486 [Assemblée Dationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres à gauche se lèvent pour imposer silence aux tribunes. M. d’André. S’il existe une baronne de Korff, M. de Montmorin n’a pas donné un passeport à une personne inconnue ; si cette raison-là est vraie elle justifie encore M. de Montmorin. M. de llontmorin, ministre des affaires étrangères. Je ne connais pas cette daine. M. d’ Aiguillon. Je. demande la parole pour un fait : Je dois dire qu’il n’y a pas 2 mois, il a été remis chez moi un mémoire qui traitait des intérêts des princes d’Allemagne pour leurs fiefs d’Alsace, et que mon portier m’a dit qu’il venait de la part de Mme la baronne de Korff que je ne connais pas et que je n’ai jamais connue. Voilà un fait que je peux attester à l’Assemblée. (La motion de M. Camus est mise aux voix et adoptée.) M. Gourdan. L’Assemblée a reçu une lettre de la municipalité de Valenciennes, qui annonçait qu’elle avait des raisons de croire que Monsieur et Madame étaient sortis du royaume, munis d’un passeport, signé de M. de Montmorin. Je prie l’Assemblée d’ordonner de s’en enquérir chez M. de Montmorin, soit sur les registres, soit sur les pièces qui leur seront produites. M. Francoville. Et moi je demande que M. Gourdan veuille bien nous dire le nom qu’a pris Monsieur pour sortir du royaume. M. Gourdan. Je réponds à l’interpellation. On dit que M. de Montmorin a délivré des passeports à Mesdames, tantes du roi, sous des noms supposés que je ne connais pas, et que M. de Montmorin l’a su : il est très possible que Monsieur, frère du roi, ait employé ce moyen pour s’évader du royaume. M. d’André. Pareille supposition suffit pour faire assassiner le ministre. M. de llontmorin. Je crois essentiel d’instruire l’Assemblée que je n’ai point donné de passeport à Mesdames sous des noms supposés. Si elles l’avaient demandé sous des noms supposés, ça aurait été une véritable évasion ; et alors je m’y serais opposé. J’ai donné à Mesdames des passeports sous leur véritable nom et sous leur nom simple. M. Ferguet. Je demande que M. Gourdan prouve ce qu’il a avancé. M. le Président. Je propose pour commissaires MM. fiœderer, Camus, Gourdan et Muguet. (L’Assemblée désigne ces 4 commissaires.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale a nommé pour commissaires MM. Rœderer, Gourdan, Camus et Muguet, pour vérifier sur le registre des affaires étrangères si le passeport délivré le 5 de ce mois sous le nom de Mme la baronne de Korff , et dont le roi était porteur, y est enregistré. Us sont chargés, de plus, de vérifier sur quelles pièces et d’après quels motifs il a été expédié. Il est enjoint à tous secrétaires du département des affairés étrangères d’ouvrir tous registres relatifs aux passeports. <> [24 juin 1791.] M. de Talleyrand-Périgord. M. Le Chapelier a un rapport à faire au nom du comité de Constitution. M. Camus, un des commissaires. Je propose que M. Gondolpha, secrétaire de M. de Montmorin, nous accompagne, et que M. de Montmorin reste ici. Nous viendrons vous rendre compte de notre mission devant lui. Un membre : Il me semble, Messieurs, que si, le passeport dont le roi était porteur peut donner lieu à un soupçon quelconque, ce soupçon doit plutôt tomber sur Mme de Korff, à qui ce passeport a été délivré, que sur toute autre personne. (Murmures.) _ M. le Président. La parole est à M. Le Chapelier pour faire un rapport au nom du comité de Constitution. M. Le Chapelier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, le projet de décret que vous présente votre comité de Constitution, ayant en tête un considérant qui en explique les motifs, pour abréger le temps de l’Assemblée qui paraît désirer suspendre un instant sa délibération, je ne ferai d’autre rapport que la lecture des motifs consignés dans le considérant : « L’Assemblée nationale mesurant toute l’étendue de ses obligations, et trouvant dans la