(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J6 h{u'�c *nTu 453 « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la pétition du citoyen Siriat, et la proposi¬ tion faite par l’un de ses membres, décrète : Art. 1er. « Qu’il est sursis à l’exécution de l’arrêté du représentant du peuple Prost, relatif à des des¬ titutions et remplacements dans le district de Belley, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. Art. 2. « Que les fonctionnaires publics destitués con¬ tinueront provisoirement l’exercice de leurs fonc¬ tions. Art. 3. « Qu’il sera également sursis à l’instruction et jugement de l’accusation portée contre Vetard, Piot et complices, pendant le mois. Art. 4. « Que les personnes détenues par ordre du co¬ mité de surveillance de Belley seront provisoire¬ ment mises en liberté, à l’exception des ci-devant nobles. Art. 5. « Enfin, que son comité de sûreté générale de¬ meure chargé de lui faire incessamment un rap¬ port sur le contenu de la pétition du citoyen Siriat, et objets accessoires (1). » Un membre [Laurent-Lecointre (2)] expose l’état où sont les détenus dans les prisons et mai¬ sons d’arrêt de Paris, et présente, à cet égard, un projet de décret que la Convention rejette par la question préalable (3). Suit l'exposé (4) de LaurenULecointre (5). Des plaintes s’élèvent de toutes parts contre les vexations qu’éprouvent les détenus dans les prisons. Entassés les uns sur les autres, ils gé¬ missent dans la plus affreuse misère ; leur si¬ tuation fait frémir l’humanité : aucun n’ose éle¬ ver la voix, tous tremblent et sont dans la stu¬ peur. On exige de malheureux citoyens vingt sols par jour pour leurs gardiens; quelques-uns de ces infortunés sont contraints de vendre leurs habits pour payer leurs geôliers. Je ne pouvais croire à ce tissu d’horreurs, mais l’accusateur public du tribunal révolution¬ naire, que j’ai eu occasion de voir hier, ne m’a que trop confirmé l’état affreux où sont plongés (1) Procès-verbaux de la Convenlion, t. 25, p. 5. (2) D’après les journaux de l’époque. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 6. (4) Cette pièce non signée est de la main de Lau¬ rent Lecointre. (5) Archives nationales, carton C|277, dossier 731. grand nombre d’individus, les uns coupables, les autres victimes de l’erreur ou de la malveillance combinée. Plusieurs de mes collègues, ici présents, ont assisté au récit que l’accusateur public nous a fait : comme moi, ils ont été indignés. La commune de Paris, dont on ne saurait trop louer l’active vigilance, l’administration de po¬ lice, à laquelle appartient directement le soin de régir ces lieux, sont si surchargés de services extraordinaires, qu’il leur est impossible de prévenir et arrêter les désordres et les vexations qui se commettent dans ces maisons. Pour y parvenir, l’Administration aurait besoin d’être secondée par une autorité spé¬ ciale. Si mon devoir est de vous dénoncer ces abus affligeants pour l’humanité, vos principes, bien connus, sont d’y apporter un prompt remède : je le crois facile, en adoptant le projet de décret suivant : « La Convention décrète : Art. 1er. « Le comité de Salut public est chargé de nom¬ mer deux commissaires tirés du sein de la Con¬ vention nationale, ils se feront accompagner d’un membre de la commune et d’un de l’ad¬ ministration de police, qui seront tenus de visiter toutes les prisons et maisons d’arrêt de la com¬ mune de Paris, au moins deux fois la semaine ; ils dresseront procès-verbal de la situation des prisonniers, et en rendront compte à la Con¬ vention nationale à la fin de chaque décade. Art. 2. « Ces deux commissaires seront changés tous les premiers de chaque mois, et leur mission se bornera à recevoir et vérifier, seulement, les plaintes des prisonniers, relatives à la police in¬ térieure des prisons ou maisons d’arrêt. Art. 3. « Le comité de législation présentera sous trois jours, à la Convention nationale, un projet de décret tendant à déterminer les peines à infliger aux différents préposés des prisons, qui abuseraient de leur pouvoir, et exerceraient aucun genre de vexation ou de concussion à l’égard des prisonniers. Art. 4. « Dans toute l’étendue de la Eépublique où il y a des maisons d’arrêt, un membre de la municipalité, accompagné d’un membre du co¬ mité de surveillance, feront, au moins deux fois la semaine, la visite des prisons; recevront les plaintes que les détenus auraient à faire contre les préposés à leur garde; ils y feront droit, s’il y a lieu, et enverront, tous les mois, au co¬ mité de sûreté générale, un état, signé d’eux, contenant le nombre de prisonniers, de leur si¬ tuation et de la bonne ou mauvaise tenue des prisons et maisons d’arrêt de leur com¬ mune. » 454 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | g n�vemb/e 1TO3 1 Compte rendu du Moniteur universel (1). Lecointre. Les détenus dans les prisons sont entassés les uns sur les autres. On les oblige à donner vingt sous par jour à leurs gardiens. Ils sont forcés de vendre leurs