ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1791.] 386 [Assemblée nationale.] ployés au service de l’État, afin de ne pas les confondre avec les dépenses particulières de l’exercice 1791, qui n’ont lieu que par l’effet des circonstances et que vous avez approuvées par vos décrets. Cette méthode, en instruisant la nation des besoins habituels du service des finances, la tranquillisera sur son existence future lorsque, par les impôts créés et à créer, vous lui aurez présenté une balance égale entre la recette et la dépense et qu’elle aura reconnu non seulement le bon usage que vous allez faire de ses contributions, de ses efforts généreux pour sauver la patrie, mais encore de l'attention scrupuleuse que vous aurez apportée à n’exiger d’elle que des sacrifices indispensables. Tel était, Messieurs, le compte que nous avions à vous rendre de la situation des finances; vous y apercevrez, et la nation y verra avec vous de grands motifs de consolation. Si l’on considère les obstacles que vous avez vaincus, en les comparant avec ce qui vous reste à faire pour parvenir au but que vous vous êtes proposé : celui d’éteindre une dette effrayante, de substituer l’ordre et la clarté à une marche incertaine et tortueuse qui traînait après elle la défiance et la confusion, enfin en portant à sa perfection la constitution de l’Empire. Voici, en conséquence, le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que la caisse de l’extraordinaire versera au Trésor public la somme de 129 millions de livres. » M. Camus. Je demande l’ajournement de ce rapport. On annonce qu’il a été distribué hier; plusieurs membres ue l’ont pas reçu; je ne l’ai pas vu. Cependant, d’après un décret rendu sur la motion de M.deMirabeau,ildevaityavoirau moins 3 jours de distance entre la distribution et le rapport : premier motif pour demander l’ajournement ; le second est que, sans être actuellement en état de répondre à plusieurs articles du rapport et même sans entendre les discuter, il y en a néanmoins plusieurs qui ne sont pas très“ciairs. Par exemple, on y dit bien que la caisse de l’extraordinaire paye actuellement les anticipations; mais on ne dit pas que samedi dernier la caisse de l’extraordinaire a versé au Trésor public 11 millions pour le rembourser nés anticipations qu’il avait indûment payées pendant le commencement de l’année. On dit aussi que les dépenses du culte pour cette année ont coûté, jusqu’au 15 de ce mois, 25 millions; etonneditpas qu’auxtermes d’un de vos décrets, il y a 5 millions qui se donnent par mois, sur la caisse de l'extraordinaire, en représentation des biens nationaux qui sont destinés aux dépenses du culte et pensions des ecclésiastiques. Ainsi, les 25 millions n’en font réellement que 10 depuis le 1er janvier. Voilà ce qu’il est nécessaire d’eclaircir. Puis il faut voir comment il est possible qu’après avoir déjà fourni ues secours considérables, en janvier et lévrier, on puisse demander encore 129 millions. Je crois que la somme est bien assez considérable pour mériter quelque atiention. Je demande donc l’ajournement à lundi. Ensuite on vous a parlé des dépenses pour la construction des murailles de Pans. Je demande que le comité soit tenu d’apporter lundi des renseignements sur cet objet pour savoir d'après quel ordre on travaille à des murailles qui sont inutiles, puisqu’il n’y a plus d’entrées. M. de Cernon, rapporteur . Je m’oppose à l’ajournement proposé par M. Camus, attendu qu’il porte sur la totalité du décret ; et j’observe à l’Assemblée qu’il est indispensable qu’elle prononce sur une portion de fonds quelconque dont le Trésor public a besoin. Pour faire Je payement ordinaire des troupes, il est obligé d’acquérir à grands frais du numéraire; et vous ne voulez pas sans doute qu’il emploie les fonds qu’il a toujours en réserve. Je répondrai à plusieurs questions de M. Camus. D’abord le versement de 11 millions, qu’il dit fait avant-hier, l’est depuis 17 à 18 jours ; et les dépenses marchant avec la rapidité que vous leur connaissez, 11 millions sont bientôt absorbés. L’état du Trésor public n’est pas tel qu’il n’y ait point de fonds. Voici ce qu’il