confiance de la nation le droit et le devoir de prendre sur elle les dangers dont on a menacé la liberté française; « Considérant que la tranquillité du royaume, l’achèvement de la Constitution dépendent de l’ensemble des moyens que l’Assemblée nationale vient d’employer, et de la suite qu’elle doit y apporter. « Certaine que le courage et la modération du peuple français abrégeront les travaux de ses représentants, mais ne pouvant, dans le nouvel ordre d’événements où elle se trouve placée, marquer, sans compromettre la chose publique, l’époque précise de sa séparation, quelque zèle qu’elle mette à la rapprocher, et ne voulant laisser aucun doute sur la résolution où elle est de remplir le serment qu’elle a fait de remettre à la première législature le dépôt complet de la liberté publique et de la Constitution, croit donner à la nation une preuve nécessaire de son dévouement, en suspendant pour quelques instants les opérations des électeurs qui sont déjà ou qui seront nommés par les assemblées primaires. » ..... M. Babey. C’est une infamie! (Murmures.) Voix diverses : Non! non! — La question préalable! — Nous demandons que la lecture ne > oit point achevée. — C’est prolonger nos pouvoirs. M. Rewbell. Je demande que l’on écoute le projet du comité dans le plus grand silence, sauf après à le discuter très mesurémeut et à le rejeter s'il ne vaut rien. J’observe à l’Assemblée, pour faciliter cette discussion et faire sentir toute l’importance de la matière, qu’on vient de m’assurer d’un fait : On prétend que déjà des citoyens de Paris ont arrêté qu’il serait présenté à l’Assemblée nationale des pétitions pour qu’elle ne prenne aucune mesure sur les affaires présentes qu’elle n’ait reçu le vœu des 83 départements. Il est donc important que l’Assemblée veille par un décret à ce que les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] corps électoraux ne prennent pas trop de consistance en ce moment. Le projet du comité, Messieurs, n’a pas pour but de suspendre les assemblées primaires, ni la nomination des électeurs, mais simplement d’empêcher que les électeurs se réunissent pour nommer des députés à la législature. Je demande s’il y a quelqu’un ici qui ose garantir que, dans les circonstances actuelles, les corps électoraux une fois assemblés ne s’occuperont que de nominations. Et s’il arrivait qu’ils s’occcupent d’autre chose, je vous soutiens que la monarchie est perdue. ( Applaudissements .) M. Le Chapelier, rapporteur. Ceux qui ont désapprouvé le projet se sont abandonnésà un seul sentiment; ils ont pensé combien il serait désavantageux et pénible pour nous de prolonger les séances dont nous avions presque in liqué le terme; ils ont craint qu’on ne nous accusât de vouloir nous perpétuer. Le comité a pesé pendant 2 jours ces considérations, et il a senti qu’elles ne balançaient pas le devoir qui nous est imposé de prendre sur notre responsabilité les dangers actuels, de donner à notre plan un système suivi, et de prouver à la France que 26 mois de travaux pénibles n’ont ni ralenti notre zèle, ni abattu notre courage. Il est vrai qu’on a accusé l’Assemblée de prolonger ses travaux ; mais cette calomnie cessera quand on verra tout ce que nous faisons pour le salut de l’Etat. Si vous voulez éviter le trouble et l’anarchie, adoptez les mesures que nous vous proposons : elles se bornent à suspendre pendant quelques instants les opérations des électeurs qui sont déjà, ou qui seront nommés par les assemblées primaires et à ordonner que ces électeurs surseoiront aux nominations auxquelles il devait être procédé d’après la loi du 29 mai dernier jusqu’au jour qui sera déterminé par vous. M. Gombert. La question préalable! Il y a déjà des députés nommés. Plusieurs membres : Qu’est-ce que cela fait? M. Le Chapelier, rapporteur. Nous ne demeurerons pas ici d’après ce décret; mais le travail nous commande. Nous prouverons que nous n’avons