166 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE une décoration militaire et une pièce d’argent de 6 L, dont le citoyen Négron, maire d’Aumelas, fait don à la patrie. Insertion au bulletin, mention honorable de l’offrande (115). [L’agent national près le district de Lodève au président de la Convention nationale, le 8 brumaire an III] (116) Citoyen président, La municipalité d’Aumelas au présent district m’a fait passer et je m’empresse de te transmettre le brevet et la décoration militaire du citoyen Cellier, cy-devant de St Marc et cy-devant garde du tyran Capet. J’y joins une pièce d’argent de six livres que le citoyen Négron, maire de la même commune d’Aumelas donne à la République ; je te prie de vouloir faire remettre ces objets au dépôt qui leur est destiné et de m’en faire accuser la réception pour ma décharge. Salut et fraternité. Marquez, substitut. 34 Un membre demande que le comité de Commerce et approvisionnemens fasse arriver le plus promptement possible dans les grandes communes de fabrique les objets qui y sont nécessaires et qui se trouvent encombrés dans les divers ports de la République; et que pour les objets qui seront destinés à être vendus dans ces divers ports, les ventes en soient annoncées d’avance bien publiquement et disposées à petits lots pour que tous les commerçans puissent aller s’y approvisionner. La Convention nationale renvoie au comité de Commerce et approvisionnemens (117). 35 La Convention nationale, ouï le rapport de [THIBAUDEAU, au nom de] son comité d’instruction publique, nomme les citoyens Sieyès et Lakanal, représen-tans du peuple près l’école normale de Paris (118). (115) P.-V., XLIX, 127. (116) C 323, pl. 1379, p. 24. Mention de la bonne réception des dons, signée Ducroisi. (117) P.-V., XLIX, 127. (118) P.-V., XLIX, 127. Moniteur, XXII, 486. M.U., n° 1340; J. Perlet, n° 780. Rapporteur Thibaudeau selon C* II, 21. 36 La Convention nationale décrète que ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation lui feront, dans le plus bref délai, un rapport sur le projet de décret proposé par Barailon contre les divers dilapidateurs de la fortune publique (119). BARAILON : On vient de se plaindre des dilapidateurs ; je dois faire connaître à la Convention un fait qui regarde ces sangsues de la fortune publique. Une partie des diamants de 1 million a été prise à Toulon. Comme il est dans l’intention de l’Assemblée de punir les brigands et les dilapidateurs, je demande que les comités fassent un rapport sur les propositions que j’ai faites il y a quelques jours. DUBOIS-CRANCÉ : Il est un autre genre de dilapidateurs contre lesquels l’Assemblée doit se prononcer particulièrement, parce qu’ils se sont fait un appui de la loi pour voler. La plupart des gens mis en arrestation, soit comme nobles destitués, soit par ordre des comités révolutionnaires, rendus à la liberté parce qu’aucun fait ne s’est trouvé à leur charge, n’ont pas trouvé en rentrant chez eux une paillasse pour se coucher. On avait tout vendu, et c’est pour cela sans doute qu’on les avait incarcérés. Je demande que les comités présentent un projet de loi qui puisse atteindre ces dilapidateurs. Il faut donner au peuple une justice réelle, et non illusoire. BARAILON : Il y a dans le projet de décret que j’ai présenté un article qui concerne cet objet. L’Assemblée décrète que les comités réunis de Salut public, de Sûreté générale et des Finances, feront, dans le plus court délai, un rapport sur les propositions faites par Barailon (120). 37 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de LAIGNELOT] qui lui a été fait au nom de ses comités de Salut public, de Sûreté générale, Militaire et de Législation, sur la société des Jacobins de Paris, décrète qu’elle approuve les mesures prises par ses quatre comités réunis et contenus dans l’arrêté suivant : Du 21 brumaire, l’an III de la République française une et indivisible. Les comités de Sûreté générale, de Salut public, de Législation et Militaire, réunis, arrêtent : (119) P.-V., XLIX, 127. (120) Moniteur, XXII, 489. SÉANCE DU 22 BRUMAIRE AN III (12 NOVEMBRE 1794) - N° 37 167 Article premier. - Les séances de la société des Jacobins de Paris sont suspendues. Art. II. - En conséquence, la salle des séances de cette société sera à l’instant fermée et les clefs en seront déposées au secrétariat du comité de Sûreté générale. Art. III. - La commission de Police administrative est chargée de l’exécution du présent arrêté. Art. IV. - Il sera demain rendu compte du présent arrêté à la Convention nationale (121). CLAUZEL : Je demande que Laignelot, qui a été chargé par les quatre comités réunis de faire un rapport sur les événements de cette nuit, soit entendu. (Vifs applaudissements.) La parole