y avait en caisse hier soir : en or, 2, 756,000 livres ; en écris 11 ,300,000 livres; en billets de caisse, 14 millions; en effet échéant dans le mois, 2 millions qui doivent être employés aux dépenses; total : 33 millions; mais 3 millions parlent aujourd’hui pour le service de l’armée; il faut les remplacer le plus tôt possible par de petits assignats. Je crois qu’après tout cela il est indispensable que vous prononciez aujourd’hui un acompte sur la somme qui vous est demandée. Je ne conçois pas qu’il puisse s’élever des inquiétudes sur l’emploi de ces fonds, d’après la manière dont tous les comptes sont ouverts et présentés. S’il reste à quelqu'un des inquiétudes sur le résultat, la marge est grande et on trouvera aisément à faire les réformes qu’on croira nécessaires. En ajournant la discussion de ce rapport, je me réduits à demander qu’il soit décrété provisoirement une somme de 50 millions. M. Camus. Les besoins n’étant pas vérifiés, je demande qu’il ne soit décrété comme secours provisoire qu’une somme de 20 millions et que le surplus du projet de décret soit ajourné à lundi. 20 millions doivent suffire d’ici là. M. de Cernon, rapporteur. Cette somme ne pourrait suffire pour maintenir eu activité les payements des rentes des 6 premiers mois de 1790. M. Barnave. En adoptant la proposition de M. Camus, il me semble qu’il est nécessaire d’en admettre une autre. L’ajournement pur et simple à lundi ne nous donnera pas de très grandes connaissances de plus si nous ne prenons pas une mesure ultérieure pour nous en procurer. Il y a ici une erreur quelconque, soit de la part des commissions de la caisse de l’extraordinaire, soit de la part du comité des finances. 11 n’y a pas une intelligence parfaite dans la manière dont les faits sont respectivement présentés par eux. Je demande donc que les commissaires de la caisse de l’extraordinaire soient chargés de conférer avec le comité ues finances, d’examiner le rapport et le projet de décret et d’en rapporter leur avis au jour qui sera indiqué; car par là vous aurez des débats, vous aurez des lumières; et je ne vois pas que, sans une précautiun semblable, le simple ajournement à 2 jours nous donne des notions supérieures à celles que nous avons. Plusieurs membres réclament la priorité pour la somme de 20 millions proposée par M. Camus. (Cette motion est rejetée.) 387 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1791.] M. le Président. Je mets aux voix la demande de 50 millions proposée par le comité. (Le chiffre de 50 millions est décrété.) M. le Président. Je mets aux voix l’ajournement de la demande des 129 millions pour le Trésor public jusqu’à ce que le comité des finances se soit concerté avec les commissaires à la caisse de l’extraordinaire pour l’examen de cette proposition. (L’ajournement est décrété.) En conséquence le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que la caisse de l’extraordinaire versera au Trésor public la somme de 50 millions. « Décrète que le comité des finances se concertera avec les commissaires à la caisse de l’extraordinaire, pour l’examen de la demande de 129 millions de secours pour le Trésor public. » M. Le Couieulx de Canteleu. Quant à la proposition que i’on fait relativement aux murs de Paris, j’observe que les entrepreneurs ont dû, par suite des engagements qu’ils ont pris, continuer leurs travaux, pour lesquels ils avaient fait des fournitures et des approvisionnements. Il faut un décret exprès pour les autoriser à cesser leurs travaux. M. de Lachèze. Il me paraît en effet beaucoup plus utile de vendre ces bâtiments avant qu’ils soient achevés. M. Camus. J’insiste pour que le travail des murailles de Paris ne soit pas continué. Observez que ces murs n’ont été construits que pour les entrées et, lorsque le décret qui les supprime est notoire, on continue cependant à faire travailler à vos murailles. Est-ce que l’on pense donc que vos décrets ne tiendront pas, que l’ancien régime renaîtra? Ce ne peut être que ce motif-ià. (Murmures.) Je demande que le décret soit rendu pour défendre absolument ces travaux; qu’il soit porté à la sanction dès aujourd’hui; qu’ü soit