440 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE C’est à celui de Cambon qu’appartient, selon moi, la priorité. 1) Le comité de salut public prendra le nom de comité central de gouvernement. Il sera composé de 12 membres. Ce comité aura sous sa surveillance et direction immédiate toutes les commissions exécutives, qui lui rendront un compte journalier de leurs opérations. Toutes les mesures de gouvernement et d’exécution continueront d’être prises par lui. Il ne pourra ordonner aucune disposition de fonds, excepté pour les dépenses secrètes du gouvernement, et, à cet effet, la trésorerie lui ouvrira un crédit de 10 millions; les crédits ouverts précédemment, qui ne sont pas employés, sont supprimés. Toutes les questions appartenant à la législation qui lui seront présentées par les commissions seront renvoyées au comité compétent, qui en fera le rapport à l’assemblée, et présentera le projet de décret. 2) Le comité de sûreté générale et de surveillance prendra le nom de comité de police générale de la République. Il sera composé de 15 membres; il sera le seul des comités de la Convention qui pourra décerner des mandats d’amener ou d’arrêt contre les citoyens. Il se concertera, pour décerner les mandats d’arrêt ou d’amener contre les fonctionnaires civils ou militaires, avec le comité central du gouvernement et le comité chargé de surveiller l’administration à laquelle le fonctionnaire public appartiendra. Il ne pourra faire mettre en jugement les individus arrêtés, ni mettre en liberté ceux qui seront jugés par les commissions populaires, qu’après s’être concerté avec le comité central du gouvernement. 3) La commission des administrations civiles, de police et tribunaux lui rendra compte, quand il l’exigera, de tout ce qui aura rapport à la police et à la sûreté intérieure de la République. Il aura sous sa surveillance, de concert avec le comité de salut public, la police et la force armée de Paris, le tribunal révolutionnaire, les comités de surveillance de la République et les commissions populaires. 4) La trésorerie lui ouvrira un crédit de 300 000 liv. pour dépenses secrètes. 5) Il y aura encore 12 comités, dont les travaux seront relatifs aux opérations des commissions exécutives, et dont la nomenclature suit : 1. Comité de législation, qui aura sous sa surveillance particulière la commission des administrations civiles, police et tribunaux; 2. Comité d’instruction publique; 3. Comité d’agriculture et arts; 4. Comité de commerce et approvisionnements; 5. Comité de travaux publics; 6. Comité de secours publics; 7. Comité de transport, postes et messageries; 8. Comité d’organisation des mouvements des armées de terre; 9. Comité de marine et colonies; 10. Comité des armes, poudres, exploitation des mines et marbrières; 11. Comité des finances; 12. Comité des archives, décrets et procès-verbaux. 6) Chacun de ces comités s’occupera essentiellement de la législation, du complément et du perfectionnement des lois relatives aux attributions de chaque commission, et exercera sur chaque commission une surveillance particulière. Chaque comité sera composé de 12 membres. La commission des revenus nationaux, la trésorerie nationale, le bureau de liquidation, celui de comptabilité, et généralement toutes les commissions correspondront, pour la partie des finances, avec le comité des finances; il y aura une section pour les assignats. Ce comité sera composé de 35 membres. 7) Aucun fonds ne pourra être accordé aux commissions exécutives sans que la demande n’en ait été faite à la Convention par le comité des finances, qui surveillera rigoureusement la comptabilité de toutes ces commissions. 8) Le comité des finances ne pourra rejeter de son chef aucune demande de fonds qui lui aura été faite par les commissions; la demande dans tous les cas devra être soumise à la Convention. 9) Les comités de pétition, correspondance et dépêches, et inspecteurs de la salle, continueront les fonctions qui leur sont attribuées par les précédents décrets. 10) La police dans l’enceinte du local de la Convention et des comités, et du Jardin-National, appartiendra exclusivement au comité des inspecteurs de la salle; il ordonnancera les dépenses de la Convention, des archives nationales et des comités, et les frais de voyage des représentants du peuple envoyés dans les départements ou aux armées. 