pas perdu de vue les moyens par lesquels nous voulons assurer la Constitution et le bonheur public. Nous ne devons pas laisser dans l’esprit des citoyens l’idée que nous puissions abandonner notre poste sans avoir assuré la liberté. J’ajoute aux observations de M. Rewbell, qui a parfaitement saisi les motifs du comité, que sans la mesure qui vous est proposée, dans la situation où nous sommes, dans un moment où vous sentez que tous les partis s’agitent, parce que les plus grandes passions des hommes sont mises en mouvement, vous courez le risque d’avoir dans le royaume 2 assemblées nationales existantes et 83 corps délibérants. Plusieurs membres : Aux voix le décret ! M. Babey. Nous altérons la confiance en laissant des soupçons sur l’étendue de notre durée. Je demande la question préalable sur le projet du comité. M. Emiuery. Aux voix le salut de la patrie ! 487 M. Le Chapelier, rapporteur. Je relis notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, mesurant toute l’étendue de ses obligations, et trouvant dans la confiance de la nation le droit et le devoir de prendre sur elle les dangers dont on a menacé la liberté française ; « Considérant que la tranquillité du royaume, l’achèvement de la Constitution dépendent de l’ensemble des moyens que l’Assemblée nationale vient d’employer, et de la suite qu’elle doit y apporter ; « Certaine que le courage et la modération du peuple français abrégeront les travaux de ses représentants; mais ne pouvant, dans le nouvel ordre d’événements où elle se trouve placée, marquer, sans compromettre la chose publique, l’époque précise de sa séparation, quelque zèle qu’elle mette à la rapprocher, et ne voulant laisser aucun doute sur la résolution où elle est de remplir le serment qu’elle a fait de remettre à la première législature le dépôt complet de la liberté publique et de la Constitution, croit donner à la nation une preuve nécessaire de son dévouement en suspendant pour quelques instants les opérations des électeurs qui sont déjà ou qui seront nommés par les assemblées primaires. « En conséquence, elle ordonne que les électeurs qui ont été ou qui seront nommés par les assemblées primaires ne se réuniront pas, et surseoiront aux nominations auxquelles il devait être procédé d’après la loi au 29 mai, jusqu’au jour qui sera déterminé par un décret de l’Assemblée nationale. » (Ce décret est mis au voix et adopté.) M. le Président. Voici une lettre du tribunal du district de Versailles : « Versailles, le 24 juin 1791. « Monsieur le Président, « Les corps administratifs du district de Versailles réunis ont dénoncé au tribunal du district de Versailles la dame d’Ossun, dame d’atour de la reine, comme prévenue d’avoir eu connaissance du départ dé la reine et de s’être échappée précipitamment de Paris pour aller la rejoindre. Elle était aussi prévenue d’avoir fait prendre de l’argent chez elle, et d’avoir donné ordre de brûler les lettres qui se trouveraient dans son écritoire. Ces faits, qui au premier abord ont eu un caractère important, se sont trouvés ainsi indifférents. C’est pourquoi le tribunal ne s’est pas cru autorisé à s’assurer de ladite dame d’Ossun qui, au surplus, est restée depuis à Versailles. « La dame d’Ossun a produit une lettre datée du lundi 20au soir, qu’elle a déclaré avoir reçue le lendemain 21 juin, et qu’elle a affirmé être de la reine, par laquelle on voit que la dite dame d’Ossun, bien loin d’être instruite du départ, ne l’a appris que depuis par cette lettre, le tribunal croit devoir adresser une expédition de cette lettre à l’Assemblée nationale, de laquelle il attend les ordres pour lui faire passer, si elle le juge à propos, l’original de ladite lettre, ét l’expédition de la procédure qu’a subie la dame d’Ossun et un de ses domestiques par la voie duquel on a découvert les faits ci-devant énoncés. » « Signé : Les administrateurs du district de Versailles. »