notifié aux entrepreneurs lundi au plus tard, sous la responsabilité du ministre, que le département de Paris soit tenu de présenter, dans la semaine prochaine, un plan pour tirer parti au profit de la nation, tant de ces murailles que de ces terrains. Les fermiers généraux y faisaient graver leurs armoiries. ( Applaudissements .) M. de Folîeville. Je demande aussi qu’en suspendant ces travaux, on pourvoie au moyen d’occuper un grand nombre d’ouvriers, extrêmement fainéants, dont la municipalité de Paris est surchargée, notamment à faire sur les boulevards des ouvrages qui étaient en activité sous l’ancien régime et qui rendaient le marcher extrêmement doux, au lieu que la liberté nous fait mardi r par des sentiers extrêmement raboteux. (Rires.) M. le Président. Je consulte l’Assemblée. L’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les travaux de l’enceinte de Paris cesseront à compter de lundi prochain et qu’à cet effet le présent décret sera porté à la sanction dans le jour. « Décrète en outre que le département de Paris lui présentera dans la semaine prochaine un projet pour faire, au profit de la nation, de la manière la plus avantageuse et la plus prompte, la vente des bâtiments, murs, barrières et terrains q_ui forment la nouvelle enceinte de Paris et ses dépendances. » M. le Président. Messieurs, j’ai à vous faire part d’une lettre du général Washington , président des Etats-Unis â’ Amérique, que je viens de recevoir. La voici : Au Président de l'Assemblée nationale de France. « Monsieur, « J’ai reçu avec une satisfaction particulière, et j’ai remis au congrès la communication qui m’a été faite, au nom de l’Assemblée nationale de France, par une lettre de son Président, du 20 juin dernier. « Un témoignage si flatleur et si distingué de l’estime de ce corps respectable pour un citoyen des Etats-Unis (1), dont les services éminents et patriotiques sont gravés en traits ineffaçables dans l’âme de ses concitoyens, ne peut manquer d’être apprécié par eux comme il le mérite. Quant à moi, je vous assure, Monsieur, que j’en sens bien tout le prix. « Les circonstances qui, sous les auspices d’un monarque ami du peuple sur lequel il règne, ont promis à la nation française les bienfaits de la liberté, ne pouvaient manquer d’intéresser les citoyens libres des Etats-Unis, surtout lorsqu’ils se rappelaient les dispositions que les individus, aussi bien que le gouvernement de votre nation, avaient manifestées lors des efforts encore récents que nous avons faits pour défendre nos droits. « C’est avec un véritable plaisir, Monsieur, que j’embrasse l’occasion qui s’offre à moi, de témoigner, par votre entremise, à l’Assemblée nationale le désir vif, cordial et sincère que j’ai de voir ses travaux se terminer prompiement par le plus solide établissement d’une Constitution, qui, en conciliant sagement les principes indispensables de l’ordre public avec les droits essentiels de l’homme, perpétue la liberté et le bonheur du peuple français. « Les impressions que la similitude des principes politiques produit naturellement, doivent être avec raison regardées comme des causes de sympathie nationale, propres à resserrer les liens d’amitié qui peuvent exister d’ailleurs entre les nations. Cette réflexion, indépendamment d’autres rapports plus particuliers, doit disposer tous les amis de l’humanité à s’unir dans-le vœu qu’une propagation générale des vrais principes de liberté, assimilant ainsi qu’améliorant la condition des hommes et nourrissant les maximes d’une franche et vertueuse politique, puisse tendre à fortifier entre eux les sentiments de fraternité, à calmer les jalousies et les animosités des différentes subdivisions de la race humaine et à les convaincre de pins en plus que c’est dans une bienveillance réciproque et dans l’harmonie universelle qu’elles trouveront (dus sûrement leur véritable intérêt et leur vrai bonheur. « La relation d’amitié à laquelle le Président fait allusion à la fin de sa lettre, m’a fait connaître avec un plaisir particulier, qu'un homme (2) qui s’est rendu cher à ce pays-ci par un zèle ardent pi) Le docteur Frauklin. (2) M. La Fayette.