11) Il vérifiera et arrêtera tous les comptes relatifs auxdites dépenses; l’arrêté de ce comité qui déclarera avoir vérifié les dépenses faites par les représentants du peuple, montant à telle somme, sera reçu comme pièce définitive de comptabilité. 12) La trésorerie nationale lui ouvrira un crédit de 3 millions, pour être employés au payement desdites dépenses. Tout crédit ouvert antérieurement, qui ne sera pas employé, est supprimé. 13) Tous les membres des comités de la Convention seront nommés par elle, et renouvelés par quart chaque mois, à compter du jour de leur nomination; aucun des membres renouvelés ne pourra être réélu pour le même comité qu’après un intervalle d’un mois. 14) Les comités ne pourront prendre ni mettre à exécution aucun arrêté qui puisse suspendre ou arrêter les effets d’un décret, sans que préalablement il n’ait été soumis à la discussion de l’assemblée. 15) La Convention nationale nommera les représentants du peuple à envoyer en commission, les généraux, les commissaires des commissions exécutives, et les membres du tribunal révolutionnaire et des commissions populaires, SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 95 441 sur la proposition du comité central du gouvernement. 16) La Convention nationale pourra seule rappeler les représentants du peuple envoyés en commission. 17) Le comité central du gouvernement pourra destituer les généraux, les commissaires des commissions exécutives, et autres fonctionnaires publics. Il sera tenu d’en faire le rapport à la Convention nationale dans les 3 jours au plus tard de la destitution. 18) Il sera procédé successivement à la nomination des membres des comités, ainsi qu’à la réélection des commissaires et adjoints de toutes les commissions nationales exécutives, et le comité chargé du gouvernement fera imprimer et distribuer, sous 3 jours, la liste desdits commissaires et adjoints, avec leur désignation, leur qualité, et le tableau des services qu’ils ont rendus à la révolution. BERLIER : Citoyens, la discussion est ouverte sur d’importantes questions; il s’agit du gouvernement de la plus grande République de l’univers. Deux projets vous ont déjà été lus sur ce point : l’un par Cambon, l’autre par Barère, au nom des comités de salut public et de sûreté générale. Celui-ci, au changement près du nom des comités, m’a paru laisser les choses dans l’état où elles étaient. Le premier, au contraire, m’a semblé beaucoup trop restrictif des attributions naturelles et simples d’un gouvernement qui doit être actif pour être bon. L’un et l’autre m’ont paru manquer le but que nous nous proposons tous, et je viens vous soumettre quelques vues, dans lesquelles j’ai entrepris de faire disparaître ces doubles inconvénients. J’ai peu de chose à vous dire ici du projet des deux comités réunis, j’y remarque un vice considérable : c’est que, sans préciser les mesures du gouvernement, il les laisse dans toutes les parties à la discrétion du comité de salut public, et ne rattache les divers comités de la Convention aux commissions exécutives que sous le rapport de la législation, et non sous celui de la surveillance qui embrasse l’exécution, et qui se trouve, dans ce projet, généralement réservée au comité de salut public. Sans doute, j’ai une entière confiance dans les membres qui composent ce comité, mais la garantie qu’offrent les individus ne vaudra jamais celle qui résultera de l’institution même; nous devons donc disséminer le pouvoir, pour qu’il ne puisse devenir funeste, et ne laisser dans les mêmes mains que la portion qui en est nécessaire pour l’activité du gouvernement. Ce principe sans doute est celui qui a dicté le projet de Cambon, mais il me semble en avoir tiré des conséquences trop étendues. J’appellerai comité des opérations militaires et diplomatiques celui qui jusqu’à présent porta le nom de comité de salut public; comme Cambon, je crois que le comité de salut public est la Convention nationale tout entière. Mais priverons-nous, comme il le propose, le comité que je viens de désigner de la surveillance directe et immédiate. 