacteur et orateur de la pétition). Renvoyé au comité des secours publics (1). C [La cnne Vincent à la Conu.; 29 therm.] (2) Représentans du peuple, Au mois de juin 1784 (vieux style), la citoyenne Elizabeth Vincent, femme de Louis Rousset, maçon demeurant à Wissous, près Antony (3), fut conduite rue Ste-Margue-ritte, chez une sage-femme qui la présenta à une dame près de faire ses couches, qui la retint pour être nourrice de l’enfant qu’elle portoit; elles convinrent de prix 15 livres par mois. L’enfant lui fut remis le 28 juin et le premier mois lui fut payé à l’instant. On ne lui avoit pas dit les noms du père et de la mère mais elle vit, par l’extrait de baptême, que l’enfant, qui est un garçon, avoit été nommé Alexandre, né d’hier, fils d’Eugène de Merville, chevallier de l’ordre royal et militaire de St-Louis, ancien capitaine de dragons, et de Marie Vorrimont, son épouse, demeurant rue Ste-Margueritte, paroisse Saint-Sulpice; parein; Aubert Vassière, garçon menui-(1) Mention marginale du 30 therm. II signée Le Vasseur (de la Meurthe). (2) C 316, pl. 1269, p. 38. (3) Antony (Hauts-de-Seine) était alors dans le dépar1 de Paris; Wissous (Essonne) dans celui de Seine-et-Oise. 16 242 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sier; mareine : Claudine Labarre, veuve Géas-pard Nicolle Benois père absent. La citoyenne Vincent, femme Rousset, a été payé exactement pendant 28 mois, et, après ce tems, elle n’a pu avoir aucune connoissance des parens de l’enfant et personne n’a pris intérêt de lui. Il est resté à la charge pour la garde, la nourriture et l’entretient jusqu’à présent depuis le mois de novembre 1786, ce qui fait près de 8 ans qui, à raison de 180 liv. par année pour la garde et nourriture, sans compter l’entretient, font 1 440 livres. En 1790 cette nourice, après avoir fait touttes les recherches possibles et n’ayant pu trouver ni père, ni mère, ni parein, ni mareine, s’est présentée le 4 février au comité du district de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés; elle y a fait l’exposé détaillé des faits et des circonstances. Sa sœur et une citoyenne qui demeuroit lors de l’accouchement et de la tradition de l’enfant chez la sage-femme les ont répétés. Le comité leur a accordées acte de leur déclaration et a arrêté qu’on se procureroit tous les renseignemens possibles sur cette affaire. La citoyenne Vincent femme Rousset a fait de nouvelles recherches : il n’en est rien résulté. Elle ne déguise pas son attachement à cet enfant, mais ses moyens et sa fortune sont épuisés. Elle recommande cet orphelin aux soins et à la bienfaisance de la Convention nationale et la supplie de lui accorder à elle des secours qui puissent l’indemniser des avances qu’elle a fait et la mettre en état d’acquitter les dettes qu’une charge aussi longue et aussi onéreuse l’a forcé de contracter. Bailliard (maire), J.Bte Felise (off. mun.), P.J. Parvillez (off.), Dewignes (off.), Malot (off. mun.), Grognet (agent nat.), Dumont (se-crét.-greffier). Vu et certiffié véritable par nous, membres du comité de surveillance révolutionnaire de la commune de Wissous, district de Versailles, ce 29 thermidor l’an 2 e de la République françoise une et indivisible. Rochard (présid.), Germain Malot, Baillard, Et. Parvillez (greffier), Leprestre, Daucron, Derrens, George Arnous, J.L. Petit. Renvoy au comité des secours pour en faire un prompt rapport (1). D [Les veuves et orphelins des c™ soldats invalides, morts dans les anciennes guerres, à la Conv.; 30 therm. II] (2) Citoyens législateurs, Daignez recevoir dans votre auguste assemblée les veuves et orphelins des citoyens soldats invalides morts au service de la patrie dans les anciennes guerres, et qui gémissent, elles et leurs enfans, dans l’attente de l’exécution du décret que vous avez rendu en leur faveur pour la pension que vous accordez à chacune d’elles. (1) Mention marginale du 30 thermidor signée P. Barras. (2) C 316, pl. 1269, p. 39. Mentionné par J. Sablier, n° 1507. Elles ont attendu avec patience tous les orages qui se sont passés pour ne point interrompre le cours de vos travaux. Maintenant elles saisissent le moment du calme que votre sagesse, votre prudence et votre justice ont fait renaître pour vous représenter qu’elles sont dans le plus grand besoin ainsi que leurs enfans. Elles demandent que vous jettiez un regard d’humanité et de bienveillance sur leur sort. Elles vous prient de prendre le soin de fixer leur sort suivant la loi que vous avez faite vous-même, et lorsqu’elles seront à portée de jouir de vos biensfaits, elles n’en feront d’autre usage que pour élever leurs enfans dans la pratique des vertus républicaines en leur représentant sans cesse qu’ils ne sont nés que pour la défense de la République, le maintien des loix et la conservation des législateurs. A Paris, le 30 thermidor l’an 2e de la République française une et indivisible. Gayant. Veuves Valence, Brochard, Desrue, Loing, Mackard, Foucault, Signor, Favier, Leclerc. Renvoyé au comité des secours (1). E [La cnne Vigoureux aux c "* représentants à l’assemblée nat.; 25 therm. II] (2) Citoyens, La citoyenne Vigoureux, veuve Honoré, âgée de 65 ans, accablée sous le poids de l’indigeance la plus cruelle, étant veuve depuis 12 ans et ayant perdue le peu de fortune qu’elle avoit par le décès de son mari, elle ne subsistoit plus quand (sic) se servant des talans que l’éducation qu’elle avoit reçue lui avoit donné, qui sont les comptes, l’écriture et la langue française qu’elle enseignoit, et aussi par 400 livres de rente que le corps des avocats lui faisoit en qualité de fille d’un de leur ancien confrère. Mais depuis 4 ans elle n’a plus rien touché. Alors le chagrin c’est emparré de son cœur, et a succombée par des maladies qui l’ont mise dans le cas, pour subsister, de se servir du peu d’effets qui lui restaient. Et présentement se trouve réduite à n’avoir que ce qu’elle a sur le corps, ce qui la met hors d’état de pouvoir travailler de son talent. Elle devoit périr, n’ayant pour tout secours que 2 pains de 4 livres et un litron et demi de riz par mois, que la section des Gravilliers, sur laquelle elle est, lui donne. De plus, les douleurs cuisantes de ses malheurs lui ayant fait perdre la lumière d’un œil, dont elle ne voit pas du tout depuis 12 ans, les jeûnes qu’elle a fait auxquels elle n’ettoit pas abituée et, entre autre, depuis la perte de ses 400 livres de rente, toutes ces choses lui ont donné un asme qui la fatigue beaucoup. C’est dans ces circonstances, ce considéré, qu’elle espère sur l’humanité de vos âmes biensfaisan-(1) Mention marginale du 30 thermidor signée P. Barras. (2) C 316, pl. 1269, p. 40.