[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 février 1790.] 663 lement condamnés à une peine afflictive, garderont prison pendant le temps fixé par l’ordre de leur détention, à moins qu’ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par jugement en dernier ressort, sans qu’aucune détention puisse jamais excéder le terme de douze années, y compris le temps qui s’est écoulé depuis l’exécution de l’ordre illégal. Art. 4. Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auraient été jugés en première instance, ou décrétés de prise de corps, seront conduits dans les prisons des tribunaux qui sont désignés par la loi. Art. 5. Lesdits tribunaux seront simplement chargés d’achever l’instruction et de prononcer sur l’innocence ou le crime des prévenus, afin que, sur le compte qui en sera rendu par eux à l’Assemblée nationale et au garde des sceaux, ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière, qui déterminera la peine que les coupables pourraient encore subir, laquelle n’excédera, en aucun cas, une détention de douze années, y compris le temps pendant lequel ils auraient été antérieurement privés de leur liberté. Art. 6. Ceux qui seront déchargés d’accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu’il soit besoin d’aucun ordre nouveau, ni permis de les retenir, sous quelque prétexte que ce soit. Art. 7. Dans le délai de trois mois, il sera dressé, par chaque commandant de château-fort ou prison d’Etat, supérieur de maison de force ou maison religieuse, et par tous détenteurs de prisonniers, en vertu d’ordres arbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, visités par des médecins, renvoyés par-devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison, en vertu du présent décret. Art. 8. Cet état sera déposé aux archives du district, et il en sera envoyé des doubles, certifiés véritables par le président et secrétaire, à l’Assemblée nationale et au ministre de la province. Art. 9. L’Assemblée nationale rend les commandants des prisons d’Etat, les supérieurs des maisons de force, ou maisons religieuses, et tous les détenteurs ae prisonniers par ordre illégal, personnellement responsables de l’exécution du présent décret, et elle charge spécialement les assemblées de département et de district d’y tenir la main. Le rapport de M. de Castellane est très applaudi. L’impression est ordonnée et la discussion fixée à mardi soir. M. Prieur, membre du comité des rapports , instruit l’Assemblée de l’état de l’affaire entre la municipalité de Brie-Comte-Robert et la compagnie des volontaires de cette ville, dont il avait été question dans la séance du soir du 11 de ce mois; l’Assemblée rend le décret qui suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le comité des rapports, qui a exposé que la municipalité de la ville de Brie-Comte-Robert lui a communiqué des pièces et donné des explications qui assurent que la tranquillité règne dans cette ville, et que la compagnie des volontaires ou du Saint-Sacrement est approuvée par la municipalité, qui lui a permis de faire bénir son drapeau dimanche dernier, a décrété qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’affaire rapportée à la séance du soir de jeudi 11 février présent mois. » M. Gonpilleau rend compte, au nom du comité des rapports, des difficultés survenues à Aisnay en Poitou, sur la formation de la municipalité. Aux deux premiers scrutins, MM. de la Marronière et Mittier réunirent le plus grand nombre de voix, mais n’obtinrent ni i’un ni l’autre la majorité absolue. Le troisième scrutin ne devait avoir lieu qu’entre ces deux personnes. Une partie des votants prétendit n’apprendre qu’à cette époque que le curé était éligible, et le résultat de ce dernier scrutin donna, sur 248 votants, 188 voix au curé d’Aisnay, 44 à M. de la Marronière, et 16 à M. Mittier. Le comité pense que l’élection est nulle et qu’elle doit être recommencée. M. le chevalier de Loynes de la Cou-draye. Le comité de constitution est saisi de cette affaire; il est muni de pièces; il en attend de nouvelles; il faut ajourner la question. M. Gouplllean. Le comité de constitution a renvoyé cette affaire au comité de rapports ; Jes procès-verbaux établissent incontestablement les faits et suffi-ent à l’instruction de l’Assemblée. L’avis du comité est adopté et le décret suivant est rendu : * L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète qu’il sera procédé à la nomination du maire d’Aisnay, dans une assemblée tenue huitaine après une nouvelle convocation. » M. Cochon de l’Apparent rend compte au nom du même comité, d’une affaire dont voici les faits principaux : « Le sieur Brouillet, libraire-imprimeur à Toulouse, dans l’intention de propager l’esprit de patriotisme, et pour servir de contre-poison aux libelles dont il prétend que l’aristocratie infecte Toulouse, a fait imprimer Y Adresse aux amis de la paix , et a publié, dans un journal intitulé Affiches de Toulouse , des fragments de plusieurs feuilles accréditées dans la capitale. Ouvrez donc les yeux , Y Adresse aux provinces , et d’autres libelles se répandaient depuis longtemps à Toulouse avec impunité, lorsque le parlement, fermant les yeux sur ces productions in laines, a fait décréter et poursuivre le sieur Brouillet, l’a condamné à 1,000 livres d’aumônes, lui a défendu de publier aucune feuille sans nom d’auteur et d’imprimeur, et sans qu’elle fût approuvée par qui de droit, conformément aux règlements de la librairie. Les faits articulés contre le sieur Brouillet sont: 1° d’avoir imprimé « qu’il était à désirer qu’on représentât le drame du Comte de Com-minges » ; 2° d’avoir comparé la conduite des Brabançons a celle des gardes-françaises; 3° d’avoir appelé acte de patriotisme la désertion de quelques régiments; 4° d’avoir imprimé ces mots: « Voilà donc tous les rois désarmés ; au lieu d’un trône ils n’auront plus qu’un fauteuil » ; 5° d’avoir également imprimé, d’après le Mornwg-Herald : « Qu'ils se persuadent donc, les aristocrates, que le lion est endormi, mais qu’il n’est pas enchaîné: gare le réveil! » Les griefs du sieur Brouillet contre le parlement de Toulouse sont que: 1° par cet arrêt on veut le soumettre aux anciens règlements de la librairie, sans égard pour les décrets par lesquels ils sont abrogés; 2° deux de ses juges s’étant dépostés, on en a appelé deux autres connus pour être contraires à la Bévolution ; 3° sa cause, plaidée dans une autre salle que celle des audiences ordinaires, n’a pas reçu une publicité légale; 4° la chambre des vacations a interrompu, par des marques de désapprobation, l’avocat chargé de sa défense, lorsqu’il s’appuyait des dé- 664 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1790.] cretsde l’Assemblée nationale-, 5° sur le refus du rapporteur, son conseil n’a point été admis au premier interrogatoire ; 6° la plainte du procureur-général n’a pas été rendue en présence de deux adjoints ; 7° toutes ces inculpations avaient déjà été portées devant les capitouls de Toulouse, qui avaient jugé l’accusé et l’avaient renvoyé absous. » Le comité pense qu’il est impossible de prendre un parti sur cette affaire sans entendre le parlement de Toulouse, et propose un décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de rapports, décrète que son Président se retirera par devers le Roi pour le supplier de faire donner incessamment les ordres nécessaires à l’effet de faire remettre à son comité la procédure instruite et jugée au parlement de Toulouse contre le sieur Brouillet, ensemble l’arrêt et les motifs. » M. ... demande la question préalable jusqu’à l’apport de l’arrêt par le plaignant. M. E ni mer y. Ce serait un déni de justice que de forcer le sieur Brouillet à lever un arrêt dout le coût sera sûrement fort cher. Une partie de l’Assemblée insiste sur la question préalable. On délibère. — La question préalable est rejetée. Le décret proposé par le comité est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son Président se retirera par devers le Roi, pour le supplier de faire donner incessamment les ordres nécessaires à l’effet de faire remettre à son comité la procédure instruite et jugée au parlement de Toulouse contre le sieur Brouillet, ensemble l’arrêt et ses motifs. » M. Eanjuinais, au nom du comité ecclésiastique, dit que plusieurs municipalités donnent aux décrets de l’Assemblée nationale des 27 novembre et. 11 décembre derniers, une fausse interprétation d’après laquelle elles troublent et suspendent, par des oppositions arbitraires, les coupes de bois des ecclésiastiques et des autres gens de mainmorte, quoique les coupes aient été autorisées dans les formes légales antérieurement à ces décrets. Le comité ecclésiastique propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale déclare que les coupes de bois ecclésiastiques et des autres gens de mainmorte, déjà autorisées dans les formes légales, antérieurement à ses décrets des 27 novembre et 11 décembre derniers, ne peuvent être arrêtées, ni troublées, sous prétexte desdits décrets, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par les voies de droit contre les jugements qui auraient mal à propos permis lesdites coupes, et sera le présent décret présenté à la sanction royale. » M. Long. C’est par esprit de patriotisme que les communautés ont empêché des coupes; mais il est urgent de déclarer nulles les procédures tenues à cette occasion. M. Duquesnoy. Je propose de prendre des précautions nouvelles pour la conservation des biens ecclésiastiques. M. Populus. Gomme les communautés ont agi de bonne foi, il suffirait de dire qu’il sera fait sursis à la vue des arrêts qui ont adjugé les bois. M. Devillas, député de Saint-Flour. Je suis d’avis qu’il doit être sursis aux adjudications autorisées mais non encore faites. M. de La Fare, évêque de Nancy. Ce que propose l’opinant serait une injustice surtout pour la Lorraine où l’on fait des coupes jusqu’au 25 mai et où les adjudications ne sont pas même faites au mois de février. Plusieurs membres demandent la question préalable sur ces amendements. La question préalable est adoptée. M. Regnanld d’Epercy. Je demande que les bénéliciers soient tenus de verser les deniers entre les mains des municipalités. M. de Bonnal, évêque de Clermont. J’observe que les tribunaux des eaux et forêts ont été provisoirement maintenus et que les grands maîtres n’autorisent les versements qu’autant qu’ils connaissent l’emploi auquel ils sont destinés. La suite de cette discussion est renvoyée à la séance de mardi soir. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’AUTUN. Séance du lundi 22 février 1790 (1). M. Hompère de Champagny , secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 février, au matin. M. Gaultier de Biauzat, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal du même jour, pour la séance du soir. Il ne s’élève aucune réclamation. M. le Président, après avoir rappelé à l’Assemblée la députation des représentants de la commune de Paris, pour annoncer la mort de l’abbé de l’Epée, et supplier l’Assemblée de prendre en considération l’établissement que ce généreux citoyen a élevé et soutenu, à ses frais, pour l’institution des sourds et des muets, dit que la commune de Paris décerne demain l’honneur d’un service solennel et d’une oraison funèbre à l’abbé de l’Epée. Il propose en conséquence à l’Assemblée de nommer six de ses membres pour y assister. Cette proposition est accueillie par acclamation. M. le Président désigne tout de suite pour cette députation: MM. Massieu, curé de Sergy; l’abbé Poulie ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.