1) de la commission du mouvement des armées de terre; 2) de celle de la marine; 3) de celle des armes et poudres; 4) de celle des approvisionnements, en ce qui concerne les places et les armées; 5) de celle des transports, en ce qui regarde les convois militaires ? Dans le projet de Cambon, cette surveillance immédiate est confiée à 5 comités particuliers, et c’est par leur intermédiaire seulement que le comité de gouvernement en est ensuite saisi comme point central. Vous ne voulez pas, citoyens, faire rétrograder nos succès, et je vous dois ici le développement de quelques inquiétudes que sans doute vous partagerez avec moi. Je n’ai pas besoin de vous dire que les intermédiaires nuisent toujours à l’activité; mais quelques autres difficultés se sont sur ce point offertes à mon esprit. Les 5 comités surveillants immédiats seront-ils toujours en mesure égale ? Vous ne ferez jamais disparaître la main de la nature dans ses distributions diverses; tel comité fera beaucoup, tel autre peu; tel fera bien, tel autre mal; tous cependant prétendront bien faire, et il en résultera plus d’une lutte. Cependant il faut un parfait accord; car les vivres, les armes, etc., doivent suivre les points qu’occupent nos armées. Je ne conçois pas une bonne administration en cette partie, si les premiers fils ne sont pas tenus par les mêmes mains. Eh bien, dans le projet de Cambon, ce sont les comités spéciaux qui ont l’action immédiate sur les commissions exécutives, et son comité central n’est qu’une chambre de conseil où chacun apporte le produit de son travail particulier et ses vues sur le travail à faire. Qu’en doit-il résulter ? Et si l’un seulement de ces comités coopérateurs prend une direction lente ou fautive, qu’arrivera-t-il ? C’est ici, à mon sens, la plus grande difficulté; car si je conçois l’action d’un comité de gouvernement sur des commissions subordonnées, je ne la conçois plus d’un comité sur un autre, sans élever une espèce d’autorité sous laquelle des hommes égaux en caractères ne fléchiront jamais. A quoi donc servira la centralité, si les canaux particuliers qui y aboutissent peuvent s’obstruer ainsi ? Et comment y trouver l’unité si nécessaire dans les circonstances ? Non, jamais il n’y aura ni unité, ni activité sans action immédiate; et des communications intermédiaires, sources perpétuelles d’entraves, ne sauraient la remplacer. A la vérité, et dans les cas urgents, on propose d’autoriser le comité qu’on appelle central à aller en avant, en appelant un ou plusieurs membres du comité spécial que la matière concernera, mais ce palliatif fait mieux encore ressortir la faiblesse du système; car, à tout moment il faudra ou prendre ce parti, ou laisser languir et péricliter les opérations. Et comment encore appliquer cette exception ? Les SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 95 441 sur la proposition du comité central du gouvernement. 16) La Convention nationale pourra seule rappeler les représentants du peuple envoyés en commission. 17) Le comité central du gouvernement pourra destituer les généraux, les commissaires des commissions exécutives, et autres fonctionnaires publics. Il sera tenu d’en faire le rapport à la Convention nationale dans les 3 jours au plus tard de la destitution. 18) Il sera procédé successivement à la nomination des membres des comités, ainsi qu’à la réélection des commissaires et adjoints de toutes les commissions nationales exécutives, et le comité chargé du gouvernement fera imprimer et distribuer, sous 3 jours, la liste desdits commissaires et adjoints, avec leur désignation, leur qualité, et le tableau des services qu’ils ont rendus à la révolution. BERLIER : Citoyens, la discussion est ouverte sur d’importantes questions; il s’agit du gouvernement de la plus grande République de l’univers. Deux projets vous ont déjà été lus sur ce point : l’un par Cambon, l’autre par Barère, au nom des comités de salut public et de sûreté générale. Celui-ci, au changement près du nom des comités, m’a paru laisser les choses dans l’état où elles étaient. Le premier, au contraire, m’a semblé beaucoup trop restrictif des attributions naturelles et simples d’un gouvernement qui doit être actif pour être bon. L’un et l’autre m’ont paru manquer le but que nous nous proposons tous, et je