est accordée à Laignelot. LAIGNELOT : Les quatre comités Militaire, de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, m’ont chargé de vous rendre compte des motifs qui ont déterminé l’arrêté qu’ils ont pris hier, et dont je vais vous donner lecture. Il porte : 1° que les quatre comités réunis arrêtent de suspendre les séances de la société des Jacobins ( des applaudissements partent de tous les côtés de leur salle ) ; 2° que la salle sera fermée à l’instant et les clés déposées au secrétariat du comité de Sûreté générale ( les applaudissements redoublent ) ; 3° la commission administrative de police est chargée de l’exécution de l’arrêté, dont il sera rendu compte à la Convention. LAIGNELOT : La passion n’est entrée pour rien dans cette détermination; elle a été dictée par le seul intérêt de la patrie. Nous avons rendu justice au bien qu’ont fait les Jacobins [dans les premières années de la Révolution] (122), et en les fermant, nous avons respecté les principes auxquels nous ne pouvions porter aucune atteinte; nous avons cru qu’il fallait admettre partout des Sociétés populaires, parce qu’elles sont inhérentes au gouvernement républicain ( applaudissements ) ; mais nous n’avons point vu dans la Société des Jacobins une société vraiment purement populaire. ( Vifs applaudissements . ) Nous y avons vu des hommes à peine connus dans la révolution, menés par quelques hommes qui y sont trop connus peut-être ( les applaudissements redoublent), et dont il est temps d’abattre l’influence; car elle pourrait être funeste à la République. (. Nouveaux applaudissements.) Nous avons pensé qu’il était fatal pour la France, qu’il était indécent, qu’il était déshonorant pour la Convention nationale qu’une poignée d’hommes sans moeurs, qui n’aiment point (121) P.-V., XLIX, 127-128. Moniteur, XXII, 489. Bull., 24 brum. ; M.U., n° 1340; C. Eg., n° 816; F. de la Républ., n° 53; J. Perlet, n° 780; Débats, n° 780, 748; Ann. P., n° 681; R. F., n° 53; J. Fr., n° 778; Gazette Fr., n° 1046. Rapporteur Laignelot selon C* II, 21. (122) Débats, n° 780, 748. Mess. Soir, n° 818, indique [jadis]. leur pays, qui n’ont jamais embrassé la cause du peuple que pour la trahir... (Vifs applaudissements.) DUQUESNOY : Je déclare que je suis Jacobin, et que j’aime mon pays, [que je suis jacobin et non pas immoral] (123). [DUSQUENOY s’écrie à ces mots : quoi qu’on en dise, je déclare que je suis jacobin. Plusieurs membres manifestent le même sentiment.] (124) LAIGNELOT : Nous avons cru qu’il était honteux pour la République que la Convention qui la représente, souffrît plus longtemps qu’une poignée d’hommes semblables osassent rivaliser avec elle. {Bravo, bravo! s’écrie-t-on de toutes parts en applaudissant vivement.) Les Jacobins ont été protégés, soutenus, lorsqu’ils n’ont rivalisé que de vertu, et non pas de puissance, avec l’autorité légitime. ( Les applaudissements se renouvellent.) S’ils étaient encore ce qu’ils furent autrefois, les vrais amis du peuple, auraient-ils voulu avilir la Convention ? {Quelques murmures dans une extrémité de la salle. - Oui, oui! s’écrie-t-on de toutes parts. - On applaudit.) [LAIGNELOT : Les jacobins, lors du massacre du Champs-de-Mars, et des persécutions qu’ils éprouvoient de la cour étoient dignes du peuple, alors ils auroient toujours dû le faire; ils vouloient rivaliser, non pas de pouvoir mais de vertu avec la Convention, mais aujourd’hui ils veulent avilir la Convention.] (125) Quelques membres demandent qu’on fasse sortir de la salle des citoyens qui s’y trouvent : « Ce sont des pétitionnaires qui ont été admis aux honneurs de la séance, disent un grand nombre d’autres; ils doivent y rester. » LAIGNELOT : Serait-il donc nécessaire qu’on rappelât à des représentants du peuple des principes qui doivent être gravés dans leurs coeurs? Dans quel gouvernement bien ordonné a-t-on vu deux pouvoirs rivaux? dans quelle République a-t-on vu un gouvernement à côté d’un gouvernement? dans quel pays a-t-on vu, à côté de l’autorité légitime, une autorité capricieuse qui n’est avouée par qui que ce soit {vifs applaudissements), une autorité qui veut usurper la puissance du peuple? Le 9 thermidor, les Jacobins étaient en pleine révolte. (Oui, oui ! s’écrie-t-on de toutes parts en applaudissant.) Depuis le 9 thermidor, les Jacobins, usant de l’impunité, croyant que la représentation nationale n’avait ni courage, ni caractère, qu’elle les regardait comme l’arche sacrée à laquelle il n’était pas permis de toucher, ont continué leur plan de révolte. (Vifs applaudissements.) On a osé dire dans cette Société, et ce propos a été applaudi par toutes les tribunes, que la brèche (123) J. Fr., n° 779. (124) Rép., n° 53 (suppl.). J. Perlet, n° 780. (125) J. Fr., n° 779.