effets. L’accusateur publio, que j’ai eu occasion de voir hier, m’a donné là-dessus les plus tristes détails. Sans doute parmi les détenus, il y en a de cou¬ pables; mais il est aussi des victimes de l’erreur et de la malveillance. La commune de Paris, dont on ne peut trop louer l’exacte vigilance, ainsi que le comité de police, sont trop surchar¬ gés d’affaires pour suffire à toutes. Si mon de¬ voir a été de vous parler de ces abus, le vôtre, citoyens mes collègues, est d’y remédier. Or, le moyen de le faire est de décréter la proposition que je fais de charger le comité de Salut public de nommer deux commissaires, pris dans là Convention, pour visiter, au moins deux fois par semaine, les prisons et leurs registres, en se faisant accompagner d’un membre de la com¬ mune et d’un membre du bureau de police. Voulland. Avant d’entrer dans la discussion du projet qu’on présente, il faut rapporter le décret qui attribue aux municipalités la sur¬ veillance des maisons d’arrêt. Plusieurs voix : La question préalable ! La question préalable est décrétée. Le citoyen Caron, ci-devant garde-française, fait don de la médaille dont il fut décoré en 1789. Les mains qui me la donnèrent, dit-il, sont in¬ dignes de la République; dans un sol où règne l’égalité, aucune marque ne doit distinguer les citoyens. Père de famille, sans fortune, hors d’état de servir la République dans les armées, il de¬ mande un emploi où il puisse prouver qu’un homme du 14 juillet en est encore un du 10 août. Mention honorable du don et insertion au « Bulletin » (2),j - SfiÉfüigr ..... Suit la lettre du citoyen Caron (3). « Citoyens législateurs, F ':“ « Je remets au milieu de vous la marque dont on voulait bien m’honorer en 89. Les mains qui me la donnèrent sont indignes de la République, je la soumets donc au creuset de la raison; dans un sol où règne l’égalité, aucune marque ne doit" distinguer les citoyens. Si la nature ne m’eût disgracié, vous me verriez, au milieu de nos bataillons, combattre les ennemis de la pa¬ trie; mais ne pouvant être utile dans la Répu¬ blique au milieu des armées d’un peuple libre, daignez m’employer dans un ministère quel¬ conque, où je puisse prouver qu’un homme du du 14 juillet en est encore un du 10 août. Je suis père, mon frère combat pour la patrie, sans fortune, j’attends de votre justice et l’emploi que vous voudrez me donner, et l’accueil que (1) Moniteur universel [n° 48 du 18 brumaire an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 195, col. 2]. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 7. (3) Archives nationales, carton C 278, dossier 739. vous voudrez bien faire du reste d’un bien (le seul que je possède) qui est tout à la patrie. « Paris, ce 16 brumaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. « Caron, rue Marivaux, n° 530, ci-devant garde-française. Le citoyen Claude Fournier expose qu’il sert la patrie depuis quatre ans; mais il a la douleur d’appartenir à des parents qui ne sont point dans le sens de la Révolution : son père même vient d’être arrêté. Ferme dans le serment qu’il a fait de soutenir la République jusqu’à la dernière goutte de son sang, il est prêt de tout sacrifier pour elle : il réclame la bienfaisance et la pro¬ tection de la Convention nationale, prie les repré¬ sentants du peuple de vouloir bien désormais lui tenir lieu de pèreJ#;II�É8f-fe<: - j, Insertion au « Bulletin » et renvoi aux comités d’instruction publique et des secours (1). Compte rendu du Mercure universel (2). Lettre annoncée par les représentants du peu¬ ple (3). « Représentants, « Vous qui êtes les pères de la patrie, je m’a¬ dresse à vous. Je suis à son service depuis deux ans; j’appartiens à une famille ausssi aristocrate que je suis patriote. Elle m’a renoncé; mais je m’en fais gloire. J’apprends, aujourd’hui, que mon père va être guillotiné ; il a trahi sa patrie ; il en doit être puni. Je n’en ai pas regret, car tout bon républicain ne doit avoir pour père et pour mère que sa patrie; il ne doit chérir qu’elle. Je la soutiendrai jusqu’à la dernière goutte de mon sang. J’espère que vous me ser¬ virez de père, et j’en aurai reconnaissance. « Signé : Claude Fournier. Un membre, au nom du comité de division, propose et la Convention nationale adopte le dé¬ cret suivant : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de division [Mailly, rapporteur (4)], décrète : Art. 1er. « Il n’existera plus dans la commune de Vienne* département de l’Isère, qu’une seule paroisse et une succursale. Art. 2. « L’église paroissiale est et demeure fixée dans l’église de Saint-Maurice, siège de la ci-devant cathédrale, et comprendra le territoire des ci-de-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 7. (2) Mercure universel [17 brumaire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 104, col. 2]. (3) Voy. ci-dèssus, même séance, p. 452, la lettr» de Gasparin et Saliceti. (4) D’après le Journal de Perlel fn° 411 du 17 bru¬ maire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 298.