viens vous soumettre quelques vues, dans lesquelles j’ai entrepris de faire disparaître ces doubles inconvénients. J’ai peu de chose à vous dire ici du projet des deux comités réunis, j’y remarque un vice considérable : c’est que, sans préciser les mesures du gouvernement, il les laisse dans toutes les parties à la discrétion du comité de salut public, et ne rattache les divers comités de la Convention aux commissions exécutives que sous le rapport de la législation, et non sous celui de la surveillance qui embrasse l’exécution, et qui se trouve, dans ce projet, généralement réservée au comité de salut public. Sans doute, j’ai une entière confiance dans les membres qui composent ce comité, mais la garantie qu’offrent les individus ne vaudra jamais celle qui résultera de l’institution même; nous devons donc disséminer le pouvoir, pour qu’il ne puisse devenir funeste, et ne laisser dans les mêmes mains que la portion qui en est nécessaire pour l’activité du gouvernement. Ce principe sans doute est celui qui a dicté le projet de Cambon, mais il me semble en avoir tiré des conséquences trop étendues. J’appellerai comité des opérations militaires et diplomatiques celui qui jusqu’à présent porta le nom de comité de salut public; comme Cambon, je crois que le comité de salut public est la Convention nationale tout entière. Mais priverons-nous, comme il le propose, le comité que je viens de désigner de la surveillance directe et immédiate. 1) de la commission du mouvement des armées de terre; 2) de celle de la marine; 3) de celle des armes et poudres; 4) de celle des approvisionnements, en ce qui concerne les places et les armées; 5) de celle des transports, en ce qui regarde les convois militaires ? Dans le projet de Cambon, cette surveillance immédiate est confiée à 5 comités particuliers, et c’est par leur intermédiaire seulement que le comité de gouvernement en est ensuite saisi comme point central. Vous ne voulez pas, citoyens, faire rétrograder nos succès, et je vous dois ici le développement de quelques inquiétudes que sans doute vous partagerez avec moi. Je n’ai pas besoin de vous dire que les intermédiaires nuisent toujours à l’activité; mais quelques autres difficultés se sont sur ce point offertes à mon esprit. Les 5 comités surveillants immédiats seront-ils toujours en mesure égale ? Vous ne ferez jamais disparaître la main de la nature dans ses distributions diverses; tel comité fera beaucoup, tel autre peu; tel fera bien, tel autre mal; tous cependant prétendront bien faire, et il en résultera plus d’une lutte. Cependant il faut un parfait accord; car les vivres, les armes, etc., doivent suivre les points qu’occupent nos armées. Je ne conçois pas une bonne administration en cette partie, si les premiers fils ne sont pas tenus par les mêmes mains. Eh bien, dans le projet de Cambon, ce sont les comités spéciaux qui ont l’action immédiate sur les commissions exécutives, et son comité central n’est qu’une chambre de conseil où chacun apporte le produit de son travail particulier et ses vues sur le travail à faire. Qu’en doit-il résulter ? Et si l’un seulement de ces comités coopérateurs prend une direction lente ou fautive, qu’arrivera-t-il ? C’est ici, à mon sens, la plus grande difficulté; car si je conçois l’action d’un comité de gouvernement sur des commissions subordonnées, je ne la conçois plus d’un comité sur un autre, sans élever une espèce d’autorité sous laquelle des hommes égaux en caractères ne fléchiront jamais. A quoi donc servira la centralité, si les canaux particuliers qui y aboutissent peuvent s’obstruer ainsi ? Et comment y trouver l’unité si nécessaire dans les circonstances ? Non, jamais il n’y aura ni unité, ni activité sans action immédiate; et des communications intermédiaires, sources perpétuelles d’entraves, ne sauraient la remplacer. A la vérité, et dans les cas urgents, on propose d’autoriser le comité qu’on appelle central à aller en avant, en appelant un ou plusieurs membres du comité spécial que la matière concernera, mais ce palliatif fait mieux encore ressortir la faiblesse du système; car, à tout moment il faudra ou prendre ce parti, ou laisser languir et péricliter les opérations. Et comment encore appliquer cette exception ? Les